î o s
JOSEPH ï , fucceffeur de Léopold, (H if . (TAllemagne
, d'Hongrie & de Bohême. ) XLIe empereur
d’Allemagne depuis Conrad I ; XXXVIIe roi de
Bohême ; XLIe roi de Hongrie , premier roi héréditaire
de cette derniere couronne, naquit le 26 juillet
1676, de l’empereur Léopold & de l’impératrice
Eléonore - Magdeleine de Neubourg. Elevé à la cour
d’un pere qui fe montra digne émule de Louis X IV ,
il fit éclater, dès fa jeuneffe, des talens qui auroient
été funeftes à l’Europe, fi une mort inopinée ne l’a-
yoit arrêté au milieu des projets les plus vaftes &
les mieux concertés. Léopold qui l’avoit jugé capable
d’exécuter les plus grandes chofes, lui avoit donné
de bonne heure des marques de fa confiance: il
l’avoit mis dès l’âge de treize ans fur le trône d’Hongrie
qu’il venoit d’affurer & de rendre héréditaire
dans fa famille. Roi dans un âge où l’on fait à peine
ce que c’eft que régner, Jofeph tint d’une main ferme
les rênes de l’état confié à fes foins, & les grands qui
avoient éprouvé la févérité du pere ne redoutèrent
pas moins celle du fils. Ils remuèrent cependant fur
la fin du régné de Léopold, & foutenus de Ragotski
qui joignoit à une valeur éprouvée toute la dextérité
qu’on peut attendre d’un partifan , ils prétendirent
forcer Jofeph à figner une capitulation qui tendoit à
conferver les prérogatives des Hongrois , & à en
faire revivre d’autres qu’ils avoient perdus. La mort
de l’empereur auquel il luccédoit en fa qualité de roi
des Romains, ne lui permit point de châtier les rébelles.
Il feignit d’oublier leurs hoflilités, jufqu’en
1 7 1 1 , qu’il força Ragotski & le comte de Bercheni
de s’enfuir en Turquie. LouisXIV, qui avoit un intérêt
fi v if d’abaiffer la maifon d’Autriche, leur fit toujours
paffer de puiffans fecours. La guerre de France
pour la fucceflion de Charles II, dernier roi d’Efpa-
gne, du fang autrichien, fe continuoit toujours &
méritoit toute l’attention de l’empereur. Cette guerre
mettoit en feu l’Italie , l’Allemagne , PEfpagne & la
Flandre. Le premier foin de Jofeph fut d’envoyer des
troupes en Efpagne contre le duc d’Anjou, fous la
conduite de l’archiduc Charles. Il réprima par lui-
même le foulevement des Bavarois contre le gouvernement
Autrichien. Cette révolte fut fatale à fes
auteurs ; elle l’auroit'été à l’empereur, fi une armée
Françoife avoit fécondé les rébelles. L’éle&eur fe
réfugia à Venife, & les princes électoraux furent
conduits à Infpruk. Les Bavarois furent taillés en
pièces : le tréfor & toutes les provinces de cet électorat
tombèrent au pouvoir de l’empereur, qui les
confifqua par une fentence impériale. L’éleCteur de
Bavière & celui de Cologne furent mis au ban par
les électeurs. La puiffance impériale étoit mieux
affermie que jamais. Ferdinand II, comme le remarque
un moderne, s’étoit attiré la haine de toute
l’Allemagne pour avoir puni un électeur qui préten-
doitlui enlever la Bohême, & Jofeph en profcrivit deux
dont tout le crime étoit de ne point prendre les intérêts
de fa maifon, fans que l'Allemagne parût s’alarmer
de cette conduite. L’empereur voyant fon autorité
affermie en Allemagne, chercha à punir la
cour de Rome de fon attachement pour la France.
Une querelle qui s’éleva entre les sbirres & un
gentilhomme de l’envoyé de fa majefté impériale , lui
en fournit un prétexte. Jofeph en trouva un fécond
dans la prétention de Clément X I , qui conteftoit à
l’empereur le pouvoir d’exercer les droits des premières
prières, fans la participation du fouverain
pontife. Cette prétention étoit autorifée par une particularité
du régné de Frédéric III, qui dans la fitua-
tion critique où il fe trouva plus d’une fois, ne crut
pas devoir fe paffer du confentement des papes
avant que de préfenter les precifles: on appelle ainfi
les bénéficiers nommés en vertu des premières prières.
