que le fourreau ni le fac aient été endommages ÿ
il eft bonde remarquer, que quoique nombre ^’auteurs
citent ces deux exemples, aucun d’eux n’a
donné fon propre témoignage, ni celui d’aucun autre
pour en prouver la vérité» D'ailleurs,il eft pof-
fible que la foudre produife des effets femblables à
ceux dont nous venons de parler, Tans qu’on foit
obligé de recourir à une fufion froide pour les
expliquer.
Si le bord, dit M. Canton , ou la fuperficie d’une
épée eût été fondue, tandis que la principale partie
de la lame feroit demeurée entière , Cela auroit fuffi
pour affurer en général que l’épée a été fondue, &
cependant le foureau auroit pu demeurer dans fon
entier ; car le bord ou la fuperficie d’une épée peut
être fondue à l’inftant par la foudre , & refroidie fi
fubitement, qu’il ne refte point de marque de brûlure
fur le fourreau.
Les métaux, dit-il, aufli-bietl que les autres corps
s’échauffent ou le refroidiffent d'autant plutôt qu’ils
font plus minces ou plus déliés-. Un fil-de-fer fort
délié rougira dans l’inftant, &C même fondra & coulera
en un petit globule rond à la flamme d’une
chandelle, quoiqu’on ne puiffe pas l’èn tirer fans
le refroidir fur le champ. C ’eft pourquoi i l conclut
que le bord d’une épée ou même fa fuperficie peut
être fondue en un inftant par la foudre, & qu’étant
en contaél, ou pour mieux dire, encore unie avec
le refte de la lame qui peut être froid, elle perdra
trop fubitement fa chaleur, pour produire la moindre
apparence de brûlure fur le fourreau.
Il confirma fon raifonnement par l’examen de
quelques fragmens de fil-de-fer fondus par la^ô«-
dre> auxquelles il apperçut des globules de différentes
groffeurs qui avoient éprouvé différens dé-
grés de fufion. Les plus gros n’avoient pas été alliez
fluides pour prendre une figure parfaitement fphé-
rique ; mais ils en approchoient d’autant plus qu’ils
ctoient plus petits , en forte que dans les grains
les plus petits, oit la fufion avoit été parfaite,
les globules étoient ronds & unis. Quelques-uns
des morceaux de fil-de-fer étoient rudes & écailleux
comme du fer brûlé, & étoient renflés dans les endroits
où ils avoient commencé à fondre : d’autres
étoient droits & d’une groffeur uniforme ; mais
leur fuperficie fembloit avoir éprouvé une fufion
parfaite , de forte qu’il y avoit deux ou trois morceaux
adhérens enfemble, comme s’ils euffent été
joints par une légère foudure.
6°. La foudre déchire certains corps ; l’éleélricité
en fait de même. On perce plufieurs mains de papier
en déchargeant une bouteille de Leyde à travers
, & les bavures s’élèvent du coté oîi la réfiftanee
eft la moindre. M. Franklin a aufli remarqué que
quand la foudre brife du bois, des briques, &c. les
éclats s’échappoient toujours par le côté où ils trou-
voient la moindre réfiftanee.
7°. Souvent on a vu des gens que la foudre a rendus
aveugles ; le doéleur a aufli aveuglé un pigeon
par une commotion violente, par laquelle il croyoit
l ’avoir tué.
8°. Le doéleur Halles décrit un orage qui arriva
à Stretham , dans lequel la foudre emporta de la
peinture qui couvroit une moulure dorée d’un panneau
de menuiferie, fans avoir endommagé le refte
de la peinture. Le doéleur Franklin a imité ce fait en
collant^ du papier fur de la dorure , & en faifant paf-
fer la commotion au travers ; le papier fut déchiré
d’un bout à l’autre. Voye^ les Lettres de Franklin ,
tom. II. de Fédition françoife, pag. 49.
