§54 M A R
beaucoup delà terre à foulon , & ainfi, eft ttes-grafle.
Duvergé veut que les marnes qui font’ le moins
d’effervefcence avec les acides, foient préférées aux
''autres pour amender les terres legeres , entr autres .
les fablonneufes & les’ graveleufes , dont ces marnes
fendent les particules plus liées, & dès-là plusfuf-
ceptibles d’une humidité habituelle. En effet, ces
fortes de marnes tiennent plus de la nature de l’argille.
Une marne fablonneufe qu’il a tirée'des environs
de Chinon, eft , félon lui’, une des bonnes efpéces
de marne qu’il y a i t , parce qu’elle contient tout-à-
la-fois beaucoup de gros gravier, & que iafubftance
marneufe qu’elle renferme, eft très-aftive ; ce qui
la rend propre à améliorer toutes les efpeces de
terres fortes-, froides & argilleufes.
Il dit encore que la marne pure, effentielle-
ment bonne pour amender les glaifes & autres terres
froides , détruit aufli la moufle des prés bas & marécageux
, & fert à les deffécher quand l’humidité
fuperflue n’y eft pas habituelle.
\ Ce médecin fait obferver qu’il 'y a dans la Touraine
quelques argilles qui ont beaucoup d’analogie
avec la marne , & qu’on les confond affez fouvent
avec elle. Il les en diftingue , parce qu’elles ne fermentent
pas avec les acides, qu’elles fe durciffent
au feu , & même qu’après en être forties, elles font
feu avec l’acier. Ilindique comme telles, i° . la pierre
de. l'arc ou pierre ollaire, qui-étant graffe & favon:
neufe fans être tenace , eft : dès - là très - propre à
donner de la confiftance & de Tonôuofité aux terres
légères & fablonneufes. Une fécondé efpece d’argille
pure, que l’on prend, pour de la marne, fe
trouve dans le coeur des rochers à couches ; aufli
la nomme-t-on medulla fàxorum , moëlle de rochers :
M. Duvergé ne la définit pas davantage. Mais on
trouve dans la fécondé édition de M. Home , un
affez grand détail fur un foflile qui a l’apparence &
plufieurs propriétés de la marne, & que quelques
auteurs nomment favon de roche, tant à caufe de fa
reffemblance avec le favon , que de ce qu’il fe ren?
contre fouvent parmi des rochers. M. Home dit en
avoir beaucoup trouvé ailleurs dans les terres , & il
en donne l’analyfe : d’où il conclut que le favon de
roche contient près d’un tiers d’argille, beaucoup
plus de fable, & une huile pefante.
Quelques expériences qu’il a faites en petit pour
connoître les effets de ce favon , relativement à la
végétation de l’orge & à la qualité des terres , lui
ont donné pour réfultat, i° . que cette fubftance,
foit feule , foit mêlée avec une terre extrêmement
maigre , n’eft point favorable à l’orge ; z°. que ce
grain réuflit dans du mélange d’argille très-forte,
avec un tiers de favon de roche.
M. Home parle encore d’une fubftance couleur
de plomb brunâtre, qui fe. trouve.fouvent dans une*
même couche avec la meilleure marne , & qui retjd
ftériles, pendant nombre d’années, les terres où on
la met, faute de la connoître. f
La différente qualité des marnes doit donc diriger
fur la maniéré de les employer comme amendement.
Quand on a une marne crétacée, on peut la répandre
par petits tas fur le champ que l’on veut améliorer,
aufli-tôt qu’on l’a tirée de fa mine. Il en eft de même
de la marne coquilliere * U de toute autre qui fe
tire en moilon.
