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leurs branches plus parallèles aux troncs, & que
la tunique mùfculaire reçoit plus de vaifleaux.
Les arteres exhalent, de même que dans Y intejlin
grefle, une liqueur aqueufe, 8c les veines repompent
aufll évidemment. C’eft-là qu’on a vu une liqueur
colorée férmguée dans Yinteflin, reptile par
les veines, teindre le fan g de fa couleur.
Les nerfs du gros intejlin ont été décrits à l’occafion
du nerfîntercoftal. Il eft très-fenfible, & j’ai vu des
clyfteres fort fimples caufer des douleurs prefque
iniiipportables.
Il n’y a aucun doute fur l’exiftence des vaifleaux
la&és dans le gros intejlin ; je les ai fou vent vus 8c
fuivis. La qualité nourriflante & fébrifuge des lave-
niens, démontre que les particules nourricières falu-
taires rentrent dans le fang 8c dans le colon même.
On a douté du mouvement périftaltique du gros
intejlin ; il eft évident dans toute forte d’animaux,
on l’a vu même dans l’homme, lorfqu’une bleflure
a découvert Yintejlin. On a vu la force feule du
reftum faire fortir la matière fécale, après que les
mufcles du bas-ventre avoient été détruits. (H.D.G.')
§ INTONATION , ( Mujiq. ) \J intonation p eu t
ê t r e ju fte o u fa u f f e , t ro p h au te o u t ro p b affe , t ro p
fo r te o u t ro p fo ib le , 8c a lo r s le m o t intonation a c com
p a g n é d ’u n e é p i th e t e , s’ en ten d de la man ié ré
d’ en to n n e r . Voye{ E n t o n n e r & In t o n a t i o n ,
( Mujiq. ) Dicl. raif. des Sciences, & c . (5)
INTRIGUE, f, f. { B elles-Lettres. Poéjîe. ) Dans
l’a&ion d’un poëme on entend par Yintrigue une com-
binaifon de circonftances & d’incidens, d’intérêts &
de caratteres, d’oîi réfulte, dans l’attente de l’événement,
l’incertitude, lacuriofité, l’impatience, l’inquiétude
, &c.
La m a r che d’un p o ëm e , quel qu’il f o i t , d o it ê tre
c e l le d e la n a tu r e , c ’e ft - à -d i r e , te lle q u ’il no u s fo it
fa c ile d e C ro ire q u e le s c h o fe s fe fo n tp a f fé e s com m e
n o u s le s v o y o n s . Or, dans la n a tu re le s é v én em en s
o n t u ne fu i t e , u n e l ia i fo n , u n e n ch a în em e n t ; Yintrigue
d’un p o ëm e d o i t d o n c ê tre u n e chaîne d ont
ch a q u e in c id e n t fo i t u n an ne au .
Dans la tragédie ancienne Yintrigue étoit peu de
chofe. Ariftote divife la fable en quatre parties de
quantité : le prologue, ou l’expôfition ; l’épifode,
ou les incidens ; i’exode, ou la conclufion ; & le
choeur que nous avons fupprimé, otiofus curator
rerum. Il parle du noeud 8c du dénouement; mais
le noeud ne l’occupe guere. Il diftingue les fables
fimples &: les fables implexes. Il appelle Jimples,
les aûions qui étant continues 8c unies x finiffent
fans reconnoiffance & fans révolution. Il appelle
implexes, celles qui ont la révolution ou la
• reconnoiffance, ou mieux encore toutes les deux.
O r , la feule réglé qu’il preferive à l’une 8c à l’autre
efpece de fable, c’eft que la chaîne des incidens foit
continue ; qu’au lieu de venir l’un après l’autre ils
naiffent naturellement les uns des autres , contre
l’attente du fpe&ateur, 8c qu’ils amènent le dénouement.
Et en effet, dans fes principes il n’en falloir pas
davantage , puifqu’il ne demandoit qu’un événement
qui laiffât le fpe&ateur pénétré de terreur & de com-
paflion. Ce n’eft donc qu’au dénouement qu’il s’attache.
Mais quel fera le pathétique intérieur de la
fable ? C ’eft ce qui l’intéreffe peu.
On voit donc bien pourquoi fur le théâtre des
Grecs, la fable n’ayant à produire qu’une cataftro-
phe terrible 8c toucharite, elle pouvoir être fi Ample ;
mais cette fimplicité qu’on nous vante, n’étoit au
fond que le vuide d’une a&ion ftérile de fa nature.
