dégagé de l ’alliahce de don Sanche mais il étoit
-alors' trop dangereux de marquer feulement de l’indifférence
au fouverain de Rome. Boniface ne ceffoit
de le preffer d’engager ou de contraindre Frédéric -A
renoncer A la couronne de Sicile , que le pape vou-
loit abfolument placer fur la tête de Charles de
Valois. Le roi d’Aragon , dans Fefpoir de ménager
les intérêts de fon frere, prit le parti d'aller A Rome :
Boniface lui fit l’accueil le plus diftingué, le nomma,
fans en être follicité, gonfalonier de l’Eglife , lui
donna les îles de Sardaigne & de Corfe qui ne lui
-appartenoient pas ; le combla d’honneurs , de dif-
tinûions , & le preffa fort vivement de faire la guerre
■ à fon frere : confeil rempli d’humanité, fort charitable
& digne du pontife qui le donnoit. Le roi
d’Aragon réfifta, refufa de confentir A cette guerre
parricide , fortit de Rome avec fa mere , y laiffa fa
ioeur, qui y époufa Robert, duc de Calabre, 8c revint
dans fes états. Boniface ne l’y laiffa pas plus
tranquille qu’à Rome ; enforte qu’excédé par les
inftances des émiffaires du pontife, 8c beaucoup plus
encore par les larmes de fon époufe , il fe détermina
enfin, mais malgré lui, à porter la guerre en Sicile ,
& à y paffer lui-même pour détrôner fon frere : il
mit en effet à la voile, 8c tenta cette expédition ;
mais le roi de Sicile fe défendit fi courageufement,
que Jaymt fut obligé de fe retirer, après avoir effuyé
des pertes très-confidérables. Plus irrité des revers
qu’il avoit éprouvés, que zélé pour les volontés du
pape , Jaymc I I fit en Aragon les plus grands préparatifs,
mit en mer une flotte nombreufe, s’embarqua
lui - même, 8c alla pour la fécondé fois
entreprendre de détrôner fon frere ; il n’eût tenu
qu’à lu i, s’il eût voulu profiter des avantages que
lui donnoit la vi&oire complette qu’il remporta fur
la flotte Sicilienne, & qui penfa coûter la vie à Frédéric
; mais le danger que ce prince avoit couru, fit
une fi forte impreflïon fur le coeur tendre 8c fenfible
du roi d’Aragon , qu’au lieu de paffer en Sicile,
comme il le pouvoit, il fe retira à Naples, revint
dans fes états ; 8c ne penfant qu’avec horreur aux
remords qu’il eût eu fi fon frere étoit mort dans le
combat naval qu’il lui avoit livré , il déclara avec
la plus inébranlable fermeté , au légat du pape, que
jamais Rome ni foutes les puiffances réunies ne
l ’engageroient à tourner fes armes contre le fein de
Frédéric; & afin d’occuper fes troupes ailleurs, 8c
de maniéré à ôter aux alliés de Charles de Valois
tout efpoir de l’entraîner encore dans leur ligue , il
fe difpofa à foutenir auffi vivement qu’il feroit poffi-
-ble , les prétentions de l’infant don Alphonfe de la
Cerda; mais lorfqu’il avoit embraffé cette caufe, il
s ’étoit flatté que le roi de France, parent de la Cerda
, le feconderoit auffi , 8c du moins partageroit les
frais de la guerre : il fut trompé, & fe vit feul obligé
de lutter contre les forces de Caflille ; il ne fe découragea
point, 8c malgré le mécontentement d’une
foule de grands qui fe liguèrent avec la reine régente
de Caftille , il foutint avec autant de dignité que de
valeur les intérêts de fon allié. Cependant, après
quelques hoftilités, Jaymt n’ayant point eu le fuccès
qu’il eût obtenu, s’il eût été mieux fécondé, 8c
voyant que cette guerre rl’aboutiroit qu’à épuifer
infru&ueufement fes états , il fit propofer la paix à
la régente de Caftille, 8c confeilla fagement à don
Alphonfe, de tirer, par la voie de la négociation ,
le meilleur parti qu’il.poùrroit de fes droits , & de
fe ménager un accommodement utile. Jaymt I I avoit
alors d’autant moins d’intérêt à combattre contre la
Caftille, que le pape, las enfin de la guerre de
Sicile , venoit de reconnoître le roi don Frédéric ,
8c qu’il fongeoit lui-même à faire valoir, parles
armes , la conceffion qui lui avoit été faite des îles
de Corfe 8c de Sardaigne. Dans cette vue, à peine
il eut terminé les conteftations qui avoient divifé
