exiseoit rarement; ce ne fut que lors de la publication
de l’ordonnance criminelle de l’empereur Charles- ■
Quint, qu’on fentit la néceffité d’une medecme légale
qui eût forme de doftrine (Boerner, Kannegiel-
f e r L e s canons, les décrétales exigèrent fouvent
le rapport des médecins & de leurs minières , les
jurifconfultes en firent fentir la néceffité & l’utilité,-
la tradition les fit infenfiblement adopter, & les
ordonnances de nos rois publiées poftérieurement
à celle de Charles-Quint, érigerent cette coutume
eh loi. H , RH a , , ,
Il reftapeu à defirer à cet egard du cote de la
législation, l’avis des experts en médecine devint
unéfource de lumières pour les juges ; mais par une
fuite de la lenteur de nos progrès vers la raifon ,
les experts eux-mêmes ne s’apperçurent point qu ils
avoient contracté, l’obligation de s’éclairer pour éclairer
les autres. Les connoiflances vulgaires parurent
fuffire ; en exerçant une partie de la medecme, on fe
crut en état de réfoudre les queftions medico-légales
qui la concernoient. Tout fuppot de cette profeffion
répondit avec confiance lorfqu’ilju t interroge;
l’inattention étoit exeufee par la rarete des occafions
où d’autres connoiflances euffent ete neceffaires ,
& l’extrême imperfection des rapports, diminua
néceffairement leur force dans l’efprit des magi-
II eft vrai que la médecine légale eft fondée fur
les principes pratiques & rationnels de la médecine en
«énéral ; mais les praticiens verfés dans la connoiffance
empyrique ou hiftorique de la médecine, faifi-
rent difficilement le point de vue philofophique ou
rationnel, fous lequel on doit confidérer les queftions
medico-légales; d’ailleurs ces queftions font fou-
vent fubordonnées à des ufages autorifés par les ju-
rifconfultes ou par la coutume, & prefque toutes
ne peuvent être bien déduites ou éclaircies par les
principes de médecine, qu’à l’aide d’une étude ou
d’un travail particulier conftamment ignoré de la
foule des médecins & de leurs fuppôtS. Nous verrons
ailleurs que l’hiftoire des rapports faits dans
les caufes les plus célébrés , prouve qu’il ne fuffit
pas d’être bon praticien pour être bon expert ou
bon juge en médecine légale.
Ce fut fur-tout en Allemagne & en Italie qu’on
cultiva avec fuccès cette branche importante de l’art
de guérir. Les plus habiles médecins enrichis des
connoiflances acquifes par une longuè pratique,
& munis de toutes celles qui s’acquierent par l’étude
des fciences accefloires à la médecine , poferent les
premiers fondemens de la médecine légale, en publiant
différens traités qui contenoient les décifions raifon-
nées des plus célébrés facultés. Tels font les traités
de FortunatusFidelis de relationibus medicorum, addito
judicio. 40. leipfic (qui parut enfuite fous le nom
fuppofé de Thomce Reinefii fchola jurifconfultorum
médita ).
Pauli Ammann. irenicum Numee Pompilii cum Hippocrate.
8°. Franc. & Leipfic.
Joannis Bohnii de officio medici duplici, clinici
nimiriim ac forenjis. 40. Leipfic.
Pauli Ammann. medicina critica Jïve deciforia. 40.
Erford.
Mick. Boudewins ventilabrum medico-theologicum.
40. Anvers.
Michaélis Bernard. Valentini corpus juris medico-
legale confians pandeclis, novellis & authenticis iatrico-
forenfibus. fol. Francfort.
Paul. Zacchice quefiiones med. legales. Lugd. fol.
Cafpar à Reïes campus elyfius jucundarum queflio-
nuni. foi. Bruxell.
Roderic à Cajlro medicuspoliticus. 40. Hambourg.
Plus récemment encore on a vu publier les traités
fui vans,
Herman. Frid. Teichmeyer injlitut. medicince legalis
yel forenfis. 40. Iene.
