diftânce, & qu’en outre on lui donne des demi-braillards
ôc un calque en état de parer au moins les coups
d’armes blanches. Il eft fur qu’un homme qui a de
bonnes armes en main, & qui le lent la tête, la poitrine
, & la principale partie des bras à couvert des
bleffiires doit le battre avec plus de. courage ôc d’af-
furance ( c ) . A la bataille de Tours la plus importante
qu’il y ait peut- être eu en Europe, les Arabes
au nombre de quatre cens mille, fans armes défen-
lives, furent taillés en pièces par trente mille Francs
qui étoient couverts de fer. On trouve dans l’hiftoire
quantité d’exemples de cette efpece, mais leur multiplicité
n’eft: pas nécelfaire pour faire fentir une vérité
qui fe préfente fi naturellement à l’efprit.
On a cru en quittant la pique que le fufil avec fa
baïonnette à douille pourroitla fuppléer ; Ôc depuis
que ce changement eft arrivé, plufieurs taéliciens [d)
ont adopte cette idée, ôc fait tous leurs efforts pour la
perpétuer, en démontrant par des raifonnemens ôc
des calculs, que la force de l’infanterie pour la réfif-
tance, ôc fon impulfion pour le choc, réfident dans
une certaine profondeur de files ; d’autres , quoique
dans ces memes principes, ont infifté pour les armes
longues: mais puifqu’il eft vrai que l’ordre profond
donne tant d’avantages à d’infanterie dans l’attaque'
comme dans la defenfe, il eft bien certain qu’on ne
peut mieux faire que de rétablir les armes de longueur
d’autant que le fuccès fi defirable dans toutes
les opérations dé la guerre en fera bien plus affuré.
C eft en raifonnant de la forte que nous nous fommes
décidés pour la pique ; ôc nous avons fenti que fi
nous pouvions parvenir à la réunir avec le fufil dans
une- même main d’une maniéré commode & fûre il
ne relierait plus d'objeâions à faire fur le mélange
des armes. Cette derniere idée a déjà donné lieu à
plufiexirs inventions; les uns ont propofé d’alonger
le fufil & la baïonnette; les autres, feulement la
baïonnette : ceux-ci , la baïonnette & la croffe;
ceux - là , d’ajouter au fufü une demi - pique de fer,
mobile par un reffort, adapte à l’antérieur du canon :
& tout nouvellement M. de M aizeroy, dans la même
vue que ces derniers, a publié une arme de fon invention
, qu’il appelle pique-à-feu {fig. /, delapl.
des piques, dans ce Suppl. Art milit. armes & machines
de guerre.): mais fi cette arme eft plus légère que le
fufd-pique, elle réunit moins d’avantages, ôc prefente
avec cela plufieurs inconvéniens 3 que cet auteur
femble lui-même avoir reconnus lorfqu’il dit : Au Jur-
plus f i Von trouve quelqu'inconvénient dans ma pique-à-
feu, qu’on fe ferye , j ’y confens , d'une fimple pertui-
fanne longue de huit pieds, ÔCc.
Il refte encore une objeélion, qu’on oppofe toujours,
quoique généralement mauvaife, à toutes les
nouvelles idées militaires. Si 1 e fufil-pique, dira-t-
on, eft fi avantageux, nos ennemis s’en ferviront contre
nous : oui fans doute ils pourront en venir là ; mais
èn attendant nous aurons eu des fuccès. Lorfque nos
ennemis auront pris les mêmes armes, nous nous
retrouverons au pair, & notre avantage ceflëra •
rien, fi-l’on veut, n’eft plus pofitif ; mais alsrs nous
aurons fait le pas le plus difficile ; accoutumés à joindre
l ’ennemi, à méprifer fon feu 8cà le combattre avec
Vf), V e« lav,s de Montecuculli & de beaucoup d’autre
apres lui. Cet auteur fait mention d’un bouclier compofé d
deux cuirs préparés dans le vinaigre, qui, appliqués l’uncontr
1 autre, reliltent au coup Acfufil.hu découverte d’un tel fecre
feroit tres-prccieule , puifqn’on pourroit en profiter -pour fart
1 armure du foldat ; c’eft bien le cas d’offrir un bon prix au ore
mier qui trouverait une arme défenftve de cette efpece oi
quelqu’autre qui, par fa.réfiftance, fon poids & fon prix,Vol
praticable pour 1 infanterie. r
(ƒ ) On ne prétend parier, ici q„e des partifans de l’ordr.
