Lannifibient eux-mêmes les prévaricateurs; & le pria- .
ce 'nbuvoit frapper impunément ceux qu’ils avaient
iinefois condamnés à cette efpece d’opprobre. Ce fut
fur ces jeux que fe formèrent les tournois environ un
fiecle après. Le furnom d'Oifelcur fut donné à Henri,
•non qu’il n’en mérite de plus honorables, mais parce
qu’il chafl'oit à l’oileau , lorfqu’Evrard lui préfentoit'
le diadème de la part de Conrad.On lui attribue l’érection
des gouvernemens en fiefs ; mais ce fentiment
nous paroît peu vraifemblable. Henri fit tout pour
conferver l’autorité, & rien pour la diminuer. Cette
révolution convient mieux au régné de Conrad,
3e premier qui foit venu au trône par droit d’éleélion.
Les Germains ne manquèrent pas probablement de
lui faire des conditions, en mettant entre fes mains un
feeptre auquelil n’a voit d’autre droit que leur fuffrage.
HENRI I I , dit le Boiteux, ( Hijloire £ Allemagne.)
duc de Bavière , VIe roi ou empereur de Germanie
depuis Conrad I , XIe empereur d’Occident depuis
Charlemagne, naquit l’an.de J. C. 978, de
Henri le jeune, arriere-fils de Henri le Quereleur ,
& arriere-petit-fils de Henri, premier empereur de
la maifon de Saxe.
L’éleétion de Henri I I fut menacée de plufieurs
orages.; une infinité de feignetirs dont les principaux
étoient Ezon ou Erinfroi-, comte Palatin du Rhin, &
Mari de Mathilde, foeur d’Oton III ; Ekkart, marquis
de Thuringe., Hercimane ou Herman, comte d’Allemagne
, c’eft-à-dire de Suabe , fécond fils d’Henri
I , duc de Bavière, & oncle du duc Henri III. Ces
deux derniers , en admettant le droit héréditaire,
avoient un titre égal à celui de Henri-le-Boiteux ,
comme defeendanten ligne mafeuline de Henri l’Oi-
feleur. Henri,pour terminer une conteftation dont
l’événement pouvoit lui être contraire, s’empara de
force des ornemens impériaux, & l’on prétend même
qu’il fit aflafliner Ekkart, le plus opiniâtre des prétendons.
Il eft certain qu’après la mort de ce marquis
, Henri I I ne rencontra que de légers obftàcles.
Il fe rendit à Mayence à la tête d’une armée , &
reçut l’hommage de la plupart des feigneurs de Germanie.
Herman fut aufli-tôt mis au ban de l’empire ,
& déclaré déchu de fon duché. La première année de
fon régné fe paffa à pacifier les troubles excités parles
rivaux. Il fongea enfuite à maintenir fa puiffance en
Italie. Un nommé Ardouin, comte d’Ivrée, arriere-
fils de Befenger le jeune., paré des titres pompeux
d’Augufte & de Céfar , s’en faifoit appeller le
monarque , bien fur d’être foutenu par les Romains
dont la politique confiante étoit de fe donner plufieurs
maîtres pour n’obéir à aucun. Arnolfe, arche vê-
quede Milan, excité par un motif d’ambition, fe
-déclara contre ce nouveau fouverain, prétendant
que lui feul avoir droit de donner des rois à la Lombardie
, ou au moins de les facrer. Ardouin avoit
négligé dé mettre ce prélat dans fes intérêts, &
c ’étoit une faute irréparable. Henri déterminé parles
prières d’Arnolfe, fe rendit en Lombardie, après
avoir forcé le roi de Pologne qui venoit d’envahir la
Bohême , à lui rendre hommage , & avoir fait lin
duc de Bavière. Une remarque importante, c’efl que
ce duc fut nommé d’abord par les Bavarois, le roi
ne s’étant réfervé que le droit de le confirmer. Henri
avoit déjà envoyé des troupes en Italie; mais
Ardouin les avoit taillées en pièces aux environs
du Tirol. Sa préfence fit changer la fortune, vainqueur
d’Ardouin au paflage de la Brente, il marche
auflitôt vers la Lombardie dont la plupart des villes
confentirent à le reconnoître. On lui fit une efpece
de triomphe en entrant dans Payie. Il marchoit accompagné
d’une multitude d’évêques & de feigneurs
qui le faluerent pour leur roi avec tous les tranlpoffs
