à recevoir de fa main un empereur, il devoit être
retenu de l’autre parla crainte de fe donner un maître
; il en avoit trop coûté de foins & de lang à fes
prédéeefleurs pour divifer la monarchie, pour que
'Clément pût consentir à la réunir. Dans une entrevue
que ce pontife eut avec le roi , il lui promit
d’employer tout fon crédit à faire réuffir fes deflèins,
foit qu’il voulut la couronne pour lui ou pour Charles
fon frere : il lui donna une bulle auffi favoràble
qu’il pût la defirer ; mais dans le tems même qu’il
la lui remettoit aux mains, il en expédioit une autre,
oiiilfaifoit voir aux éle&eurs les dangers auxquels
l’Allemagne s’expofoit; & comme il connoiffoit leur
peu d’inclination pour Frédéric-le-Bel, il leur recom-
mandoit Henri de Luxembourg, prince qui avoit des
vertus & des talens, & connu par fon zele pour la
conftitution Germanique. Six mois s’étoient paffés
dans di ver les intrigues, & l’on commençoit à murmurer
de cette efpece d’anarchie ; cette confidération
prefla la nomination de Henri : il fut couronné à
Aix-la-Chapelle ; Marguerite de Brabant, fa femme,
fut admife au même honneur. Son premier foin,
lorfqu’il fut fur le trône, fut de pourfuivre les affaf-
fins d’Albert ; tous les complices du duc Jean & lui-
même furent mis au ban Impérial ; Rodolphe de
Vaart, feigneur qui jouiffoit d’une haute réputation,
fut puni par la roue ; ce fupplice jufqu’alors inufité
en Allemagne, affura la vie des empereurs, & rendit
les affaffinats moins fréquens. Cependant Henri mé-
diroit un projet bien grand, & dont l’exécution eût
pu illuftrer fon regnefans le rendre plus heureux ;
c’étoit de relever l’empire d’Qccident, au moins de
le mettre dans l’état où il étoit fous Frédéric II, en
qui l’on pent dire qu’il finit. Plufieurs villes, comme
Florence, Gênes, Luques & Bologne, avoient acheté
leur liberté de l’empereur Rodolphe ; les autres
avoient cru pouvoir s’en d'ifpenfer, efpérant que le
tems effaceroit les traces de la domination des empereurs
; elles étoient dans la plus grande iécurité, &
ne foupçonnoient pas qu’un empereur pût jamais
s’expôfer à renouveller les fanglantes tragédies des
Henri-iy, des Frédéric I I , & des Conrad IV , fa fermeté
lui fit méprifer ces exemples: il affura la paix
en Allemagne, en donnant le vicariat de l’empire à
Jean, fon fils, qu’il avoit placé fur le trône de Bohême
, & partit pour l’Italie ; cette contrée étoit toujours
divifée par les Guelphes & les Gibelins : ces
derniers, étoient toujours favorables aux empereurs
& combattaient' pour la domination Allemande ;
mais outre que les Guelphes attaquôient ouvertement
Henri V I , ce prince avoit pour ennemi caché
Clément V ; ce pontife qui avoit favorifé fon élection,
& l’avoit appuyée de tout fon pouvoir, letra-
yerfoit par tous les moyens poffibles, depuis qu’il
le voyoit marcher fur les traces des Charlemagne
& des Othon I. Clément députe vers Robert, roi
de Naples, (te. lui donne le gouvernement de Rome ;
il fait en meme tems une-ligue, mais toujours fecre-
tement, avec les villes de Florence, de Bologne ,
de Sienne, de Luques, de Brixene, & j e plufieurs
autres moins confidérables. L’empereur eut à chaque
pas de nouveaux combats à foutenir, il afliégea la
plupart des villes que nous venons de nommer, &
en reçut quelques-unes à compofition; la terreur
de fes armes réduifit les Milanois à diflimuler leurs
anciens projets de domination fur la Lombardie ils
lui apportèrent les anciens tributs , & le couronnèrent
roi des Lombards. Padoue reçut un gouverneur
Allemand, & paya mille écus par forme de tribut ou
d’amende , la modicité de cette fomme attelle l’indigence
des habitans dé cette ville ; les Vénitiens plus
riches & plus magnifiques fe diftinguerent par des
prefens confiderables : Henri reçut de leurs am-
baffadeurs une fomme prodigieufe , avec une
couronne toute d’o r , ornée de diamafis, & dùiné
chaîné de vermeil d’un travail exquis : ces républis-
cains, fuivirent leur politique ordinaire,d’écarter par
des prefens les empereurs affez puiffans pour les
affervir ; telle fut la fageffe de Venife pendant les
révolutions qui fuivirent l’extinélion des Céfars,
que l ’on a douté long-tems, fi depuis cette époque
elle n’avoit pas toujours été libre : Gênes montra le
plus v if empreffement à le recevoir, elle déploya
fout le luxe d’une nation induftrieufe & commençante
; & comme Venife , elle lui témoigna tant
d’affeftion , que Henri put regarder comme fuperflti
d’examiner fes droits fur cette ville : Véronne, Parme
oi Mantoue reçurent des gouverneurs Impériaux.