Selon M. Duvergé , non - feulement les marnes
pures doivent être employées tout de fuite , mais
encore enfouies par un labour, fans les .laiffer expo-
fées à l’air. Pour ce qui eft des faluns» il obferve
qu’au fortir de la faluniere, on les enfouit de même,
dès le mois de feptembre. Les maniers, quoiqu’ap-
prochant de la nature du falun , communiquent au
vin un goût de terroir fi on les emploie tout de fuite :
c ’eft pourquoi, lorfqu’on a des vignes plantées dans
M A R
des terres fortes & froides , les vignerons Tourangeaux
laiffent les mangers expofés à l’air durant quelque
tems, puis, dans la faifon des vendanges , ils
les mêlent par-couches avec du marc deraifin; &
au printems ,„ils tranfportent.ee mélange dans les
vignes, fur-tout pour fumer les provins. - <
Cette pratique eft relative, à celle que propofent
MM. Peltereau & Duvergé , pour améliorer en général
tous les fumiers,. MM. Duhamel & Patullo
confeillent de femblables mélanges, où les parties
calcaires entrent pour beaucoup. On voit pareille-:
ment dans le premier volume des Elémens du commerce
, qu’il y a des cultivateurs qui mêlent une voiture
de marne avec deux ou trois , foit de fumier ,
foit de vafe ou de terreau, pour les répandre enfuite.
• Quand on fe fert de marne, argilleufe ,^on a coutume
de la laiffer mûrir à l’air, au moins pendant
un an * avant de l’enfouir. ; /
Pour ce.qui eft delà proportion ou quantité de
marne qu’ il convient de mettre fur chaque arpent de
terre, plus cet article a paru effentiel, moins on a
pu jufqu’à préfent fe réunir à fon égard. Les. uns
croient avoir éprouvé. qu’en général une trop
grande quantité te marrie brûle les terres , & les fté-
rilife pour long-tems ; ce qui peut venir de ce que
l’on en applique mal lès diverfes efpeces;»car en
Angleterre-on ne connoît d’inconvénient à trop marner
que la depenfe , qui va néanmoins en quelques
cantons jufqu’à vingt louis l’arpent.
On ne peut douter que la confidératidn des di->
verfes efpeces & natures de marnes ne doive influer
fur la proportion de cet amendement. Nous avons
déjà indiqué des raifons propres à juftifier le choix
que l’on fait entre ces fubftances irelativement à
l’amélioration dès terres chaudes ou de celles qui
font froides. Comme il y a des degrés mitoyens entre
ces deux extrêmes, il femble que l’expérience que
l’on a fur la qualité d’un fol & fur celle de telle ou
telle autre efpece de marne, doive déterminer en-
femble la quantité & la qualité de cet amendement,
avec le plus ou moins de fécherefle ou d’humidité
que l’on obferve dans fo fol.
Nombre de cultivateurs ne font pas affez fûrs de
leurs connoiffances, pour hafarder de niarner tout-
d’un-coup abondamment ; ils aiment mieux répandre
cet amendement avec retenue , & comme pour l’éprouver
; fe réfervant à en ajouter, fi la première
quantité leur paroît trop foible : du moins eft-on bien
fondé à prendre une femblable précaution, lorfque
l’on voit que la marne prodiguée d’abord, fur-tout
dans les terres fortes ,-efttrès-fujette à priver d’une
première récolte; que fes effets ne deviennent alors
fenfibies qu’au bout de trois ou quatre ans ; & que
pendant l’hiver delà première année , la terre pâroît
comme mouffeufe , ou peut-être couverte de cette
fleur femblablfeà du fel blanc, dont nous avons
parlé, & eft qireïqüefois cinq à fix ans abondante en
ponceau , pour toute produâion. C’eft pourquoi
l’on trouve des perfonnes q u i, ayant bien réfléchi
fur les opérations d’agriculture, donnent pour réglés,,
i? . de mettre dans une terre légère la quantité de
marne qui peut lier fuffifamment enfemble les particules
de cette terre : z°. de proportionner la dofe de
marne, dans les terres fortes , au plus ou moins de
cohéfion qu’il faut détruire entre leurs molécules.
Ainfi l’ufage que l’on fait du falun en Touraine , eft
d’en mettre vingt-cinq tombereaux par arpent dans
les pures glaifes, & un peu moins dans des argilles
moins froides, plus mêlées de fable ou de gravier,
& où l’on reconnoît, par des épreuves , confidéra-
blement de terre capable de fe diffoudre dâns l’eau.