90. La foudre tue les animaux; on a aufli tué des
animaux en leur donnant la commotion. Le plus
gros animal que le doéleur Franklin ait tué avec
l ’éleélricité, étoit un dindon ; mais M. Prieftley a
donné la mort de cette maniéré à un chieh couchant
d’une taille ordinaire* Voye^f Hiftoite de ! électricité *
part. V I I I , fecif. 8.
io°. On a remarqué que la foudre avoit ôté à des
aimans leur vertu & renvertë leurs pôles. Le docteur
Franklin a imité ce phénomène avec l’éleélri-
cité» Il a fouvent donné par la commotion la direction
polaire à des aiguilles & en a fait changer les
pôles à fon gré. Il faut employer pour cela cie fort
grandes jarres & plufieurs à la fois , fans quoi on
ne réuflira pas ; 6c le fuceès feroit peut-être encore
plus certain fi on avoit foin de placer l’aiguille ou
le corps auquel on veut communiquer la vertu
magnétique , dans le plan du méridien magnétique,
6c l’incliner fuivant la direction du courant.
Toutes ces obfervations réunies étoient plus que
fuffifantes , pour perfuader le doéleur Franklin,
que c’étoit la même matière qui opéroit les phé“
nomenes de l’éleélricité & ceux que la foudre nous
préfente. Et comme il avoit déjà découvert le pouvoir
des pointes pour attirer 6c pouflêr le feu électrique
, il ne tarda pas à en faire l’application à ce
cas-ci ; ca r, difoit-il, fi e’eft la matière éleélrique
qui caufe cette efpece d’orage, c ’eft parce que quelques
nuages en ont plus que d’autres, ou plus que la
terre ; ou bien parce qu’ils font éleélrifés en plus j
ainfi, fi l’on parvient à élever une pointe affez haut,
pour que fon aélion s’étende jufqu’aux nuages
orageux, elle attirera immanquablement le feu électrique
de ces nuages, tout comme elle fait quand ou
l’approche d’un corps éleélrifé avec un globe de
verre. Comme il n’avoit pas alors le tems ou la commodité
d’exécuter lui-même cette expérience, parce
qu’il n’y avoit pas à Philadelphie, de tour ou de
clocher élevé, & qu’il ne croyoit pas qu’une barre de
fer pointue placée fur le faîte de la maifôn, fût affez
haute pour produire quelque effet, quoiqu’on ait
cependant trouvé dans la fuite que cela fuffifoit ; il
fe contenta d’indiquer cette expérience dans fes
Lettres, afin que ceux qui étoient dans le voifinage
de quelques hautes tours, ou d’autres lieux élevés ,
l’exécutaffent. C ’eft ce qui arriva effeélivement;
car quoique les phyficiens François, qui ont été les
premiers à faire cette expérience, n’aient pas d’abord
placé leurs barres de fer fur des tours, ils
les éleverent de terre le plus haut qu’ils purent,
& ils réuflîrent cependant très-bien. Mais, à-peu-
près dans le tems que ces MM. étoient occupés à
faire leur expérience, & avant que la nouvelle de
leur fuccès parvînt en Amérique , notre ingénieux
phyficien avoit trouvé le moyen d’élever une pointe
très-haut, & de fe paffer de tours. Il imagina pour
cet effet de mettre fur un cerf-volant un fil-d’ar-
chal, dont la pointe regardoit le ciel; il y'attacha
une longue corde de chanvre , & au premier orage
qui furvint, il fe fer vit de cette machine qu’il avoit
ainfi préparée. Dès qu’elle fut un peu élevée, 6c fur-
tout après que la corde eut été mouillée par la pluie
qui vint dans le même tems, il tira beaucoup
d’étincelles d’une clef qu’il avoit attachée au bout
de la corde ; 6c il réalifa ainfi l’idée hardie qu’il avoit
conçue de tirer le feu du ciel. II fit plus, à cette clef
il chargea des bouteilles ; il alluma des efprits, Ô£
il fit plufieurs autres expériences éleélriques, que
l’on fait communément avec un globe ou un tube
frotté. Il démontra donc ainfi, de la maniéré la plus
complette , l’identité de la matière éleélrique 6c de
celle qui occafionne la foudre, l’éclair & le tonnerre.
