fur la thiare, n’eut pas le courage de s’oppofer à Ton
départ pour l’Italie. Louis avoit hérité des droits de
Charles VJII fur le royaume de Naples, 8c de ceux
de fon aïeule fur le duché de Milan. Ludovic Sforce
s’étoit emparé de cet état ; Louis X I I parut, l’ufur-
pateur s’enfuit, Sc le Milanois fut conquis par Louis
auffi rapidement que Naples l’avoit été par Charles
VIII ; Genes fe fournit, Louis fut reçu par-tout avec
des acclamations, les armes de fonconcurrentfurent
arrachées & jettées dans l’Arno j mais à peine le roi
eftrentré en France, que Ludovic eft rappellé. Louis
fait partir la Trimouille à la tête d’une armée.,-Ludovic
eft pris, on l’amene en France. Quelques auteurs
Italiens ont accufé Louis X I I de l’avoir traité
avec rigueur dans le château de Loches, où il étoit
renfermé. Cette erreur paroît leur avoir été plutôt
diftée parla haine qui les animoit contre Louis X I I ,
que par la pitié que Ludovic leur infpiroit. De tous
les biens que l’homme peut defirer, il ne manquoit à
ce prince que la liberté qu’on ne pouvoit lui accorder
fans péril.
Le roi n’avoit pas perdu de vue le royaume de
Naples ; la conquête en fut réfoltte de concert avec
les Efpagnols. Louis Sc Ferdinand en réglèrent d’avance
le partage. On fait combien les rois ont peu
refpeÔé ces fortes de conventions. Louis d’Arma-
gnac, duc de Nemours, fi célébré par fa valeur, Sc
Stuart d’Aubigny commandoient l’armée Françoife ;
les Efpagnols étoient aux ordres du fameux Gon-
falve de Cordoue, l’appui 8c la terreur de fon maître.
En quatre mois tout fut conquis. Frédéric, roi de
Naples, qui connoiffoit la générofité de Louis X I I ,
alla chercher un afyle en France , céda au roi par
un traité la portion de fes états qui lui étoit échue en
partage, Sc reçut en échange des domaines confidé-
rables. Ainfi Louis d’un mouvement libre payoit ce
qu’il avoit acquis par le droit de conquête ; mais les
Efpagnols & les François tournoient leurs armes contre
eux-mêmes, 8c vengeoient Frédéric par leurs
fanglantes querelles. Elles furent appaifées par le
traité de Lyon figné en 1 503. Claude de France de-
voit époufer Charles'de Luxembourg ; le royaume
de Naples étoit la dot de Qlaude; Ferdinand, au mépris
du traité, fit continuer la guerre. La bonne foi
& la fécurité des François furent les caufes de leurs
pertes ; la pefte détruifit ce que le fer avoit épargné.
Cependant les Génois lèvent l’étendard de la
révolte ; le roi y v o le , attaque leur armée, la met
en fuite, borne fa vengeance à cette vi&oire , 8c
leur pardonne ; il avoit fait repréfenter fur là cotte
d’armes un roi d’abeilles au milieu de fon effaim avec
cette devife ingénieufe 8c fublime ,non utitur aculeo
rex cui paremus. Sa bonne foi étoit fi connue que
Philippe & les états de Flandres ne balancèrent point
à lui Confier la tutelle de l’archiduc Charles ; l’exemple
de tant de princes qui avoiént dévoré lé patrimoine
de leurs pupilles, ne détourna point leur
choix.
Le cardinal d’Amboife méditoit depuis long-tems
la ligue de Cambray qui fut enfin conclue en 1508.
