uniformes pendantes, que le P. Beccaria croit être, en
certains cas, la caufe des trombes & des \Ouragans.
Mais nous devons faire obferver à l’égard des frag-
mens dont on vient de parler, qu’on en voit auffi
qui ont la même figure , à des nuages éleArifés
négativement, lorfqu'ils font attirés par la terre
éleArifée pofitivement.
Avant qu’on eût reconnu l’état des nuages orageux
au moyen des barres, & que l’on eût appris que
ces nuages étoient le plus fouvent éleArifés négativement,
on ne pouvoit pasfe perfuader que la foudre
pût partir de terre pour frapper les nuages, comme
le marquis MafFei affuroit l’avoir obfervé ; mais
comme les apparences font à peu de chofes près
les mêmes dans l’un 6c l’autre cas, excepté quelques
circonftances particulières , qui ont pu favorifer un
observateur attentif, ainfi que l’obfervation que nous
avons rapportée de M. Wilcke le prouve, il devoit
toujours paroître aux yeux, que la foudre partoit des
nuages. Le P. Beccaria nous dit auffi la même chofe;
il nous allure qu’on a vu fortir la foudre des cavités
Souterraines, des puits. On a vu , dit-il, des puits fe
remplir plus promptement dans les orages que dans
tout autre tems; 8c d’autres dont l’eau fe trouble constamment
à l’approche du tonnerre : tout ce la, joint
aux trous profonds que la foudre a faits en beaucoup
d’endroits qu’elle a frappés, femble indiquer que la
matière éleArique fonde lieux bien au-delïous de la
Surface de la terre, & qu’elle y pénétré de même.
Mais toutes ces obfervations ne changent rien à la méthode
de préferver les bâtimens à l’aide des verges
pointues;elles montrent feulement qu’il convient d’enfoncer
la verge de fer qui eft au bout du fil de fer un
peu profondément dans la terre, fur-tout jufqu’à ce
qu’on atteigne une couche de terre humide, parce
qu’on fera plus fûr alors de diriger le coup qui vien-
droit de deffous terre par la verge, d’où ilpaffera aux
nuées, ou infenfiblement, ou tout-d’un-coup avec
éclat.
. La plus grande difficulté que l ’on trouve dans cette
théorie de l’origine des orages, regarde l’affemblage 8c
l’ifolation de la matière éleArique dans le corps de la
terre.Pâr rapport au premier,le P. Beccarian’a rien de
particulier à dire. Il y a certainement quelques opérations
dans la nature qui font accompagnées d’une
perte d’équilibre dans le fluide éleArique'; mais personne
, dit ce pere , n’a encore affigné une caufe plus
probable de la furabondance de la matière éleArique,
qui en elfet abonde fouvent dans les nuages, que ce
qu’on peutfuppofer avoir lieu dans les entrailles de la
terre : 8c en fuppofant poflible la perte de l’équilibre, la
même caufe qui l’a produite,empêchëroit fon rétablif-
fement ; de forte que cette matière trouvant des obf-
tacles pour s’ouvrir un paflage aifé, à travers le corps
de la terre, elle fortiroit avec le vent le plus favorable
, comme étant le meilleur moyen pour fe rendre
dans les hautes régions de l’atmofphere. Souvent pendant
de violens tonnerres , l ’appareil éleArique du
pere Beccaria donnoit des étincelles vifibles, quoiqu’il
communiquât avec la'terre.
On a encore obfervé que quand l’appareil éleArique
eft éleArifé pofitivement, il y a alors au-defTus un
petit nuage noiraffez bas. Quelquefois auffi toutes les
nuées orageufes font dans un état négatif, d’autres
fois dans un état pofitif, quoiqu’il pleuve beaucoup
dans l’un 6c l’autre cas.
