P exclufion des Portugais eux-memes , le commerce
de Portugal, ne purent voir avec indifférence ce fou-
verain reftreindre leur exceflive liberté fur cet objet.
Une entreprife encore plus importante pour la tranquillité
publique fut l’affoibliffement de la puiffance
illimitée de l’inquifition, & l’abolition de l’infernale
cérémonie des autodafés : abolition fi précieufe a
l’humanité, 6c qui pourtant eut des fuites fi cruelles
par les attentats de la haine des perfonnes iotéref-
fées à la confervation des pratiques homicides 6c
monftrueufes de cé tribunal. Le ciel parut recom-
penfer les généreux foins du roi par l’arrivée fur le
Tag e, de la flotte de la baie de Tous-les-Saints, qui
apporta des richeffes immenfes en marchandises, 6c
en efpeces d’or Sc d’argent. Pieux, mais éclairé, 6c
point du tout fuperftitieux, don Jofeph voulut examiner
fi les longues querelles que le roi fon pere
avoit eues avec la cour de Rome, avoient épargné à
l’état une bien forte exportation ; & il vit avec étonnement
que , malgré ces démêlés qui avoient fou-
flrait tant d’argent au faint fiege, toutefois , durant
le régné de Jean V , il étoit paffé de Portugal à Rome
quatre-vingt-quatorze millions de piaftres tout au
moins. L’attention du roi à exciter, autant qu’il étoit
poflible, les progrès du commerce national, eut le
plus grand fuccès ; il accorda un o&roi à une nouvelle
compagnie des Indes orientales, qui s’engagea
d’envoyer tous les ans onze vaiffeaux ; & afin de
donner plus de confiftance à cette compagnie 6c de
facilité à fes opérations, don Jofeph envoya un am-
baffadeur à l’empereur de la Chine, 6c cet ambaffa-
deur fut reçu à Macao, 6c fur toute fa route par des
mandarins, avec la plus haute diftinûion. Les auteurs
de CHifioire univerfelle depuis le commencement
du monde jufquà nos jours, 6cc. le plaignent amèrement
de la conduite de don Jofeph à l’égard des com-
merçans Anglois ; mais ces auteurs ne difent point
qu’il étoit tems aufli de délivrer les marchands Portugais
des entraves fort gênantes,humiliantes même,
que les Anglois mettoient à toutes leurs opérations :
cette conduite , difent-ils , tome XXIX,page Gox,
fut telle que fi quelqu’autre nation avoit pu fournir
le royaume de ce dont il avoit befoin , on lui auroit
donné la préférence fur les Anglois. Pourquoi ne pas
dire que cette conduite prouvoit feulement que don
Jofeph étoit, avec raifon , perfuadé que les marchands
Portugais pouvant feuls fournir le royaume
de ce dont il avoit befoin, il étoit aufli inutile que
pernicieux à l’état de recourir aux Anglois , & de
fouffrir que ceux-ci, fous prétexte des marchandifes
qu’ils fourniffoient, fiffent la loi aux Portugais. Le
roi eût vraifemblablement réufli dans fes vues, aufli
fages que patriotiques , f i , pendant l’exécution des
projets qu’il avoit conçus, un événement terrible,
autant qu’il étoit imprévu, ne fût venu jetter la con-
ûernation, porter la terreur, le ravage & la mort
dans Lisbonne, 6c dans prefque toutes les provinces
de ce royaume. On fait quels coups le Portugal ref-
fentit de ce terrible tremblement de terre qui, en
1755 » Pen^a caufer la ruine totale de cette monarchie
, de Lisbonne fur-tout, dévaluée en même tems
par le choc violent des fecouffes du tremblement
de terre, par le débordement des eaux du Tage, &
par la violence de l’incendie qurfaifoit périr dans les
flammes ceux qui s’étoient fauvés de l’écroulement
des maifons. Alarmés, éperdus, les habitans de cette
capitale penferent d’abord que cet incendie étoit un
effet naturel de l’explofion des feux fouterreins ; mais
bientôt on découvrit qu’il avoit été allumé, excité, 6c
étendu de rue en rue, par une troupe de fcélérats, qui,
profitant avec la plus monflrueufe inhumanité du défai
r e général, pilloient à la faveur de la confufion que
caufoit l’incendie les effets les plus précieux. On fit
(l’abord monter le nombre des morts à Lisbonne dans
ce jour de terreur, à quarante mille ; mais par des calculs
plus exaéts, on trouva qu’il ne périt qu’environ
quinze mille habitans de cette capitale, d’où le roi, la
reine & la famille royale eurent le bonheur de fe fau-
ver quelques momens avant la chûte de leur palais. La
cour d’Eipagne ne fut pas plutôt infiruite de cet événement
6c de la déplorable fituation des Portugais ,
que , quoique plufieurs villes Efpagnoles eu fient
fouffert des dommages considérables par ce même
accident , elle fe hâta d’envoyer en Portugal des
fecours abondans. Les Anglois, ainfi que je l’ai ob-
fervé, fe plaignoient amèrement des Portugais, 6c
ils murmuroient hautement contre les réglemens
faits par le roi don Jofeph ; cependant, par un trait
bien digne de cette grandeur d’ame , de cette géné-
rofité qui caraâérife la nation Britannique , à peine
le roi George inflruit du défafire de Lisbonne , eût
recommandé, à la confédération de fes communes ,
cette grande calamité , que la chambre des communes
mit le roi George II en état d’envoyer aux Portugais
les plus grands 6c les plus prompts fecours.