Mais fi l’origine de ce météore eft due à la matière
éleélrique , & fi elle n’agit jamais que lorf-
qu’ elle n’eft plus en équilibre , ou lorfque quelques
corps en ont plus que d’autres, comment arrive-t-il
ici que cet équilibre foit dérangé ? de quel agent la
nature fe fert-elle pour cela ? Ceçi eft encore uq
problème qui refte à réfoudre aux phyficiens ; peut-
être y parviendra-t-on avec 1« tems, lorfqu’on aura
acquis des connoiffances plus parfaites des diffe*
rens moyens d’exciter l’éleélricité dans les corps,
& en fuivant la routé que le doéleur Franklin a
tenue , qui eft de comparer toujours nos expérien*
ces avec les phénomènes qu on remarque- dans la
nature. En attendant, nous rapporterons les hypo-
thefes que nos phyficiens ont imaginées pour expliquer
la formation de ce météore ; car quand même ce
ne feroient que des conjeélures, & que de nouvelles
découvertes montreroient qu’elles ne font pas tout-
à-fait juftes, elles peuvent, en attendant, être utiles
pour exciter les curieux à faire de nouvelles expériences
, 6c donner lieu à des recherchés plus exattes.
M. Franklin a eu différentes opinions fur la formation
du tonnerre. Il a d’abord cru que la mer en
pouvoit être la fource ; parce qu’il imaginoit que la
lumière éleélrique qu’on y apperçoit, venoit du
frottement des particules d’eau contre celles de fe l,
qui eft un corps originairement éleétrique» Mais
ayant fait dans la fuite des expériences avec l’eau
de la mer, il reconnnt qu’elle n’avoit pas la propriété
qu’il lui attribuoit j car après en avoir mis
dans une bouteille , elle parut d’abord Iumineufe
en l’agitant ; mais elle perdit bien-tôt après cette
vertu ; ce qui lui fit abandonner cette hypothefe.
Il examina enfuite s’il n’étoit pas poflîble que
les particules d’air étant éleélriques par elles-mêmes
, tiraffent leur feu éleélrique de la terre dans
les grands coups de vent, par leur frottement contre
les montagnes, les arbres, les bâtimens, &c. comme
autant de petits globes éleélriques frottant contre
des couffins non éleélriques & que les vapeurs
qui s’élèvent reçuffent de l’air ce feu , 6c que par
ce moyen les nuages devinffent éleélrifés» 11 imagina
, dit-il, que fi la chofe étoit ainfi, il pourrait
éleélrifer négativement fon premier conduéieur, en
pouffant violemment avec des foufflets un courant
d’air contre ce conduéieur ; le frottement des particules
d’air le dépouillant d’une partie de fa quantité
naturelle de fluide éleélrique ; mais l’expérience
qu’il tenta dans cette vue ne lui réuflit pas.
Se propofant de faire des expériences , pour fa-
voir/de quelle efpece étoit l’éleélricité des nuages
orageux, il éleva fur fa maifon une verge de fer.
Dans la fuite des obfervations qu’il fit à ce fujet,
il les trouva plus fouvent éleélrifés négativement
que pofitivement ; enforte, dit-il, que dans les coups
de foudre, c’eft la terre qui frappe les nuages, & non
les nuages qui frappent la terre. Il remarque là-defi-
lu s , que les effets 6c les apparences doivent être à-
peu-près les mêmes dans les deux cas, & que cela
ne change rien dans la pratique pour préferver les
maifons, &c. mais nous parlerons de cela plus au
long dans la fuite. Et il ajoute que, fi ces éclairciffe-
mens tirés des expériences ne changent rien dans la
pratique, il en eft tout autrement pour la théorie.
On eft, dit-il, aufli embarraffé à trouver une hypothefe
pour expliquer par quels moyens les nuages
deviennent éleélrifés négativement,qu’on l’étôit au*
paravantpour montrer comment ils le devenoient
pofitivement. Voici cependant les dernieres conjectures
qu’il propofe fur ce fujet.
«Je conçois, dit-il, que ce globe de terre Sc
» d’eaù , avec fes plantes , fes animaux, fes bâti-
» mens, &c. contient une quantité de fluide éleélri*
» que répandue dans fa fubftance , précifément aufli
» grande qu’il en peut contenir ; c ’eft ce que j’ap-
» pelle la quantité naturelle.
» Que cette quantité naturelle n’eft pas la même
» dans toutes les efpeces de matière commune fous
» des dimenfions égales, ni dans la même efpece de
» matière, commune dans toutes les cireonftances,
Tome ///.