Le monarque étoit à Pife lorfque des couriers de la
faélion des Colonnes Pexhqrterent à ufer de célérité
pour fe rendre à Rome : il s’y fit couronner dans le
palais de Latran par trois cardinaux, & revint à
Pife, ou il tint une affemblée d’états ; il ordonna la
levee des anciens tributs, (te cita le roi de Naples ,
pour qu’il eût à fe juflifier fur les motifs qui avoient
porté ce prince à lui défobéir; & fur fon refus de
comparoître, il confifqua fon royaume, & en donna
l’inveftiture à Frédéric, roi de Sicile..Robert étoit
perdu , & toute l’Italie alloit paffer une fécondé fois
fous le joug des empereurs, fans un dominicain de
Moritepulciano , qui, dit-on, n’eut point horreur de
meler du poifon à l’hoftie dont il communia Henri. }
des écrivains prétendent juffifier ce moine de cette
atrocité facrilege, fur des lettres de Jean de Bohême
, qui déclarent les dominicains innocens de cet
attentat : ces lettres ne furent expédiées que trente
ans après; & comme le remarque un moderne, il
eut mieux vallu qu’elles euffent été accordées dès
qu’ils en furent accufés. On reproche aux fucçeffeurs
de Henri V I I , d’avoir négligé fa pompe funebre, &
d’avoir laiffé fon corps à Pife, au lieu de l’avoit fait
transférer à Spire dans le tombeau des empereurs.
Outre Jean, roi de Bohême, dont nous avons parlé
dans cet article, ce prince eut quatre filles, la pre-,
miere fut mariée à Charles, roi d’Hongrie ; Marie ,
la fécondé , à Charles-le-Bel, roi de France; Agnès,
la troifieme, à Rodolphe, éle&eur Palatin ; Catherine
, la quatrième, époufa Léopold, duc d’Autriche,
( ü f - r . )
H e n r i , dit le roi des prêtres, ( Hiß. d'Allemagne?)
landgrave de Thuringe (te de Heffe, fils d’Herman ,
comte de Rafpenberg, & de Sophie de Bavière, fut
élu empereur en 1245 , pendant les troubles excités
par l’excommunication de Frédéric II, par Innocent
IV ; Henri gagna la bataille de Francfort fur Conrad
I V , qui pour lors étoit roi des Romains, il périt
au fiege d’Ulm, l’an 1246 , & fut inhumé dans l’églife
Sainte-Catherine d’Ifenac : on prétend qu’il étoit du
fang de Charlemagne ; on ne le met point au nombre
des empereurs, n’ayant été reconnu que par les
eccléfiaftiques, qui furent caufe qu’on l’appella par,
dérifion, le roi des prêtres. ( M.—Y. )
H e n r i I , ( Hiß. de France. ) avoit 27 ans lorfqu’il
monta fur le trône de France, en 1 0 3 1 , après
la mort de Robert fon pere ; fa mere prétendoit
couronner R obert, fon frere puîné ; c’étoit un fan-
tome qu’elle auroit voulu préfenter à la nation S
pour envahir elle-même toute l’autorité. Eudes ,
comte de Champagne , & Baudouin , comte de
Flandres , fe liguèrent avec cette princeffe; mais
Hemi , fécondé par Robert le diable , duc de
Normandie, remporta trois vittoires fur les rébelles ;
dès qu’ils eurent mis bas les armes, tout fut oublié :
Henri céda le duché de Bourgogne à ce même Robert
qui avoit voulu lui ravir la couronne ; & telle efl:
la,tige des ducs de Bourgogne, de la première
race. En 1 0 4 0 , Henri fut contraint de raflein-
blçr fes forces pour diflïper une nouvelle révolte ,
îï en triompha ; il fut tour à tour l’allié & l’ennemi
de ce Guillaume - le - Conquérant, qui fut *
comme tous fes femblables, l’admiration & le fléau
du genre humain. Henri mourut en 1060 ; par ref-
peft pour les cérémonies religieufes, il avoit défendu
de fe battre en duel pendant quelques jours de la
femaine; par refpeft pour l’humanité , il auroit du
proferire auffi cet ufage atroce pendant les autres
jours. ( M. d e S a c y . )
Hen r i II , ( Hijî. de France ) étoit âgé de Vingt^