Le pape Jules I I , l’empereur Maximilien, Ferdinand,
roi d’Efpagne, Sc Louis X I I , réuniffoient leurs
forces pour accabler la république de Venife. Les
alliés laifferent à Louis X I I les travaux Sc la gloire
de cette guerre , & s’en réferverent le fruit. Le roi
partit, les deux armées Vénitienne Sc Françoife fe
trouvèrent en préfence près du village d’Agnadel ;
le terrein étoit défavantageux, on demanda au roi
où il camperoit;y«r le ventre de mes ennemis, répondit-
il. On lui repréfente que les Vénitiens peu redoutables
par leur bravoure, font prefque invincibles par
leur rufe. «Je connois, dit .Louis, leur fageffe fi
» vantée, mais je leur donnerai tant de fous à gou-
» verner, qu’il n’en pourront venir à bout », La
viftoire fut complette ; d’Alviane qui commandoit
les Vénitiens, fut fait prifonnièr, Sc Louis le força
à aimer fon vainqueur. Mais dans un de ces mo*
mens ôii le dépit égare la raifon, d’Alviane s’emporta
jufqu’à l’infulter ; les courtifans excitèrent Louis à
fe venger. « J’ai vaincu d’Alviane ; dit-il, je veux
» maintenant me vaincre moi-même. » Le chevalier
Bayard eut beaucoup de part à fes fuccès. Les
alliés fe hâtèrent de rentrer dans les états qu’ils
avoient perdus, & que les François leur avoient
reconquis ; la république de Venife eut l’àrt de les
détacher peu-à-peu du parti dt LouisXII, quife vit
enfin obligé de repaffer les monts Sc de. rentrer en
France. Jules II, pontife guerrier, fe ligua en 1510
avec l’Efpagne Sc l’Angleterre contre la France : il
fit la guerre en perfonne. Le duc de Nemours gagne
la bataille de Ravenne : mais en perdant ce jeune
héros, Louis perdit Genes & le Milanois. Depuis
cette époque, les affaires des François allèrent en
décadence en Italie. Peut-être Louis X I I , qui crai-
gnoit de fe féparer de fon miniftre & de fon ami,
n’avoit-il pas affez fécondé le defir que d’Amboife
avoit d’être pape ; fi ce prélat étoit monté fur lefaint-
fiege,ilauroit ménagé avec plus de fuccès les intérêts
de la France en Italie. Anne de Bretagne, veuve de
Charles VIII, que Louis X I I avoit époufée , après
avoir répudié Jeanne de France; Anne , dis-je ,
mourut ; Louis la pleura, Sc cependant [’année fui-
vante il époufa Marie , foeur d’Henri V III, roi d’Angleterre
; fes traités avec Ferdinand 8c Léon X
furent regardées comme des preuves de fa foibleffe.
Ce prince , véritablement philofophe, facrifia fa
gloire au bonheur de fes fujets. Il craignoit que les
frais d’une nouvelle guerre ne le forçafl'ent à lever
des fubfides. Les impôts étoient légers fous Charles
V I I I , il les avoit encore diminués ; jamais il ne les
augmenta pendant les guerres d’Italie , la nation ne
perdit que fon fang au-delà des Alpes. Le roi avoir
vendu les charges de judicature pour fuffire aux
dépenfes de la guerre, fans opprimer fon peuple.
Il avoit créé deux parlemens, celui de Rouen 8c
celui d’Aix. Seiffel parle avec éloge de fon refpeéi
pour ces corps intermédiaires entre fon peuple Sc
lui ; il foumettoit à leur jugement les différends qui
pourvoient s’élever entre lui Sc les particuliers voi-
fins de fes domaines ; mais jamais il n’exigea qu’on
fufpendît les affaires de fes fujets pour s’occuper des
fiennes. L’hiftoire célébré avec raifon l’édit par lequel
il permet à fes parlemens de lui ràppeller les
loix fondamentales du royaume fi jamais il ofoit
s’en écarter. Le revenu de fon domaine fuffifoit à
fon luxe, 8c les impôts levés fur le peuple étoient
confacrésau bonheur du peuple. L’agriculture fleurit
fous fon régné, le commerce circula fans obftacles ,
& la navigation fit de grands progrès. Un fon paf-
ttur, difoit-il ,ne peut trop engraifferfon troupeau;Je ne
trouve Us rois heurèux ; qu en ce qu'ils ont le pouvoir de '
■ faire du bien. Inexorable pour les ennemis de l’état,
il étoit fans çolere pour fes propres ennemis. Des
comédiens le tournèrent en ridicule, on l’excita en
vain à châtier ces audacieux. Laijfeç-les faire, dit-il,
ils m'ont cru digne Jentendre la vérité ; ils ne fe font
pas trompés. Ils m'ontplaifantéfur mon économie ; mais
j'aime mieux encore fouffrir ce ridicule que de mériter le
reproche (Têtre prodigue aux dépens de mon peuple. Non
content d’avoir diminué les impôts, il avoit rendu
moins onéreufe la perception de ceux qu’il avoit
confervés. Une armée de commis, qui défoloit la
France, fut prefque entièrement fupprimée. Dans
les guerres où il s’agifîoit plus de.fes intérêts que de
ceux de fon peuple, il ne força perfonne à s’enrôler
fous fes drapeaux; mais l’amour des François
pour leurs rois, lui donna plus de foldats qu’une
ordonnance militaire ne lui en auroit amenés. Il
L O U
refpeûoit la religion fans êtrenil’efclave, ni la dupe
des papes.
