corpsaux couleurs , en collant les tableaux avant de
les vernir; c’eut été le feul moyen de les conferver
6ç de rendre en même teins à leur coloris fon ancienne
fraîcheur.
Les plus grands, morceaux de cette colleélion font
les moins nombreux, 6c n’ont guere plus de cinq
pieds de haut : les autres font la plupart comme nos
petits tableaux de chevalet ; plufieurs ont été trouves
entiers : il y en a cependant quelques-uns de mutiles
; mais il eft-étonnant qu’il n’y en ait pas davantage
, foit à caufe des diverses éruptions du Véfuve,
qui ont dû les endommager, foit à caufe del’humi-
d;te, occafionnée par les eaux, qui ont filtré au travers
des terres 6c des. cendres dont on a trouvé les
maifons remplies.
Tous ces tableaux font peints en détrempe, ainfi
qu’il eft aifé de s’en appercevoir, fur-tout dans ceux
qui ont été mutilés ; la couleur qui s’en eft enlevée
par écaillés , n’a laiffe qu’une impreffion verte,
jaune ou rouge, qu’on avoit étendue auparavant fur
l’enduit qui recouvroit la muraille. Il n’en feroit pas
de même fi ces morceaux euffent été peints à tref-
que ; car cette peinture qui ne s’arrête pas à la fuper-
cie , mais qui pénétré l’enduit de chaux & de fable,
fur lequel on . l’applique, n’auroit pu fe détacher
qu’avec l’enduit même. De plus, on fait que lafref-
que des anciens , ainfi que la nôtre , n’admettoit pas
certaines couleurs allez aélives pour pénétrer l'enduit
; au lieu que la détrempe les admet toutes indif-
tin&ement. Les tableaux d’Herculanum font dans ce
dernier cas : on y reconnoît, fans exception , toutes
fortes de couleurs, même celles qu’exclut la fref-
que. Enfin l’on a reconnu, jufques dans les morceaux
les mieux confervés , lorsqu’on les a fciés 6c enlevés
de deffus les murailles , qu’ils n’ét,oient tous peints
qu’en détrempe. Cette obfervation détruit le l'yftê-
me de ceux qui ont prétendu que les anciens n’a voient
pas, comme nous , le fecours de toutes les couleurs,
& qu’ils n’employoient les peintures à frefque, que
pour décorer leurs murailles & leurs voûtes.
Cette immenfe colleôion de peintures, qui s’accroît
tous les jours , & qui nous met fous les yeux
les productions des anciens peintres dans tous les
genres , prouve que les artiftes du premier ordre,
étoient aufli rares chez eux que parmi nous : dans la
defcription des peintures qui eft imprimée, on en
exalte un grand nombre qui font au-deflous du médiocre.
Nous nous bornerons ici aux ouvrages d’un
mérite diftingué, ou q u i, fans être bien remarquables
du côté de l’art, auront du moins quelques Angularités
capables de fixer les regards des curieux.
Commençons par les tableaux dont les figures font
de grandeur naturelle , ou qui en approchent.
Undes tableaux, les plus grands & les plus beaux
que l’on ait tire des fouilles d’Herculanum t repréfente
Théfée , vainqueur de Minotaure en Crete.
Ce tableau eft de forme cintrée : il a été enlevé de 7
l’une des deux niches qui étoient dans le bâtiment
que l’on a prétendu être le Forum ou Chalcidique
dont nous avons parlé. Théfée y eft vu de face: il eft
debout, nud, 6c de taille gigantefque , relativement
aux autres figures. Son manteau, jette négligemment
for J’épaule gauche , repaffe fur le bras du même
Côté : il tient fa maffue levée de la main gauche : à
l’un des doigts de cette main il a un anneau. Trois
jeunes Athéniens lui rendent leurs allions de grâces ;
l’un lui baife une main; l’autre lui prend le bras du
cote de fa maffue ;& le troifieme, profternéàfes
pieds , lui embrafle une jambe. Une jeune fille fe
joint à eux ; & portant la main fur la maffue du vainqueur
, femble lui témoigner fa reconnoiffance : on
croit qu’elle fort du labyrinthe , ainfi qu’une autre
perfonne, dont on ne découvre qu’une partie de la ,
tête , le furplus étant effacé. Le Minotaure eft renverfe
aux pieds de Théfée, fous la figure d’un hotn*
me atete de taureau, qui porte une main à l’une de
les cornes ; il a l’eftomac & l’une de fes épaules dé*
chirés par les coups qu’il a reçus. C’eft la première
fois qu’on le voit fous .cette forme : les médailles
antiques ne nous en fourniffent aucun exemple. La
deefle, proteClrice du héros, eft aflîfe fur un nuage
dans le haut du tableau , on la découvre jufqu’à la
tête .-elle eft appuyée d’une main fur le nuage, &
tient de l’autre fon arc & une fléché. Le côté où eft
la porte du labyrinthe eft très-mutilé.
