les principes des médecins anti-inoculateurs. Ils conviennent
qu’une faignée faite la v eille ou le jour
même fauveroit un ap op le ftiqu e , qu’une violente
pleurélie peut être guérie par une i'aignee faite à
propo s, qu’un convalefcent qui meurt après avoir
mangé, auroit échappé fi au lieu de manger il eut
pris médecine. Ces conféquences fpnt fondéesfur les
principes reçu s , & la théorie qu’ils admettent leur
en démontre la légitimité : il eft clair que 1 inoculation
préfentée a v e c tous les avantages q u o n ne peut
méconnoître , eft à la petite vérole ce que les re-
medes propofés font aux maladies dont je viens de
pa r le r ; on ne peut contefter l’un fans s’expofer a
contefter les autres, ou fans tomber dans une contra-
diélion manifefte.
Par quelle injuftice les médecins fe refuleront-ils
à la propagation d’une méthode admife unanimement
par nos voifins, approuvée & mife en pratique par
les plus grands médecins de l’Europe, tandis qu ils fe
permettent tous les jours des effais fur des remedes y
d ou teux , & pa r -là même fufpe&s? La ciguë , la
jufquiame, la belladona font employees fous differentes
formes, & dans une foule de maladies , fans
qu’on s’avife de réclamer contre ces remedes danger
reu x ; on fuppofe quelques lumières aux médecins
qui en font ufage. Il n’ y a point d’epidémie nouvelle
durant laquelle un praticien ne tâtonne, pour ainfi
d ir e , au commencement avant que de fe décider fur
un traitement régulier & fuivi ; on varie les remedes,
on les combine, on prend confeil des feules circon-
ftances, on n’écoute que l’obfervation Ou l’expér
ien c e , & l’on s’obflinera dans la petite v éro le à
être uniforme, opiniâtre & aveugle? Cette incon-
féquence eft digne de la barbarie des fiecles qui nous
ont précédés.
Le traitement de la petite verole eft encore un
objet de difcuflion parmi les médecins : les uns n’ emploient
que les remedes échauffans, les autres ne
veulent que les rafraîchiffans. Ils s’appuient tous
fur leur expérience, ils allèguent des théories probables
& ne manquent jamais de raifons. On laiffe
une entière liberté au médecin qui exerce fa profef-
fion , il lui eft permis de s’en tenir à l’une des deux
méthodes indifféremment, quoiqu’il paroiffe évident
que l’une des deux eft effentiellement mauvaife ; &
lorfque dans cette perplexité un inoculateur annonce
un troifieme parti plus favorable & bien moins fuf-
p e é t, on réveille contre lui feul une attention que
des abus fans nombre n’avoient pu e x c ite r , on dev
ient intolérant fur un bien prelque inconteftable ,
fans s’appercevoir qu’on toléré tous les jours des
maux qu’on ne peut contefter. ( Cet article efi de M.
L A F O S S E , 'Doel. en Médecine de la Faculté de Montpellier.
) - N I
§ IN OCU LATION , (Chirurgie. Médecine.) Il con vient
de parler de la nouvelle méthode d’inoculer en
Angleterre , pratiquée par MM. Sutton, & qui fait
actuellement tant de bruit en Europe ; mais comme
ces Meilleurs jufqu’ici ont fo rt tenu fecrette cette
méthode , nous rapporterons ce qu’en dit M. Dimf-
dale dans une brochure de 160 pages in-S°. imprimée
à Londres, chez O v e n 1767 , fous le titre de
Méthode actuelle d'inoculer la petite vérole, & c .
M. Dimfdale ayant entendu parler de la méthode
des nouveaux inoculateurs ( le s S u t to n ) , ce qu’on
en rapportait lui paroiffant extraordinaire , il crut
devoir prendre tous les moyens honnêtes qu’il pour-
roit trouver pour s’inftruire de leurs procédés ; c’eft
le fruit de fés découvertes , confirmées par une pratique
très-étendue qu’il publia dans la brochure indiquée
ci-deffus, & dans laquelle il donne un traité
complet de la pratique de Vinoculation.