Ce grand roi digne d’être place entre Charles V
& Henri IV, mourut le premier janvier 1515; éperdument
amoureux de la reine fon époùfe, il avoit
voulu recommencer à être jeune dans l’âge où l’on
celle de l’être ; Sc fa paffion éteignit le principe de
fa vie. ( M d e Sa c y . ) ^
L ou is XIII ,furnommé le Jujle}'étoit fils deHenri-
le-Grand 8c de Marie de Médicis fa fécondé femme.
Il naquit à Fontainebleau le 27 feptembre 1601 , Si
fuccéda à fon pere, .fous la tutelle de fa mere, le
14 mai 1610. Le royaume de France étoit encore
troublé par les anciennes faftions de la ligue 8c des
proteftans lorfqu’il monta fur le trône ; mais le traité
de Sainte-Menehould en 1614 , Sc le fuccès des conférences
de Loudun y rétablirent la tranquillité:
elle ne fut pas de longue durée. Le gouvernement,
3a puiffance Sc l’orgueil de Conchino Conchini,
maréchal d’Ancre, étant devenus odieux à tout le
monde, les troubles recommencèrent; ils ne-finirent
que par la mort de ce maréchal, que le roi
fit tuer fur le pont du Louvre par Fitr i, le 14
octobre 16 17 , Sc par l’éloignement de Marie de
Médicis qui fut reléguée à Blois. Deux ans après,
Louis X I I I ayant voulu réunir le Bearn à la couronne
, Sc obliger les proteftans à rendre les biens
eccléfiaftiques qu’ils avoient ulurpés, ceux-ci fe
révoltèrent. Ce prince marcha contre eu x, Sc fut
arrêté au fiege de Montauban, où le connétable de
Luines étant mort, le cardinal de Richelieu obtint
la faveur du roi, 8c devint fon premier miniftre.
Après la reddition de la Rochelle, le roi de France
entreprit de défendre le duc de Nevers , nouveau
duc de Mantoue, contre les injuftes prétentions du
duc de Savoye. Louis X I I I força en perfonne le
Pas de Suze , défit le duc de S avoye, fit lever le
fiege de Cafal, Sc mit fon allié en poffeflion de fon
état, par le traité de Quierafque, du 19 juin 16 3 1 ,
lequel' acquit à ce monarque le titre de libérateur de
CItalie. En vain les Efpagnols 8c les Allemands ,
jaloux de ces heureux fuccès , s’unirent pour les
contrebalancer; nos armes Sc l’alliance avecle Grand
Guftave, roi de Suede, difliperent cette ligue. Les
ennemis défaits en plufieurs endroits , la maifon
d’Autriche réduite à deux doigts de fa perte, la conquête
de la Lorraine entière Sc d’une grande partie
de la Catalogne, la réduction de tout le Roufîillon ,
enfin des victoires prefque continuelles fur mer Sc fur
terre , voilà les avantages que procurèrent à la
France cette réunion des Allemands Sc des Efpagnols.
Louis X I I I n’eut pas la fatisfa&ion néanmoins
de voir la guerre terminée : il mourut au moment
où il efpérôït faire une paix avantageufe, le 14 mai
1643 » Peu de tems aPrès le cardinal de, Richelieu
qu’il eftimoit beaucoup, mais qu’il craignoit encore
plus.
Ce prince étoit jufte Sc pieux. II avoit des intentions
droites , 8c on ne le gouvernoit qü’en le per-
füadant. Il jugeoit bien des chofes , 8c l’on remarqua
toujours en lui beaucoup de difeernement; mais
s’étant dégoûté de la leéture dès fon enfance , il négligea
de perfectionner par l’étude ce que la nature
avoit commencé en lui. Louis X I I I ne connoiffoit
guère d’autres amufemens que la chaffe, la peinture
Se la mufique, où il réuflïffoit. Sa piété tendre Sc
vive n’étoit pas exempte de ces fcrupule's qui décèlent
toujours quelque défaut de lumières. Les obfta-
c’fes le rebutoient, 8c il abandonnoit aifément les
entreprifes où il avoit montré le plus de chaleur, 8c
c’eff aïôrs qu’il avoit befoin de toute la fermeté du
c'ardinaL
Bien des hiftoriens ont accufé ce prince d’une économie
indigne d’un roi, parce qu’elle tient à l’avarice.