On prétend que lorfque ce morceau a été découvert,
les couleurs en étoient bien plus vives qu’à
prefent. On les trouve cependant encore belles ,
quoiqu’un peu éteintes : la figure de Théfée eft noblement
compofée, elle a cependant quelque chofe
de froid; mais les trois jeunes gens font remués avec
beaucoup plus de chaleur; les mouvemens en font
pleins d’expreflions : celui qui embrafle la jambe du
vainqueur, furpaffe en cette partie les deux autres.
Cet ouvrage eft en général côrrelt de deflin , d’une
grande maniéré , mais il y régné peu d’intelligence
du clair-obfcur. Le mouvement du manteau du jeune
homme qui baife la main deThélée, ir’eft ni heureux
, ni dans le ftyle des autres draperies du même
tableau.
Un autre tableau de forme cintrée, a été trouvé
dans la fécondé niche du Forum dont on a parlé ci-
deffus ; les figures en font à peu-près grandes comme
nature. Le-fujet eft incertain , & a donné lieu à bien
des conjedures. Tous les përfonnages qui y font
repréfentés ont rapport à un enfant, qu’on préfume,
avec affez de vraifemblance, être Télephe, fils d’Her-
cule ; cet enfant eft allaité par une chevre , qui lut
Ieche la cuiffe en levant une jambe par derrière pour
le laiffer tetter avec plus de facilité. Une divinité
ailée 6c couronnée de lauriers, tient d’une main des
épis de bled, 6c de l’autre indique l’enfant en le
regardant. Hercule debout & appuyé fur fa maffue,
a lès yeux fixés fur lui. La déeffe Flore eft aflife vis-
à-vis d’Hercule, 6c a derrière elle le dieu Pan ; aux
deux côtés d Hercule, il y a un lion & un aigle, qui
ne contribuent pas peu à jetter de l’obfcurité fur ce
fujet. La compofition- de ce tableau eft bien liée, 6c
les attitudes en font expreflïves ; la Flore eft drapée
d’une bonne méthode , mais tous les airs de têtes ne
font pas afl'ez variés. Le caraltere de deflin , dans
le total de l’ouvrage, eft très-médiocre ; l’enfant eft
très-incorrell, 6c les animaux font mal rendus.
Achille, à qui le centaure Chiron enfeigne à jouer
de la ly r e , eft encore un beau tableau. Quoique la
figure du centaure ne foit pas bien deflînée, 6c qu’elle
n intereffe pas d’elle-même, cependant le haut de
cette figure fegrouppeau mieux avec celle d’Achille;
qui eft dans une attitude noble. Les contours de ce
dernier font coulans , le deflin en eft d’un beau
caraltere ; il eft même peint avec légéreté , & l’oq
y admire une belle dégradation de tons dans les pa t
fages des ombres à la lumière.
Un tableau de diverfes figures repréfentant une
jeune fille ,- ayant une main appuyée fur l’épaule
d’un jeune homme, 6c de l’autre lui ferrant le bras
comme par un mouvement d’affeltion. Ce jeune
homme eft entièrement vêtu ; il eft aflis , la tête
appuyée fur fa main , dans l’attitude d’une perfonne
penfive , ou qui fait attention à ce que lui lit un
autre jeune homme , qui eft aflis vis-à-vis de lui.