>> Mais un pied cube , par exemple, d’une forte de
» matière commune, peut contenir plus de fluide
» éleélrique qu’un pied cube de quelqu’autre ma-
» tiere commune. Et .une livre de la même efpece
» de matière commune, quand elle eft raréfiée -,
» peut en contenir plus que quand elle eft con-
» denfée. Quand le fluide éleélrique eft attiré par
» quelque portion de matière commune , les parties
» de ce fluide, qui ontentr’elles une mutuelle répul*
» fion , s’approchent l’une de l’autre par l’atrraélion
» de la matière commune qui les abforbe, jufqu?à
» ce que leur propre répulfion foit égale à la force
» d’attraélion de la matière commune qui les y corn*
» denfe : alors cette portion de matière commune
» n’en abforbera pas davantage!
» Les corps de différentes efpeces ayant attiré 6c
» abforbe,$ee que j’appelle leur quantité naturelle,
» c’eft-à-dire précifément autant de fluide éleélrique
» qu’il convient à leur état de denfité , de raréfac-
» tion , & au pouvoir d’attirer, ne donnent entr’eux
» aucun ligne a’éleélricitë. Et fi l’on charge un de ces
» corps d’une plus grande quantité' de fluide éleélri-
»> que , elle n’y entre, pas , mais elle fe répand fur
» fa furface , & y forme une atmofphere ; & alors
» ce corps donne des lignes d’éleélricité.
y> J’ai déjà comparé ailleurs la ntetieré commune à
» une éponge, & le fluide éleélrique à l’eau; on
» voudra bien me permettre de me fervir encore
» une fois de la même comparaifon, pour éclairer
» davantage ma penfée fur ce fujet.
» Quand on condenfe un peu une éponge, en la
» preffant entre les doigts , elle ne prend & ne garde
» pas autant d’eau que dans fon état naturel de' relâ-
» chement & d’expanfion.
>t Etant encore preflée & condenfée davantage
» il fortira quelque peu d’eau de fes parties inté-
» rieures, qui fe répandra fur la furface.
» Si l’on ceffe entierément de la preffer avec les
» doigts, l’éponge reprendra non - feulement ce
» qu’on avoit fait fortir d’eau en dernier lieu , mais
» elle en attirera une quantité furabondante.
» Comme l’éponge dans fon état de raréfaélion.
» ou d’expanfion attirera & abforbera naturellement
» plus d’eau , & que dans fon état de condenfation,
» elle attirera & abforbera naturellement moins
» d’eau, nous pouvons appeller la quantité qu’elle
» abforbe dans l’un Sc l’autre de ces états., fa quan*
» tité naturelle relativement à cet état.
» Or l’eau eft au fluide éleélrique, ce que l’épon*
» ge eft à l’eaih
» Quand une portion d’eau eft dans fon état com*
» mun de denfité, elle ne peut contenir plus de fluide
» éleélrique qu’elle n’en a ; fi on y en ajoute, il fé
» répand fur fa furface. Quand la même portion
» d’eau fe raréfie eh vapeur & forme un nuage, elle
» eft capable d’en recevoir & d’en abforber une
»beaucoup plus grande quantité; chaque particule
» d’eau a alors de la place pour avoir fon atmof*
» phere éleélrique.
» Ainfi l’eau dans fon état de raréfaélion , Ou fous
» la forme d’un nuage fera dans un état négatif d’é*
» leélricité ; elle aura moins que fa quantité natu-
» relie , c’eft-à-dire , moins qu’elle n’eft naturelle-
» ment capable d’en attirer 6c d’en abforber dans
» cet état.
» Ce nuage s’approchant affez de la terre pour
» êtr-e à portée d’êtfe frappé, recevra de la terre un
» coup de fluide éleélrique, qui pour fournir à une
» grande étendue de nuages, doit quelquefois con-
» tenir une très-grande quantité de ce fluide. Mais -
» ce nuage paffant fur des bois de haute-futaie ,
» peut recevoir farts bruit quelque chargé des poin-
» tes, & des bords aigus des feuilles de leurs cimeg
» mouillées,
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