M. Mills cite un M. Lummis , qui répand communément
deux cens voitures de marne fur la valeur
d’un arpent de terre. On demandera quelle eft
I A R
i ’efpecd' de la marne qu’il emploie, la qualité' de fa
terre, & les effets qui en réfultent.
Evelyn dit qu’une terre maigre & appauvrie veut
être toute couverte de marne graffe.
L’auteur des Elémens du commerce tet que l’efpece
de glaife dont j’ai fait mention ci-deffus , eft communément
répandue à la quantité de cent voitures
par acre, ce qui eft à-peu-près un arpent de terre
légère ; qu’elle refte en mottes, à la furface, durant
trois ou quatre ans : que dès la première année le
champ rapporte de belle orge & en quantité , mais
qui a une mauvaife couleur : que cet engrais a un
effet fenfible pendant quarante-deux ans , &c.
Suivant l’obfervation de M. Duhamel, fix char-
riots attelés de quatre chevaux & chargés de marne
coquilliere ou autre marne en moilon , fuffifent pour
fertilifer un arpent de terre ; mais il en faut quinze
ou vingt, lorfque c’eft une marne fort argilleufe.
Ce cultivateur attentif ajoute que, fuivant la qualité
des marnes ) on répand quelquefois depuis vingt-cinq
jufqu’à trente-cinq tombereaux de marne par arpent.
Mais il regarde comme très-effentiel, de mettre la
marne argilleufe dans des terres légères, & de la
marne graveleufe dans les terres très-fortes.
Le Recueil de la fociété d’agriculture de Tours
fait mention d’expériences, par lefquellesM. Peltereau
eft parvenu à obtenir des récoltes abondantes
dans une terre blanchâtre , froide & naturellement
compaâe, la première année même qu’il y a répandu
un mélange de marne & de fumier, après
avoir laiffé ces deux fubftances difpofées par couches
alternatives fe perfectionner mutuellement. Il
y a des perfonnes qui prétendent que fi l’on marne
avant l’hiver, la première récolte de grains eft aufli
bonne que les fuvvantés.
M. Duvergé a encore fourni dans ce même Recueil
un tableau d’affinités, où il préfente les fuccès
que l’on peut fe promettre, d’après nombre d’épreuves
faites pour s’inftruire des qualités & proportions
des marnes les plus convenables aux diverfes fortes
de terres de fa province. Il y confëille beaucoup de
combiner la marne avec le fumier, & d’allier fou-
vent une marne avec une autre.
B Quelques auteurs ont voulu faire entendre que
l’Angleterre a fur les autres pays l’avantage de poffé-
der une grande quantité de marne. Cette affertion
vague, & dont-l’appréciatiôn demanderoit une com-
paraifon prefqu’impoflible à exécuter, & d’ailleurs
certainement inutile , feroit capable d’occafionner
une forte de découragement, ou au moins de négligence.
Il eft cependant connu que par-tout où l’on
a un peu examiné le terrein, on a trouvé des marnes
de toutçs les efpeces ; & que fi quelque endroit en
manque, c’eft qu’on ne s’eft pas avifé d’en chercher,
ni même de réfléchir, & de faire quelque épreuve
fur les terres qui fe font préfentées.
Nous n’avons que des marques fort incertaines
pour juger, par la furface des terres, fi elles renferment
de la marne. Le vrai moyen de s’en affurer,
eft de fonder le terrein, en différens endroits , avec
la tarriere ou'fonde qu’on emploie pour chercher les
mines de charbon foflile ; ou bien on peut faire des
puits pour connoître la différente nature des lits que
l’on percera. En examinant même celle des différens
lits qui fe trouvent dans les puits anciennement
fouillés, on y acquerra aufli des connoiffances utiles
à cet égard, pourvu qu’ils ne foient pas revêtus de
maçonnerie.