En effet, la caufe des événemens étant indépendante
des perfonnages, antérieure à l’attion même, ou fup-
pofée au-dehors, comment la fable auroit-elle pu
donner lieu au contrafte des cara&eres 8c au com-
batdes paflions }
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Dans 1 (Hdipt, tout eft fait avant que I'aflion commence.
Laïus eft mort OEdipe » époufé Jocafte-il
H I H y i H n B B f l 'qu’à fe recpnnoître
incefte 8c parricide. Peu - à - peu le voile tombe, les
faits s’éclairciffent , OEdipe eft convaincu d’avoir
accompli 1 oracle, & i l s/en punit. Voilà le plan du
chef-d’oeuvre des Grecs. Heureufement i l y a deux
crimes.à découvrir, 8c ces éclairciffemens, qui font
frémir la nature, occupent 8c rempliffent la feene.
Dans YHécube, dès que l’ombre d’Achille a demandé
qu’on lui immole Polixène, il n’y a pas même à délibérer:
Hécube n’a plus qu’à fè plaindre , 8c Polixene
n a plus qu’à mourir. Auflile poëte, pour donner à fa
pièce la durée preferite, a-t-il été obligé de recourir
à l’épifode de Polidore. Dans Ylpkigéniè en Tau-
ride, il eft décidé qu’Orefte mourra, même avant
qu’il arrive: fa qualité d’étranger fait fon crime.
Mais comme la pièce eft implexe, la reconnoiflànce
prolongée remplit le. vuide 8c fupplée à l’aûion.
Comment donc les Grecs, avec un événement fatal,
& dans leq uel le plus fou vent les perfonnages n’éi
toient que paflifs, trouvoient-ils le moyen de four-
nir à cinq a£les? Le voici: i° . On donnoitfur leur
theatre plufieurs tragédies de fuite dans le même jour ;
Dacier prétend qu’on en donnoit jufqu’à feize. z°.’
Le choeur occupoit une partie du temps, 8c ce qu’on
appelle un aéte n’avoit befoin que d’une feene.
Des plaintes, des harangues, des deferiptions, des
cérémonies, des déclamations, des difputes philo-
fophiques ou politiques achevoient de remplir les
vuides ; & au lieu de ces incidens qui doivent naître
les uns des autres & amener le dénouement, l’on
entremeloit l’aétion de details épifodiques 8c fuper—
flus. VOreJle d’Euripide va donner une idée de la
conftru&ion de ces plans.
Orefte, meurtrier de fa mere, 8c tourmentépar
fes remords , paroît endormi fur la feene; Eleèh-e
veille auprès de lui ; furvienr Hélene qui gémit fur
les malheurs dè fa famille ; Orefte, après un moment
de repos, s’eveille 8c retombe dans Ion.égarement ;
Eleélre tâche de le calmer, le choeur fe joint à elle
& conjure les furies d’épargner ce malheureux prince.
Voilà le premier a&e. Dans le fécond, Orefte implore
la protection de Ménélas contre les Argiens, déterminés
à le faire périr ; arrive Tindare, pere de Cly tem-
neftre, qui accable Orefte de reproches ; Orefte fe
défend & preffe de nouveau Ménélas de le protéger;
mais celui-ci ne lui promet qu’une timide 8c foible
entremife auprès de Tindare 8c du peuple. Pylade
arrive,.& plus courageux ami, jure de l,e défendre 8c
de le délivrer, ou de mourir avec lui. Cet acre, eft
beau 8c bien rempli, mais c’eft: le feul. Le troifieme
n eft que le récit fait à Eleétre , du jugement qui les
condamne elle 8c fon frereà fe donner la mort. Que
reftoit-il pour les deux derniers a&es? La feene où
Orefte, Eleétre 8c Pilade veulent mourir enfemble,
& l’apparition d’Apollon pour les fauver, & dénouer.
Yintrigue. Il a donc fallu y ajouter, & quoi? Le projet
infenfé, atroce, inutile, étranger à l’a&ion, d’af-
fafliner Helene, 8c , s’ils manquoient leur coup, de
mettre le feu au palais : épifode abfolument hors
d’oe uvre, & plus vicieux^ encore en ce qu’il détruit
l’intérêt 8c change en horreur la pitié.
La grande reffource des poëtes grecs étoit la
reconnoiffance, moyen fécond en mouvemens tragiques,
fur-tout favorable au génie de leur théât
re , & fans lequel leurs plus beaux fujets, comme
Y OEdipe, Y Iphigénie en Tauride, Y Electre, le Crefphonte ,
le Philoclete fe feroient prefque réduits à rien, f^oye^
R e c o n n o i s s a n c e , dans ce Supplément.
