de recevoir pour étalons des chevaux de la race du
pays j qui viennent des jumens du- pays, quelque
parfaits que foient les peres, ou qu’ils puiffent être
eux-mêmes ; s’ils font affez beaux pour en tirer
race , on doit abfolument les changer de pays ou
de canton , pourvu que les étalons foient de taille *
6c n’aient point de défauts greffiers ; ce qui n’arrive
pas toujours, on s’en contente, & l ’on s’embarrafl'é
peu de fon affortiment. Un autre inconvénient qui
anéantira toujours , du moins en partie , le bien
qu’on tircroit des haras f eft la multitude de chevaux
& de poulains entiers qu’on abandonne dans les
pâtures avec les jumens. Ils entretiennent les chaleurs
de celles-ci , 6c détruifent le fruit de l’étalon
dès les premiers inftans.de la conception. Tout cheval
entier, au-deffus de dix-huit mois, doit être ,
comme nous l’avons déjà dit * exaûement féparé
des jumens , même pour fon propre avantage. Il
s’énerve f i on le l a i fie fauter avant quatre ans , âge
auquel il a pris pour l’ordinaire fon parfait accroif-
fement. Il eft dû trois fauts à chaque jument ; la
monte dure quatre mois au plus, 6c l’étalon doit
avoir au moins un jour plein de repos après quatre
fauts. Si on lui en donnoit davantage , fon opération
feroit bien plus fûre , il ne peut donc fervir que dix-
fept ou dix-huit jumens , 6c c’eft un abus manifefte
d’en marquer un plus grand nombre, quelquefois
jufqu’à trente pour un étalon.
Le garde-étalon eft ordinairement le plus riche
du lieu , qui ne prend cette place que pour jouir des
rétributions 6c des privilèges qui y font attachés ;
du refte fe fouciant très-peu que fort cheval faffe
des poulains ou non ; ils s’en trouve même qui font
jaloux de leur étalon, 6c qui, la veille du faut de la jument
du particulier., font couvrir une des leurs, afin
que celle du particulier foit trompée. Il eft jufte fans
doute que ces gardes-étalons foient indemnifés de
l’achat, de la nourriture, du foin 6c des périls de l’étalon,
qu’ils foientmême récompenfés ; mais la récom-
penfe devroit être plus ou moins grande , fuivant
qu’elle eft plus ou moins méritée;&rien n’eft fi facile
à exécuter. Je fuppofe que le garde-étalon tire de
fon cheval, en argent , par fes exemptions d’impôts
, par les droits de monte, &c. ( je ne parle point
' des privilèges perfonnels ) une fomme de cent-
vingt livres , pour fervir feize jumens, de ce nombre
j’ôte le quart pour les jumens qui ne feront pas
fécondées. Il reftera douze jumens qui doivent être
pleines, fur lefquelles en répartiffant la même fomme
de cent-vingt livres , on pourra fixer la rétribution
due au garde-étalon ; à une piftole par jument
pleine, en n’en marquant que feize par étalon.
Cette fomme fera prife 6c rejettée fur l’impôt de la
taille , payable fur les certificats des propriétaires
de jumens, fignés de deux principaux habitans, pour
plus d’authencité, & fous des peines rigoureufes fi
le certificat étoit trouvé faux. Par cette adminiftration
il feroit de l’intérêt du garde-étalon de prendre
toutes lés précautions poffibles pour faire engendrer
le plus grand nombre de poulains, 6c dé.choifir les
jumens qui feront les plus propres à en porter. Le
particulier paroîtroit ne plus rien payer pour le faut
de fes jumens , 6c être délivré d’un impôt qu’il regarde
comme unè vexations
11 ne fuffit pas de créer le poulain, il faut l’élever,
6c par des foins affidus le faire valoir tout ce qu’il
peut être. L’avantage d’un poulain dont on ne jouira
qu’après trois ou quatre ans , s’évanouit dans l’éloignement
; le propriétaire fe décourage , il néglige
les foins convenables ; le pbulain dépérit , & finit
par être auffi défeâueux que les moindres du
pays.
