une troupe' d’amours accompagne le couple heureux;
6c quand la nuit fuccede au jour , l’Hymen
même remplace j par fon flambeau, la lumière d A—
pollon.
Les époux arrivent en Hollande, oh ils font reçus
avec toute la joie 6c la magnificence poflibles. La
princefle entre ali palais , 6c les ornemens qu’elle y
admire le plus, font les drapeaux 6c les étendarts
que fon prince a arrachés aux ennemis. Le tems
approche d’entrer en campagne; les François s’y
mettent les premiers, ils prennent Gand 6c Ypres:
quoique le jeune héros brûle d’envie de s’oppofer
aux progrès des ennemis, fa prudence fert de bride
à fa valeur ; fes troupes font inférieures, & il ne veut
pas mettre tout l’état 6c la gloire qu’il a déjà acquife
au hazard d’une bataille inégale.
Les ambaffadeurs, cependant, s’affemblent à Ni-
megue, 6c cette ville ancienne qui, prife après une
une longue réfiftance , avoit efluyé tout ce que la
guerre a de plus déplorable, devient le féjour des
miniftres de la concorde. La Paix y arrive du féjour
célefte ; elle anime tout le monde à mettre bas leurs
animofités, 6c à préférer fes douceurs à toutes les
calamités que Mars traîne après lui: ce dieu irrité des
deffeins de la déefle, s’obftine à les traverfer ; il excite
Bellone à féconder fa fureur, & de concert avec elle,
il feme la difcorde dans les deux armées, qui font en
vue l’une de l’autre près de Mons, afliégé par les
François. Le prince d’Orange les attaque 6c les met
en déroute; mais il eft interrompu dans le cours de
~ fa viftoire par la Renommée, qui lui apporte une
branche d’olivier en ligne de la paix conclue. Le
dieu des combats en frémit de rage ; 6c contraint de
céder à la Paix, il prédit à l’infortunée Flandre les
malheurs dont bientôt il l’inondera de nouveau. Les
aimables effets de la Paix font ici décrits d’un flyle
fleuri ; le poëte fait parler la nymphe d’une petitè
riviere entre Utrecht & Amfterdam ; elle oppoïe
le bonheur préfent aux calamités dont elle avoit été
témoin : & le prince, bien loin de fe dédommager
des travaux de la guerre entre les bras de la molleffe,
s’occupe entièrement à raffermir l’état 6c à faire, de
fes vertus éclatantes, des modèles pour le peuple
commis à fes foins.
Chant IV. La difcorde ne peut plus fouffrir la tranquillité
du genre humain ; accompagnée des furies
de la^cruauté 6c de la trahifon , elle les exhorte à
infpirer leurs fureurs aux princes. Ses ordres font
exécutés, la Paix en pâlit, 6c retourne au ciel. La Religion
effrayée du péril oti elle fe trouve, fe préfente
au prince pendant le fommèil, elle lui expofe ,les
attentats qu’on fait contre elle en France & fur-tout
en Angleterre, 6c l’anime à fa défenfe. Le héros
éveillé, eft long-tems flottant entre le refpeft qu’il
'do it à un pere, 6c entre fon amour pour la religion
& pour la liberté d’un pays dont les droits le touchent
de fi près. Les motifs les plus preflans l’emportent
enfin dans fon coeur.
Ayant préparé tout pour fon expédition, il prend
congé de fon époufe, qui lui recommande fa patrie
6c la confervation de celui qui en caufe les malheurs.
Eole déchaîne les vents, une tempête furieufe fe
le v e , la flotte eft difperfée, tout le pays eft en'allar-
me : la princefle, fur - tout, fent les plus vives douleurs
du péril qui menace la tête de fon cher époux.
Il échappe cependant à la fureur des eaux, 6c le danger
qu’il a couru n’amollit pas fon courage : tout eft
réparé en diligence, 6c par un voyage plus heureux
le héros arrive en Angleterre, qui tend les bras à fon
défenfeur : fon malheureux beau - pere abandonné de
tout le monde s’enfuit.