Il traite donc d’abord de l’âge , de la conftitution
du fu je t , & de la faifon de l’année la plus propre à
Yinoculationi Et i ° . il croit qu’on peut inocule* des
perfonoes de tout âge ; il n’en excepte que les en-
fans au-deffous de deux ans ; parce qu’ils font alors
expofés à une foule d’acçidens, q u i , venant à concourir
av e c la petite v é ro le , peuvent les mettre en
danger de perdre la v ie . C es accidens fo n t, la dentitio
n , les fie v re s , le sd év o iem en s , les con vulfions,
&c. z°. Il penfe qu’on a été trop févere fur le choix
des fujets : il ne croit pas que les maladies chroni*
ques fçient un obftacle au luccès de cette opération.
Il n’ en eft pas de même des maladies aiguës ou critiq
u es , non plus que de ceux qui portent des marques
évidentes d’une grande acrimonie dans les humeu
rs , ni de ceux dont la conftitution a été trop
affoiblie par des évacuations e xceffiv es , &c. Il veut
qu’on traite ces fortes de fujets avant de les inoculer.
30. Quant à la faifon de l’année, il eft encore persuadé
qu’on a tort de préférer le printems & l ’automne
, ayant toujours obfervé que l’ éruption étoit
beaucoup plus abondante dans le ptintems & l’automne
, & étant la faifon la plus expofée aux maladies
épidémiques ; d’o li il conclut qu’elles font moins
favorables à l’inoculation que les autres faifons : il
croit cependant qu’on peut inoculer dans toutes les
faifons, pourvu qu’on mette les malades à l ’abri des
chaleurs de l’été , & qu’on les empêche de fe tenir
trop chaudement pendant l’h iver.
Sa préparation confifte à afFoiblir les conftitutions
trop fortes , à fortifier celles qui font trop foibles ,
à corriger ce qui eft v ic ié , & à débarraffer l’ eftomac
& les inteftins de crudités & de leurs effets. C ’eft
par la diete qu’il travaille à produire ces effets &
cette préparation : il ne la fait durer que huit à neuf
jo u rs , pendant lefquels il fait prendre le foir en fe cou*
chant, à deux jours d’intervalle Ùune de l ’autre, trois
dofes d’une poudre compofée de huit grains de calom
e l, autant de poudre de pattes d’écreviffes comp
o fé e , & un huitième de grain de tartre émétique :
c ’eft la dofe qui convient aux conftitutions fortes »
il la diminue pour les tempéramens plus foibles : le
lendemain il donne une dofe de fe l de Glauber dans
l ’eau de gruau. Il infifte moins fur les purgatifs,
dans les conftitutions fo ib le s , il leur permet quelque
peu de viande , & même un peu de v in. Quant au x
enfans, il fe contente de leur ne ttoy er les entrailles
av e c quelque préparation mercurielle, qui a l’avantage
de les débarraffer des vers. Lorfqu’il en a le
choix , il préféré d’inoculer les femmes immédiatement
après leurs rég lés , afin que tout fe paffe dans
l ’intervalle d’un période à l’autre : cependant on
p e u t , fans inconvénient, faire l’opération en tous
tems. O n a inoculé av e c fuccès des femmes enceintes
: malgré c e la , à moins -qu’il n’y ait des raifons
bien urgentes, il ne croit pas qu’on doive inoculer
les femmes dans cette lituation.
V o ic i la maniéré de pratiquer l’infertion qui lui a
le mieux réufîi. Le fujet qui doit être inoculé , étant
dans la même maifon, ou plutôt dans la même chambre
qu’une perfonne a&uellement attaquée de la petite
v é r o le , on prend , a v e c la pointe d’une lancette,
un peu de matière variolique dans l’endroit oii a été
faite l’infertion, fi le malade a été in o cu lé , ou d’une
p u ftule , s’il a la petite v é ro le naturelle. A v e c cette
même lancette, on fait au bras, dans l’endroit oii l’on
a coutume de faire les cau tè re s, une petite plaie qui
divife l’épiderme, & pénétré jufqu’au corps d e là
pe au , fans l’effleurer : on fait cette plaie la plus petite
qu’il eft poffible, ne lui donnant qu’un huitième de
pouce de longueur. On écarté les bords de la plaie
av e c l ’index & le pouce ; & on frotte le plat de la lancette
fur l’in cifionpoury faire pénétrer la matière variolique
dont elle eft chargée. On fait cette opération
aux deux b ra s , & quelquefois en deux endroits dif-
férens fur le même bras. Il n’a pas obfervé qu’il y eût
aucun inconvénient à multiplier ces piquures -, & il
n’applique ni emplâtre -, ni bandage, ni rien pour
couv rir la plaie.