Les fucceffeurs de Frédéric III fuivirent fon
J O S
exemple jufqu’à Ferdinand III, qui s’éleva ait-deflus
de ces ménagemens , quand la paix de Weftphalie
lui eut confirmé les premières prières. Jofeph réclama
ce droit, & en jouit, ainfi que fes fucceffeurs ,
malgré les oppofitions des pontifes': il ne s’en tint
pas là, il envoya des ambaffadeurs à Rome qui fem-
blerent moins faire des repréfentations à Clément,
que lui difter les ordres d’un maître. La méfintelli-
gence du pape & de l’empereur prit chaque jour de
nouveaux accroiffemens, depuis 1705 qu’elle commença,
jufqu’en 1709 qu’elle fe changea en une
guerre ouverte. Les quatre années qui partagèrent
ces deux époques, produifirent les plus grands évé-
nemens. Les aeftinées de l’empire étoient toujours
confiées à Malboroug & à Eugene qui faifoient le
défefpoir de Louis X IV , que la fortune abandon-
noit. Jofeph, pour entretenir le zele de fes généraux,
éleva Malboroug à la dignité de prince de l’empire.
Les talens de ce général lui avoient mérité cette ré-
compenfe. Ses efforts avoient toujours été fuivis des
plus grands fuccès ; fa viâoire, à Ramilly, fur le maréchal
de Villeroi mit le comble à fa gloire, & le
rendit maître d’Oftende, de Dendermonde, d e Gand,
de Menin & de tout le Brabant. Villars, la Feuil-
lade & Vendôme s’efforcèrent inutilement de foute-
nir la gloire de la France qui commençoit à s’édip-
fer, ils n’eurent qu’un fuccès paffager, & Louis X IV ,
qui quelque tems auparavant prétendoit donner des
loix à l’Europe liguée contre lui, fe vit contraint de
recourir à la médiation du roi deSuede. Le duc d’Anjou
, fon petit-fils, étoit fur le point de renoncer au
trône d’Efpagne, & lui-même trembloit fur le fien.
L’archiduc s’étoit fait proclamer roi d’Efpagne dans
une partie de la Caftille : l’empereur craignit un revers
de fortune, s’il avoit Charles XII pour ennemi. Il
ne négligea rien pour l’engager dans fon alliance,
& parvint au moins à le faire refler dans la neutralité,
en accbrdant aux proteftans de Siléfie le libre
exercice de leur religion. On s’étonne que Charles
XII parut infenfible aux propofitions de Louis X IV ,
qui l’appelloit pour être l’arbitre de l’Europe ; mais les
opérations pacifiques étoient incompatibles avec le
caraftere d’un héros qui n’étoit touché que de la
gloire de vaincre, & qui ne vouloit point interrompre
le cours de fes vaftes projets, commencés fous
les plus glorieux aufpices ; il étoit animé de cet efprit
qui conduifit Alexandre aux extrémités de l’Inde ;
mais il vivoit dans un fiecle où, avec les mêmes talens
, il n’étoit plus poflible d’exécuter les mêmes
deffeins, ni les concevoir fans une efpece de délire.
Louis X IV n’ayant pu rien obtenir de la Suede , continua
d’employer les négociations au milieu de la
guerre. La fortune, autrefois fi favorable à ce monarque,
fembloit alors acharnée à le perfécuter: fes finances
étoient épuifées ; la France, qu’une fuite de
triomphes avoit rendu fi fiere, commençoit à mur*
murer: enfin les circonftances étoient fi fâcheufes,
que Louis X IV , idolâtre de la gloire & jaloux à
l’excès de la grandeur de fa maifon , confentoit d’abandonner
la caufe de fon petit-fils, & de recon-
noître l’archiduc Charles pour roi d’Efpagne. L’empereur
ne fe contentoit pas de ces conditions; il
exigeoit que le roi fe chargeât lui - même de détrôner
le duc d’Anjou, & peut-être y eût - il été réduit fans
la petite vérole qui enleva Jofeph, pour le bonheur
de la France & la tranquillité de l’Europe. Il mourut
le 1 7 avril 1 7 1 1 , âgé d’environ trente-trois ans. Ses
cendres repofent dans l’églife des capucins de Vienne,
tombeau des princes de fa maifon. Il avoit été fait
roi de Hongrie en 1685 , roi des Romains en 1690,
& empereur en 1704. Les embarras de la guerre ne
lui Iaifferent point le tems de fe faire couronner roi
de Bohême. L’impératrice Guillemine - Amélie de
Brunfwick, fa femme,' lui donna un fils, Léopold-
J O S
ffofeph, qui mourut au berceau, & deux filles. A u -
gnfte I I I , roi de Pologne, époufa la première, nommée
Marie-Jofephe: la fécond é , appellée Marie-Amélie
, fut mariée.à Charles - Albert de Bavière qui fut
empereur en 1742. Jofeph étoit d’un efprit v if &
d ’un cara&ere entreprenant, & ce que l’on doit regarder
confine une qualité dangereufe dans un prince,
enneipi de toute diflimulation, il ignoroit l’art de
faire il!ufion;fur fes deffeins; il eft vrai que le fe-
cret étoit en quelque forte impoffible, ou plutôt fu-
perflu, par fa promptitude à exécuter ce qu’il avoit
c on çu , au milieu de fa bouillante a&ivité. On voyoit
éclarer en lui les plus fublimes talens: il avoit une
grande expérience, d’autant plus admirable qu’elle
n’étoit point le fruit de l ’âge. Son ame étoit é le v é e ,
& les plus grands obftacles ne le rebutoient pas. Jamais
prince ne connut m ièuxles différens intérêts des
puiffances de l’Eu rope , & ne fut mieux en profiter.