Le bruit que la foudre fait en partant, eft fans doute
caufe par l’air qu’elle trouve fur fon paflage
qu’elle déplace avec beaucoup de violence ,
& auquel elle imprime certaines vibrations. Le
pere Beccaria croit qu’une des principales rai-
y\ns » pourquoi ces longs éclairs entr’autres, font
fui vis d’un bruit qui dure fi long-tems, eft la g ran-
de etendue du vuide qu’occafionne, en paflant la
matîere eleArique. Car quoique l’air s’affaiffe le mo-r
ment d’après que hfoudre.a paffé, 6cque la vibration,
d’ou dépend le fon, commence au même inftant dans
toute la longueur du trajet ; cependant fi la traînée
étoit dirigée vers la perfonne qui entend le bruit, les
vibrations excitées au bout du trajet le plus proche
d’elle, atteindroient à fon oreille bien plutôt que
celles qui font excitées à l’extrémité la plus éloignée;
6c le fon continueroit fans aucune répercuffion ou
écho, jufqu’à ce que toutes cés vibrations lui fuffent
fucceffivement parvenues.;
Nous terminerons ici ce quenous avons à rapporter
du fyftême de cet ingénieux phyficien fur la formation
du tonnerre. Ce n’eft pas que nous ne puffions
en tirer encore plufieurs autres chofes curieufes que
le leAeur ne trouveroit pas indignes de fon attention,
mais il faudroit pour cela tranfcrire ici fes Lettres en
entier : d’ailleurs il nous paroît que ce que nous venons
de dire fur cette matière, eftaffez étendu pour fatis-
faire nos le Aeurs; s’ils en veulent favoir davantage, if
ne leur fera pas difficile de recourir aux fources où
nous avons puifé.
Apres tout ce quenous venons de dire fur la nature
de foudre, il fera facile de rendre raifon de quelques
effets qu’elle produit tant fur les bâtimens que
fur les autres corps qu’elle frappe. M. Franklin dit
par exemple, que la foudre tomba fur le clocher de
la ville de Newburg dans la nouvelle Angleterre, qui
étoit terminé par une haute pyramide de bois : celle-
ci fut mife en pièces par la foudre, 8c les éclats envoyés
très-loin tout autour fur la place où l’églife
étoit bâtie, 8c la cloche refta à découvert. Elle rencontra
enfuite un fil de fer qui alloit du marteaxi, qui
étoit près de la cloche pour frapper les heures jufqu’à
l’horloge ; elle le fuivit fans nuire nulle part, quoique
ce fil-de-fer paflât à travers deux planchers 8c fur un
mur déplâtré jufqu’à l’horloge, où le métal venant à
lui manquer elle defcendit à terre par le mur , mais
en recommençant fes ravages, qui ne furent pas auffi
grands que dans la pyramide ; cependant elle en arracha
des pierres, même de celles des fondemens ,
qui furent lancées à zo ou 30 pieds.
Pour expliquer ces phénomènes, il fautfe rappel-
ler que le bois en général eft un aflèz mauvais con-
duûeur de la matière éleArique, 8c qu’il ne la conduit
pas du tout quand il eft bien fec ; outre cela on fait
qu’une décharge d’une batterie éleArique peut bien
fe frayer un paflage à travers un verre mince, mais
c’eft en le mettant en pièces. On trouve ici le même
cas ; la foudre tomba d’abord fur le coq de fer qui ter-
minoit la pyramide, & qui la conduifir jufqu’à la
poutre qui le portoit ; celle-ci étoit fans doute feche,
& par conféquent un mauvais conduAeur, enforte
que la foudre ne put la traverfer fans la mettre en pièces
, de même que d’autres qui y étoient attenantes ,
auxquelles la matière éleArique s’attacha à caufe de
fa quantité : elle trouva enfuite un bon conduAeur
favoir un fil-de-fer, qui fut capable de la conduire
auffi loin qu’il s’étendoit fans qu’elle nuisît nulle part;
il eft vrai que ce fil-de-fer fut fondu, parce qu’il fe
trouva trop mince pour réfifter à l’aAion d’une fi
prodigieufe quantité de matière éleArique en mouvement;
mais le pendule de l’horloge qui étoit plus
épais, ayant la groffeur d’une plume d’oie , la con-
duifit très-bien fans être endommagé : 8c cette cir-
conftance eft remarquable en ce qu’elle nous fait voir
qu’il ne faut pas un fer auffi épais qu’on le. croiroit
d’abord pour conduire une grande quantité de matière
éleftrique fans en fouffrir ; car il devoit y en avoir
immenfement, attendu l’effet terrible qu’elle pro-
duifit fur la pyramide 8c le refte de la tour. Mais tout
cela nous montre que les maux que la foudre caufe
ne réfultent que de l’imperfeAion des conduAeurs
qu’elle rencontre; foit que de leur nature ils ne foient
pas
pas propres du tout à la conduire, ou qu’étant trop
petits pour en conduire une certaine quantité, elle
les détruife &nuife encore aux corps voifins qu’elle
n’auroit pas attaqués, fi le premier conduAeur avoit
été.fuffifant pour la contenir.