de la plus vive allegreffe ( 15 mai 1004) ; l’archevêque
de Mayence fit la cérémonie dufacre qui fut fuivie
de réjouiffances publiques. Les Allemands fe îi-
vroient à toute i’ivrefle de la jo ie , lorfque les Lombards
excités par les pratiques d’Ardouin, coururent
aux armes, & changèrent les falles du feftin en autant
de théâtres de carnage. Henri, fur le point de périr, fe
jetta du haut d’un mur, & fe cafia une jambe dans fa
chute. Ce fut pourfe venger de cette noire trahifon ,
qu’il ordonna le fac de Pavie : cette ville fut réduite
en cendres. Les troubles de Germanie dont les Slaves,
les -Polonois, les Bohemes & un feigneur de
Lorraine étoient les auteurs, ne lui permirent pas
d’aller à Rome recevoir la couronne impériale. Il 11e
put s’y rendre qu’en 1014, c’efl-à-dire Iorfqu’il eut
rétabli le calme dans fes états par la défaite des Polonois,
& p a r l’èntiere foumiflion des Slaves & des
Bohemes. Ces derniers furent privés de Boleflas leur
duc, que l’empereur dépofapour lui fubftituer Jaro-
mir, fils de ce faélieux ; Baudouin, auteur des troubles
de la Lorraine, lui fit hommage de Valencienne
qu’il avoit ufurpé fur le comte Arnoul. Baudouin
n ’en eût pas été quitte à ce p rix, s’il n’eût eu l’adrefle
de mettre Robert, roi de France, dans fes intérêts.
Cependant Ardouin avoit reparu en Lombardie ; il
s’apprêtoit même àfoutenir la guerre; mais au premier
bruit de l’approche du roi de Germanie, il prit
la fuite, de s’enferma quelque terns après, dans un
monaftere ou il mourut, non fans avoir fait des
efforts pour remontrer fur le trône. Henri, maître de
paffage$, & ne voyant autour de lui ni ennemis , ni
rivaux ,fe fit une fécondé fois proclamer roi de Lombardie
dans Milan, l’an 1013. Ardouin lui fit propo-
fer fa renonciation au royaume d’Italie, à condition
qu’on lui donnerait un comté ; mais le roi continua
de le regarder comme un rébelle, & rejetta toute négociation.
Quelques écrivains l’ont accufé d’avoir
a fie clé cette hauteur ; mais elle eft juftifiée par une
fage politique. On ne pouvoit ufer d’une févérité
trop grande envers les Italiens toujours prêts à la révolte
; ôc c’eft toujours une faute de la part d’un fouverain
de traiter avec un fujet : c’eût été en quelque
forte reconnoître les droits d’Ardouin qui fe difoit
fils de Berenger II, l’un des tyrans d’Italie pendant
l’anarchie qui fuivit la dépofitionde Charles-le-Gros;
cependant l’empereur, après un court féjour dans Milan
, fe rendit à Rome, où Benoît III le facra, & lui
donna la couronne impériale ( 14 février 1014). La
reine Cunegônde reçut les mêmes honneurs de la
part du pontife romain. Si l’on en croit quelques hifto-,
riens , Henri 11 fe reconnut le vaffal des papes, en
jurant fidélité à Benoît, & à fes fùccefleurs. Mais
cette particularité de la vie de cet empereur eft re-
jettée comme fauffe par les meilleurs critiques, & ne
peut fe concilier avec plufieurs autres faits^généra-
lement reconnus. Eft-il croyable que Benoît qui depuis
fon avènement au fiege pontifical avoit été en
butte à toutes les perfécutions des Romains, eût
voulu avilir un prince dont le fecours lüi étoit néceffaire
pour contenir fes ennemis ? Le pontificat de
Benoît avoit été jufqu’alors agité au point que ce pape
avoit été obligé de s’enfuir de Rome, où il n’étoit
rentré qu’à la faveur des préparatifs que Henri I I
faifoit pour s’y rendre lui même. Il ne pouvoit être
folidement rétabli qu’autant que la terreur de fes
armes contiendroit les Romains. « Etoit-il en fitua-
tion, dit de Saint-Marc, de s’entêter des vaines prétentions
de quelques-uns de fes prédéceffeurs,
d’ïmpofer des loix à un prince qui par la réception de
la couronne impériale de venoit fon fouverain? C ’eft
tout ce qu’auroit pu faire, Continue ce critique,