neuf ans iorfqu’il fuccéda, en 1547 , à François I fon
pere. La bravoure, la franchife, le rendoient recommandable
; mais il ne favoit ni gouverner, ni choifir
des hommes pour gouverner à fa place. Dans les
camps, il n’étoit que foldat ; à la cour il n’étoit qu’ef-
clave : tandis que le connétable de Montmorency, les
Guifes, & le maréchal de Saint-André s’emparoient
de fon efprit , la ducheffe de Valentinois s’empa-
roit de fon coeur ; elle avoit, quarante - fept ans, ce
qui prouve affez que l’empire des grâces eft plus durable
que celui de la beauté. Si les çalviniftes avoient
ïçu les premiers captiver Henri / / , il eût perfécuté
les catholiques ;; mais ceux - ci les avoient prévenus,
&: les, hérétiques furent persécutés. On dreffa des
gibets de toutes parts, & on chargea des bourreaux
de la converfion de ces malheureux, en attendant
que l’on confiât le même emploi à des affaflins. La
gabelle excita de nouveaux troubles en Guyenne ; &
on traita les rébéllès comme les hérétiques; Ainfi.les
premières années de ce régné furent marquées par
des meurtres , préludes des mâffacres horribles dont
la France devoit être le théâtre fous Charles IX. Les
cantons de Zurich (te de Berne indignés de ces violences
, refuferent de ligner l’alliance renouvellée
entre la France te les Suiffes. Henri I I s’empara du
marquilât de Sàluces>, comme fief relevant du Dauphiné.
Cette révolution n’excita point de troubles
alors, l’Europe étoit occupée de plus grands objets.
La guerre étoit déclarée entre la France te l’Angleterre.
Les François perdirent Boulogne ; mais la paix
lignée en 1550, le leur rendit. Henri attaché à des
foins plus, pacifiques, renouvella les fages ordonnances
de Charles VIII & de Louis X II, par lef-
quelles ces princes établiffoient dans la robe-une dif-
cipline févere. Les gens du roi à certains jours reprochoient
aux magiftrats les fautes qu’ils avoient pu
commettre contre la fainteté de leurs fonctions, te
telle efl: l’origine des mercuriales. La paix ne fut pas
de longue durée : la guerre fe ralluma bientôt en Italie,
entre la France te l’Empire ;.il s’agiffoit.des duchés
de Parme te de Plaifance. Henri I I , ou plus fage, ou
mieux confeillé que fes prédéeefleurs, tandis que
l ’empereur épuifoit fes forces en Italie , s’ emparoit
du pays des trois évêchés : il étoit entré dans la ligue
formée pour la défenfe du corps germanique : mais
bientôt fes alliés l’abandonnèrent; Charles-Quint
pénétra jufqu’à Metz, la fortune de fes armes échoua
devant cette place ; il s’en vengea fur Thérouanne,
fit rafer cette- ville te la punit des fautes, qu’il avoit
faites au fiege de Metz. On ne fait comment allier
tant de petiteffe avec tant de grandeur d’ame. Le ma*
rcchal de Briffac foutenoit au - delà des monts l’honneur
du nom François ; abandonné de la cour, enveloppé
par les Impériaux, il faifoit des prodiges
avec de foibles moyens. Dans le même tems, de
Termes foumettoit une partie de ces Corfes, fi jaloux
de leur liberté qu’ils ont défendue fucceflive-
ment contre les Romains , les Cartaginois , les
Sarrafins, les Génois & les François. Henri s'a-
vançôit en perfonne vers les Pays-bas, partout
il laiffa des traces de fa fureur ; te ces provinces
defolees par les deux partis, maudirent également
te ceux qui les attaquôient te ceux qui les défen*
doient*
O'n fit le fiege de Renty pour attirer le& ennemi^
au combat, on y reuflit; le duc de Guife dil'pofâ
tout avec-lageffe, & le roi combattit avec intrépidité
ce prince brûloit de fe mefurer avec l’empereur,
de triompher par fes armes de ce monarque qui
avoit triomphé de lui par fa politique; ilJe cherchoit