Nos premiers poëtes, comme le Séneque des Latins
, ne favoient rien de mieux que de défigurer les
poëmes des Grecs en les imitant ; lorfqu’il parut un
génie créateur qui, remettant comme pernicieux touq
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les moyens étrangers à l’homme, les oracles, la
deftinée, la fatalité, fit de la feene françoife le théâtre
des paflions aûi ves & fécondes, & de la nature livrée
à elle-même, l’agent de fes. propres malheurs. Dès-
lors le grand intérêt du .théâtre dépendit du jeu des
paflions : Leurs progrès, leurs combats, leurs ravages,
tous les maux qu’elles ont caufés, les vertus
qu’elles ont étouffées comme dans leur germe, les
crimes qu’elles ont fait éclorre du fein même de
l ’Innocence, du fond d’un naturel heureux: tels
furent, d is-je, les tableaux que préfenta la tragédie.
On vit fur le théâtre les plus grands intérêts
du coeur.humain combinés & mis en balance, les
caraéteres oppofés & développés l’un,par l’autre,
les penchans divers combattus & s’irritant contre
les obftacles, l’homme aux prifes avec la fortune,
la vertu couronnée au bord du tombeau, & le crime
précipité du faîte du bonheur dans un abyme de
calamités. Il n’eft donc pas étonnant qu’une telle
machine foit plus vafte & plus compliquée que les
fables du théâtre ancien.
Pour exciter la terreur & la pitié dans le fyftême
ancien, que falloit - il ? On vient de le voir: une
Ample combinaifon de circonftances, d’où réfultât
un événement pathétique. Pour peu que le perfon-
nage mis en péril allât au devant du malheur, c’étoit
affez; fouvent même le malheur le cherchoit, le
pourfuivoit, s’attachoit à lui, fans que fon ame y
donnât prife; & plus la caufe du malheur étoit étrangère
au malheureux, plus il étoit intéreffant. Ainfi ,
dès la naiffanee d’OEdipe, un oracle avoit prédit
qu’il feroit parricide & inceftueux, & en fuyant le
crime il y étoit tombé. Ainfi, Hercule aveuglé
par la haine de Junon avoit égorgé fa femme & les
enfans: ainfi Orefte avoit été condamné par un dieu
à tuer fa mere pour venger fon pere. Rien de tout
cela ne fuppp.fôit ni vice , ni vertu, ni cara&ere décidé
dans l’homme jouet de la deftinée ; & Ariftote
avoit raifon de dire que la tragédie ancienne pouvoit
fe paffer de moeurs. Mais ce moyen qui n’étoit qu’ac-
cefloire , eft devenu le reffort principal. L’amour,
la haine, la vengeance, l’ambition, la jaloüfie ont
pris la place des dieux & du fort : les gradations du
fentiment, le flux & le reflux des paflions, leurs révolutions,
leurs contraftes ont compliqué le noeud de
l’aâion, & répandu fur la feene des mouvemens
inconnus aux anciens. La néceflité étoit un agent
defpotique dont les décrets abfolus n’avoient pas
befoin d’être motivés; la nature au contraire a fes
principes & fes loix ; dans le défordre même des
paflions, régné un ordre caché, mais fenfible, & qu’on
ne peut renverfer fans que la nature quife juge elle-
même, ne s’apperçoive qu’on lui fait violence, & ne
murmure au fond de nos coeurs.
On fent combien la précifion, la délicateffe & la
liaifon des refforts vifibles de la nature les rend plus
difficiles à manier que les refforts cachés de la deftinée.
Mais de ce changement de mobiles naît encore
une plus grande difficulté, celle de graduer l’intérêt
par une fucceflion continuelle de mouvemens,
de fituations & de tableaux de plus en plps terribles
& touchans. Voyez dans les modèles anciens, voyez
même dans les réglés d’Ariftote en quoi confiftoit le
tiffu de la fable : l’état des chofes dans i’avant feene, un
ou deux incidens qui amenoient la révolution & la ca*
taftrophe, ou la cataftrophe fans révolution : voilà
tout. Aujourd’hui, quel édifice à conftruire qu’un plan
de tragédie, où l’on paffe fans interruption d’un état
pénible à un état plus pénible encore, où l’a&ion, renfermée
dans les bornes de la nature, ne forme qu'une
chaîne ; où tous les événemens amenés l’un par l’autre
, foient tirés du fonds du fujet &du carattere des
perfonnages ! O r , telle eft l’idée que nous avons de
la tragédie à l’égard de Yintrigue. Une fable tiffue
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conlnie celle de Polieutle, d'Heraclius & d'Abj.re,
auroit, je crois, étonné Ariftote : il eût reconnu qu’il
y a un art au-deffus de celui d’Euripide & de So*
phocle; & cet art confifte à trouver dans les moeurs
le principe de l’aftion.