•l’Aragon 8c la Caftille, au fujet des droits d’Alphon-
fe , qu’il obtint du pape Clément V , la bulle de
donation de ces deux îles , 8c qu’il prit les plus fages
mefures pour s’en affurer la conquête ; mais alors
une importante affaire le retenoit dans feS états :1e
cruel 8c inique procès intenté aux templiers , qui,
pourfuivis par-tout ailleurs avec une inhumanité
fans exemple, étoient traités avec la plus atroce
rigueur, en Caftille 8c en France. Le peuple également
prévenu contr’eux, en Aragon, demandoit à
grands cris qu’on les envoyât tous périr dans les
fupplices; à la follicitation du pape , &fur les accu-
fations les plus graves, portées contr’eu x, le roi
d’Aragon les fit tous arrêter, mais il refufa de les
juger avant que d’avoir eu des preuves évidentes
des crimes qu’on leur imputoit. Pendant la fuite &
l’inftruâion de cette affaire, Jaymt eut une entrevue
avec Ferdinand, roi de Caftille, 8c fucceffeur de
Sanche; les différends des deux monarques furent
terminés dans cette conférence ; & il fut convenu
entr’eux qu’ils feroient conjointement la guerre aux
Maures, 8c que l’infant don Jaymt d’Aragon épou-
feroit dona Eléonore, infante de Caftille : fidele à
fes engagemens , 1e roi d’Aragon fit équipper une
flotte formidable, s’embarqua lui-même à Valence,
8c alla affiéger Almerie , tandis que le roi de Caftille
affiégeoit Algezire. Les armes des deux fouverains
eurent des fuccès éclatans, ils battirent féparément
les Maures ; 8c dans une entrevue qu’ils eurent, ils
convinrent, pour refferrer les noeuds de leur alliance
, que don Pedre , frere du roi de Caftille, épdu-
feroit dona Marie, fille du roi d’Aragon. Jacques II
vint dans fes états, couvert de gloire, mais le.coeur
rempli de trifteffe , 8c profondément affligé de la
perte qu’il venoit de faire de la reine dona Blanche,
fon époufe. Le procès des templiers fe pourfuivoit
toujours avec aûivité ; Jaymt I I fut vivement follicité
par le pape 8c quelques fouverains, d’exterminer
cet ordre, en faifant mettre à mort tous les
membres ; mais les violences qu’on exerçoit ailleurs
contre eu x, ne furent pas, au jugement de ce prince
équitable, des réglés qu’il dût fuivre : il fit examiner,
dans un concile affemblé à Tarragone. pour
cette grande affaire, la conduite des chevaliers de
cet ordre ; ceux qui furent trouvés coupables des
crimes dont on les accufoit, furent punis; les autres
déclarés innocens, 8c maintenus dans la poffeffiort
des biens de leur ordre. Cet arrêt honora autant les
peres du cohcile de Tarragone, qu’il fit l’éloge de
l’exade 8c impartiale juftice du roi, qui, peu de
tems après, envoya une flotte contre les corfaires
de Tunis , qui ruinoient par leurs pirateries le commerce
d’Aragon 8c du royaume de Valence. Les
mers libres, le commerce national protégé 8c flo-
riffant, Jaymt I I époufa dona Marie, fille du roi de
Chypre; & il donna en mariage don Alphonfe, le
fécond de fes fils, à dona Thérefe, héritière du
comté d’Urgel, qu’Alphonfe, dans la fuite,annexa
à la couronne, lorfqu’il fuccéda à fon pere. Le
fceptre Aragonnois devoit néanmoins paffer des
mains de Jacques I I , dans celles de l’infant don
Jaymt, fon fils Aîné ; mais la fingularité du carattere
de ce prince, affura le trône à don Alphonfe. En
effet, le roi d’Aragon ayant, après bien des inftances
inutiles, été obligé de contraindre don Jayme A
époufer, comme il s’y étoit engagé, Eléonore de
Caftille , l’infant fe prêta forcément à cette cérémonie
, abandonna le moment d’après fon époufe, 8c
déclara qu’il renonçoit à la couronne. Le roi fon
pere fit tous fes efforts pour le faire changer de ré-
folution, mais l’infant perfifta, 8c dit qu’il préféroit
les douceurs de la vie privée, à tout l’éclat de la
fouveraineté : il rçnouveila fa déclaration devant les
états
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I f i ïj
états affemblés, qui, fur fa renonciation , reconnurent
don Alphonfe pour héritier préfomptif de la