des y eux, il l ’appelloit du gefte & de la voix ; Charles-
Quint, ou méprifa la gloire d’un combat fingùlier,
ou en craignit l ’iffue : peu de tems après cet empereur
abdiqua pour goûter un nouveau genre de
gloire. Quelques mois avant cette démarche , dont
il fe repentit le lendemain, il avoit conclu , à Vau-
eelles , une treve de cinq ans avec Henri I I ; mais
bientôt la guerre fe rallume avec l’Angleterre ;. d’un
autre côté Emmanuel-Philibert * duc de Savoie, in-
veftit Saint - Quentin, les François marchent au fe-
cours de cette place, la bataille fe donne j ils font vain-,
eus & leurs généraux font faits prifonniers. Henri I I
frappé de terreur, incapable par lvii>même de réparer
un fi grand défaftre, nomme le duc de Gitifé
lieutenant général du royaume ; celui-ci enleve aux
Anglois la ville de Calais dont ils étoient maîtres
depuis qu’Edouard III y étoit entré apres ce fiege fi
fameux. Le ducchaffa les Anglois de toute la France *
& depuis cette époque ils abandonnèrent leurs: vai-*
nés prétentions fur quelques-unes de nos provinces;
Le mariage de François & de Marie Stuart, donna
au dauphin des droits fur l’Ecoffè ;& comme fi on
eût voulu rendre aux Anglois ufurpâtipn pour ufur-
pation , ce prince, aux titres de roi, d’Ecoffe, ajouta
celui de roi d’Angleterre & d’Irlande, comme autrefois
les fouverains d’Angleterre prétendoient l ’être
de la France. Enfin la paix fe fit à Cateau - Cambrefià
èn 1559; paix honteufe & funefte, où quelques particuliers
facrifierent l’intérêt de l’état à l’intérêt per:
fonnel. Le roi ne devoit avoir Calais en fa puiffance
que pendant huit ans; la Breffe &: toutes les conquêtes
d’Italie furent rendues au duc de Savoie ; Henri ne
conlerva que T o u l, Metz & Verdun : le maréchal de
Vielleville ofa faire au roi des remontrances affez
vigoureufes contre un traité fi ignominieux. « Jefens
» toute la fageffe de vos confeils , dit le ro i, mais je
» fuis trop avancé pôurreculer; au refte file duc
» de Savoie fe fait de mës bienfaits, des armes con-
» tre moi-même, je fais comme os punit des in*
» grats »._ On conclut le mariage d’ifabelle fille du roi;
avec Philippe II, roi d’Efpagne, & de fa foeur Marguerite
avec le duc de Savoie ; cette double alliances
donna lieu à cette fête fatale où Henri I I voulant
rompre une lanCe avec le comte de Montgom'mery ;
fut bleffé mortellement : il expira le 10 juillet 1559.
Henri étoit né doux, humain, équitable; fes favoris
ou plutôt fes maîtres le rendirent cruel en foufllanfc
le fanatifme d'ans fon ame : il donna, ou plutôt les.
Guifes lui diélerent le fanguînaire édit qui condarii-
noit tous les hérétiques à mort, & portoit des peines
féveres contre tous les juges q u i, par humanité, ôfe-
roient s’écarter de la rigueur de l’Ordonnance. Cinq
confeillers au parlement perdirent leur liberté pour
avoir voulu la rendre à un Luthérien. ( M . d e
S A C Y i )
H e n r i III, roi de France &c de Pologne ; tant qu’il
fut duc d’Anjou il ne fit rien d’indigne de fôn rang.
La France étôit alors déchirée des troubles les plus
funeftes: les catholiques & lès proteffans fe fâifoient
la guerre là plus cruelle. Le peuple défendoit fa religion,
les grands leurs intérêts. Au milieu de ces
divifions Henri fut nommé lieutenant général dû
royaume en iÇfiÿ; il eut la gloire de vaincre deux
fois le célèbre Colignÿ. Il commandoit au fiege dé
la Rochelle en 1573 , lôrfqü’il apprit qu’il venoit
d’être élu roi de Pologne, prefquê fans intrigue : un
nain éloquent & adroit avoit réuni les fuffrages eiî
fa fayevir. Ayant de partir il demanda au parlement