Dans la tragédie moderne Yintrigue réfulte nori-
feulement du choc des incidens, mais du combat deâ
paflions; & c’eft par-là que dans l’attente de l’événement
décifif, l’efpérance & la crainte fe fuccedent
& fe balancent dans l’ame des fpeflateurs.
. S Ce n’eft pas qu’il ne puiffe y avoir abfolument de
l’intérêt fans cette alternative continuelle d’efpérance
& de crainte ; la feule incertitude & l’attente inquiété,
prolongées avec a r t, dans une aâion d’unè
grande importance, peuvent nous émouvoir affez:
OEdipe va-t-il être reconnu pour le meurtrier de fon
pere, pour le mari de fa mere, pour le frere de fes
enfans, pour le fléau de fa patrie? Ce doute fuffit
pour remuer fortement l’ame des fpe&a.teurs. Ainfi
tous les grands fujets du théâtre ancien fe font paffés
d’intrigue. Mais lorfqu’ il n’y a eu rien à attendre du
dehors, & qu’il a fallu foutenir par le jeu des paflions
& des carafteres une aélion de cinq a&es, Y intrigué
plus fimple & mieux combinée, a demandé infiniment
plus d’art. Voye^ T r a g é d i e , Suppl.
La comédie grecque, dans fes deux premiers âges
n’étoit pas mieux intriguée que la tragédie: l’on en
va juger par l’efquiffe de l’une des pièces d’Arifto-
phane, & de l’une des plus célébrés ; elle a pour titre
les Chevaliers.
Cléon, tréforier & général d’armée, fils de çor-
royeur, & corroyeur lui-même, arrivé par la brigue
au gouvernement de l ’état, aéluellement en place
& en pleine puiffance, fut l’objet de cette fatyre,
dans laquelle il étoit nommé, & repréfenté en per-
fonne.
Démofthene & Nicias, efclaves dans la ftiaifon où
Cléon s’eft introduit, ouvrent la feene : « Nous
» avons, difent-ils, un maître dur, homme colere
» & emporté, vieillard difficile & fourd ( ce perfon-
» nage, c’eft le peuple ) ; il y a quelque tems qu’il
» s’ eft avifé d’acheter un efclave corroyeur, intri—
» gant, délateur fieffé; ce fripon connoiffant bien
» fon vieillard, s’eft étudié à le flatter, à le gagner,
» à le féduire. Peuple d'Atlunes, lui d i t - il, repofeç-
» vous après vos ajfemblèes, bu vemange &Cc . Il
» s’eft infinué dans les bonnes grâces du vieillard,
» il nous pille tous, & il a toujours le fouet de cuir
» en main pour nous empêcher de nous plaindre ».
Ils veulent donc s’enfuir chez les Lacédémoniens ,
mais trouvant Cléon endormi & dans l’ivreffe, ils
lui volent fes oracles. Dans ces oracles il eft dit,
qu’un vendeur de boudin & d’andouilles fuccédera
au vendeur de cuir. Nicias & Démofthene cherchent
ce libérateur ; Agatocrite ( c’eft le chaircuitier ) , fort
étonné du fort qu’on lui annonce, ne fait comment s’ÿ
prendre pour gouverner l’état. « Pauvre homme !
» lui dit Démofthene, rien n’eft plus facile ; tu n’au-
» ras qu’à faire ton métier, tout brouiller, allé-:
» cher fe peuple, & le duper, voilà ce que tu
» fais. N’as-tu pas d’ailleurs la voix forte, l’élo-
» quence impudente, le génie malin 8c la charla-
» tanerie du marché ? C’eft plus qu’il n’en faut,
» crois-moi, pour le gouvernement d’Athenes ».
Ils Toppofent donc à Cléon fous la proteftion des
chevaliers, & voilà un général d’armée & un marchand
de fauciffes.'qui fe disputent le prix de l’impudence
8c de la force des poumons. Il n’eft point de
crimes infâmes qu’il ne s’imputent l’un à l’autre, &
pour finir Pa&e ils s’appellent réciproquement devant
le fénat, où ils vont s’accufer.
Dans le fécond afte Agatocrite raconte ce qui s’eft
paffé au tribunal des juges, où Cléon a été vaincu.
Celui-ci arrive; nouveau combat d’impudence ; 8c