; On engageront aifément les propriétaires à fe
porter aux vues du gouvernement, 6c à leur propre
intérêt, par quelques légères gratifications accordées
chaque annee à ceux qui auroient'* lès plu$;
beaux poulains , 6c les -mieux entretenus.«; A'tfcUnei-
dépenfe ne pourroit être, plus avantageufe ni plus
lucrative. Il eni eft de même 'des jumens ; il feroit
bien avantageux de-les avoir plus'parfaites, par èôn-
léquent de rëcdfapenfer éetix qui en auroient de
grande taille, de bien eoffrées- ,<&c.
• Un directeur, un infpeflehr' des haras j ou celui
qui travaille à lés maintenir & à les perfe,iftibnner ,
ne doit être gêné -dans aiicuhe de les opérations.1
Suivant les occurrences 6c les degrés 'd’a'mélibra-
tion , i l. s’en préfente de nouvelles ; ou' tëtyé qui
étoit néceffaire dans un teins , peut devenir inutile
dans un autre-, c’eft à lui d'en juger, à faite‘des
réglemens fuivant les circonftanCés, 6c fuivant l’état
préfent des chôfès. Mais afin que fes vues foient
remplies, il doit s’attirer une confiance entière & méritée.
Les hommes en ayant ordinâirèment pour ceux
qu’ils refpe’élent , ori ne doit point avilir l’hilpec-
teur, ni l’infpèéïéur s’avilir lui-même. Il lie devroit
avoir aucun intérêt perfonnel à démêler1avec les
gardes-étalons , ni avec les propriétaire^ ; ainfi le
droit qu’il perçoit, à chaque changement d’étalon de
la part du garde, devrôit êtrè abrogé. Jamais il,ne
doit fe charger de fournir pu faire fournir les étalons
, puifque c’eft à lui à les examiner, les recevoir
ou refuferlorfqu’ils font achetés ôipréfentés
par les gardes-étalons; Jamais lés >gardes-karàs ou
marqueurs de jumens ne doivent fe faire payer ni
défrayer parles gardes-étalons ,’ou par les propriétaires
dés jumens. Les propos indécens, les foupçons
injurieux qui peuvent naître en conféquence , quoique
mal-fondés , portent toujours quelqu’âtteinte à
là réputation d’un fupérieur, que la malignité humaine
tâché avec plaifir de trouver en faute ; dès-
lors tout ce qu’il fera obligé de faire fera mal interprété
; on ne s’y foumettrà que par force , avec défiance
, 6c tout fera moins bien.
Un infpeûeur doit faire des revues fréqù'éntes des
étalons, pour corriger, s’il eft poffible , lësinconvé-
niens qu’il obfervera. Ces vifites doivent être fou-
vent particulières 6c imprévues fur les lieux même.
Ce n’eft point par une revue généralé annoncée
plufieurs mois d’avance , que l’on peut juger
de l’état de tous ces chevaiux , toujours brillans
dans ces occafions , & préparés de longue main.
Les particuliers ne font point, affez inftruits, il
feroit à propos qu’on dreflât un regiftre qui fût dé-
po le dqns chaque communauté, lequel renferme-
roit un détail exaét des obligations, des droits, privilèges,
&c. des gardes-étalons, des qualités requi-
fes pour un étalon , des défauts qui doivent le faire
rejetter Ou réformer , de la taille, des qualités, que
doivent avoir les jumens, des exemptions 6c gratifications
qu’elles peuvent efpérer, ainfi que les poulains
; une inftruftiôn fur [’éducation de ces, derniers
; enfin tout ce qui concerne les haras, & même
les maladies des chevaux. Chacun auroit communication
de la loi, 6c verroit clairement ce qui lui eft
dû , ce qu’il doit, ce qui lui eft avantageux , ce qui
lui eftnuifible.
Les direfteurs ou infpetteurs devroient tenir, auffi
un état de tous les chevaux de leur département, dé
leur nombre , de leur forme , de leur qualité, des
fruits qui en font provenus , des obfervations qu’ils
auront faites ; ces états réunis fournir oient une
connoiflance exafte du nombre des chevaux , 6c
des qualités dominantes d’un royaume , ils contri-
bueroient encore infiniment à la perfection des
haras. , . .