couronne. L’infant don Jaymt ne parut pas fe repentir
de la démarche , ou très-raifonnable, ou très-
infenfée qu’il avoit faite ; il prit l’habit des chevaliers
de Calatrava , 8c paffa enfuite dans l’ordre des
chevaliers de Montefo : on dit qu’il eut des vices :
cela peut être ; mais On convient auffi qu’il vécut &
mourut content, 8c je crois que cet avantage vaut
bien celui de porter une couronne pour laquelle on
ne fe fent pas fait. Jaymt vit avec plaifir Alphonfe,
dont il connoiffoit les excellentes qualités, fuccéder
aux droits d’un prince dont il ne connoiffoit que
trop auffi les moeurs peu régulières 8c les inconfé-
quences ; mais fi cet événement lui donna quelque
iatisfattion , elle fut cruellement troublée par la
mort imprévue de la reine dona Marie; mais comme
les rois fe doivent à leurs fujets, 8c que la mort pouvoit
encore lui enlever dans leur jeuneffe fes enfans,
il fe détermina à foufcrire aux voeux de la nation ,
en époufant, en troifiemes noces, dona Elifindede
Moncade. Les fêtes célébrées à l’occafion de ce
mariage , l’occuperent moins que les préparatifs
qu’il avoit ordonnés pour l’expédition de Sardaigne.
Les états avoient approuvé le plan de la conquête '
de cette île , que don Sanche , roi de Majorque ,
avoit offert de faire à fes dépens avec vingt galeres ;
l’infant don Alphonfe avoit été nommé général de
cette entreprife, il partit fuivi d’une flotte redoutable
, & réuffit au gré des voeux du roi don Jaymt
qui , pendant cette expédition, donna à tous les
fouverains l’exemple le plus rare d’équité, de défin-
téreffement 8c de générofité. Le roi de Majorque,
don Sanche, étant mort fans poftérité, fon royaume
paroifloit appartenir à Jaymt 11 , qui en envoya
prendre poffeffion en fon nom ; mais don Philippe,
oncle paternel de l’infant de Majorque, fils de don
Ferdinand, ayant reprêfenté au roi d’Aragon les
droits de fon neveu, Jacques //,qui, s’il l’eût voulu,
pouvoit refter paifible poffeffeur de ce trône,fut affez
jufte pour ne pas abuler des droits que lui donnoit
la force ; renonçant à fes prétentions au trône de
Majorque , il nomma don Philippe tuteur du jeune
.fouverain.- Cependant il s’éleva dans l’île de Sardaigne
des troubles qui euffent pu avoir des fuites très-
fâcheufes, fi par fon aftivité, le roi d’Aragon ne
les eût appaifés ; il Acheva, avec autant de bonheur
que de gloir.e , la conquête de cette île ; 8c il ne
fongeoit plus qu’à affurer la paix 8c la profpérité
qu’il avoit procurées à fes fujets, lorfque partageant
avec trop de fenfibilité le chagrin, de l’infant don
Alphonfe, fon fils, qui venoit de perdre dona Thérèse
, fon époufe, il tomba lui-même malade, fouf-
frit quelques jours, 8c mourut au grand regret de
la nation., le 31 oftobre 1327, après un régné de
vingt-fept années. L’équité qui préfida à toutes fes
a étions, lui fit donner le furnom de Jujlt. Aux intérêts
de. : l’état près, qui, l’obligèrent quelquefois
d’abandonner la caufe des prinqes, dont il s’étoit
engagé de foutenir les prétentions' ou les droits, il
ne manqua, dans aucune circônftance de fa v ie, aux
loix les plus rigides de l’équité. ( L. C. )
JAZYGER-LAND, pays des Jauges , {.Glogr. )
province de la haute Hongrie, à la droite de la
Theifs , communément comprife, dans le comté de
Hevès, 6c dans la jurifdiétion des Cumans. C’eft un
pays plat, très-fertile en grains 8c en fourrages, 8c
très-cultivé. L’on y compte quatre villes 8c quatre
bourgs très-peuplés. Jafz-Rereny en peut paffer pour
la capitale. ( D . G. )
I B
IBBENBOURG, ( Géographie. ) petite ville d’Allemagne
, dans la "Weftphalie, 8c dans la partie
Tome III.
inférieure du comté de Lingen. Elle eu connue dans
la contrée par fes carrières & fes mines de charbon*
I C
ICARE, ( Myth.') fils de Dédale, s*enfuyoitâvee
fon pere de l’île de Crete, oîi Minos les perfécutoit*
Etant arrivés au bord d’une île très-éloignée de la
terre ferme, dit Diodore , Icare qui y defcendoit
avec précipitation , tomba dans la mer 8c fe noya.