un pape jouiffant tranquillement de fon fiege, &
bien fûr de voir tous les Romains féconder fes vues
d’un concert unanime».Ce qui manque le plus ordinai-
rement aux fauflaires, c’eft le fens commun. Il feroit
cependant poflible qu’une piété peu éclairée, lui eût
fait compromettre ainfi fon autorité. Il eft certain
qu’au retour de ce voyage , il fe fit affocier al abbaye
de Clugny à laquelle il donna fa couronne, (on
feeptre, & un fuperbe crucifix , le tout d’or , & du
poids de cent livres. Henri porta la dévotion plus
loin : ce prince qui par une contradiction allez ordinaire
dans la vie de l’homme,' avoit foutenu une
guerre civile pour monter fur le trône, voulut en
defeendre, & confacrer fes jours à là retraite. 11 au-
roitexécuté ce projet ,fans Richard, abbe de Saint
.Vannes, qui préférant les intérêts de l’état à la vanité
de voir un empereur fournis à fa réglé, l’invita à con-
ferver fa couronne. Les religieux doivent obéiffance
en tout à leur fupérieur, lui dit ce fage abbé, je vous
ordonne donc de relier empereur. ^ ^ ^
Henri I I eut de nouveaux démêlés avec les
Polonois & les Bohemes, & ils tournèrent toujours
à fa gloire. Après qu’il eut pacificié ces nations, Ro-
dolfe ou Raoul III, roi des deux Bourgognes,l’inftitua
fon héritier, à condition qu’il rangeroit à leur devoir
les états rébelles de ce royaume. L’empereur les ayant
foumis^fit approuver le traité quirefta fans exécution
par la mort de Henri arrivée avant celle de Raoul.
Les Grecs tantôt ennemis,- tantôt amis fecrets des
papes, faifoient des voeux continuels pour recouvrer
quelques débris de l’empire d’Gccident qui leur étoit
échappé. L’empereur Bazile crut les conjonctures
favorables pour mettre à découvert les prétentions
de fon trône, & commença par exiger un tribut des
Bénéyentins. Benoît VIII oppofa d’abord avec fuc-
cès aux Grecs, un nommé Raoul, gentilhomme Normand
, qui s’étoit exilé pour fe fouftraire au reffenti-
ment du duc Richard II. Raoul épuifé par fes propres
.victoires, fe rendit en Germanie, où le pape l’avoit
devancé, & follicita des fecours de l’empereur.
Henri I I fehâta d’arriver en Italie où il reprit Bene-
yent fur les Grecs, reçutTroye en Pouille à composition,
& pour récompenfer le gentilhomme Normand
qui l’avoit fécondé dans cette guerre, il lui
donna des terres çonfidérables en Italie.Raoul pro-
fitade l’autorité que lui donna l’empereur pour jetter
les fondemens de la monarchie des deux Siciles fur
les ruines de l’empire grec.
L’entrevue de Henri I I , & de Robert, roi de
France, fut le dernier événement mémorable de ce
{régné. Cette entrevue1 de voit fe faire fur la Meufe
qui féparoit les états dé ce prince. On étoit convenu
d ’un cérémonial ; chaque roi de voit avoir fes gardes.
Henri I I , trop généreux pour foupçonner Robert
d’une perfidie , rejetta toutes les précautions , & fe
rendit à fa tente fans gardes. Une paix de plufieurs
fiecles entre la France & l’empire, fut le refultat
de cette conférence. Les deux.rois mangèrent en-
femble , & fe firent des préfens réciproques. Ils
avoient formé la réfolution d’aller à Pavie, pour
engager Grégoire à les accorder fur certains droits
litigieux ; mais ce voyage fut rompu par la mort du
pape arrivée peu' de tems après. L’amitie n’en fut
pas moins fincere entre ces princes. Henri s’occupa
de tous les moyens qui pouvaient faire naître la félicité
dans fes états. Il en parcourut toutes les provinces
pour y répandre fes bienfaits. Il n’y en eut aucune
qui ne reffentît les effets de fa juftice & de fa géné-
jofité. Toutes les voix fe réuniffoient pour bénir fon
régné qui finit avec fa vie le 14 juillet 1014. Il ne
laiffa aucun héritier de fa puiffance , ni de fon nom.