profond, fans lequel nous ne fommes pas perfuadés qu’un
«roupe d infanterie pmffe refifter à l’attaque d’une cavalerie Ko,
.corupofée, aguerrie & bien menée.
toutes fortes d’armes: nous nous trouverons enfin
dans cet état de force qui de tout tems a été bien plus
commun à notre nation, qu’à toute autre de celles
auxquelles elle a ordinairement affaire, qui eft fingu-
liérement l’effet de cette heureufe vivacité qui la
caraètérife, ôc le feul propre à lui donner toujours
fûrement 5c promptement raifon de les ennemis. En
un mot, fi le fufil-pique peut quelque jour avoir
donné lieu à ce changement fi fort à délirer dans
notre infanterie, il aura été, nous l’ofons dire, d’une
utilité inappréciable à la France. ( M. D . L. R. )
Fusil de MUNITION,,( Fabrique des armes. ) Le
fufil eft l’arme de l’infanterie 5c des dragons qui fervent
à pied : le fufil 9 armé de fa baïonnette réunit le
double avantage d’être en même tems, arme à feu ÔC
arme blanche ; il a même beaucoup plus de puiffance
qu’aucune autre arme blanche aâuellemenr en ufa-
ge, foit par fa maflè qui eft plus grande , foit parce
qu’on emploie la force des deux bras à la fois, pour
s’en fervir. Ce double avantage me paroît décider ,
en faveur de nos fufils, la queftion fi fou vent agitée
fur le mérite des armes anciennes 6c nouvelles. Je
doute d’ailleurs que l’arc ; l’arbalête ôc la fronde
portaffent aufli loin 5c auffi jufte que nos fufils, quoi
qu’en aient dit le chevalier de Folard ôc le P. Danie
l, partifans, quelquefois outrés, des anciennes
ärmes. Sans entrer ici dans cette difcliffion , j ’établirai
, comme une chofe avérée, que la portée di*
fufil de munition, tiré à peu près horizontalement,
eft d’environ deux cens toifes 5c de fept à huit cens
fous un angle bien au-deffous de 45 dégrés : diftance
prodigieufe, après laquelle la balle peut faire encore
un très-grand mal. Ces faits font fondés fur l’expérience
ôc fur des exemples dont nous avons été témoins
6c qu’aucun militaire qui a vu des fieges 6c des batailles,
ne pourra révoquer en doute. II réfulte encore
de la forme de nos fufils, qu’ils font bien plus
aifés à porter, à manier 5c à exécuter que ne l’étoient
les petites armes de jet des anciens: tout l’art eonfifte
à les bien charger, à appuyer laeroffe à l ’épaule, ôc
à diriger le rayon vifuel le long du tonnerre, vers
l’objet que l’on vife ; il ne faut point d’effort pour
tendre le reffort, il fe détend fans fe confie Scia balle
a déjà frappé le but.
Le fufil de munition armé de fa baïonnette, pefe
environ neuf livres 5c demie. ( Voyé{ fig. r. pi. IV.
Fabr. des armes, Fufil de mun. Suppl.) toutes les pièces
dont il eft compofé confiftent en un canon, une baguette,
une plaque de couche? une détente, une
piece dedétente,une fous-garde,deux grenadieres,
un embouchoir., une capucine, une contre-platine
ou porte-vis, 5c une platine. Toutes ces pièces, excepté
le canon, la platine ôc la baguette, s’appellent
la garniture du fu fil, elle doivent être bien jointes ère
bois, fabriquées avec de bon fe r , bien polies 5c fans
criques. L’embouchoir, la grenadiere du milieu ôc
la capucine, fuppléent les porte-baguettes, qü’ora
a abandonnés avec raifon, 6c qui leur font bien préférables
parla facilité qu’elles procurent de démonter
aifément le canon de deffusle bois, toutes les fois
qu’on veut le nétoyer 5c le laver : un autre avantage
qui n’eft pas moins précieux , c’eft que, par le moyen
des garnitures; il n’y à plus de goupilles au-devant
du bois qui étoit expofé à fe fendre , lorfque le foldat
démontoit fon arme : tout ce quife trouvoit fous
fa main, luifervant, en ce cas* de pouffe-goupille.