Il y a de la marne qui eft fi voifine de la fuperficie,
que le foc l’entame. Quand on rencontre fous la terre
fertile une terre grife & fablonneufe, qui a l’apparence
de la potaffe, on foupçonne que l’on rencontrera
de h marne à une petite profondeur. L’on en
trouve fouvent au-deffous d’un banc de glaife blèuâ-
MA R 8 5 5
tre & infertile. Enfin il y en a ordinairement dans les
endroits où la pierre eft calcaire : mais ces indices >
encore incertains, manquent abfolument quand la
marne exifte à douze , quinze, trente, quarante
toifes de profondeur^
Dans tout pays où il y a de la craie & de la pierre
à chaux, il doit y avoir de la marne. On peut encore
découvrir des marnieres fans aucun frais, en
examinant les collines où les terres font coupées ou
éboulées, les bords des ruiffeaux où le terrein eft
efearpé. On prétend qu’on trouve fouvent de la
marne dans des marais defféchés ; les joncs qui y
croiffent en font un indice. S i , en labourant, on
fait fortir un fable gris ou une terre ftérile & bleuâtre,
mais favonneufe, ou une pierre à chaux graffe-
au toucher, c’eft un indice qu’il y a une marniere.'
Quant à la maniéré d’employer la marne, il eft
manifefte qu’elle doit varier fuivant le climat, l’efpece
de fol qu’on veut marner & l’efpece de marne
qu’on a , & enfin l’efpece de produélion du terrein.
Voici quelques obfervations à cet égard.
i° . Suivant la pratique affez générale, qui répand
la valeur de trois toifes cubes de marne par arpent,
les frais de la fouille & de la voiture doivent être
eftimés, dans chaque pays & chaque lieu, félon la
variation de ces quatre chofes, la profondeur de teL
marne , l’éloignement des terres , le prix des journées
, & la facilité d’avoir des manoeuvres.
2°. M. Duhamel fait obferver que, dans l’ufage
où l’on eft de marner à-Ia-fois prefque toutes les
terres d’une ferme, ce font les propriétaires qui en
font les frais, attendu qu’un fermier ne rifqueroit
pas cette dépenfe confidérable, dont le produit eft
beaucoup plus long que les baux ordinaires : au lieu
que l’on pourroit obliger les fermiers à marner tous
les ans un trentième de leurs terres, en leur accordant
quelque diminution fur le prix de la ferme s
par ce moyen ils ne feroient plus dans le cas de fup-
porter une mauvaife récolte qui fuit prefque toujours
la première année de marne, parce qu’on la
répand fur toutes les terres enfemble, & qu’on ne
fume pas à proportion. Le fermier qui ne marneroit
qu’un petit lot de terre , pourroit le fumer abondamment
, & toutes fes terres feroient ainfi entretenues
dans un état de fertilité fans interruption.
3°. On trouve dans le Recueil économique de la
fociété de Berne, diverfes expériences fur l’ufage de
la marne. Sur les mauvais terreins, graveleux &
fauvages, on a mis jufqu’à trois cens chariots de
cet engrais par chaque arpent, & la moitié quand
le terrein eft meilleur. Mais auparavant, il faut rompre
la terre au mois de mai ; & pour que le fillon fe
renverfe mieux, il faut enlever la terre de trois raies
du champ, qu’on fait tranfporter au haut ; de cette
façon l’oreille de la charrue renverfe entièrement le
gazon. Pendant l’année, il faut tranfporter la marne
fur la piece, qui fe trouve ainfi par-tout pétrie, me-
nuifée, coupée & brifée par les roues des charriots
& les pieds des chevaux.
Au printems fuivant, on donne un fécond labour
tranfverfal, s’il eft poflible ; ce qui fert à mêler bien
la marne & à en unir la furface. Si le terrein eft penchant
, il faut biner en biaifant, de maniéré que les
raies du fécond labour ne tombent pas fur celles du
premier. On feme fur ce terrein ainli préparé, de
l’avoine, des pois ou des poifettes, mais jamais de
l’orge, du feigle ou du froment. Immédiatement
après la récolte, on laboure le champ, & enfuite ,
au mois de feptembre , o n y répand dix chars de
fumier par arpent. On donne un nouveau labour ,
& on y feme du froment ,qui a trempé pendant
douze heures dans l’égout de fumier.
Si le terrein amendé eft aride, graveleux & fe c ,
on emploie par arpent, ou pofe, fix mefures de vingt