le régiment de la Ferronnais attaqua les bàtaiflôns
de l'arriéré-garde, & en rompit les derniers rangs,'
mais le feu prodigieux des autres arrêta les progrès
de cette charge; & l’artillerie quoique fervie avec
autant de promptitude que de vivacité, n’empêcha
pas que ces bataillons ne fiffent plus de deux lieues &
demie fans fe rompre : cependant la cavalerie les
côtoyoit toujours, & gagnoit même le devant. La
retraite du comte de Staremberg après la bataille'de
Villa- Viciofa ; la colonne des Anglois à Fontenoi,
font encore des exemples remarquables de la défenfe
que peut faire un corps d’infanterie à la faveur de fon
feu. Voyons maintenant les effets de la baïonnette.
On a vu dans la plaine de Spire le régiment de Na--
varre & celui du ro i, charger la baïonnette au bout
du fu fil, pénétrant & renverfant tout ce qui ofoit
fe présenter à leur paffage, fans voir la fin ni le fond
des corps qui fe fuccédoient. A Almanza la brigade
du Maine attaqua l’infanterie ennemie de la même
maniéré, après en avoir effuyé le feu fans tirer , &
en fit un grand carnage. L’infanterie du duc de Vendôme
, à Calcinato, fit plus : elle renverfa toute celle
des ennemis, & une partie de leur cavalerie : mais
fi çes/fortes de faits font affez fréquens depuis qu’on
fe fert du fufil avec fa baïonnette, il faut auffi convenir
qu’ils font bien plus l’effet de la valeur & de
rimpétuofité des François , que de la confiance que
le foldat a dans fon arme, qui doit être la même
chez nos ennemis ; & que ce genre de combat, qui
convient fi fort à notre nation , ne lui a pas toujours
réuffi. On voudroit bien pouvoir citer quelqu’occa-
fion où un corps d’infanterie ait empêché, avec la
baïonnette au bout du fu fil, un corps de cavalerie
de l’enfoncer, & affez fouvent de le battre ; mais ces
exemples , s’il en exifte, font bien rares, ou bien ils
nous ont échappé. La fermeté des Anglois à Fontenoi
& à Minden, citée par les partifans du fu fil, ne fau-
roit leur être favorable : ceux qui ont vu ces deux
batailles favent bien à quoi l’on doit attribuer la ré‘
fiftance de nos ennemis. Voyt% dans ce Supplément
Varticle Pique , où l’on fait voir que le fufil avec fa
baïonnette ne peut fuppléer la pique contre le choc
de la, cavalerie , & que la pique eft abfolument né-
ceffaire dans l’infanterie. ( Al. D . L. R. )
Fusil - A - dé , ( Art milit. ) Un fufil quelconque
peut aifément devenir fu fil-à -d é ; le dé n’étant
autre chofe qu’un tube de fer très-mince, d’une longueur
capable de contenir la charge du fufil, coupé
obliquement à fon orifice, & d’un diamètre fuffifam-
ment plus petit que celui de l ’ame du canon, pour
qu’il puiffe être introduit dans le tonnerre, & y refter
fixe ; ce qui fe pratique de deux maniérés.
La première en le brâfant fur le bouton de la ctf-
laffe: la deuxieme en le brâfant aux parois du canon.
On a fuppléé celle-ci en forant le canon plus étroit
de l’épaiffeur du dé à l’endroit oîi doit tomber la
balle ; ce qui forme une efpece d’entonnoir oit elle
s’enchâffe par fon poids augmenté à la fin de fa chute.
Cette idée regardée comme la perfection des fufils
qui fe chargent fans baguette, fut celle qu’adopta
M. le maréchal de Saxe pour les fufils de fes dragons,
en \74t '
L’objet du dé étant de rendre le diamètre intérieur
du canon plus étroit au point oii doit tomber
la balle, afin de l’y retenir, on recônnoît en effet
qu’en la laiffant fimplement gliffer de la bouche du
canon au tonnerre, elle s’y enchâffe de maniéré qu’en
renverfant le fufil, en frappant même du bout fur
le plancher elle ne tombe point ; mais cet effet n’a
lieu que lorfque le dé eft brâfé fur le bouton de la
çulâffe: il n’en eft pas de même lorfqu’il eft adhérent
aux parois du canon, ou qu’il eft pratiqué par le
îetreciffement du tonnerre, quelques coups de clefs
donnés fur le canon fuffifant alors pour détacher la
balle & la faire tomber; ce qui arrive ’cependant
moins aifément au fufil des dragons de M. de Saxe *
& ce qui joint à leur fimplicité', les rendroit préférables
aux deux autres. On peut tirer avec ces fortes»
de fufils plus de 80 coups fans être obligé de fe fer-
vir de baguette, ni de les nettoyer. Mais ces avantages
font balancés par de grands inconvéniens.