Les bois d es fufils de munitioÿ. font de noyer; ore
obferve de ne les employer qu’après trois ans de
coupe. Le bois s’appelle auffi le fufil ou la monture
du fufil: il faut qu’il foit de fil, Vain, fansnoeuds ni
gèrfure ; car on n’y fouffre ni ,colle ni piece ; les plus
beaux bois font bruns ôc veinés, ce qui dépend de
leur âge 6c de la nature du terrein oli ils ont cru : les
bois blancs de brin,5c non debranches,lorfqu’ilsfont
de fil 8c fans noeuds, font auffi d’un excellent fer-
vice : la meilleure maniéré de les confervereft de les
frotter de tems en tems , avec un morceau de ferge
ou de drap trempé dans l ’huile. Les ouvriers chargés
de monter les fufils, dans les manufaÛurfes d’armes
»s’appellentmonteurs : il y en a dedeuxefpeces,
qu’on diftingue fous les dénominations de monteurs
en blanche d’équipeurs-monteurs. Les premiers préparent
ôc coupent fimplementles bois, creufent le canal
oii doit fe loger le canon, celui de la baguette, le
gîte oii doit fe placer la platine, celui de la plaque de
bouche,&c. 5c l’équipeur ajufte toutes ces pièces fur
le bois: l’équipeur-monteur coupe les bois Ôc les
équipe.
Le canal de la baguette exige beaucoup d’attention
delà part du monteur : comme il eft couvert par
le bois dans une grande partie de fa longueur, l’ouvrier
travaille à tâtons; fi lameche celle d’aller droit
5c s’écarte du côté de la platine, la baguette, en
la remettant à fa place, pourroit faire partir le fufil
5c occafionner des accidens.
Le gîte de ,1a platine doit être coupé net ôc fans
bavure , de maniéré que toutes fes pièces intérieures
n’éprouvent aucun frottement, fans quoi le jeu en
feroit gêné 5c pourroit l’être à tel point, que la machine
leroit fans effet.
Quelque fecs que foient les bois, ils travaillent
toujours : il faut a.voir l’attention de ne pas trop ferrer
les v is , fur-tout les deux grandes qui tiennent la
platine ; autrement on trouveroit, après quelques
mois, les bois fendus, fur les râteliers des falles
d’armes.
Pour mettre aifément le fufil en joue ôc bienajuf-
ter l’objet que l’on vife, il faut que la croffe ait une
certaine courbure qu’on appelle la pente : on a peut-
être facrifié des avantages réels à la guerre, aux grâces
Ôc au brillant des exercices de parade ; on vouloit
les fufils droits ou très-peu pentes, parce qu’ils fe
portent aifément Sc font un meilleur effet fur l’épaule
du foldat, mais étant ainfi montés, on ne peut ni les
mettre en joue ni ajufter : la queftion fe réduit à déterminer
fi l’objet du fufil eft d’être porté avec grâc
e , dans des exercices de parade, ou de faire le plus
grand effet à la guerre. On a voulu auffi qu’ils euffent
line certaine réfonnance, un cliquetis qui marquaffent
tous les tems de l’exercice : pour 1,’obtenir, on a râpé
les bois, fous les garnitures, afin qu’elles balotaf-
ient : on a fait rougir , ôc par conféquent, détrempé
les baguettes pour qu’ elles remuaffent dans leur canal,
qu’on élargiffoit, par ce moyen: on a noirci les
bois avec des compofitions corrofives qui les ont
deflechés & caffés:on a poli les canons avec des bru-
niffoirs d’acier tranchans, ôc on les a tellement diminues
d’epaiffeur, qu’ils font devenus d’un dangereux
fervice : on a fait enfin tout ce qu’on a pu pour gâter
ôc rendre inutiles, des armes,à la fabrication def-
quelles on avoit apporté tous les loins que leur importance
exige. Quelques années de guerre ramèneront
les vrais principes, remettront les chofes dans
leur état naturel ôc l’on facrifiera, fans regrettes prétendus
agrémens à des avantages réels;
De toutes les pièces qui entrent dans la compofi-
tiondufufil, la plus importante eft le canon ( Voy.
Canon , Suppl. ) : s’il creve, il eftropie, il tué l’infortuné
qui s’en fervoit avec confiance ôt les malheureux
qui fetrouvent à portée Ôc dans la dire&ion
des éclats qui s’en détachent. On ne" peut donc apporter
^trop de foin à la compofition ôc à la fabrication
de la maquette qui'doit produire le canon. Voy.
Maquette dans ce Suppl.