II favoit commander à fes miniftres, & quelquefois
les écouter ; prompt à récompenfer & à punir, il fut
fervi avec z e le , & n’éprouva jamais de perfidie. Les
vertus guerrières & pacifiques trouvèrent en lui un
rémunérateur au fil magnifique qu’éclairé. Sa fidélité
dans les traités autant que fa dextérité à manier les
affaires les plus délicates lui mérita l’affettion de fes
a llié s , qui ne l’abandonnèrent jamais. La hauteur de
Louis X IV , pendantle régné de L éop old , lui avoit fait
con ce voirune haine invincible contre la France ; aufli
lorfque les états lui préfenterent la capitulation qui
l’obligeoit à figner le traité de V eftp h a lie : JeJignerai
tout, dit - i l , excepté ce qui efl à Vavantage de la France.
Il fut fidele à fa haine jufqu’au dernier foupir. Une
■ particularité prouve combien fon cara&ere étoit entier
dans les propofitions de p a ix , jamais il ne diminua
rien de fes demandes quelque rigoureufes qu’elles
puffent être. Les cours de Rome & de Verfailles r é prouvèrent
tour à tour. On ne peut paffer fous fi-
lence lesév énemensd e fon régné en Italie; on doit
fuivre à cet égard la narration de M. de V o lta ir e ,
écrivain fupérieur à tout au tre , par tout où il a le
mérite de la fidélité: il y auroit même de la témérité
à lutter contre lui. « Jofeph, d i t - i l , agit véritable-
» ment en empereur romain dans l’Italie ; il confif-
» qua tout le Mantouan à fon pro fit, prit d’abord
»> pour lui le Milanez, qu’il céda cnfuite à fon frere
» l’archiduc, mais dont il garda les places & le reve-
» n u , en démembrant de ce pays Alexandrie, V a -
» len z a , la Loméline en faveur du duc de Savoie ,
» auquel il donna encore l’inveftiture du Montferrat
» pour le retenir dans Tes intérêts. Il dépouilla le duc
» de la Mirandole, & fit préfent de fon état au duc
» de Modene. Charles V , n’a v oit pas été plus puif-
» fant en Italie. Le pape Clément X I fut aufli alar-
» mé que l’avoit été Clément VII. Jofeph alloit lui
» ôter le duché de Ferrare pour le rendre à la mai-
» fon de Modene à qui les papes l’avoient enlevé.