L O U 799
I Après la mort du cardinal de Richelieu, on crut que
I le roi alloit tirer des prifons tous ceux que ce mini-
! ftre y avoit renfermés; mais Louis X I I I tint la même
conduite que s’il' eût été lui-même l’auteur de leur
emprifonnement. On le vit inacceflible à toutes les
follicitations ; de maniéré que pour obtenir la liberté
de ces malheureux , on fut obligé de le prendre par
le foible qu’on lui connoiffoit pour l’épargne, Sc
cette économie extrême qu’on appelle d’un autre
nom dans un fouverain. Ses courtifans lui repréfen-
terent que c’étoit employer bien mal-à-propos de
grandes fommes, qu’il pouvoit épargner en donnant
la liberté à ceux qui étoient détenus à la Baftille. Le
roi, frappé de ce motif plus que de tout autre, permit
qu’on élargît les prifonniers, parmi lefquels fe trou-
voient MM. de Vitry , de Baffompierre Sc de Cra-
mail. Ce fut en cette circonftance.que M. de Bafl’om-
pierre, qui,étoit un dïfeur de bons mots, dit en for-
tant de la Baftille ( ce qui arriva le jour même des
obfeqües du cardinal de Richelieu ) : je fuis entré à la
Baftille pour le fervice de M. le cardinal, fen fors pour
fon fervice.
Peu femblable àGafton d’Orlé ans fon frere, prince
extrêmement jaloux de fes droits, Louis X I I I favok
modérer l’éclat de la majefté, Sc éviter à fes courtifans
l’embarras de l’étiquette, lorfqu’il leur devenoit
trop incommode, ou qu’il fembloit préjudicier à
i leur fanté. Ce prince alloit un jour de Paris à Saint-
Germain , accompagné du duc fon frere; la chaleur
étoit exceflîve , 8c les feigneurs qui fe terioient nue
tête aux portières du carroffe, avoient bien de la
peine à foutenir l’ardeur du foleil ; Louis X I I I qui
s’en apperçut, eut la bonté de leur dire : couvrez-
vous , meffieurs, mon frere vous le permet.
Quoi qu’en aient dit quelques auteur s , Louis X I I I
aimoit Sc entendoit parfaitement la guerre. Dans
toutes les occafions où il s’eft trouvé en perfonne ,
il a donné des marques de la valeur qui lui étoit naturelle.
II eft vrai que la foibleffe de fon tempérament
ne lui permettoit pas de fe trouver continuellement
à la tête de fes armées. On rapporte que n’étant
encore que dauphin Sc âgé de trois ans feulement
, quelqu’un vint lui annoncer que le connétable
de Caftille , ambaffadeur d’Efpagne , venoit avec
une grande fuite de feigneurs, pour lui préfenter fes
hommages. Des Efpagnols, dit avec chaleur ce
jeune enfant, ça, çà,qu'on me donne mon épée. On
eût dit que la nature lui infpiroit en ce moment une
haine forte contre une nation qui avoit eaufé tant
de difgraces à fes aïeux, Sc qui avoit mis le royaume
de France à deux doigts de fa perte. Mais, autant le
roi témoignoit dès fa plus tendre enfance d’indignation
contre les Efpagnols, autant il témoignoit de
tendreffe pour fes fujets rébelles, même en prenant
les armes contr’eux. Je fouhaiierois, difoit-il, qu'il
n'y eût de places fortifiées que furies frontières dé mon
royaume, afin que le coeur & la fidélité de mes fujets fer-
viffent de citadelle & de garde à ma perfonne.
Tout le monde fait à quel point le cardinal de Richelieu
étendit fon pouvoir, 8c combien il fit craindre
Sc refpeéler fon autorité. Ce miniftre, devenu
trop utile pour que le roi s’en défît, Sc trop impérieux
pour qu’il l’aimât, afliftoit à un bal qui fe
donnoit à la cotir : le roi s’y ennuya, il voulut fortir ;
le cardinal fe difpofoit à en faire autant, 8c tout le
monde fe rangeoit pour lui laiffer le paffage libre ,
fans prefque faire d’attention au roi : le miniftre qui
ne s’apperçut que fa majefté vouloit fortir, qu’à la
vue d’un de fes pages, fe rangea pour la laiffer paffer.
.Eh bien! lui dit Louis X I I I , pourquoi ne paffer-vous
pas M. le cardinal ? X'êtes-vous pas lt maître ? Richelieu
, le plus pénétrant de tous les hommes, 8c celui
qui connoiffoit mieux le foible de fon fouverain ,
, fentit parfaitement toute la force de cette expreffion.
I
il