Lorfque le dé eft brâfé fur le bouton de, la culaffô
avec laquelle il doit entrer & fortir, pour que fort
adhérence au canon foit parfaite, il exige dans tous
fes points une très-grande précifion, dont tous leS
ouvriers ne font pas capables. La balle tine’fois engagée,
fi la charge ne prend pas, fur-tout au Bout d’urt
certain nombre de coups, il faut déciîlaffer 1 qfufil.
La crafle & la rouille qui fe gîtent entre les: parois
du dé & celles du canon le reflèrrent à la longue dé
maniéré que la balle n’y tient plus. Il arrive enfin que
lorfqu’il fautdéculaffer le canon pour en tirer la balle,
ou le nettoyer, la crafle amaffée par foirante où
quatre-vingts coups, colle le dé au canon, de maniéré
qu’on a grande peine à réüflir fans fauffér 6u. cafter
quelque chofe.
Les inconvéniens qu’on vient de voir par rapport
au dé brâfé fur la culaffe, ne font rien en compàraifort
de ceux qu’on va citer, lefquels font communs aux:
deux maniérés de pratiquer le dé, ce font autant de
faits confirmés par l’expérience, qui doivent faire
proferire pour toujours de telles inventions.
Il eft certain que la balle enchâffée dans le dé &
ferrée fur la poudre, qui flotte enfuite dans un tube
plus large, change de direâïon & perd de fa portée.'
La crafle qui, à mefure que l’on tire, s’àmaffe dans
le dé, en diminue la capacité , & la poudre ne pouvant
plus y tenir toute , gagne infenfiblement la placé
de la balle, laquelle n’étant plus ferrée à la fin de fa
chute diminue de vîteffe dans l’explofion, & perd dé
fa portée à proportion que l’on approche du nombre
de coups qu’on peut tirer fans nettoyer le fufil.
Les inconvéniens qui nàiffent de la forme de là
cartouche dans la maniéré de charger le fufil, & dé
la vîteffe du tir , ne font pas moins réels que ceux
qu’on vient d’expofér.
Deux cylindres de carton, de diamètresdifférens ,
adaptés 1’u‘n à l’autre & féparés par un diaphragme ,
forment la cartouche : celui qui a le plus petit diamètre
contient la poudre & eft couvert d’un bouchoil
de liege ; la balle eft dans l’autre, qui eft fermé avec
du cuir ou de la peau»
L’expérience nous apprend que dès qite le foldat ä
fait fa première déchargé, il devient très-difficile
de le faire tirer avec ordre ; il fe livre à fon ardeur,
& tire tant qu’il a de cartouches fans qii’on puiffe Éar-
rêter. Si on lui donne :le fufil-à-dé qu’il ne fçàuroit
charger fans une forte d’adreffe & d’attention, quelques
uns des plus fermes, & des mieux exercés pourront
s’en fervir utilement ; mais le plus grand nom*
bre, qui eft le plus à confidérer, fur-tout après une
ou deux campagnes, ne -fera pas de même: les uns
gênés ou coudoyés, foit de. pied-ferme , foit en marchant
,. répandront infailliblement une partie de la
poudre en la voulant verfer dans le canon ; le vent
pourra auffi en emporter. D ’autres y introduiront la
balle la première,Si polir peu que le fufil foit crafi-
feux, elle n’en fortira que difficilement. Pour que la
balle S’enchâflë dans le dé d'e tout fon poids augmenté
à la fin de fa chute, il eft néceffaire qu’elle y tombé
verticalement: l’agitation & le mouvement qui régnent
dans un corps qui combat, même la chaleur
du canon aii bout d’un certain nombre de Coups, ne
laifferont- que très-rarement au foldat la facilité dé
tenir fon fufil dans une pofition convenable à cet
effet. De tout cela, il réfulte manifestement une différence
dans les portées '.des coups foibles , & l’inu*
tjlité de beaucoup dz fufils, ce qui donnera évidemment
lâ fupérîorité du feu à l’ennemi qui aura Côrt-
ïervé le fufil à baguette. . •
Il faut encore obferver qu’à la-longue la chaleur
du canon occafionne des fraétures&des changemens
miifibles dans la monture &u fufil, qu elle fe communique
à la platine, en deffeche les reflorts & les détrempe,
& que celle-ci à force d’être maniée dans
Cet’étatfe détraque aifement.