» Les armées maîtreffes de Nap les , au nom de l’arr
»> chiduc fon fre re , & maîtreffes en fon propre nom
» du Boulon ois, du Ferrarois, d’une partie de la
» Romagne, menaçoient déjà Rome. C ’étoit l’inté-
» rct du pape qu’il y eût une balance en Italie ; mais
» la viéioire avoit brifé cette balance. On faifoit
» fômmer tous les princes, tous les poffeffeurs de
» fiefs de produire leurs titres. On ne donna que
» quinze jours au duc de Parme qui relevoit du
» fa intfiege , pour faire hommage à l’empereur. On
» diftribuoit dans Rome un manifeftç qui attaquoit
» la puiffance temporelle du pape , & qui annulloit
» toutes les donations des empereurs fans l’inter-
» vention de l’empire. Il eft vrai que fi pa rce mani-
» fefte on foumettoit le pape à l’empereur, on y
» faifoit auffi dépendre les décrets impériaux du
» corps germanique; mais on fe fert dans un tems
» des raifons & des armes qu’on rejette dans un
Joint U l x •
J O S djï
» autre ; & il s’agiffoit de dominer à quelque prix
» que ce fût; tous les princes furent confternés: on
» ne fe feroitpas attendu que trente-quatre cardi-
» nauxeuffent eu alors la hardiefle_& la générofité
» de faire ce que Venife, ni Florence, ni Geneve
» n ofoient entreprendre : ils levèrent une petite ar-
» mee a leurs dépens ; mais tout le fruit de cette entre-
» prife fut de fe foumettre, les armes à la main,
» aux conditions que Jofeph preferivit. Le pape fut
» obligé de congédier fon armée, de ne conferver que
» cinq mille hommes dans tout l’état eccléfiaftiqùe,
» de nourrir les troupes impériales, de leur aban-
» donner Comachio, & de reconnoître l’archiduc
» Charles pour roi d’Efpagne : amis & ennemis, tout
» reffentit le pouvoir de Jofeph en Italie »..Ces fuccès
juftifient le tableau qu’on vient d’en tracer, ôc
dans lequel on croir devoir inférer une particularité
à 1 egard de Clément XI. Ce pape, dans un bref que
1 empereur l’obligeoit d’envoyer à l’archiduc, chi—
canoit fur les expreflions: il commençoit ainfi: A
notre très-cher fils, Charles roi catholique en EJ pâme.
Jofeph le lui renvoya avec ordre d’y lubllituer celle
ci : A notre très - cher fils Charles, Sa Majeflé catholique
roi des E [pagnes, & le pontife obéit. ( M—y . )
J O SEr H , roi de Portugal, ( Hifioire de Portugal.)
Par quelle inconcevable fatalité les rois juftes, équitables,
habiles, modérés, font-ils quelquefois expo-
fés aux revers, aux défaftres, aux fléaux les plus
deftru&eurs, à ces atroces attentats qu’on croiroit
ne devoir agiter que les régnés des defpotes & des
tyrans ! Si la prudence, les lumières de leur refpeâa-
ble monarque n’ont pu mettre les Portugais à l’abri
de ces violentes tempêtes, de ces épouvantables calamités
qui ont penfé détruire, bouleverfer l’état ;
pourquoi, dans le tems même que le roi, par fa vigilance
, fes foins aftifs, fa bienfaifance, réparoit les
malheurs de fes peuples , ôc adouciffoit le fouvenir
cruel des ravages qu’ils venoient d’éprouver ; pourquoi
fes rares qualités, fes vertus éminentes n?ont-
elles pu le garantir lui-même du plus noir des complots
, du plus affreux des attentats ? Le mémorable
régné de don Jofeph offre deux exemples frappans ;
l’un de l’autorité trop formidable de la fuperftition
& des effets funeftes de fon influence fur les efprits ;
l’autre des^ égaremens & des crimes dans lefquels
peut entraîner une ambition outrée. A quels punif-
lables & terribles excès peuvent fe porter ces deux
caufes lorfqu’elles font réunies I Elles ont tenté de
concert, étayées l’une par l’autre, enflammées l’une
par l’autre , de renverfer don Jofeph de fon trône.
Par bonheur pour les Portugais, la Providence a
détourné les coups que des mains parricides avoient
portés contre ce prince, qui, ferme & inébranlable
au milieu de l’orage, a été rendu à fes fujets, dont
il ne cefl'e point d’accroître la profpérité, par l’étendue
& la fageffe de fes vues, comme par la juftefle
des moyens qu’il emploie. Donjofeph-Pedre-Jean-
Louis, fils aîné du roi Jean V , & de l’archiducheffe
Marie-Anne , fécondé fille de l’empereur Léopold,
naquit le 6 Juin 1713 : fon éducation fut confiée à
d’habiles inftruéleurs, qui virent leur éleve, remplir
au gré de leur attente, les grandes efpcrances que leur
avoient données fes heureufes difpofitions. Formé
de bonne heure aux affaires les plus importantes de
l’état, aux négociations, à l’art épineux de gouverner
, don Jofeph fit les délices du roi Jean, l’ornement
de fa cour-, qui s’embellit encore lors du mariage
de ce prince avec dona Anne-Marie-Viéloire ,
l’aînée des infantes d’Efpagne , qu’il époufa au commencement
de l’année 1729. A fon avènement à la
couronne, il fit les réglemens les plus utiles au commerce
national ; & les fages loix qu’il publia, firent
murmurer les Anglois, qui, depuis bien des an-
née$ en poffeffion de faire eux feuls , & prefque 4
N N n n ij. ’