Cet envoi fut fi agréable à don Jofeph, que depuis
il n’eft plus furvenu ni méfintelligence , ni fujet de
plainte entre les deux nations. Par la bienfaifance 6c
les foins attentifs de leur fouverain, les Portugais
avoient réparé en partie les finiftres effets de ce
défaftre, lorfqu’uri nouvel événement vint encore
les plonger dans les alarmes 6c la concernation. Le
duc d’Aveiro avoit conçu une haine implacable contre
le ro i, parce que ce prince s’étoit oppofé au mariage
du fils de ce duc avec la foeur du duc de Cada-
v a l, auquel, dans la vue d’envahir tous fes biens ,
le duc d’Aveiro avoit fufeité les affaires les plus
cruelles. Le duc d’Aveiro violemment entraîné par
fa haine , s’étoit ligué avec tous les mécontens du
royaume, & principalement avec les jéfuites, qui,
pour de très-fortes raifons, venoient d’être chaffés
de la cour, 6c pour lefquels il avoit eu jufqu’alors
la plus implacable averfion. La marquife de Tavora
vivement ulcérée de n’avoir pas été élevée au rang
de ducheffe, la ligua par la médiation des jéfuites,
avec le duc d’Aveiro, 6c pour entrer dans la confpi-
ration , étouffé l’inimitié qui régnoit depuis très-
long-tems entre fa maifon & celle du duc. Jofeph
Romeiro, domeftique du marquis de Tavora , 6c
Antonio-Alvarez Ferreira, ancien valet-de-chambre
du duc d’Aveiro , furent les deux principaux fcélérats
que leurs maîtres chargèrent de porter les
premiers coups au roi. Plufieurs autres perfonnes
étoient intéreffées dans cette confpiration, outre
toutes celles qui tenoient par les liens de la parenté
aux maifons de Tavora & d’Aveiro. Afin de préparer
les Portugais à voir avec moins de terreur le
crime qu’on vouloit commettre, les jéfuites, 6c en-
tr’autres Malagrida, fe déchaînoient contre ce qu’ils
appelloient l'impiété du fouverain , qui en effet avoit
porté l’impiété jufques à bannir les jéfuites de fa
cour ; Malagrida faifoit 6c répandoit des prétendues
prophéties qui annonçoient audacieufement là mort
du roi. Lorfque les conjurés eurent pris toutes les
mefures qu’ils jugeoient néceffaires au fuccès du
complot, ils fixèrent le jour de l’afTaflinat : les
conjurés fe trouvèrent à cheval au rendez-vous
donné , & fe partageant en différentes bandes, ils
fe mirent en embufeade dans un petit efpace de ter-
rein , où ils étoient allurés que le roi pafferoit, 6c
où il paffe en effet quand il fort fans cortege. Peu de
moment après, le roi venant à paffer en chaife, don
Jofeph Mafcarenhas, duc d’Aveiro, fortit, fe leva
eje défions l’arbre où il étoit caché, 6c tira un coup
de carabine contre le portillon qui conduifoit la
chaife : mais par 4e plus heureux des miracles, le
feu prit fans effet ; le coup ne partit pas, 6c le portillon
averti par la lumière de l’amorce, du, danger
iqui menaçoit le roi, preffa, fans rien dire, fes mules
avec la plus grande vivacité ; 6c fon intelligence
fau va don Jofeph : car il eft confiant que fi cé portillon
eût été tué, c’en étoit fait de la vie du prince , ’
qui reftoit au pouvoir des confpirateurs : mais,
malgré la rapidité de la courfe , les autres conjurés,
à mefure que la chaife paffoit d’une embufeade à
une autre, tirèrent leurs coups de carabine ; mais
les balles ne portant que fur le derrière de la chaife,
le roi en fut quitte pour deux dangereufes bleffures,
depuis l’épaule droite jufqu’au coude en-dehors 6c
en-dedans du bras, & même fur le corps. Toutefois
le danger croiffoit à chaque inrtant, il reftoit encore
plufieurs conjurés prêts à tirer aufli-tôt que la chaife