Il affure que cette méthode ne lui a jamais manqué
; & l’expérience lui a démontré que le malade
ne côurt aucun rifque de prendre l’infeélion par la
v^pie naturelle dans ce moment ; ainfi il n’y a aucun
danger d’approcher la perfonne qu’on veut in ocu l
e r , du malade : cependant il fépare enfuite , par un
excès de précautions , fes inoculés de ceux qui ont
déjà la maladie.
II regarde comme une chofe indifférente d’inoculer
av e c une matière prife d’une perfonne attaquée
d’une petite vérole naturelle ou artificielle : il a emplo
y é l’une & l’autre avec le même fuccès. Il eft
également indifférent de prendre cette matière avant
o u après la crife de la maladie. Lorfqu’il en a le
ch o ix , il préféré de la prendre dans le tems de la
fievre d’éruption, parce que c’eft alors qu’il croit
qu’elle a fa plus grande activité : dans tous les c a s ,
lorfqu’il la prend d’une perfonne inoculée , c’eft
toujours dè la partie o iia été faite l’infertion , étant
toujours fur d’y trouver une matière propre à produire
l ’infeétïon , fi la maladie a pris. Si on n’a ni
malade de la petite v é ro le , ni inoculé fous la main ,
on peut fe fe rv ir d’un f i l, à la maniéré ordinaire,
p o u rvu qu’il foit récemment imprégné.
L e fe ço n d jo u r qui fuit l’opération , fi on regarde
a v e c une lentille la petite piquure qui a été fa ite ,
on apperçoit une tache couleur, d’orange , & la
peau d’alentour paroît fe retirer. C e jo u r , M. Dimf-
c a le fait prendre, le foir en fe couchant, trois grains
de calom el, autant de poudre de pattes d’écreviffe
compofée , & un dixième de grain de tartre émétique.
Le quatre ou le cinq , en appliquant le doigt
fur la piquure , on y apperçoit. une petite dureté :
le malade fent de la démangeaifon dans la partie qui
paroît légèrement enflammée, & on y apperçoit
une petite veflîe pleine d’unè liqueur claire. Vers
le f i x , On lent le plus ordinairement un peu de douleu
r & d’embarras fous l’aiffelle, qui annonce que
l ’éruption ne tardera pas à lé fa ir e , & eft d’un très-
bon augure. Quelquefois le fe p t , le plus fouvent le
h u it, la fievre d’éruption pa roît; elle eft accompagnée
d’une légère douleur de tête & de reins » à laquelle
fuccedent des alternations de friffon & de
cha leur, qui continuent plus ou moins v iv em en t,
jufqn’à ce que l’éruption foit Complette. Dans le
même tems , le malade fe plaint d’un mauvais goût
'dans la bouche, & fon haleine a l’odeur de la petite
vérole.
L ’inflammation du bras s’étend rapidement ; 8c en
la regardant à la loupe , la piquure paroît entourée
d’un nombre infini de petites puftules confluentes
qui augmentent de v o lum e , & s’étendent de plus
en p lu s , à mefure que la maladie avance. L e dix ou
le o n z e , on apperçoit une efflorefcence circulaire
ou ova le autour de la piquure , qui s’étend quelquefois
fur la moitié du b ra s , mais qui le plus fouvent
n’excede pas la grandeur d’une piece de vingt-quatre
fols : comme cette efflorefcence eft au-deffous de
l ’épiderme, elle eft unie au touch er, & n’eft pas
douloureufe : c’eft encore un ligne favorable ; il
accompagne l’éruption ; tous-les accidens c effen t,
la douleur & l’embarras de l’aiffelle fe dilfipent*
L a fievre eft prefque toujours fi d ou ce , qu’elle
n’exige aucun fecours, qu’une fécondé prife du re-
mede preferit pour le fécond jour ; & le lendemain,
une potion laxative , compofée de deux onces
d ’infufion de fenné, demi-once de manne , 8c deux
gros de teinture de jalap: ce qu ’on fait prendre dès
qu ’on apperçoit les premiers fymptômes de l’éruption
, fi l’on peut craindre qu’ils foient un peu
forts.
Si on âppêrçoit tous ces lignes de bonne heure*
e eft une marque que l ’événement fera favorable.