Ôttotnar. Goelicke medicina forenfis. 40.
Midi. Alberti fyfiem. junfprudentice medicce. 40.
6 volumes. -
Joannis Francifc. Lcew. theatrum medico-juridicum.
40. Nuremberg.
Hebenfireit anthropologia forenfis. 8Q. Leipfic.
Frideric. Boerner injlitut. medicina legalis. 8°AVir-
temberg.
Gottieb. Henrici Kannegiejferi. injlitut. medicina
legalis. 8°. Hall, de Magdebourg.
On peut joindre à ces traités généraux, les traités
particuliers fuivans. .
Feldmann de cadavere infpiciendo. 4°.Groninguc.
Bohn de renuntiaûone vulnerum. 8°.
Gottof. Welfchii judicium vulnerum lethalium. .
Et une foule de differtâtions particulières fur divers
objets de médecine-légale, publiées en différens
tems.
Lors même que toits ces ouvrages eurent fixé
l’attention publique & prouvé la néceffité d’un nouveau
genre d’étude, on fembloit ignorer en France
que la médecine eût des rapports avec la légiflation ;
& fi l’on excepte ce qu’a dit Ambroife Paré fur les
rapports des cadavres, & les deux traités de Nicolas
Blegny & de Devaux fur l’art de faire les rapports
en chirurgie , nous n’avons rien qui puiffe annoncer
qu’on s’en eft occupé. Ces derniers traites
ne font que de pures compilations informes , bornées
au formulaire des rapports ; &; fi l’on découvre
quelquefois des obfervations fondées fur les princi-
pes.de l’art, elles font prefque toujours défigurées
par l’abfurde fuperftition ou par les erreurs les plus
groffieres.
L’examen des plaies fur les vivans & fur les cadavres
, eft fans contredit la fource la plus fréquente
des rapports qu’on fait en juftice. On établit en France
des experts-jurés, tirés pour l’ordinaire du corps des
chirurgiens, parce qu’onleur fuppofoit toutes les con-
noiffances requifes pour bien rapporter fur un objet
qui tenoit à leur profeffion ; & l’on ne vit pas que
pour décider fi une plaie étoit mortelle par elle-mêm e
ou par accident, il falloit connoître l’économie animale
fur tous fes points de vu e , & fur-tout.;quelle
étoit l’influence de tous les accidens fur le principe
de vie. On s’habitua à confulter les mêmes experts
fur d’autres objets qui les concernoient de moins
près, & leurs décifions prefque toujours mal conçues,
dégoûtèrent les juges ou les laifferent • dans une incertitude
cruelle.
L’ufagè de recourir aux chirurgiens pour les rapports
en juftice , fit qu’on s’accoutuma à regarder
cette partie de la médecine comme une fimple fonction
attachée à l’exercice de la chirurgie. Les feuls
chirurgiens écrivirent fur l’art de rapporter, & les
médecins peu jaloux de revendiquer ce qui leur ap-
partenoit, peut-être même ignorant l’extrême importance
de cette partie, ne firent jamais aucun effort
pour s’éclairer & rentrer dans leurs droits.
Le peu d’avantages que fournirent les rapports,
excita les magiftrats à joindre le plus fouvent un
médecin aux chirurgiens experts ; on s’attendit à
voir les uns s’éclairer par les autres , & les connoif-
fances phyfiques parurent devoir guider les operations
méchaniques , & préfider aux conféquences
qu’on en déduifoit. Mais la même négligence qui
empêchoit les médecins de s’inftruire fur les rapports
de leur profeffion avec les loix, rendit cette
affociation infruaueufe ; & le médecin expérimenté
d’ailleurs, fut prefque toujours étranger dans une
partie fur laquelle il n’avoit jamais réfléchi.