La baguette du fufil de munition ( Voy t pl. IV.
fig. A ) eft d’acier, depuis l’extrémité qui eft tarau-
dee , pour recevoir un tire-bourre , jufqu’à la tête,
<ju on fait de fer à deflein ; fi cette tête étoit d’acier,
elle gâteroit en peu de tems ôc refouleroit
le bouton de la culaffe qui eft de fery. ôc fur lequel
elle eft pouffée fréquemment ôc avec violence, lorfque
le foldat fait l’exercice : il pourroit d’ailleurs,
en campagne, fe trouver quelque petit gravier dans
le canon qui, faifant feu, fi la tête de la baguette étoit
d acier, pourroit le communiquer à la charge ôc
occafionner des accidens.
La baguette eft trempée ôc recuite: on lui fait fu-
bir des épreuves violentes : il faut qu’elle plie fur
les quatre faces ou alternativement, quatre fois en
fens contraire, en forte qu’elle faffe à chaque fois un
arc dont la fléché ait huit à neuf pouces, ôc qu’elle
fe rétabliffe parfaitement droite; fi la trempe en eft
feche, elle cafferera à cette épreuve, ou bien-tôt
après à un léger effort: fi la trempe eft molle, elle
pliera ôc reliera courbée; l’art confifteroit à faifir un
jufte milieu, entre ces deux extrémités. Une trempe
un peu molle me paroît cependant toujours préférable
: la baguette, à la vérité, pourroit fe fauffer ,
mais onia redrefferoit aifément, au lieu que, lorf-
qu’elle eft caffée, le foldat ne peut plus faire ufage
de fon fufil. '
La plaque de couche ( F’oy.fg. B ) doitêtrë forte
ôc épaiffe, car cette piece fatigue beaucoup lorfque
le foldat, dans les exercices, s’appuie brufquement
fur laeroffe du fufil : la plaque eft contenue par deux
vis en bois, l’une deffus Ôc l’autre fous la croffe.
La piece de détente eft une petite plaque de fer
( v°y-fi§- C- ) percée d’une mortaife par où paffe la
détente, ( Voy. fig. N ) qui va rencontrer la gâchette
en dedans du bois du fufil. En preffant la détente avec
le doigt, elle appuie fur la gâchette , laquelle preffant
à fon tour le reffort qui la contenoit, fon bec
fort du cran du bandé ôc le chien s’abat fur la batterie.
La détente eft percée pour donner paffage à une
goupille qui la fixe à fa place ôc fur laquelle elle
tourne. L’extrémité arrondie de la piece de détente
en dedans eft une élévation de fer que les ouvriers
appellent une boutrolle , dans laquelle eft pratiqué
l’écrou où la vis de la culaffe vient s’engager.
La fous-garde ( Voy. fig. D ) a trois parties: la
feuille poftérieure ; fixée par une vis en bois; la feuille
antérieure, fixée par le bouton de la grenadiere
d’en-bas qui la traverfe ôc eft arrêté par une forte
goupille, ôc le pontet qui eft arrondi, pour couvrir
la détente ôc donner paffage au doigt, qu’on appuie
deffiis lorfqu’on veut faire partir le fufil.
La grenadiere du milieu ( Voy. figure E ) eft un
anneau qui embraffe le canon ôc le bois, il porte en
deffous un battant en forme de triangle ferré,aux deux
côtés d’un bouton qu’il traverfe parle fommet d’un
de fes angles : en forte qu’il peut s’élever Ôc s’abatre
fans pouvoir tourner. Le bouton de la grenadiere
d’en-bas, ( Voy.fig. I ) porte un pareil battant: on
paffe dans l’un ôc l ’autre une courroie, qui s’alonge
ôc s’accourcit par le moyen d’une boucle, fuivant le
befoin, lorfque le foldat porte le fufil en bandoulière
ôc fur l’épaule.
L’embouchoir ( Voy. fig. G ) embraffe le bois &
l’extrémité fupérieure du canon , par deux viroles
qu’on appelle les barres de Vembouchoir : il eft fuffi-
famnjent évafé en deffous, en forme de bec de pot
à eau, pour faciliter l ’entrée de la baguette. Il eft
placé à l’extrémité du bois, à trois pouces trois lignes
du bout du canon,afin que la douille de la baïonnette
, qui a trois pouces deux lignes de longueur,
ne foit pas gênée par le bois,lorfqu’on la met au bout
du canon. L’embouchoir ôc la grenadiere du milieu
font fixés dans leur pofition par un petit crochet a
reffort, portant fa goupille : ces deux piece concourent,
avec la capucine , ;! fixer le canon dans
une pofition confiante fur le bois.
La capucine [Voy. fig, F1) prend fon nom de la