Enfin les étalons de choix ne peuvent être trop
multipliés , plus ils feront nombreux , plutôt les
race$
races feront changées, plutôt les particuliers perdront
l’habitude d’avoir- de ces chevaux d’écurie ,
qui ne fervent qu’à perpétuer les défauts du pays,
6c à détruire ce que les étalons auroient produit.
Il fera donc avantageux de faire rechercher l’état
de garde-étalon, en le rendant affez’lucratif pour
être déliré ; ce qui donneroit lieu d’exiger de plus
beaux étalons, 6c de punir plus rigoureufëment les
contraventions ; on objectera fans doute qu’en multipliant
ces places, on augmenteroit les charges des
communautés, les exemptions prifes fur la taille
étant réparties fur les habitans; mais cet inconvénient
imaginaire ne doit pas tenir vis-à-vis du bien
réel qui réfulteroit de ces établiffemens. S’il eft vrai
que l’impôt foit augmenté, il l’eft légèrement pour
chacun , il fera compenfé 6c au - delà par une nouvelle
branche de commerce plus avantageufe pour
le laboureur ; le manouvrier qui participe toujours
du meilleur être du laboureur, parce que celui-ci le
fait plus travailler 6c le paie plus cher, y trouvera
auffi fon avantage ; les chevaux étant plus forts,
plus vigoureux, les exportations deviendront moins
difpendieufes 6c plus faciles, toute efpece de commerce
deviendra plus floriffante. Le laboureur
ayant des chevaux d’une certaine valeur, les ménagera
davantage , en aura plus de foin , les conservera
plus long-tëms , ou les vendra plus chèrement.
Les haras du royaume feroient beaucoup plus
parfaits , fi les étalons qui fervent dans ces haras
etoient achetés, entretenus 6c nourris par la province.
Alors on les raffembleroit tous dans un même
lieu , éloignés des jumens , .fous la conduite & la
direêhon d’une perfonne intelligente 6c infiruite.
Tout le monde n’eft pas capable de foigner des étalons
a>mme il faut ; 6c s’ils ne font pas bien foignés ,
ils dépériront ou feront des maladies qui les mettront
hors de fervice : ils doivent être nourris 6c exercés
chacun fuivant leur nature.. Par cette méthode
ils" s’entretiendroient en bon état, auroient plus de
durée, 6c dans le tems de la monte qu’on lés dif-
îribueroit dans les différens cantons , on feroit
affuré de leur vigueur & de l’efficacité de leurs fer-
vices. Un autre avantage bien plus confidérable que
produiroit cet arrangement, feroit de les changer
de canton ou d’arrondiffemênt , tous les trois ou
quatre ans , ce qui donneroit un aecroiflèment de
race abfolument néceffaire & effentiel à la perfection
du haras, ce que l’on ne peut obtenir lorfque
les étalons appartiennent aux particuliers. Les frais
n en feroient j)as plus charges ; au contraire cette
difpofition, en faifant le bien de la chofe, fupprime-
roit encore une infinité de privilèges perfonnels
dont jouiffent les gardes-étalons , & qui font onéreux
aux communautés dans lefquelles ces gardes
font établis. On pourroit encore, pendant l’hiver
tirer des fervices utiles des étalons pour les travaux
publics ; l’exercice bien ménagé leur eft néceffaire
6c falutaire. Tous les avantages de ce projet exécuté
en quelques endroits avec fuccès, devroient engager
à l’adopter, 6c à Le mettre en exécution dans
iops les haras du royaume ; prenons par exemple
la Champagne.