C’eft à ces confidérations qu’il faut .attribuer le
peu de dignité ou d’importance dont la médecinelégale
jouit pafmi nous ; fon état d’obfcurité explique
pourquoi les médecins inftruits ont dédaigné de
S’en occuper, & le défaut de bons traités a fouvent
fait pènfer aux magïftfats qu’ils efpéroient en vain
de tirer des médecins des lumières qui leur épar-
gnaffent une partie de la peine. On peut même ajouter
que les juges moins inftruits que les médecins,
de l’efpece de certitude qu’il faut attribuer aux notions
médicinales , évaluent imparfaitement les décifions
qu’on leur préfente, & font fouvent trompés
fur le mérite des experts.
Il importe peu à celui qui ne confîderè que le
bien de l’humanité, de tracer les limites qui fé-
parent deux profeffions qui s’occupent du foin de
guérir : les privilèges Obtenus par la chirurgie
en France, font l’éloge de ceux qui l’exercent,
ils ont fans doute bien mérité de la nation, puxf-
qu’elle les a récompenfés; & s’ils réunifient jamais
aux connoiflances purement chirurgicales , celles
qui les élèveront au-deffus de la elaffe des Amples
opérateurs, ils feront tels que je les defire. Cette
révolution n’eft pas éloignée ; plufieurs chirurgiens
célébrés ont fait voir parmi nous qu’ils étoient munis
de toutes les connoiflances accefloires qui conviennent
à ceux qui s’occupent de l’art de guérir :
on a de tout tems exigé ces connoiflances des médecins
, qu’on finiffe par les exiger des chirurgiens
nommés pour les rapports ; ils ne différeront des
médecins eux-mêmes que par le nom, & le public
fera fervi utilement.
Dans le peu d’écrits que nous avons fur la matière
dont il eft queftion dans cet article, il faut bien
diftinguer quelques mémoires ou confultations particulières
publiées dans ces derniers tems. Mrs Bou-
vart, Petit & Louis ont fait voir dans quelques
caufes célébrés, qu’il ne nous manquoit que les
occafions pour faire ce qu’ont fait nôs voifins: il
feroità fouhaiter que ces auteurs multipliaffent leurs
productions dans ce genre, elles pôurroient fervir
de modèle aux autres, & les provinces participe-
roient à cet égard aux reflources qu’on ne trouve
guere jufqu’à préfent que dans la capitale.
Parmi les ouvrage cités, ceux qu’on peut lire ou
confulter avec le plus de fruit, font Zaccbias, Valentini,
Alberti & le traité particulier de Bohn fur
les rapports des plaies. Les détails dans Iefquels
ces auteurs font entrés, & les obfervations dont ils
ont enrichi leurs traités , font d’une extrême utilité
.dans une fcience dont l’objet principal eft de faire
une jufte application des principes connus. Les traités
d’Hebenftreit, de Boerner & de Kanneeieffer
Ont leur mérite fans doute, comme on le verra ci-
après ; mais ils offrent plus d’embarras dans cette
application, & moins de reflources pour les vues.
L’un des plus parfaits parmi ces ouvrages, eft celui
de Zacchias qui n’a rien oublié d’utile & quia tout
préfenté avec méthode & clarté ; mais outre qu’il
y a beaucoup à élaguer ou à corriger dans ces queftions
, il a plus écrit pour les jurifconfultes & les
juges que pour les médecins : il n’étoit pas affez ana-
tomifte pour la plupart des queftions qu’il traite,
& la phyfique de fon tems n’avoit pas acquis les
reflources que nous avons dans le nôtre.
On ne peut fe diffimuler que dans le tems préfent
les experts qui fouillent dans les auteurs anciens
pour appuyer leur avis, ou pour y puiferdes motifs
de décifion , adoptent fouvent ayec une borirte
foi merveilleufe jufqu’aux abfurdités qu’ils y trouvent.
Eft-ce pareffe ou habitude ? C’eft ce que je
laiffe à décider.
Des connoijfeurs qu'on doit exiger dans un expert.
Il faut éviter l’excès de quelques auteurs qui, en
détaillant les connoiflances qui conviennent au .médecin
nommé pour les rapports, finjffent par exiger j
1 univerfalité de fcience, & demandent par là la chofe
impoffible. Mais en évitant l’exagération , il eft
toujours évident que parmi les différentes parties de
la médecine, dont l’exercice exige le plus de talens.