Ce dernier eft nud jufqu’à la ceinture, il tient d’une
main un papier , 6c de l’autre femble indiquer celui
dont nous avons parlé' le premier à qui il lit ce
papier. Deux femmes & un vieillard qui les écoute;
font dans des attitudes d’etonnement. On croit que
ce fujet eft Orefte reconnu, 6c tel qu’Euripide U
répréfente dans la tragédie d’Iphigénie en Tauride;
le jeune homme penfif eft Orefte ; la jeune fille qui
femble le ferrer de fes mains, eft Iphigénie ; celui
qui lit eft Pilade* L’ordonnance en eft belle., les têtes
en font très-expreflives , & les figures drapees d’un
bon ftyle* On y trouve même un affez bon effet de
lumière ; mais ce tableau laiffe beaucoup à defirer
du côté dif deflin &c du coloris,, le dos de l’homme
à mi-nu d qui lit , peche plus que tout le refte de
l’ouvrage dans ces deux parties de l’a r t, étant très-
incorrelt & d’un ton de brique défagréable. Ce morceau
a fouffert dans le bas , mais aux endroits les
moins eflentiels.
Un autre tableau repréfente, à ce que l’on prétend,
Oréfte 6c Pilade enchaînés 6c conduits par un
foldat du roi Toante devant la ftatue de Diane, qui
eft fur un autel, où l’on voit une patere 6c un pré-
féricule ; Iphigénie eft debout de l’autre côté de la
table, & les voit arriver ; elle a derrière elle deux
de fes fuivantes , dont l’une porte, dans un baflïn,
une lampe , 6c l’autre fe baiffe pour avoir le coffre
qui contient fans doute les inftrumens du facrifice.
Les deux figures d’Orefte &c de Pilade qui font prefque
nuds, font très-bien compofées, & d ’un deflin
pur ; mais elles font ifolées, 6c la compofition générale
n’eft point du tout liée»
Un petit tableau repréfentant un faune qui careffe
une bacchante renverfée ; elle tend un bras qui paffe
fur la tête du faune, comme fi elle vouloit fe retenir
à fes cheveux. Elle eft prefque entièrement nue, elle
n’a qu’ une cuiffe couverte d’une draperie rouge. On
voit auprès d’elle fa cymbale & fon tirfe , dont l’extrémité
finit par une touffe de lierre, & auquel pend
un ruban de la même couleur que fa draperie. Ce
gvouppe eft chaudement compofé , 6c les figures
ont beaucoup d’expreflion.
Un petit tableau de deux jeunes filles qui fe donnent
les mains en danfant. Le mouvement de leur
bras eft bien varié , 6c les grâces du coude y font
pbfervées ; mais les draperies y font affommées par
la confufion des plis.
Un autre petit tableau d’une danfeufe feule ; elle
eft nue jufqu’à la ceinture .& tient fa draperie. L’attitude
en eft gracieufe , les mouvemens en font bien
contraftés ; on trouve dans fes mains , dont les petits
doigts font écartés, des gentilleffes qu’on ne voit
pas ordinairement dans l’antique. La draperie en eft
moins confufe que celle des figures du tableau précédent
, 6c les plis de fes extrémités paroiffent être
moins lourds.
Une autre danfeufe touchant d’une cymbale à
grelots , femblable aux tambours de bafques dont
les Napolitains jouent aujourd’hui ; il y a de la fineffe
6c de la correltion dans le haut de cette figure. Elle
feroit plus intéreffante, s’il y avoit moins de confufion
dans les plis de fa draperie.
Une jeune fille tenant d’une main un rameau de
cedre, & de l’autre un fceptre d’o r , elle eft entièrement
drapée. La tête en eft vue de profil, 6c l’aju-
ftement de fa coëffure eft du meilleur goût ; elle a
des pendans d’oreilles de perles : le tour de cette
figure eft naturel ; 6c quoique les draperies faflènt
trop d’étalage , le mouvement que l’ait leur donne
en les faifant voltiger, eft exprimé avec une grande
vérité.