Le prince cependant convoque un parlement, 6c
travaille de toutes fes forces à raffermir les droits de
là religion 6c de la liberté. L’amour des peuples pour
leur bienfaiteur s’accroît de jour en jour, & la recori*
noiffance les pouffe à lui offrir la couronne. On envoie
des ambaffadeurs en Hollande pour faire venir
la princefle à qui le fceptre, abandonné par fon pere,
appartient de droit; elle dit un tendre adieu aux ma-
giftrats d’un pays oii elle avoit vécu plufieurs ans,
chérie&adorée de tout le monde. Triton devance la
flotte 6c fe hâte d’annoncer fon arrivée à fes fujets
impatiens. On fait à la princefle une entrée magnifique
, 6c les deux époux fe revoient avec les fen-
timens les plus vifs d’une tendreffe inaltérable. Tout
eft préparé pour le couronnement ; la Religion reçoit
le couple royal au temple deftiné à cette folemnité;
elle les félicite, 6c elle fe félicite elle - même, (de voir
fes défenfeurs approcher du trône, 6c elle prédit au
roi les travaux qu’il auroit à effuyer avant que d’en
être tranquillepofleffeur. La Piété , la Foi, la Vérité
6c les autres vertus environnent le trône ; & la Rage
6c la Perfécution font profternées aux pieds des époux
couronnés.
Chant V. Le roi Jacques arrivé en France, eft reçu
de Louis - le - Grand avec toutes les marques d’une
amitié généreufe; celui - ci promet à fon allié un fe-
cours puiflant pour le remettre fur le trône, 6c adoucit
cependant fon chagrin par tous les plaifirs qu’une
cour magnifique 6c voluptueufe eft capable de fournir.
Jacques aborde en Irlande avec des troupes
nombreufes; Tyrconnel, aidé par des prêtres, anime
les infulaires à rifquer tout pour les droits de ce roi.
Pendant qu’il raffemble une nombreufe armée, Guillaume
eft dans fa capitale à régler les affaires d’état,
à prendre toutes les mefuresnéceffaires pourfe maintenir
fur le trôné, 6c à punir ceux qui avoient ofé
confpirer contre lui. Avant que de partir il a un entretien
des plus touchans avec fon époufe royale ,
qui lui recommande de nouveau fa propre vie 6c
celle de fon beau-pere: il met entre les mains de
cette fage époufe les rênes de l’état ; 6c après avoir
été traverfé dans fon voyage par des brouillards
affreux, il aborde en Irlande, où il eft reçu avec
une jqie inexprimable , par les généraux 6c par les
foldats. Après avoir fait la revue de fes troupes , i!
marche contre les ennemis. Les deux rois haranguent
,leurs armées , 6c les animent par les motifs les plus
forts à faire leur devoir.
La Boy ne eft un foible obftacle pour la valeur du
jeune héros, les gardes Hollandoifés s’y jettent les
premiers : lui - même, malgré la foudre des canons ,
malgré iine grêle de balles de moufquet, entre les
armes à la main dans fes eaux qu’il teintbientôt de fon
propre fang. A peine s’eft - il fait panfer qu’il apprend
la mort de Schomberg, & qu’il rentre dans lè combat
pour venger ce grand général, tel le courage
d’Énée fut enflammé par la mort de Pallas. Les François
avec le brave Lauzun à leur tête difputent la
viftoire avec opiniâtreté, mais enfin ils font rompus
comme les Irlandois, & le roi Jacques fe fauve par
la fuite. Le jeune Schomberg immole un grand nombre
d’ennemis aux mânes de fon illuftre pere : ayant
appris fa mort ; aujourd'hui il faut combattre, d it- il,
demain nous pleurerons.
La viftoire étant remportée, il arrofe de fes larmes
le cadavre défiguré de fon pere, qui lui avoit
enfeigné lui - même le métier de la guerre. La déefle
de la Boyne fort de fes eaux pour le confoler de
cette perte par la gloire immortelle que le duc de
Schomberg s’étoit acquife. S’adrefîant enfuite au roi
| vainqueur, elle le félicite de l’heureux fuccès de fes
armes, &lui promet qu’elle célébrera ce jour heureux
avec les nayades, ornées du corail qui s’étoit
formé dans fes ondes du fang de ce prince vifto-
■ riéux.
