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Obfervez que la farine épointée du n°. I fe joint
à la bifaille du n°. VI. Le froment pur & de bonne
qualité n’a pas befoin d’être épointé.
La première 6c la fécondé paflée du gruau fe pren-
nenttoujours enfemble, 6c donnent de la farine blanche
ordinaire.
La farine moyenne eft paffée deux fois. Souvent
même la farine noire ou biiaille fe met aufîi deux
fois fur le moulin. Quelques-uns la joignent à la farine
du feigle.
Le gruau eft de différentes qualités, mais on ne
lui donne pas des noms différens.
Il y a deux fortes de fon de gruau , n°. II & IV :
on les remet au moulin avec le n°. V .
Toute la mouture paffe par le même bluteau,
par conféquent toute la farine eft également fine,
quoiqu’elle ne foit pas de la même blancheur.
On ne connoît à Wittemberg que deux fortes de
farine de feigle, favoir, la farine proprement dite ,
que l’on pâlie jufqu’à cinq fois, 6c la bifaille , que
l’on tire de la fixieme 6c derniere paffée.
On fait paffer le feigle fix fois, 6c le froment jufqu’à
huit.
Avant que de terminer cet article, il ne fera pas
inutile' de faire mention de quelques défauts qui fe
rencontrent dans les moulins, & qui ont particuliérement
lieu dans ceux que l’on a en France : ils
nuifent beaucoup à la mouture, tant à l’égard de la
qualité de la farine que l ’on obtient, que de la quantité.
Il faut obferver de ne pas prendre des meules
courantes trop pefantes, car la farine qui fort de
telles meules eft confidérablement échauffée par le
frottement qu’occafionne leur trop grand poids.
C ’eft le défaut des meules que l’on a en France &
dans bien d’autres endroits ; elles ont fix pieds de
diamètre 6c quelquefois davantage, 6c elles pefent
de 30 à 40 quintaux ; celles de Saxe au contraire n’ont
que trois pieds 6c demi de diamètre, 6c elles ne pèlent
guere plus de 9 à 10 quintaux.
Aufîi trouve-t-on que ces meules, qui font jufqu’à
60 tours par minute, échauffent fi fort la farine,
qu’elle ne peur pas fe bluter comme il faut à mefure
qu’on moud. C ’eft pourquoi on confeille d’abandonner
l’ufage de bluter au moulin, 6c de laiffèr refroidir
la farine pour la bluter enfuite. D ’ailleurs on
emploie dans quelques pays un fi grand nombre de
blutoirs, que les moulins ne peuvent pas les faire
mouvoir fans inconvénient.
Mais il y a un moyen d’éviter tous ces inconvé-
niens; c’eft d’adopter la mouture faxonne, 6c de
chercher pour cela à la bien connoître. La farine
ne s’échauffe point avec les moulins qu’on a en Saxe,
pour empêcher qu’elle ne fe blute parfaitement à
mefure qu’on moud. Elle entre immédiatement dans
le blutoir en fortant de deffous les meules : au lieu
que dans quelques moulins elle paffe dans un canal
pour y aller, ce qui l’échauffe plus facilement. En
Saxe l’on n’a point cette multitude de blutoirs ; l’on
n’en a qu’un pour chaque forte de mouture , favoir,
un pour le froment, & un autre pour le feigle : celui
dont on fe fert pour le bourgeois eft plus fin que
celui pour le boulanger. Mais, comme on l’a vu
précédemment, on repaffe plus fouvent en Saxe la
farine au moulin, enforte qu’elle eft toute également
fine , quoiqu’elle ne foir pas toute de la même
blancheur. Tout cela ne peut pas fe pratiquer dans
les moulins* dont les meules courantes font fi pefantes
, parce que la fariné s’éehaufferoit à un tel point,
fi on la faifoit paffer aufîi fouvent au moulin, qu’elle
en feroit altérée.
On nomme meule ardente celle qui eft plus cou-
dante^par les inégalités qu’elle a naturellement, 6c
par celles qu’on a faites en la piquant. Et on dit en j
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France que pour faire une bonne mouture', il
faut que la meule courante foit plus ardente que la
giflante. Ce n’eft pas la même chofe pour les meules
d’Allemagne. Les deux meules doivent être également
ardentes; on dit alors qu'elles tournent enfemble.