pafferoit devant eux. Don Jofeph, fans dire un mot,
fans laiffer échapper un c r i, quelque vives que fuf-
fent les douleurs qu’il reffentoit de fes bleffures,
ordonna tranquillement de retourner fur fes pas , &
de le conduire à la maifon du chirurgien-major, où
il ne fut pas plutôt arrivé, qu’après avoir rendu grâces
à Dieu d’avoir échappé au péril imminent qui
avoit menacé fa tê te , il fit vifiter fes bleffures, &
par l’habileté des panferftens 6c l’efficacité des reme-
des, il fut en peu de jours entièrement rétabli.Tous
les conjurés furent pris, 6c fubirent lé fort que mé-
ritoit leur crime : ils expirèrent fur la roue ou dans
les flammes ; leurs hôtels, leurs armoiries , jufqu’à
leur nom, tout fut irrévocablement anéanti. Le peuple
furieux les eût encore traités avec plus de févé-
r ité , & en effet il n’étoit guere de tourment affez
douloureux qui put expier cet horrible attentat. Le
nonce du pape follicitoit ouvertement pour le s .
jefuites, avoit eu des liaifons avec quelques-uns des
confpirateurs, parloit très-librement, 6c donnoit
contre lui de violens foupçons ; la cour lui fut interdite
, 6c d’après de nouvelles découvertes, il fut
conduit par une forte efeorte fur les frontières du
royaume. Le pape fort mal-à-propos offenfé, ordonna
à l’ambaffadeur Portugais de fortir des terres de
l’Eglife. Les jéfuites furent tous arrêtés en même
tems, embarqués & conduits à Civita-Vecchia : les
troupes que cette fociété avoit dans le Pavaguai, furent
complètement battues 6c défaites par les Portugais
6c les Efpagnols. Lorfque cette conjuration fut
diflipée, & qu’ifne refta plus de traces de cette afiàire,
les Portugais alarmés fur les maux qu’eût caufés à
l’état l’exécution de ce complot, s’il avoit réufli, ne
penfoient qu’avec chagrin aux défordres qu’entraîne-
roit tôt ou tard l’incertitude de la fucceflion à la couronne
, quand le roi viendroit à mourir. Don Jofeph,
dans la vue de ne laiffer aucun fujet de crainte à cet
égard, donna la princeffe du Bréfil, fa fille, en mariage
à don Pedre fon frere. Raffurés par cette union, qui.
fut célébrée dans le mois de juin 1760, les Portugais
oublioient leurs défaftres paffés, 6c commençoient
à efpérer de voir le royaume revenir à cet état pai-
iîble &floriffant, dont il avoit joui dans les premières
années de ce régné, lorfqu’un nouvel orage penfa
renouveller tous fes malheurs. L’Efpagne & la France
liguées contre l’Angleterre , folliciterent don Jofeph
d’abandonner les intérêts de la Grande-Bretagne, 6c
de faire avec elles une alliance offenfive 6c défen-
five ; 6c dans le même tems que cette étrange pro-
pofition étoit faite à la cour de Lisbonne , l’armée
Efpagnole s’avançoit vers les frontières de Portugal
, & tout commerce avec les habitans de ce
royaume étoit interdit. Dans cette fituation critique
, don Jofeph demeura ferme 6c inébranlablement
attaché à l’Angleterre fon alliée. La guerre lui fut
declaree 6c les Efpagnols firent avec tant de fuccès
des irruptions en Portugal, qu’ils fe rendirent maîtres
fie provinces entières : mais ce bonheur ne fe
foutint pas : fecourus par les Anglois, les Portugais
luttèrent avec avantage contre l’Efpagne & la France ;
& , après bien de meurtrières & trop longues hofti-
lités , le calme fe rétablit par un traité de paix avantageux
aux Portugais. Depuis la conclufion de cette
paix, don Jofeph ne s’eft occupé qu’à faire fleurir fes
états par le commerce &les manufactures, les feien-
ces & les arts. (L.C.)