& de connoiflances variées * la médecine-légale eft
celle qui en exige le plus. L’extrême variété des
objets fur Iefquels on a des rapports à faire, impofe
la neceffite de reunir une foule de connoiflances
qu’on n’acquiert que par l’expérience aidée du génie*
« Tous les réglemens, dit M, Verdier, qui ont éfa-
» blila néceffité des rapports, ies ont confiés à ceux
» qui avoient quelque cara&ere ; quelques-uns
» même en ont formellement exclu tous les autres*
» Ces difpofitions^ ont été particuliérement énon-
» cées pour les chirurgiens dans les articles 31 des,
» ftatuts des chirurgiens de Paris de 1699 & 27 de
» ceux de Verfailles ». Les rapports des perfonnes-
non approuvées, ne pourront faire aucune foi en ju(licet
nonobflant toûs arrêts , brevets, lettres-patentes, privilèges
, edits ou autres titres à ce contraires , qui feront
a cet effet révoqués ; & il fera défendu à tous juges d'y
avoir égard. « La loi a voulu, par cette précaution,
» qu’on n’eût recours pour la confection des rap-
» ports, en quelque matière que ce foit, qu’à ceux
» qui ont donné des preuves authentiques & juri-
» diques de leur capacité , dans le, genre d’art ou.
» de fcience dont la connoiffance eft néceffaire
» pour décider la queftion ». C’eft donc par la nature
de la queftion qu’il faut juger des connoiflances
requifes pour la traiter ; mais comme le médecin
juré a le droit exclufifde faire les rapports fur tous
les objets, il fuit qu’il ne peut s’en acquitter fans
reproche s’il ne réunit tout ce qu’il eft effentiel de
favoir.
La divifïon de la fliédecine eri médecine proprement
dite 9 en chirurgie , & en pharmacie , établit
trois genre d’artiftes dont les travaux different ; mais
lès médecins ayant pour domaine de leur profèf-
fion, les connoiflances dé la nature , du prognoftie
& de la curation de toutes lés maladies ; du cara&ere
& de la vertu de tous les moyens propres à les com*
battre, avec les fciences auxiliaires qui conduifent à
celles qui font renfermées dans l’art de guérir, leur
miniftere s’étend fur tous les rapports de quelque
nature qu’ils foient & quel que foit leur objet. Les
autres profeffions doivent reconnpître dans leurs
rapports les bornes qui leur font preferites dans leur
pratique; & c’eft fur l’expérience-que chaque expert
a acquis dans la profeffion qu’il exerce, qu’il faut
mefurer le degré de foi qu’on attache à fa décifion
( Foyei ci-deffous ). Il eft aifé de fentir par ces rai-
lôns Combien il eftabfurde de prétendre , avec l’auteur
de Yart de faire les rapports^ en chirurgie , que
la matière & l’ouvrage de toute efpece de rapports ,
eft un droit patrimonial qui appartient aux chirurgiens
à l’exclufion des médecins eux-mêmes : la création
dés médecins royaux dans différens lieux du
royaume eut pour objet de remédier à l’abus en
détruifant cette prétention , & par-tout où une pa «
reille création-n’a pas eu lieu , le juge eft en droit de
nommer celui que les lumières & l’expérience lui
indiquent être le plus propre à remplir les vues de
la loi.
La connoiffance exa&e de toutes les parties du
corps humain & l’expérience des différions font
abfolument indifpenfables dans un expert nommé
au* rapports. C ’eft par l’exade connoiffance des
o s , de leurs cartilages, de leurs ligamens, des membranes
qui les recouvrent ou qui les lient, qu’on
peut reconnoître les caufes & les fuites des fractures
,deS diflocations ou des autres Iéfions accidentelles
ou intérieures de ces parties. Les mufcles, les
vaiffeaux, les nerfs , font auffi importans à connoître,
foit dans leur nombre & leur difpofition, foit