Cette différence vient de la nature des pierres;
celles de France devenant plus pefantes & plus faciles
à échauffer lorfqu’elles font trop ardentes.
C’eft fans doute par cette raifon que l’on préféré
dans ce pays-là , pour avoir de belle farine, de
fe fervir d’un moulin qui a moulu pendant fept ou
huit jours après avoir eu fes meules r’habillées ,
c’eft-àdiré , piquées nouvellement, plutôt que d’un
autre qui n’a fervi que fort peu de teins. C ’eft le
contraire en Saxe, oii l’on r’habille les meules toutes
les 24 heures, fi l’on moud de fuite. Il paroît
après cela bien étrange de voir qu’on les laiffe en
France quelquefois deux ou trois mois avant que
d'y toucher. Ces meules émouffées, avec le poids
confidérable qu’elles ont, doivent néceffairement
échauffer fortement la farine. Aufîi l’on dit en Saxe
qu’une meule émouflée brûle, 6c qu’une meule nouvellement
piquée moud frais.
En Allemagne, un moulin qui a fuffifamment
d’eau, 6c dont la meule courante n’eft point trop
ufée, peut moudre dix-huit feptiers de Drefde en
24 heures. En France, il en moud dans le même
teins dix-huit à vingt fetiers de Paris par économie,
6c un tiers de plus fi c’eft en gros : mais on ne peut
guere faire ici de comparaifon , car la mouture
laxonne eft encore bien différente de la mouture économique.
La quantité de farine qu’un moulin fournit dans
un tems déterminé dépend beaucoup de fa conftruc-
tion. Pour en donner une idée, nous entrerons dans
un .petit détail. Il faut obferver que la meule courante
a un double mouvement, elle tourne fur fon
axe, 6c elle s’élève 6c fe baiffe perpendiculairement.
Ce dernier mouvement qui pourroit être appelle
tremblant, eft produit par le mouvement du palier
qui porte la lanterne, le frein 6c la meule elle-
même. Lorfque le palier eft tellement coigné par-
deffous qu’il ne peut plus fe plier, la meule courante
ne s'approche 6c ne s’éloigne plus alternativement
de la meule giflante, & le moulin ne donne pas de
la farine , mais du bled égrugé. La jufte proportion
du palier contribue beaucoup à fournir dans un tems
donné, la plus grande quantité pofîible de farine.
Peu de meuniers faififfent cette différence, 6c ceux
qui la connoiffent en font un myftere. Si le palier
eft trop for t , il donne peu de farine, tout comme
s’il étoit trop foible. Pour trouver la jufte proportion
, il faut faire des effai.s jufqu’à ce qu’on ait at-
trappé le point. On a obfervé qu’un moulin bien fait
dans cette partie, moud trois fetiers de plus en 24
heures. Un habile meûnierSaxon entend parfaitement
toutes ces chofes ; non - feulement il fait r’habiller
fes meules, mais il eft encore en état de conftruire:
le moulin , ou tout au moins de réparer beaucoup
de chofes qui par un frottement confidérable font
bientôt ufées.
Il feroit à fouhaiter que quelque habile meunier
de ce pays-là voulût donner au public un traité de
la conftrudion des moulins ; car quoiqu’on en trouve -
de bonnes deferiptions dans des ouvrages Allemands
fur la conftru&ion des moulins., cependant il faut
convenir qu’il n’y a point de traité complet.