Si la foudre ne met pas toujours le feu aux corps
qu’elle frappe, c’eft qu’ils ne font pas tous également
combuftibles; ainfi il eft rare qu’elle embraie des bâtimens
habités ; ce fera plutôt des granges pleines de
foin ou de paille , ou des magafins remplis de chanvre
ou d’autres matières très-combuftibles, auxquelles
elle mettra le feu. Cependant il arrive quelquefois
, que la matière éleArique qui forme la foudre eft
en fi grande quantité, & qu’elle eftpouffée avec tant
de violence, qu’elle embrafe tous les bois qu’elle
trouve fur fon paflage. Car nous favons que la rapidité
du mouvement de cette matière eft la caufe de la
chaleur qu’elle produit dans les corps 8c de leur em-
brafement.
Ce que nous avons dit jufques ic i, ferî à expliquer
d’autres phénomènes qu’on remarque fur les corps
humains frappés de la foudre. Le pere Beccaria raconte
d’un homme qui avoit été ainfi tué en Italie ,
que la foudre l’avoit d’abord atteint par une veine
du col , 8c l’avoit fuivie dans toutes fes ramifications
, ( comme étant le meilleur conduAeur ) ,
de forte qu’on en voyoit la figure à travers la peau
mieux deffinée qu’aucun pinceaun’auroit pu le faire :
mais ce qu’il y a eu ici de fingulier, c’eft que le
cadavre devint extrêmement roide d’abord après
avoir été frappé ; il eft difficile de rendre raifon de
ce cas particulier, puifqu’on a vu d’autres perfon-
nes qui avoient eu le même for t, être beaucoup
plus louples après avoir été frappées , que ne le
font ordinairement les morts. On remarque auffi
quelquefois que la peau de ces perfonnes a été brûlée
; c’eft par la même raifon que l’on a rapportée '
ci-defliis , qui fait que le bois eft brûlé. Mais on a
trouvé des gens tues après un coup de foudre, fur
lefquels on n’a pu découvrir aucune marque qu’ils
aient été touchés ni extérieurement ni intérieurement.
Il y a des favans qui attribuent leur mort à la
frayeur que leur a caufé le coup qui a frappé fi près
d’eu x, 8c ils citent des exemples de perfonnes qui
font revenues à elles infenfiblement, 8c ont repris
leurs efprits par les fecours de la médecine. D ’autres
croient que ces perfonnes-là ont été fuffoquées par
les efprits fulfureux que l’on fent toujours par-tout
où la foudre a paffé, 8c que l’on fait être un poifon
très-prompt pour les animaux. Enfin le pere Beccaria
croit que la foudre peut occafionner un tel vuide
autour^des perfonnes près defquelles elle tombe,
que l’air fortant des poumons pour le remplir , ils
reftent flafques 6c vuides au point de ne pas pouvoir
reprendre leur jeu : 8c il eft vrai qu’on a trouvé les
poumons de quelques perfonnes tuées par la foudre,
dans cet état. Mais l’etendue que nous avons déjà
donnée à cet article ne nous permet pas de pouffer
plus loin ces details. Les curieux trouveront dans
1 Hifoire de CElecîriclte, P . AT. S'ecl, X . une relation
exaAe de la mort de M. Richman , premier martyr
de l’éleAricité, qui fut tué par un coup qui partit de
fon appareil.
Le tonnerre agit finguliérement fur quelques liqueurs
; par exemple, le lait que l’on tire des vaches
& que l’on garde dans les chalets des montagnes de
la Suiffe , pour en faire du fromage lorfqu’on en a
affez ramaffé , s’aigrit toujours après de violens
tonnerres. Il y a , dit-on, des liqueurs qui commentent
à fermenter dans de pareils orages, d’autres
qui ceffent. Mais à l’égard du lait, le fait eft certain ;
& il faut obferver que de fortes décharges de mouf-
queterie' produifent le même effet. Peut-être cela
jne vient-il que des vapeurs de la poudre brûlée., qui
lornc ƒƒƒ,.
font affez abondantes dans l’air après plufieurs de
ces décharges ( fur-tout fi on les a faites dans le
voifinage des chalets ) , pour agir fur le lait ; il feroit
facile d’en faire l’expérience en brûlant de la poudre
en plein a i r , &c on pourroit par ce moyen , fi la
choie fe trouvoit te lle , donner quelque raifon du
phenomene précédent.