Mais il arrive quelquefois, que quoique l ’infeûion
ait pris , la peau qui entoure la piquure relie pâlé ;
fes bords ne s’élargilfent point ; ils demeurent appla*
tis ; le malade ne fent ni démangeaifon ni douleur*
Quelquefois le cinquième & même le fixieme jour*
les changemens font fi peu fenfibles, qu’on doute fi
l ’infeâion a pris. Comme cela annonce que la maladie
fera d’une plus mauvaife e fp e c e , M. Dimfdale
répété tous les foirs la poudre ci - deffus ; 8c fi e lle
n’agit pas par les Celles, il faut prendre le lendemain
du fel de Glau b er, ou la potion laxative déjà décrite
; ce qu’il répété plus ou mo in s , fuivant l ’exigence
du cas. Cette pratique avance l'inflammation qui
eft toujours à defirer.
Au lieu de confiner le malade dans fon l i t , o ù
meme dans fa chambre, lorique les fymptômes dé
la fievre éruptive paroiffent, notre modulateur o rdonne
, dès que l ’effet de la médecine eft paffé , dé
fortir en plein a ir , quelque froid qu’il faffe , 8c dé
boire de l’eau froide à fa fo i f , en recommandant
feulement de ne pas demeurer en pla ce , mais de fë
promener doucement. Dans les eommencemens cela
paroît fort dur aux malades ; mais M. Dimfdale eft
fi perfuadé que c’eft de-là que dépend tout le fuccès
de l’opera tion, qu’il n’en difpenfe perfonne , pas
même ceux qui ont peine à fe foutenir, & qui ont
befoin qu’on les aide à marcher, à moins que le
tems ne fut trop mauvais , ou que le malade ne fû t
d ’une conftitution trop foible. A peine o n t-ils ref-
piré l ’air frais , que le courage leur re v ien t, ainfi
que le goût pour les alimens ; il furvient une légère
fueur , accompagnée d’une éruption fa vorable, Sc
la fievre fe dilfipe.
En général l’éruption eft très-légere; quelquefois
même elle fe borne à la piquure. Le malade à rarement
befoin d’aucun fecours : s’il fent quelques foi-
bleffes, on lui donne un peu de bou illon, ou un
verre de vin dans le jo u r , ou un peu de petit la it
fait av e c le vin , le foir en fe couchant : on permet
auflî de tems en tems ces légers cordiaux auxperfon-
nes foibles ou âgées: à cela p r è s , le malade obfervé
jufqu’à ce moment, le régime qu’on lui a d’abord
preferit; mais lorfque l’éruption eft complette, fi
cela eft néceffaire, on lui laiffe manger un peu dé
quelque viande légère bou illie , comme du p o u le t,
du v eau ou du mouton. Si l’éruption a été abondante
, pour peu que le malade foit conftipé, on preferit
quelques doux laxatifs qui accélèrent la maturité.
Lorfque la déification eft faite , on permet au
malade dè rendre peit-à-peu fon premier régime dé
v ie . O n fent bien que comme ôn n’a point fait dé
p la ie , il n’y a point d’ulcere à panfer : il arrive c e pendant
quelquefois, quoique rarement, qu’il reftë
un peu de fuintement à l’endroit de la piquure ; o ù
fe contente d’y mettre du c é ra t, ou fi cela étoit trop
long-tems à fe fé che r, par la mauvaife difpofitioù
du fu je t, on a recours à quelques doux purgatifs.
Les fymptômes irréguliers qui peuvent furvenir*
fo n t , i ° . des maux de coe u r , accompagnés de v o -
miffement; ce fymptôme eft ra re , 8c un léger vomit
i f fuflit pour le calmer : il difparoît toujours à la
première apparition de l’irruption. K*. Une efflotefc
cence éréfipélateufe , plus ou moins étendue , qui
paroît par plaques , & le diflipe aifément. 3 °. Q u e lquefois
tôut le corps eft couvert d’ une éruption qui
reffemble à la petite vérole confluente la plus maligne
, mais qui n’eft pas accompagnée, comme e lle ,
de cette proftration de force qui décele la malignité*
D ’ailleurs, en y regardant de plus p rè s , on diftinguê
aifément quelques puftules diftinûës plus grandes
que les autres , qui font les véritables taches de là
petite vérole. Dans ee c a s , on empêche les malades