Ce feroit ici le lieu de mettre en comparaifon le
fufil. à-dé avec le fufil à baguette : on feroit voir que
ce dernier eft exempt de tous les inconvéniens qui-
font attachés au premier , & qu’effentiellement il
conferve fur celui-ci la longueur des portées & la
jufteffe du tir fi néceffàires en tant d’occafions ; mais
l’un eft trop connu de tout le monde pour que les
avantages qu’il a fur l’autre puiffent échapper à quiconque
prendra la peine de lire cet article avec attem
tion. On fe contentera d’obferver qifon peut tirer
jufqu’à cent coups avec le fufil à baguette fans être
obligé de le nettoyer ( a ) , & affez facilement cinq
coups par minute ; au lieu qu’avec celui à dé on ne
va pas au delà de quatre-vingts ; encore ne pourra-
t-on jamais fe flatter de tirer ce nombre de coups ,
fi de tems en tems on ne fait pas defeendre la balle
avec la baguette , autrement on courroit de grands:
rifques. Que le rétreciffement du tonnerre s’opère
avec-un dé brâfé dans l’intérieur, ou mieux & plus
fimplement, avec la machine à forer, il en réfultera
toujours le rifqué de voir crever ces fufilsà la longue,
lorfque la craffe trop abondante & les bavures
de la balle la fixeront dans un point fort éloigné de
la charge de la poudre, qui trouvant, à chaffer la balle,
un obltacle plus difficile à vaincre que celui qu’op-
pofera la réfiftance du canon, le fera éclater. Le régiment
de Schomberg a quitté ces fufils, parce qu’ils
étoient fujets à crever.
On ne penfe pas qu’on cherchât à éviter l’inconvénient
dont on vient de parler en diminuant le diamètre
des balles, qui eft fixé en France de fept lignes
un quart à -peu-près, & de dix-huit à la livre :
quoique les calibres des étrangers foient plus forts.
On n’imagine pas non plus qu’on augmentât le calibre
du. canon, en laiffant la balle comme elle eft,
car les inconvéniens qu’on a rapportés fur. la longueur
des portées & la jufteffe du tir feraient encore
plus confidérables»
Concluons donc que le fufil dont il eft queftion ne
convient, nullement à l’infanterie, & qu’il vaut beaucoup
mieux qu’elle tire avec un peu moins de vîteffe,
mais avec plus de folidité & de fureté. (M.D.L.R.)
F u s i l - PIQU E, ( Art milit. Fabriq. des armes. ) Le
fufil-pique, à quelques changemens près, n’eft pas
autre chofe que le fufil du dernier modèle, ou tel autre
qu’on voudra lui préférer ; en voici la différence
( Voye{ nos planches de l'art milit. armes & machines
de guerre y fufil -pique ,fig. A B , C D , E F , G H. ):
fon bois n’a que trois pieds trois pouces ; mais iLeft
plus gros, d’une ligne dans la partie comprife entre la
fous-garde & la première chappe. A la partie antérieure
du canon font adaptés deux gros porte - baguettes
1 , 2, dont la.formé de l’un & de l’autre ref-
femble aflèz à la douille d’une baïonnette renverfée, ■
comme on peut, le remarquer dans fa figure L , qui
repréfente en grand une partie de .cette arme. Dans
ces ; deux. porte - baguettes eft une hampe, 5, 6 ,
lo ngue de trois pieds trois pouces, qui fe gîte
dans ■ le bois de la même maniéré que la. baguette.
Cette hampe eft un canon q u i, dans toute fa longueur
,■ eft de même épaiffeur & de même calibre,
que celui du fufil. à fon embouch ure>, fortifié par un
bâton-de bois de. fa pin;, qui le remplit très-exafte-
0 0 A la bataille de Parme , chaque foldat tira 80 coups de
fufil; & vl y en a plufieùrs autres exemples qu’on croit fuperflii
de rapporter* .