On prétend qu’avant d’expirer , il d it , en montrant
l’impératrice Cunegônde à fes parens : Vous me
l ’avez donnée vierge, & je vous la rends vierge :
étrange dévotion dans un prihee fouverain , qui
doit defirer d’avoir des defeendans 1 Cette particularité
de la vie de Henri eft démentie par une
diete tenue à Francfort, où l’empereur fe plaignit
7 $le la ftérilité de Cunegônde, Elle ne s’accorde guere
d’ailleurs avec les préventions qu’il eut contre la
vertu de cette princeffe. Ce n’eft pas qu’on veuille
jetter des doutes fur fa piété ; elle fut fincere,
& le clergé en tira de grands avantages-. Jamais
prince ne fit de plus grandes largeffes aux monaf-
teres& aux églifes : tout eft plein de fes éloges dans
les annales compofées par les moines. Tous les détails
de fa vie montrent un prince religieux, bien-
faifant, ami de l’ordre, & plein de valeur. Mais
c’eft en vain que l’on y cherche l’homme d’état. Il
détruifit la plupart des avoueries établies par O tonI,
pour tenir le clergé dans la dépendance des empereurs.
Il confia même fes avoueries aux évêques,
réunifiant ainfi des titres incompatibles. L’évêché de
Bamberg où repofent fes cendres , lui eft redevable
de fa fondation ; & l’on prétend que ce ne fut qu’en
fe jettant aux pieds de l’évêqae Vursbourg , qu’il
l’engagea à çonfentir à fon éreâion. Henri fournit
le nouvel évêché immédiatement au Saint-Siege ,
& céda au pape la fuzeraineté de la ville de Bamberg
pour le récompenfer de ce qu’il lé prenoit fous
fa prote&ion. On afliire même qu’il confentit à lui
envoyer tous les ans un cheval blanc enharnaché ,
& cent marcs d’argent.
H e n r i I II, dit le Noir, ( Hiß. £ Allemagne. ) né
le zS octobre 10 17 , élu roi de Germanie en 1016,
facréle jour de Pâques 1018 , proclamé en 1039,
mort en oétobre 1056.
Les premières années du regne de ce prince furent
fignalées par des vi&oires fur les Polonois, les Bohemes
& les Hongrois ; de grands ravages & de légers
tributs levés fur les vaincus, en furent tout le
fruit. Henri I I I étoit d’autant plus jaloux de terminer
la guerre avec ces peuples, que tout étoit en
confufion en Italie fous trois papes ennemis , & fous
une infinité de ducs rivaux les uns des autres , &
partagés entre les pontifes & les empereurs. 11 y
avoit plufieurs fa&ions qui en compofoient deux
principales, celles des Ptolemées & des comtes de
Tofcanelle , ou de Tufçule. Chacune avoit fait fon
pape qui lui prêtoit les fecours de fes anathèmes.
La populace de Rome en avoit fait un troifiême.
Chacun d’eux étoit retiré dans un fort, & diflipoit
les tréfors du Saint-Siege dans les voluptés. L’empereur
fentit combien fa préfence étoit néceffaire pour
arrêter ces défordres, & fit fes préparatifs pour en
trér en Italie. Arrivé à Milan, il fe conforma aux
ufages de fes prédéceffeurs , &c s’y fit couronner,
roi des Lombards, (1046.) Les cérémonies de ce
nouveau facre furent à peine finies, que l’empereur
fe rendit à Sutri. Ce fut-là qu’il affembla un concile
où les trois papes furent dépofés. Sintger, évêque
de Bamberg, monta fur le Saint Siege , qu’il honora
par fes vertus. L’empereur , après avoir reçu la
couronne impériale des mains du nouveau pontife ,'
& avoir fait rendre les mêmes honneurs à l’impératrice
, exigea des Romains le ferment de fidélité.
Ce ferment n’étoit plus qu’une vaine cérémonie, ou
plutôt qu’un parjure. Les Romains dégradés n’of-
froient plus qu’une populace mercénaire , & fans
foi. Prodigues de leur ferment, ils le prêtoient fans
fcrupule à celui qui étoit affez riche pour les corrompre,
ou affez puiffant pour les faire trembler.
Ils promirent, comme il étoit d’ufage , de n’élire &
de ne confacrer aucun pape, fans fon agrément,
fans celui de fes fucceffsurs. On verra fous le grand
& l’infortuné Henri IV quelle confiance on devoit
avoir-en leur parole. Avant de repafier en Allemagne,
où fa préfence n’étoit pas moins néceffaire
qu’en Italie, Henri I I I donna l ’inveftiture de la
Pouille & de la Calabre au brave Normand , conquérant
de ces provinces fur l’empire Grec. Il l a
excepta Bénevent, dont les comtes de Tofcanellq
étoient les maîtres ou plutôt les tyraps. Qn ne tarda