On voit aujourd’hui s’élever dans cette province
une nouvelle race dé chevaux, fupérieure à l’ancienne
en taille , en figure & en force. On trouve
ueja nombre de jeunes chevaux, finon de diftinttion,
du moins beaucoup moins imparfaits que les naturels
du pays qui fubfiftent encore. Mais pour parve-
nir à un plus grand dégré de perfe&ion dont la poffi-
Ü B I e“ P£ouvée par cet heureux commencement,
i lelt nec.ellaire avoir recours à de nouvelles opéra-
Jions qui paroiffent exiger des changemens dans
ladnnmftra ion aftpelle. On fait, & U eft démontré lorne llU ■ ■
par l’expérience, qu’en tout genre, p o u r foutenir
& augmenter la beauté de l’efpeçe, il eft indifpen-
■ I de " “ ‘ fer iles races , c’eft.à-dire de prendre
toujours des individus étrangers pour chefs £c peres,
Em B de ne ian>ais permettre que
le/meme tudtvtdu s’alite avec fa poftérité ; autrement ’
on vonb.eutot cette poftérité fe détériorer,,&::ïa
race retomber dans, fon premier état d’imperfecf,
tion: gn changeant à chaque génération l’individW
qui coopère e plus, qui doit fervir de modèle '
on diminue de plus en plus'les défauts dont- ces'
générations peuvent être attaquées ; & ce n’eft
que par ce moyen que l ’qn peqt parvenir à les
détruire entièrement, lors toutefois 'que le climat
. y ‘ ol le .permettent. Ce principe inconteftabîe
n eft pas maimnbm iesjiams .que .pour toute autre
equeatton. Il eft perfection d e
qesfletabl,ffemens, qu’un étalon ne ferve-jamais fa
polteritc; & comme cette poftérité commence elle-
mêWq a être en état d’engendrer, à. l’âge de trois on
quatie ans , il eft mdifpenfable alors de lui fournir
un étalon etranger, q u i, s’il eft permis Üe lé 'âire 1
ne lui foit point parent, & n’ait point la ta'che i s
famille.
Pour y parvenir,, il faut donc 'pêm les ttois.o«-
quatre ans, au plus tard,, changer les départemens
des étalons, en les éloignant le plus qu’il eft poffible :
mais cette opération eft autfi impraticable dans l’ad-
nnnlftration aelueüe, pii ces étalons, appartiennent
aux particuliers,font partie de leur bien , qu’elfo
teroit aifée &,,facil,e à exécuter, fi tous ces chevaux;
appartenqient à.la province en général; d’ailleurs'
les avantages qui réfulteroient, de ce nouveau plan
autres, même que ceux qui concernent les haras *
pourroient peut-être faire defirer parles perfonnel
intereffées , qu’il fût adopté, le vais tâcher d’établir
Si de prefenter ces avantages fans partialité.
- î-esproprietaires des étalons,jouiffent, en confé-
quence de la garde de ce clteyâff/d’éxemptions pécûi
maires, de privilèges perfonnels , & de droits de
monte , amfi que du fervice de cet animal pendant
la plus grande partie de l’année.; Les privilèges per-
(onnels & les droits de monte , çbmme plus, anpa-
rens, font regardés , par la plupart des antres habi,'
fans, comme un impôt onéreux : les premiers parce
que le garde-étalon ne partage point les. charges
publiques ; les autres:, par la rétribution pécuniaire
qui eft due par jument à ce garde! C ’eft.apparem,
ment pour ne pas multiplier ces rétributions Si les
plaintes qu'elles occafionnent j qXie'chaque propriétaire
de jumens n’en fournit que deux û l’étalon :
quelque nombre qu’il ait.
D ’un autre cô té , le garde-étalon n’eft occupé
qu a cacher où à pallier les défauts fouveut effen-
fiels de fon cheval ,; s’embarraffant affez peu que les
poulains qu’il engendre foient défeSueux, ou qua
même il en produife. Un étalon eft de fervice pour
l’ordinaire , pendant dix ans , dans le même dépar-‘
tement ; par conféquent il fervira trois générations
dont il aura etele pere.
. Touf fes étalons appartenans à la province , ces
meonveniens qui détmifentles haras, difparoiffent.
On gagnera les exemptiçms, &les,privilèges anéantis
avec.ceux qui les poffédoient ; les droits démonté ne
paroiflant plus fobfifter , chacun s’empreffera de
profiter du bénéfice des étalons. Ces chevaux réu-.
ms, mais en plufieurs corps, placés aux endroits les
jftSfii.tontniodes , fous la direaion de perfonnes
infélligèntes , feront mieux nourris, mieux foignés
& plus mënâgés ; étant raffeuiblés en certain nombre
, on fera plus à portée de juger des âccidens qui
peuvent les mettre hors de fervice , d’y apporter
remede. Dans le, tems de la. nîorite qui, comme l’on
fait, eft de. trois mois, on les diftribueroit par
P p ^