Nous terminerons ici ce que nous avions à dire
fur l’art du meunier. Nous renvoyons ceux qui vou-
droient plus de détail fur ce fujet, à L'Art du Meunier,
du Boulanger , du Fermia Hier, par M. Malouin,
nouvelle édition-, publiée’ à1 Neuchâtel en 1771 par
la fociété typographique de cette ville. M. J. E. Bertrand
, de l’académie des Sciences de Munich, qui a
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travaillé à cette nouvelle édition » y à fait ëntrer
tout ce qüi a été écrit de mieux fur ces matières dans
différens pays. C’éft de-là que nous avons extrait cet
article. (//)
MEUSEL W1T Z , •( Géographie. ) château , bourg
6c jurifdiéHon d’Allemagne> dans le cercle de haute-
Saxe & dans là principauté d’Altenboùrg , fur-la
riviere de Scfiriâüderi G ’eft urte des pofleflïôns de
ta famille dë Seckeridôrff, laquelle a fort embelli
le château, aggrandi le bourg, & peuplé tout le
diftrift d’artifans , de négocians 6c d’artiftes. (Z>. G. -)
§ MEXICO, ^Gcogr. Commd) capitale de l’empire
du Mexique, bâtie dans uné île, au milieu d’un grand
la c , contenoit vingt mille màifons , un peuplé im-
îftenfe , 6c de beaux édifices a vant la conquête des
Efpagnols. Le palais de l’empereur , bâti de marbré
& de jafpe , étoit lui feul aufîi grand qu’une ville :
on y admiroit lés jardins ,; les fontaines j lès bains -,
les ornemeHs ; 11 étoit rempli de tableaux faits avec
des plumes ; l’éclat des couleurs<étoit fort v if ; & ils
avoient de la vérité. Trois mille caciques àvôient
leurs palais dans Mexico;-ils étoient vaftes 6c pleins
de commodités ; lés caciques avoient la plupart,
àinfi'que 'l ’empereur, des ménageries où étoient
raflemblés tous les animaux du nouveau continent,
& des appartenons où étoient étalées des curiofités
naturelles* Leufs jardins étoient peuplés de plantés
de toute efpece ; les beautés dé la nature, ce qu’elle
a de rare 6c de brillant, doit être un objet de luxe
chez des peuples riches où la nature eft belle, & où
les arts font imparfaits. Les temples étoient en grand
nombre , 6c la plupart magnifiques ; mais teints de
fang & tapifles des têtes des malheureux qu’on avoit
facrifiés.
Une des plus grandes beautés de Mexico étoit une
place remplie ordinairement de plus de cent mille
hommes, couverte de tentes & de boutiques, où
les marchands étaloient toutes les richeffes des
campagnes 6c l’induftrie des Mexicains. Des oifeàux
de toute efpece, des coquillages brillans, des fleurs
fans nombre, des ouvrages d’orfèvrerie, des émaux,
donnoient à ces marchés un coup-d’oeil plus éclatant
& plus beau, que ne peuvent en avoir les foires les
plus riches de l’Europe.
Cent mille canots alloient fans ceffe des rivages à
la ville , de la ville aux rivages : le lac étoit bordé
de plus de cinquante villes, & d’une multitude de
bourgs 6c de hameaux : il y avoit fur le lac trois
chauffées fort longues, & qui étoient le chef-d’oeuvre
de l’induftrie Mexicaine. Il falloit que ce peuple,
fans communication avec des peuples éclairés , fans
fers, fans écriture, fans aucun de ces arts à qui nous
devons d’en connoître 6c d’en exercer d’autres ,
fitué dans un climat où la nature donne tout, & où
le génie de l’homme n’eft point éveillé par les be-
foins : il falloit que ce peuple qui n’étoit pas d’une
antiquité bien reculée, fût un des plus ingénieux de
la terre.
Fernand C ortez, Efpagnol, s’empara de la tête
des trois chauffées qui répondoient à Mexico, & de
la navigation du lac par des brigantins qu’il arma
d’une partie de fon artillerie.
Guatimozin qui avoit fuccédé à Montezuma ,
tué dans une aftion vive où Cortez faillit périr,
défendit la place en prince habile & intrépide ;
mais il fallut céder à la fortune de fon ennemi :
pris dans un canot, il fut étendu fur des charbons
ardens par un financier Efpagnol, pour le forcer à
déclarer fon tréfor ; fon favori expofé à la même
torture , lui adreffoit de trilles plaintes : & moi, lui
dit 1 empereur, fuis-je fur des rofes ? mot çomparablè
à tous ceux que l’hiftoire a tranfmis à l’admiration
des hommes.