Une bacchante portée par un centaure ; la bacchante
eft prefque nue, fes cheveux flottent en l’air,
6c fa draperie qui voltige au gré du vent, laiffe fon
dos à découvert. L’attitude en eft auffi fiûguliere
qu’élegante , elle ne porte que d’un genou fur la
croupe du centaure, en fe tenant à fes cheveux
d’une main ; en même tems, pour le faire galopper,
elle lui donne du pied dans les reins ; de l’autre main,
elle tiënt fon tirfe , afin de l’aiguillonner davantage*
Ce grouppe, qui eft des plus finguliers, eft plein
de feu 6c d’expreflion, & il eft admirablement com-
pofé : la bacchante eft rendue avec autant de cor*
reltion que de fineffe de deflin > 6c fes draperies ne
manquent pas de légéreté.
Un autre centaure qui porte un jeune homme en
courant au galop ; le jeune homme eft devant le
centaure, 6c il n’eft retenu que par une main qui
lui paffe fur l’épaule. Le centaure touche d’une main
une lyre à trois cordes , qui eft appuyée fur fa
croupe, 6c de l’autre il fait réfonner la moitié
d’une crotale contre l’autre moitié de la même crotale
que tient le jeune homme. Ce tableau paroît
d’un deflin pur ; mais il eft compofé contre tout
principe d’équilibre , étant impoflible que le jeune
homme puiffe fe foutenir en l’air dans l’attitude où
il eft.
On a remarqué que dans prefque tous ces petits
tableaux , fur-tout dans ceux dont les figures font
feules, les peintres, pour éviter l’embarras des fites,
fe font contentés de faire des fonds unis , d’une
teinte rougeâtre ou brune, ou dans d’autres couleurs
très-foncées.
Un grand nombre de tableaux repréfentant des
enfans, des amours ou des génies ailés , occupés à
différens travaux , comme à chafler , à faire réfonner
des inftrumens, ou à des jeux, des danfes 6c
autres exercices. Celui de ces petits tableaux où
l ’on voit des enfarts vignerons, eft digne d’attention,
fur-tout à caufe de la forme du preffoir antique : il
en donne une idée plus nette que celle qu’on trou-
voit dans Vitruve, Pline 6c autres anciens auteurs*
Il faut voir la gravure qui en a été faite dans le livre
des piiturt anùche d.’Ercolano. Nous nous contenterons
ici d’obferver que ces enfans font tous d’une
nature un peu avancée, 6c compofés froidement ;
ils n’ont point l’enjouement des grâces enfantines.
Il y en a cependant dont les attitudes ont une certaine
vérité , 6c qui font paffablement peints.
Plufieurs tableaux d’animaux où il y a des paons,
des coqs , des poules, des canards, dès cailles, des
tigres 6c dès poiffons ; quelques-uns font affez bien
imités 6c d’une touche fpiriiuelle.
Des tableaux de fruits, où l’on a repréfenté, fur-
tout des raifins, des figues 6c des dattes : iis font
touchés librement 6c peu terminés.
Une grande quantité de tableaux d’ornemens, ou,
pour mieux dire , des fragmens de frifes en arabef-
que , dont quelques-uns font d’affez bon goût de
deflin ; mais il n’y en a prefqu’aucune de bien
peinte.
Beaucoup de payfages mal rendus, & où il y a
des bâtimens qui fourmillent de fautes de per-
fpeltive.
Des tableaux d’architeéftire, dont le genre eft fi
bizarre, qu’on croit y trouver en général un mélange
de goût gothique , àrabefqùe 6c chinois, 6c fouvent
une imitation extravagante de l’ordre ionique.
Deux marines : la première repréfente quatre
vaifleaux, dont l’un en partie confumé par les flammes,
eft brilé contre un écueil ; on combat avec
acharnement lur les trois autres : il y en a un fur
lequel s’élève une tour où font les enfeignes de
de Rome : au milieu de la mer, on découvre une
petite île avec un temple entre deux arbres , à côté
duquel il y a un Neptune le trident à la main ; devant
ce temple eft placé un autel. On voit dans la même
île un foldat armé d’une pique , d’un calque & d’un
bouclier ; une figure que l’on diftingué mal, parce
qu’elle eft prefque toute effacée , femble fortir de la
mer. Ce tableau eft mauvais, & n’a d’autre mérite
que celui de nous laiffer en ce genre de peinture