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fur-tout, le coeur eft fans comparaifon le plus irritable
des mufcles, & celui dont l'irritabilité dure le
plus long-tems. Elle commence aufli à fe faire voir
dans le coeur de l’embryon pendant que les inteftins
& les mufcles ne font encore qu’une gelée morte ;
l'irritabilité ne fe fait àppercevoir dans les mufcles ,
& dans les inteftins que pluftêurs: jours après que le
coeur a battu avec la plus grande vivacité, 8c que
fon mouvement a réfifté au froid continué de l’eau
froide, 8c s’eft réveillé par la chaleur des jours en-
tiers après la mort.
Dans le coeur, c’eft l’oreillette droite & la veme-
cave qui poffedent éminemment la nature irritable,
& qui meurent les dernieres de toutes les parties
animales. . A
Le coeur arraché du corps, mis en pièces meme,
continue d’ofciller très-long-tems.
Cette obfervation toute fimple qu’elle eft, lemble
conduire à la folution d’un problème des plus difficiles
de la phyfiologie. On a demande de tout tems
la raifon qui fait agir le coeur & les inteftins dans le
fommeil, dans l’apoplexie, dans 1 animal mourant,
pendant que le refte des mufcles eft^fans mouvement
: on a fur-tout defiré de connoître la raifon
pour laquelle les mufcles fournis à la volonté, n a-
giffent que par fes ordres, au lieu que le coeur & les
inteftins agiffent fans aucun a&e de la volonté, fans
même que l’ame foit inftruite de leur mouvement;
fans qu’elle puiffe ni augmenter, ni diminuer, ni
fupprimer, ni rappeller leur aâion. ^
La folution paroît fort naturelle. Le coeur étant
conftamment irrité dans la furface intérieure de fes
cavités par le fang veineux que lui fourniflent les
deux grandes veines, agit conftamment & fans interruption.
Ëtant éminemment irritable, il ne lui
faut pas d’autre caufe pour agir que ce ftimulus. Les
inteftins font mis en jeu par l’aâion de l’air & de la
maffe alimentaire fur leur furface intérieure.
Les mufcles fournis à la volonté n’étant pas irritables
au même degré, & n’étant pas irrités par des
ftimulus conftamment renaiffans , ne fe remettent
en mouvement, que par l’aûion nerveufe, qui dépend
de l’ame. Ces mêmes mufcles fe mettent en
mouvement & agiffent convulfivement fans les ordres
de la volonté, & contre la volonté même, dès que
des ftimulus affez puiffans font appliqués ou à leurs
nerfs, ou au cerveau, ou aux mufcles même.
La troifieme puiffance motrice du corps humain,
c’eft la force nerveufe, dont je ne recherche pas ici
la caufe méchanique, & que je regarde limplement
comme le mouvement produit dans les mufcles par
l’aâion des nerfs. Cette aâion eft fupprimée par la
ligature du nerf, par fon retranchement, par une
caufe quelconque, qui interrompt le commerce du
nerf avec le cerveau , ou par des caufes, qui affectent
le cerveau, & la moelle de l’épine affez fort
pour en intercepter l’influence fur le nerf.
Cette force eft fuffifamment démontrée pa'r l’expérience.
Je n’ai jamais compris comment un célébré
anatomifte a pu en douter. Elle n’eft pas même
entièrement bornée à la continuité libre du nerf avec
le cerveau ; un nerf coupé & lié , mais irrité fous
la ligature ou fous la divifion, met en mouvement
le mufcle ou les mufcles, qu’il fournit de fes branches.
La force nerveufe reffemble en bien des chofes
à la force innée ; fon fiege eft le même , elle naît
de même de l’irritation ; elle a les mêmes phénomènes
, les mêmes alternatives de contraâion & de
relâchement ; elle lui reffemble encore par les mou-
vemens exceffifs que l’une & l’autre produifent dans
les mufcles. Auffi les a-t-on confondus, & bien des
perfonnes s’obftinent encore à les confondre.
Regarder l’irritabilité comme la feniibiüté même,
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c’eft confondre des chofes entièrement différentes*
Le fentiment eft un changement arrivé dans l’ame
à l’occafion d’un changement arrivé dans le corps.