On donna depuis à cette mer 8c à cette île le nom
dTcaritnne. Cet événement fortfimple a été habillé
en fable par les poètes qui ont imaginé que Dédale
avoit ajufté des ailes à Icare, fon fils , & l’avoit
mené avec lui par les airs, en lui recommandant de
ne point voler, ni trop haut, ni trop bas , de peur
qu’en approchant trop près du foleil, la cire qui
tenoit les ailes attachées au corps, n’en pût foutenir
la chaleur, ou qu’en volant à fleur d’eau, leurs plumes
n’en fuffent mouillées»- Icare fe lance comme en
tremblant au travers de ce chemin nouveau , mais
bientôt il s’aguerrit, il ne doute plus de rien, il force
fon vol outre mefure, il s’élance fort haut, 8c abandonne
fon guide : alors les liens qui tenoient fes
ailes fe relâchent, la chaleur du foleil fond la cire ;
8c n’ayant plus rien qui le foutienne en l’air, le téméraire
Icare tombe dans la mer, 8c il ne refte plus
de lui que fon nom donné à la mer 011 il fut précipité ;
c’eft la mer Icarienne, qui fait partie de la mer Egée.
|B g
Ic a r e , ( AJlron. ) nom que porte quelquefois la
conftellâtion du bouvier ou bootès. ( M. de l a
Lan d e . )
1CHTERSHAUSEN , ( Glogr. ) ville d’Allemagne
, dans le cercle de haute-Saxe , 8c dans le duchd
de Saxe-Gotha, fur la riviere de Géra. C’eft le fiege
d’un bailliage , & celui d’une furintendance ecclé-
fiaftique. Le château de Marienbourg, qui en eft
fort proche, étoit originairement deftiné à la réfi-
dence des dues de Saxe-Meinungen. (D . G. )
ICHTYOCOLLE , ou colle de poijfon , ( Arts mi-
chaniques. Commerce,"} Cette colle provient de poiffphs
gluans, qui fe trouvent communément dans les niers
de Mofcovie. C ’eft de-là que les Hollandois,nous
apportent cette colle.
Maniéré de faire la Colle de poijfon, ou de Mofcovie.
On prend toutes les dépouilles du poiffon, nommé
hufo ou exojjis ; d’autres veulent qu’on puiffe y
employer également les dépouilles de morue , 6-c.
c’eft-à-dire , la peau, les nageoires, les entrailles,
les nerfs 8c autres parties muqueufes. Après les
avoir coupés en morceaux , on les met tremper
dans l’eau chaude, 8c on les fait bouillir à petit feu,
jufqu’à ce qu’ils foient fondus & réduits en colle,
qui, fe féchant fur des inftrumens faits exprès , où.
elle eft étendue, prend la confiftance de parchemin.
Avant qu’elle foit entièrement feche, on la joule en
- cordons, ou 6n la met en pains.
Celle qui eft blanche, claire, tranfparente, fans
odeur, 8c en petits cordons, eft la meilleure ; car il
arrive affez fouvent que celle qui eft en gros cordons
eft remplie d’une colle jaune, feche & demauvaife
odeur. Cette fubftance s’humefte à Pair ; c’eft ce qui
fait qu’on doit la garder dans une boîte.
Suivant un mémoire envoyé de Pétersbourg à
M. Duhamel, la colle de poiJJ'on fe trouve dans une
• veffie attachée intérieurement le long de l’épine du
dos de différentes efpeces d’efturgeons. La colle y
eft toute faite naturellement : on expofe ces veflîeS
à l’air pour qu’elles fechent, & on ne donne aucune
préparation à cette colle.
M. Haies dit avoir expérimenté que Cette cotld
fait que l’eau douce devient putride en peu de tems«
-r.l T t ï