1 mêftt : elle a trois boutons fertiblables au guidon du
fufil dont deux fervent à la retenir & à lâ fixer dans
les porte- baguettes lorfqu’on la tire pour faire la
pique; & le troifieme à reeevoir-la baïonnette, qû’on
a longe de fix pouces, & qui, au moyen d’un petit
. reffort pratiqué au bas de fa douille, tient au canon
de maniéré à ne pouvoir s’en détacher fans y mettre
la main. La baguette placée au côté gauche du fufil,
entre le canon & la hampe , coule dans un porte-
baguette , 7 , 8 , figure L , adhérent aux deux gros,
: qu’on appelle porte-hampe, & y eft très -bien. La
c-roffe du fufil-pique , eft coupée fur fa longueur en
deux parties ; & au moyen d’une charnière pratiquée
dans le milieu & fur toute la largeur de-lâplaque dit
. talon, on peut en renverfant la partie fupérieufe , 0 9r
10 , alonger le fufil de neuf pouces & demi, & lut
donner au befoin un talon , 11 * pointu & ferré , fixé
par un reffort très-folide , mais aifé à détendre, pratiqué
au point 12 de l.a partie inférieure de la croffe ;
la partie fupérieure eft auffi fixée au point 9, par un
petit reffort. f
La principale obje&ion qu’on ait faite fur 1 ^ fufil-
pique , & la première qui s’offre à l’imagination, eft
la pefanteur ; mais ce qui pourra paroître fort extraordinaire
à ceux qui ne l’ont pas Vu, c?eft qu’il ne
pefe exactement que deux livres de plus que 1é fufil
dontfe fert actuellement l’infanterie; mais cette augmentation
de poids ne doit être d’aucune confidéra-
tion dans un arme fi redoutable & fi commode : ajoutez
que le prix, eft, à bien peu de chofe près, le même
que celui du fufil ordinaire (Æ).
Quant au maniment de cette arme, qu’on a fait
faire, & répéter à plufieurs foldats comme fufil, il
eft tout auffi facile que celui du fufil dont oniè fert
aujourd’hui ; & comme pique on s’eft convaincu pat
toute fortes d’expériences qu’elle a autant de mobilité
.& ide folidité qu’il eft néceffaire poutre qu’alon-
géeiîde cette maniéré elle laiffe la liberté de faire feu
tant qu’on voudra.
Explication des figures delà planche qui repréfente le
Fusil- pique.
A , B , repréfente un fufil-pique de la même longueur
que 1 z fufil du dernier modèle, & dont onlpeut
faire le même ufage que ce dernier.
C, D , fufil-piqué vu du côté de la baguette.
E , F , le même dans fa longueur moyenne, qui
eft de fept. pieds quatre pouces ; on le met à ce point
en arrêtant le fécond bouton de la hampe dans le premier
porte-hampe où il eft contenu par un petit refl'ort»
G , H , le même dans toute fa: longueur qui. eft de
neuf pieds.
En adoptant cette arme, dont le feul afpeCf fait
affez fentir tous les avantages ; nous voudrions qu’on
donnât au foldat une épée courte, âppellée anciennement
bracquemart, dont la lame longue de vingt
pouces, y compris un talon de quinze lignes, feroit
large & tranchante des deux côtés, dont la monture
feroit de cuivre & la poignée de corné’ ou de bois;
& qu’il porteroit de maniéré à ne point émbarraffer
fes jambes dans les marches & les mouvemerts.
Avec cela en attendant qu’on revienne fur la né-
ceffité de reprendre les armes défenfivès; dont l’abandon
a été caufé par la molleffe & l’indifcipline ;
nous dirons qu’il faut que le fôldàt ait le devant du
ebrps couvert d’ùhe armure .légère, mais afl'ez forte
pour réfiftèr aux coups de fufils tirés à une certaine
(Z>) Cette :oi>je£tion nous a été faite par un officier général
qui a ajouté qwt ce fufil ferait.fujati à la rouille. Ce dernier inconvénient
eft irîféparable clu fer ; mais on le prévient avec du
foin. Quant à la pefanteur , il n’a pas.fait attention que te fufil-
piqiie iie pefant qu’onze ’livres & demie, la pique dont on fe
fervoit encore au commencement de ce fiecle, pefoit cinq livres
& demie de plus. Nous fommes donc bien dégénérés : heu quart}
dégénérés.