Le mouvement de Yirritabilité fe fait fans aucun fentiment
de l’ame. Un homme qui fe porte bien ignore
profondément les battemens de fon coeur, le mouvement
périftaltique de fes inteftins , la contraction
de fa veflie. Les mouvemens convulfifs les plus vio-
lens fe font fans douleur ; les douleurs les plus violentes
ne font accompagnés d’aucun mouvement
qui puiffe faire la moindre peine.
C’eft donc une autre idée que celle des auteurs ,
qui confondent Yirritabilité avec la fenfibilité. Ils pen-
fent que la première de ces forces dépend dafla fécondé
, & que le nerf communique à la fibre muf-
culaire fon irritabilité. C’eft fous, ce point de vue que
nous allons examiner l’opinion de ces auteurs.
Le nerf donneroit en ce cas ce qu’il ne poffeds.
pas lui-même. Le nerf n’éft rien moins qu’irritable ;
le cerveau & toute la moelle fenfitive font infiniment
éloignés de l’être. J’ai placé le nerf fur une
réglé graduée ; je l’ai irrité ; les mufcles du reffort
de ce nerf fe font contractés ; mais le nerf n’a pas
changé d’un degré de cette réglé, le pouce y étant
divifé en cent parties.
L'irritabilité n’a pas befoin d’un nerf* pour devenir
une force aCtive. Il y a des milliers d’animaux
fans tê te , fans moelle de l’épine , fans nerfs, &
ces animaux font très - irritables. Le polype l’eft
éminemment. Les plantes même poffedent un pouvoir
analogue; il eft affez commun & t rè s -a â if
dans les étamines des plantes cinaro-céphales & de
pluiieurs à pétales.
Le fentiment eft borné à la vie ; il l’eft à l’exif-
tence du nerf dans le mufcle, à la liberté même du
commerce de ce nerf avec le cerveau. U irritabilité
eft très-adive après la mort ; & quelques jours même
après la mort parfaite dans les animaux à fang
froid , elle fubfifte, quand le nerf du mufcle a été
détruit, & que le mufcle eft arraché du corps.
On a vu des contrarions convulfives, durer dans
les mufcles de la tête & dans les inteftins pendant
plufieurs jours , & la mâchoire d’une vipere à cette
époque , fe fermer & bleffer dangereufement.
Le coeur, le plus irritable des mufcles, fe paffe
mieux que les autres de la force nerveufe , & fon
irritabilité feule en foutient le mouvement. J’ai découvert
dans l’animal vivant les nerfs de la huitième
paire & les intercoftaux, la moelle de l’épine
même. J’ai coupé les nerfs , la moelle ; le coeur
a continué fes battemens dans un animal prêt à expirer
, & dont le coeur ne battoit plus ; j’ai irrité
ces nerfs , le cervelet, la moelle de l’épine , le
coeur ne s’eft point réveillé, il n’a pas repris de
mouvement différent en cela de tout autre mufcle ,
dans lequel l’irritation du nerf réveille infailliblement
la contraâion.
Le coeur bat long - tems & conftamment après
qu’on l’a arraché du corps, fur-tout dans les quadrupèdes
à fang froid, & dans l’anguille.
\J irritabilité n’eft point dans la même proportion
que le fentiment. Le coeur n’a qu’une fenfibilité
médiocre , mais il eft infiniment irritable.
La volonté peut tout fur les mufcles fournis à la
force nerveufe. Elle ne peut rien fur le coeur.
L’irritabilité différé donc de la force nerveufe par
fon indépendance des nerfs & de la volonté, par fa
durée , par le défaut de fentiment.
Si les nerfs font néceffaires pour foutenir dans
les mufcles la force contraftive, les arteres le font
de même : fans l’influence nerveufe la fibre mufcu-
laire ne conferve pas l’intégrité néceffaire pour fon
attion , tout comme elle ne la conferve pas fans
l’affluence du fang artériel«. L’élément
I S A
L’élément mufculaire paroît avo ir pour qualité
innée celle de fe contracter : cette qualité peut être
mife en jeu par la force n e rv eu fe , mais elle peut
l ’être fans elle.