Un courier apporte la nouvelle du cojnbat qui s’étoit
s’étoit donné par mer, où la France, quoique vifto-
rieufe, n’étoit pourtant point parvenue à fon but,
qui étoit de faire une defcente en Angleterre. Le
poëte paffe délicatement fur les caufes de cette défaite
des flottes combinées. , ,
Chant VI. Le héros ne fe repofe point dans le fein
de la viftoire, pendant cfue le roi Jacques fe réfugie
de nouveau'en France, ■ il prend Drogeda, 6c apres
avoir fait fon entrée triomphante à Dublin, il marche
vers "Wexford qui fe rend fans réfiftance, &
Dungannon fuit cet exemple, après avoir vu Water-
ford fe défendre en vain contre les armes viftorieu-
fes du jeune roi.
Limmerick, la plus forte ville d’Irlande, s’opiniâtre
avec fuccès pour la caufe de Jacques, 6c tous les
efforts du vainqueur, pour la réduire, font inutiles.
La Liberté fe préfente à lui en fonge, 6c après avoir
rendu grâces à fon proteaeur, elle l’exhorte à lever
le fie<*e d’une ville dont les deftinées avoient éloigné
la prife pour quelque tems. v ^
Le prince fe rend à ce confeil, il harangue fes
troupes, les inftruit de la néceflité de retourner à la
capitale de fon empire, &laifle le commandement
au général Ginkel, connu depuis fous le nom de
comte d’Athlone. La reine accompagnée des dames
de fa cour, va à la rencontre de fon époux vifto-
rieux; elle le défarme elle-même, 6c le couronne
de laurier. Aflife avec lui à table elle entend de la
propre bouche de fon héros le récit de fes exploits
glorieux : Didon n’écoute pas fon cher Enée avec, une
attention plus forte.
Le roi convoque fon parlement, & après lui avoir
rendu compte de fes aftions, il lui étale les progrès
qüe Louis-le-Grand avoit faits pendant fon abfence
dans les Pays-Bas, où les troupes alliées, fous le
prince de Waldec, avoient été mifes en déroute. Il
exhorte la nobleffe & le peuple de répandre leurs
iréfors pour la caufe commune, dans le tems qu’il
eft prêt lui-même à répandre fon fang pour elle. Le
parlement répond avec générofité à des inftances fi
juftes & fi preffantes , 6c les aftions ne démentent pas
les promefles. Les vaifleaux s’élèvent fur les chantiers,
tout le monde s’emprefle à les pourvoir de
toutes les chofes néceffaires, & l’on s’enrôle fans
contrainte, ravi de fuivre les drapeaux d’un monarque
fi brave. Il eft tems de fonger. aux Provinces-
Unies menacées de. tous côtés. Le prince prend congé
de fa digne époufe, qui aime trop un pays auquel
elle eft fi chere, pour s’pppofer au départ du roi qui
va le défendre. A peine a - t- il gagné la haute mer,
qu’une tempête furieufe fe leve. Le monarque des
deux envoie fes anges pour appaiferla tempête, 6c
le prince deftiné à fouffrir 6c à furmonter des tra-
verfes , arrive au rivage de Hollande malgré les
glaces. Il entre' peu accompagné dans une pauvre
hute, où i’hofpitalité du maître fupplée à fa pauvreté ;
tels Jupiter & Mercure furent traités par Philémon
èc par Baucis.
Chant VII. Par une fiftion poétique, on perfon-
nalife ici la Hollande, qui va elle - même à la rencontre
du prince fon libérateur : il eft reçu à la Haye
avec toute la pompe que la tendreffe peut fournir
à un peuple riche 6c induftrieux. Les compagnies des
bourgeois, magnifiquement équipées, conduifent le
roi à fon palais au bruit de l’artillerie, 6c au travers
d’un grand nombre d’arcs de triomphe, où la richeffe
6c l’art éclatent à l’envi. Le foleil pour être plus
long-tems témoin de cette fête"ralentit fa courfe ;
& quand il cede aux ombres de la nuit, les feux d’artifice
remplacent fa lumière par un nouveau jour.
Les peres de la patrie s’empreffent à aller féliciter-
le roi de fes viftoires 6c de fon heureux retour. Il
les aflùre que le fardeau de fes trois couronnes ne
l’empêchera point de continuer fes plus tendres
Tome III.
foins pour les provinces où il a vu le jôur. Le$ pria-*
ces les plus illuftres de l’Europe rempliffent la Haye*
6c confultent l’oracle du grand Guillaume fur le bien
de l’alliance 6c fur la liberté de l’Europe. Les François
cependant ont afliégé Mons en Hainaut, 6c le
roi quitte le confeil pour en venir aux aftions.