JOSIAS , feu du Seigneur , ( Hifl.* facrée. ) fils
dAmon, roi de Juda, fuccéda à fon pere l’an du
monde 3363 , n’étant âgé que de huit ans. C ’étoit
un prince fage 6c pieux, qui n’oublia rien pour rétablir
l’obfervation des anciennes loix. U fit une
recherche exaCte dans Jérufalem 6c dans tout fon
royatime , des lieux où l’on adoroit les faux dieux
fit couper les bois 6c abattre les autels qui leur
étoient confacrés , 6c par ce moyen , il éloigna le
peuple du culte de ces idoles, 6c le ramena au culte
du vrai Dieu. Ce prince religieux, animé d’un faint
zele, étendit fes foins jufques fur le royaume d’ Ifraël.
Il profita de l’affoibliffement des rois d’Affyrie 6c
des bonnes difpofitions des dix tribus, pour exterminer
l’idolâtrie de l’héritage du Seigneur. Il alla à
Béthel, où étoit l’autel c/ue Jéroboam avoit érigé au
veau-d’o r ; il le renverfa, le mit en cendres, 6c
accomplit ainfi ce que le prophète de Juda avoit
prédit , 300 ans auparavant , à l ’impie Jéroboam.
Après cela, il s’appliqua à réparer le temple du Sei- ■
gneur, qui avoit été fort négligé ; 6c ce fut alors
que le grand-prêtre Helcias trouva dans la chambre
du tréfor , le livre de la loi du Seigneur, donné par
les mains de Moyfe. On ne peut prefque douter que
ce livre ne fût le Deutéronome , l’original même
écrit de la main de Moyfe, qui devoit être à côté de
l’arche , mais qui, dans le défordre des régnés pré-
cédens, avoit été tiré de fa place , 6c caché dans
le tréfor du temple. C’eft fur-tout au 28e chapitre
que fe trouvent les menaces 6c les malédi&ions dont
Jofias fut fi effrayé. Ce prince fe l’étant fait lire, envoya
confulter la propheteffe Holda, qui prédit que
tous les maux annoncés dans ce livre, alloient fondre
fur le peuple, parce qu’il avoit abandonné le
Seigneur ; mais que le roi ne les verroit pas , parce
qu’il s’étoit humilié devant lui. Jojias, ayant fait
affembler tous les anciens de Juda , leur lut le livre
qui avoit été trouvé , renouvella l’alliance avec
D ie u , s’engagea à obferver fes préceptes, 6c fit
promettre la même chofe à tous ceux qui étoient
préfens. Enfuite , il redoubla fes efforts pour éteindre
les reftes de l’idolâtrie, & faire refleurir le culte
du Seigneur. Il ordonna à tout fon peuple de célébrer
la Pâque, fuivant ce qui en étoit écrit dans le
livre de la lo i , 6c l’Ecriture remarque que jamais
Pâque ne fut célébrée comme celle qui fe fit la clix-
huitieme année de ce prince, c’eft-à-dire, avec autant
de piété, de zele 6c d’unanimité , par tous les ordres
du royaume. II. Par. xxxv , 28. Elle ajoute qu’il n’y
avoit point eu avant lui de roi qui lui fût femblable,
ni qui fut retourné comme lui au Seigneur de tout
fori Coeur & de toute fa force. Aufli Dieu , pour ne,
point rendre ce bon prince témoin de la vengeance
qu’il alloit tirer de Juda, fufeita Nécao, roi d’Egypte,
qui , voulant aller porter la guerre dans la Méaie ,
paffa par la Judée. Jofias s’oppofa à fon partage , 6c
lui livra bataille à Mageddo, an pied du mont Carmel.
Il y fut bleffé fi dangereufement, qu’ayant été
mené à Jérufalem, il mourut de fes bleffures l’an du
monde 3394. Le peuple fit un grand deuil à fa mort;
Jérémie compofa un cantique lugubre à fa louange ;
6c ce deuil étoit devenu fi célébré , que le prophète
Zacharie le compare à celui que l’on devoit faire à
la mort du Meffie. Il paroît par-là que ce deuil commença
dans la ville d’Adad-Remmon, comme plus
voifine de la campagne où Jofias avoit été tué. L’Ef-
prit-Saint fait de grands éloges de ce prince pieux .
& le met au rang dè David 6c d’Ezéchias. Eccléf,