II y a des pays où il ne tonne prefque jamais , 8c
dans d autres pas du tout ; d’autres au contraire où les
orages font tres-frequens. Ainfi il tonne fouvent en
Italie , affez fouvent en Suiffe » fréquemment dans
de certains quartiers de l’A frique, à la Jamaïque, à
S. Domingue, &c. L’on en attribue la caufe à la quantité
de foufre dont les terres de ce pays-là font
pleines ;& cela n’eft pas hors de vraifemblance après
ce que nous avons dit des différens moyens que la
nature peut mettre en ufage, pour former ce météore
; car l’on fait que le foufre eft une fubftance
éleArique. On n’entend au contraire jamais le tonnerre
dans le Pérou, 8c on n’y eft jamais expofé à
aucun orage ; mais la terre y eft toujours feche , ou
plutôt ces régions ne fopt que des fables arides, qirî
paroiffent très-peu propres à produire aucune .électricité
naturelle, malgré la chaleur du climat : les
vents du fud ou fud-oueft qui foufflent prefque toujours
dans ce pays-là , pouffent inceffamment tous
les nuages qui viennent de la mer jufqu’aux Cordillères
qui , par leur hauteur prodigieufe , arrêtent
tous les nuages qui ne font pas affez élevés pour
paffer par-deffus , 8c qui d’ailleurs les atjirent peut-
etre de fort loin. Auffi les fommets' de ces montagnes
en font prefque toujours couverts, & il y régné
des orages prefque perpétuels. On dit qu’il tonne
auffi peu en Egypte 8c en Ethyopie qu’au Pérou ;
mais il paroît que ce n’eft pas par la même raifon ,
car le fol eft bien différent de celui du Pérou , fans
faire attention aux autres circonftances.
Nous n’ayons pas parlé dans tout cet article, ni de
la conftruAion des appareils pour obferver l’éleAricité
des nuages , ni de ceux qui ne fervent qu’à pré-;
ferver les édifices de la foudre, non plus que de la
quantité d’eleAricité qui fe trouve communément
dans l’athmofphere, parce que toutes ces matières
ont été traitées dans les articles Cerf-volant &■
Conducteur de la foudre , dans ce Supplément,
auxquels nous renvoyons. Mais avant que de terminer
celui-ci, nous devons dire un mot de la méthode
de détourner les orages par le fon des cloches, dont
on fe fert dans tant d’endroits. La théorie que nous
venons d’établir , nous enfeigne que ce fon eft tout-,
à-fait inutile, 8c ne peut produire aucun bon effet ;
mais il y a plus, l’expérience nous apprend que cette
méthode eft plutôt nuifible qu’utile. Car l’année
17 18 , M. Deflandes fit favoir à l’académie royale
des fciences, que la nuit du 14 au 15 avril de cette
année-là , la foudre étoit tombée fur vingt-quatre
églifes, depuis Landernau jufqu’à S. Pol-de-Léon en
Bretagne, où l’on fonnoit les cloches, 6c qu’elle en
avoit épargné d’autres , dans la même route que
l’orage avoit fuivi, 8c où l’on ne fonnoit pas. La
matière éleArique attirée par les pointes de fer qui
font ordinairement placées au-deffus des tours des
.églifes, & n’éprouvant peut-être pas autant de réfif-
tance de la part de l’air, qui étoit fortement ébranlé
autour des églifes où Fon fonnoit, à caufe de l’efpece
de vibration que les cloches lui faifoient faire , étoit
déterminée par ces deux caufes à tomber fur la tour
ou fur l’églife plutôt qu’ailleurs. ( 7.)
* § Foudre , (Afythol.) « forte de dard enflammé
» dont les peintres 6c les poètes ont armé Jupiter...
» Stace eft le féul des anciens qui ait donné la foudre
» à la déeffe Junon, car Servius affure fur l’autorité
» des livres étrufques. *. qu’il n’y avoit que Jupiter,
» Yulçain ôc Minerve. qui puffent la lancer ».
Q