Bellone , charmée de voir la Flandre devenue de
nouveau le théâtre de la guerre, va trouver Vulcain,
6c l’exhorté à fervir fa fureur en forgeant toutes les
fortes d’armes que les mortels, ingénieux à fe détruire
les uns des autres, ont inventées : elle lui p r é d
i t la prife de la capitale du Hainaut, que les alliés
s’efforceroient en vain de conferver. Le dieu du feu,
ravi de féconder la rage de la barbare déefle, anime
la diligence de fes cyclopes. Laprédiftion de Bellone
s’accomplit. Le prince de Bergues défend Mons avec
valeur & av e c prudence ; mais le peuple féditieux le
force à fe rendre. Les fourrages manquant encore, les
armées font obligées de cantonner ; mais dès que l’été
paroît, on fe raffemble de côté & d’autre. On s’ob-
ferve long-tems pour prévenir les projets les uns des
autres. Enfin Luxembourg tombe avec la maifon du
roi fur l’arriere-garde des alliés , près de Leufe : ils
ont d’abord du défavantage ; mais bientôt ils reprennent
coeur , repouffent les ennemis, 6c la nuit fépare
les combattans, fans que la viftoire penche d’un
côté ni de l’autre. L’approche de l’hiver force les
armées à regagner l e s - q u a r t i e r s . Guillaume retourne
à la Haye, il y reçoit l’agréable nouvelle des fuccès
de fes armées en Irlande.
Le brave général Ginkel, après avoir prisBalty^
more 6c Athlone, avoit attaqué lps Irlandois 6c les
François, retranchés dans un terrein marécageux
près d’A grim, 6c avoit remporté fur eux une victoire
fignalée , après un combat opiniâtre , où Saint-
Buth, leur général même, avoit perdu la vie ; il
avoit enfuite pris Galliway & Limmerick, les feules
villes qui faifoient encore tête au vainqueur. Le roi,
charmé de ces importantes nouvelles', part pour
l’Angleterre. Triton ordonne, de la part de Neptune
, aux nymphes de la mer, de porter fes vaifleaux
par les ondes. Il leur dévoile un oracle de Neptune ,
qui avoit prédit aux divinités foumifes à fon pouvoir,
la viftoire que les flottes combinées dévoient remporter
l’année fuivante fur la Françoife. Cette pré-
diftion eft ici énoncée avec toute l’emphafe^ôc le
noble défordre du ftyle prophétique.
Chant VIII. Les François fe mettent encore les
premiers en campagne , 6c prennent Namur avant
que l’armée des alliés foit aflemblée. Le grand Guillaume
, brûlant du defir de fe venger de cette perte ,
fe réfout à attaquer Luxembourg retranché à Stein-
kerke. Son deflein eft exécuté avec intrépidité, on
fe faifit d’une hauteur défendue par les batteries de
l’ennemi, & l’on fe maintient long-tems dans ce pofte;
mais le nombre des François s’augmentant comme fi
la terre produifoit encore des guerriers ainfi que du
tems de Jafon, le roi accablé par le nombre , fait fa
retraite en bon ordre, après avoir effacé , par fes
aftions, les héros de l’Hiftoire 6c de la Fable.
Echappé à la force ouverte, peu s’en faut que 1«
prince nefuccombe à la trahifon que Grandval avoit
projettée contre lui. La confpiration eft découverte,
& l ’aflaflin expire dans les tourmens dus à fon crime.
Les François cependant prétendent fe rendre maîtres
de Charleroi par le bombardement, mais ils
échouent dans leur deflein. La, campagne fuivante
les armées fe retranchent toutes deux : Vulcain,
Mars & Bellone, paroiffent. pour leur fournir des
armes, 6c pour les animer au carnage. Par-rtout où
la cruelle déefle marche, elle laiffe des traces . de
fang fur fes pas. Le duc de "Wirtemberg, par .ordre
du ro i, attaque les lignes des François * 6c les force
• malgré la réfiftance des ennemis. Luxembourg,
Kkk