Tome I I h
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Dans les gouverrieïnéns defpotiquës, la chftte dû
prince 6c làprife de la capitale, 'entraînent ordinairement
la conquête 6c la foumiflion de tout l’état;
telle fut là révolution dans le Mexique , arrivée eft
1521. Toutes les trois furent partagées ehtré la couronne
, les. compagnons :de Cortez & les grands ;
bu les miniftres qui avoient le plus dé faveur à la
cour d’Efpaghe. Les Mexicains fixés dans le domaine
royal, étoient deftinés aux .travaux publics, qui
dans les premiers tems furent confidérables :1e fort
de ceux qu on attacha aux poffeflions des particuliers
fut encore, plus malheureux ; tous gémiffoient fous
un joug affreux : on les nourriffoit mal, on ne leur
dônnoit aucun falaire ; on exige'oit d’eux des fervi-
çes fous lefquels les hommes les plus robuftes au-*
roient fuccombé : leurs-malheurs attendrirent Bar-
thelemi de Las-Cafas.^
Cet homme ficélebredans les annales du nouveau
monde, avoit accompagné fôn pere au premier
voyage de Colomb ; la douceur fimple des Indiens
le frappa fi fort, qu’ilfè fit eecléfiaftique pour travailler
à leur converfion : bientôt cè fut le foin qui
1 occupa le moins ; comme il etoit plus homme que
prêtre , il fut plus révolté des barbaries qu’on exer-
çoit contre eux que de leurs fuperftitions : on le
voyoit volet continuellement d’un hémifphere à
l’autre pour coftfoler des peuples qu’il portoit dans
fon fein , ou pour adoucir leurs tyrans. Celte conduite
qui le rendit l’idole des uns & la terreur des
autres, n’eut pas le fuccès qu’il s’étoit promis; l’ef-
péranced’en impofer par un cara&ere révéré des
Efpagnols, le détermina à accepter l’évêché de
Chiappa dans le Mexique. Lorfqu’il fe fut convaincu
que cette dignité étoit urte barrière infuffifante contré
l’avarice & la cruauté qu’il vouloit arrêter,iü’abdi-
qua. A cette époque , cet homme courageux, ferme ;
definterefle j cita au tribunal de l’univers entier, fa
nation ; il 1 accufa , dans fon Traité de la tyrannie des
Espagnols dans les Indes, d’avoir fait périr quinze
millions d Indiens ; on ofa blâmer l’amertume dé
fon ftyle., mais pérfonne ne le con^ainqiiit d’exagération.
Ses écrits où refpirent la beautéde fon ame,
la grandeur de fes fentimens , imprimèrent fur feà
barbares compatriotes, une flétrifliire que le tems
n’a pas effacée & n’effacera jamais.
La cour de Madrid réveillée par les cris du vertueux
Las-Cafas, 6c par l’indignation de tous les
peuples, fentit enfin que la tyrannie qu’elle permet-
toit étoit contraire à la religion , à l'humanité & à
la politique ; elle fe détermina à rompre les fers deà
Mexicains, mais elle ne leur rendit pas leurs terres.
Mexico , qui put douter quelque tems fi les Efpagnols
étoient des brigands ou des conquérans, fe viè
prefque totalement détruite par lés guerres cruelles
dont elle fut le théâtre. Cortez la rebâtit, l’embellit
, en fit une cité comparable aux plus magnifiques
de l’ancien monde , lupérieure à-toutes celles dii
nouveau ; fa forme eft quarrée, fes rues fönt larges ,
droites & bien pavées; les édificés publics y ont
de la magnificence , les palais de la grandeur ; les
moindres maifons des commodirés : fön cii cuit eft
d’environ deux lieues. Les Efpagnols y vivent dans
une ,fi grande fécurité > qu’ils ont jugé inutile d’y
conftruire des fortifications j d’avoir des troupes 6c
de l’artillerie.
L’air qu’on y refpire eft très-tempéré ; quoique
fouS la zone torride. Charles V demandoit à uii
Efpagnol qui arrivoit du Mexico ; combien il y avoit
de tems entre lete 6c l’h iver, autant, répondit-il;
avec vérité & avec efprit, qu'il eh faut pour pàjfer
du foleil à l'ombre.,
La ville eft quelquefois fujetteàdes inondations ;
qui firent penfer àu viceroi Lader?evra , en 1639, à
bâtir ailleurs Mexico -; mais l’ayàriçe qui ne vouloit
A A A a a a i j