Peut-être même la force morte fert-elle de bafe
à tout mouvement animal, & qu’elle devient irritabilité
dans la fibre mufculaire , uniquement parce
que dans cette fibre l’aptitude à la contraâion eft
plus forte que dans la fibre Amplement cellulaire.,
La force nerveufe n’y ajoute peut-être encore qu’une
liqueur ftimulante , qui excite la fibre mufculaire
à fe contracter. Cette fibre a dans les mufcles volon-
taires'befoin de ce fecours pour agir, au lieu que dans
les mufcles vitaux, cette même force agit fans être
aidée par le ftimulus du fuc nerveux. ( H. D . G. )
I S
ISAAC , ris t ( Hifl. fac. ) fils d*Abraham & de
Sara, naquit l’an du monde 2108 , lorfque fa mere
étoit ftérile , & âgée de quatre-vingt-dix ans , &
fon pere de cent. Sara l’appella lfaac , d’un mot qui
lignifie le ris, parce qu’elle fe mitàrire , quand l’ange
lui annonça qu’elle auroit un fils.Lorfqu’//à*zc eut
atteint l’âge de vingt - cinq ans , le Seigneur , pour
éprouver la foi d’Abraham, lui ordonna de prendre
ce fils unique , de le mener fur la montagne qu’il lui
indiqueroit, & de le facrifîer en fon honneur. Le
pere obéit, partit avec fon fils. Ils marchèrent deux
jours , & arrivèrent le troifieme au lieu deftiné, qui
"%»oit la montagne de Moria ; Abraham laiffa au bas
de cette montagne deux ferviteurs qui l’a voient accompagné
, & ne mena que fon fils, qu’il chargea
du bois néceffaire pour brûler la viâime ; pour lui,
il prit le feu & le couteau. Comme ils marchoient
enfemble, lfaac dit à fon pere : voilà le feu & le bois,
mais où eft la viftimepour l’holocaufte : G en. x x ij.ji
Abraham , fans s’ouvrir davantage , lui. répondit
que Dieu y pourvoiroit. Lorfqu’ils furent arrivés au
haut de la montagne , Abraham dreffa un autel, y
mit le bois , lia lfaac pour.fervir de viâime, & prenant
le couteau , il étoit fur le point de l’égorger,
lorfque Dieu , touché de la foi du pere & de la
foumiffion du fils, arrêta, par un ange, la main d’Abraham
, & fit trouver au même endroit un belier
qui fut immolé. Lorfqu’lfaac eut atteint l’âge de quarante
ans , Abraham fongea à lui donner une femme
; & ne voulant pas qu’il époufât une Chananéen-
n e , il envoya Eliezer, fon intendant, dans la Mé-
fopotamie , pour y chercher une femme, de la famille
de Laban fon beau-frere. Eliezer amena de ce
pays Rebecca, qu’lfaac époufa, & dontil eut, après
dix-neuf ans de ftérilité, deux jumeaux, Efaii & Jacob.
Quelques années après , il furvint dans le pays
une grande famine , qui obligea lfaac de fe retirer à
Gérare , où régnoit Abimelech. L à , Dieu le bénit,
■ & multiplia tellement fes troupeaux, que les habi-
tans & le roi lui-même, jaloux de fes richeffes , le
prièrent de fe retirer, parce qu’il devenoit trop puif-
lant. lfaac fe retira à Berfabée, où il fixa fa demeure.
C ’eft - là que le Seigneur lui apparut, & lui renou-
vella les promeffes qu’il avoit faites à Abraham, de
le bénir , & de multiplier fa race. Comme il fe vit
fort vieux, il voulut bénir fon fils Efaii ; mais Jacob,
par les confeils de Rebecca , furprit la bénédiâion
d lfaac , qui étoit aveugle , & qui la confirma, lorfqu
il en fut (informé, Gen. x x v i ij .j^ , parce que
le fecret de Dieu lui ayant été révélé , il ne fut pas *
trompé, ayant eu deffein.de bénir celui que Dieu
vouloit qu’il bénît. Ce faint patriarche, craignant
que Jacob ne s’alliât, à l’exemple de fon frere, avec
une Chananeenne , l’envoya en Méfopotamie pour
y prendre une femme de fa race , & lorfque fon fils
revint, après vingt ans d’abfence, il eut le plaifir I
Tome 111,
I S A 665
de le revoir, & vécut encore vingt-trois ans » étant
mort âgé de cent quatre-vingt-huit ans, l’an du
monde 2288. Il porta cet état fi trifte d’aveuglement
Plus, 5 uarante ans y en ayant 137 ans, lors de la
bénédiâion de Jacob. L’immolation d’lfaac repréfente
, dans toutes fes circonftances , le facrifice de
Jefus-Chrift. lfaac eft chargé du bois de fon facrifice;
Jefus-Chrift , de fa croix ; la même montagne
leur fert d’autel, ils montent, accablés d’un pefant
fardeau, lfaac confent d’être immolé , &c on le lie
cependant, pour mieux repréfenter celui qu i,
donnant fa vie avec une fouveraine liberté , a été
attaché avec des doux , afin que fon facrifice eût
les dehors humilians d’un facrifice forcé. Ils font
étendus tous les deux fur le bois , obciffans jufqu’à
la mort, & furvivent l’un & l’autre à leur facrifice i
mais lfaac n’eft immolé, & ne reffufcite qu’en figure,
& Jefus-Chrift donne fa v ie , & la reprend réellement.
Gen. xvij. & fuivant. Eccléjiaflique, xliv. Jérémie.
xx x iij. Mat. j . (+ )
ISABELLE, reine de Hongrie, ( Hijl. moderne.}
fille de Sigifmond, roi de Pologne , avoit époufé
Jean , roi de Hongrie, prince foible , jouet tour-à-
tour &c de Soliman, empereur des Turcs, & de
Ferdinand, archiduc d’Autriehè , battu & par l’un
& par l’autre ; il céda fes états au fultan, les réclama
pour les céder à l’archiduc, Sc mourut ignoré. Le
rang d'Ifabelle l’appelloit à la régence pendant la
minorité d’Etienne , fon fils. Le teftament du feu
roi lui avoit affocié George le moine. C’étoit un
homme q u i, né dans la mifere , avoit conçu le projet
de jouer un rôle en Europe. Il fut fucceffivement
frere laïc , moine , prélat ; fçut dans la craffe du
froc , affeâer l’orgueil de la pourpre , fe rendit né-
cefft lire aux grands , fut d’abord leur efclave ; puis
leur égal, enfin leur maître. Ifabelle , attaquée à la
fois par Ferdinand & par Soliman, fentoit bien la
néceffité de rechercher l’appui de l’un pour l’oppo-
fer à l’autre. La voix dé l’équité la détermina fur
le choix de fôn proteâeur. Ferdinand réclamoit la
Hongrie & rappelloit le traité conclu entre Jean &c
lui. La princeffe n’avoit point encore adopté ces
maximes trop familières aux fouverains, qu’un traité
défavantageux eft nul, & que la foi donnée dans le
péril , cèffe d’être facrée quand le péril eft paffé.
George traita cette juftice de foibleffe , foutint que
Jean n’avoit pu , fans le fuffrage de la nation , lui
donner un autre maître , jura de défendre le patrimoine
de fon pupille qu’il regardoit comme le fien,
fit alliance avec Soliman, & fe renferma dans Bude.
La reine l’y fuivit, y fut affiégée , & voulut fe
rendre aux offres que lui fit l’archiduc d’une principauté
dans fes états , en échange .de ceux qu’elle
perdoit. L’équité de la reine n’excitoit qu’une efti-r
me froide & peu fentie, en vain elle répétoit que
fon fils avoit hérité des malheurs de fon pere &
non pas de fon trône, qu’une plus longue réfif-
tance expoferoit la vie de cet enfant, à qui l’on vouloit
confçrver un fceptre. George, en s’oppofant à
cette ceffion , échauffoit l’enthoufiafme du peuple ,
qui ne voyoit pas qu’on ne difputoit que fur le choix
des tyrans. Soliman, qui vouloit placer la couronne
fur la tête du jeune Etienne, pour s’en emparer
plus aifément, envoya à la reine un fecours qu’elle
ne demandoit pas, le fiege fut levé , & Roccan- •
dolphe, général des Autrichiens , alla mourir de
honte & de dépit dans l’île de Comar.
Soliman demanda à voirie jeune prince. Ifabelle
qui fentoit que l’empereur, en paroiffant combattre
pour Etienne, n’avoit combattu que poûr lui-
même , craignit qu’il ne l’embraffât pour l’étouffer j
elle le refufa ; mais malgré fes alarmes , Etienne
fut conduit au camp des Turcs , & de là envoyé
avec fa mere,. en Tranfilvanie , où elle dey oit
P P p p