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dans ¥ Aughtorrah- Baade des Gentous, on peut être
ertain que ce font des êtres phyfiques ou moraux,
Perfonnifiés fous des formes monftrueufes, dont on
a quelquefois autant multiplié les membres que la
Capacité ou la circonférence du tronc l’a pu permettre
: dix paires de bras & vingt têtes ne font encore
rien pour ces ftatues allégoriques qui peuplent
les pagodes de l’Orient. Quoique les mythologues
grecs aient donné auffi, comme l’on fait, beaucoup
de membres furnumeraires à leurs géans, il faut
obferver que cette bizarrerie n'a pu leur venir des
Egyptiens qui, dans leurs fables facerdotales, ont
conftamment dépeint le Typhon avec deux pieds,
deux bras 6c une tête: auffi un favant d’Allemagne,
qui a fait des notes fur l’ouvrage de l’abbé Banier,
©bferve-t-il qu’il n’eft parlé qu’une feule fois, dans
un auteur ancien, des doubles mains du Typhon:
mais c’eft • là une tradition que les Egyptiens ne con-
noifloientnon plus que l’hiftoire de la fuite des dieux,
qui, pendant la guerre des géans, fe fauverent d’épouvante
jufqu’aux bords du Nil, pour s’y cacher
dans le corps de différens animaux ; 6c Vénus en-
tr’autres s’y cacha dans un poiffon, qu’on a prétendu
être la perche ou la variole des Francs.
P i f ce Venus latuit. . . . . .
Tous ces traits 6c mille autres de cette force par-
toient ou directement de l’imagination des G recs, ou
étoient des parodies de la doârine énigmatique des
prêtres de Memphis, d’Héliopolis, de Thebes 6c de
Sais.
Après avoir parlé de peuples auffi célébrés que
les Indiens, les Chinois, les Egyptiens, nous doutons
prefque qu’il nous foit permis de parler des
Juifs, dont les traditions, telles qu’on les trouve ex-
pofées dans leTalmudau fujet d’une race gigantef-
que, font fi groffiérement abfurdes, qu’il faut leur
appliquer ces mots de Tacite : Stolida, vana,J î mol-
husacciperes, miferanda. On jugera de cet entaflement
de fables monflrueufes par une feule de ces fables-
là: les Talmudites affurent qu’il y avoit des géans
dans l ’arche, 6c comme ils y occupoient beaucoup
de place, on fut obligé de faire fortir le rhinocéros :
quand on leur demande ce que devint alors le rhinocéros,
ils répondent qu’il fui vit l’arche à la nage. Ce
conte n’a point même, comme l’on vo it, le mérite
des contes allégoriques ou moraux ; car il n’y a aucune
allégorie à faire nager un rhinocéros au - deffus
des montagnes. Ces géans, dont il eftici queftion,
étoientnésdu commercedes Egregores avec les filles
des hommes, fuivantle livre d’Hénok, dontlafup-
pofition eft généralement reconnue ; nous foup-
çonnons auffi qu’il n’a point été inconnu à Phi-
Ion qui a manifeftement mêlé quelques traditions
judaïques 6c phéniciennes avec la théogonie d’Hé-
fiode, pour en fabriquer les fragmens trop célébrés
de Sanchoniathon , dont les favans euffent
mieux reconnu la fauffeté, s’ils les avoient examinés
plutôt en philofophes qu’en grammairiens ou
en critiques ; encore s’en faut-il beaucoup que :
tous les critiques les aient admis pour authentiques. \
Lorfque Philon dit que Byblos eft la première ville
qui ait été bâtie dans le monde entier, alors il fuffit
de fe rappeller qu’il étoit lui-même né à Byblos : il a
menti prodigieufement pour illuftrer fa patrie. Ce
n’eft pas fur les bords de la Méditerranée qu’on cher-
che aujourd’hui les plus anciens peuples de la terre :
auffi Trogue Pompée rapporte-t-il que les Phéniciens
étoient venus du centre du continent (apud
Jujl. lib. X V I i l , cap. 3. ) ; & c’eft-là un fait qui ne
fouffre aucun doute. La feule particularité qui mérite
quelque confidération dans ces fragmens du faux
Sanchoniathon, c’eft qu’en parlant des géans, il affigne
leurs demeures fur des montagnes, qui en avoient
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confervé, d it- il, le nom, comme le mont Caffius,
le Liban, l’Antiliban 6c le Brathy, ro Bp*dv, dont la
fituation eft maintenant inconnue. On voit par là combien
les fables recueillies dans la Phénicie font conformes
aux circonftances du local, dont nous avons
parlé au commencement de cet article; 6c qu’on ait
eu connoiffance, dans cette partie de l’Afie, de différens
os foffiles de la première grandeur, cela eft
prouvé par le fquelette qu’on confervoit à Joppé, 6c
qui avoit appartenu à une baleine, autant qu’on peut
en juger par la defcription qui nous en refte ; 6c c’eft
là le feul fquelette de cette efpçce, que les anciens
n’aient pas attribué à un homme, ce que l’abfence
des os des jambes 6c des bras ne leur permettait
point de faire ; car il n’y avoit en tout qu’une colonne
verticale 6c des côtes.
Lorfque les Hébreux quittèrent l’Egypte, la religion
égyptienne étoit déjà tout ce qu’elle a été depuis
: on y avoit completté à-peu-près le corps des
fables facerdotales ou des énigmes facrées, fi l’on
en excepte celles qu’on y ajouta à l’occafion des épa-
gomênes introduits dans l’année vague, 6c de quelques
autres événemens hiftoriques ; mais on y avoit
depuis long - tems perfonnifïé le vent bridant du fud ,
& le Typhon étoit déjà alors logé dans le Sirbon. Ilfe-
roit en effet bien difficile de nommer un canton de
l’Afie, de l’ancienne Europe , de l’Afrique fepten-
trionale, oîi de telles fables ne fe foient pas répandues.
Dans la Lybie on montroit un village pétrifié 6c les
os d’Anthee. Nous favons, par les recherches de M.
Shaw (Voyage en Barbarie.) , ce que c’eft que ce prétendu
village pétrifié, connu fous le nom de Raf-
Sim, 6c oit il n’y a pas d’autres pétrifications que les
pierres ordinaires, 6c quant aux os d’Anthée, Stra-
bon s’en moquoit déjà ouvertement de fon tems {lib.
X V I I . ) ;& f i depuis Plutarque en a parlé d’une maniéré
plus pofitive, c’eft qu’il y a une grande différence
entre un auteur judicieux, & un autre auteur
qui l’eft moins.
Que penfer après tout cela de Pline, & de ceux
qui comme lui ont foutenu que la taille de l’homme
alloit en diminuant d’âge en âge? Homere s’en étoit
déjà apperçu, dit-on, & il ne ceffoit d’en faire des
plaintes, que Juvénal répété d’un ton de déclama-
teur: le pied d’Hercule qu’on a mefuré dans une carrière
ou une lice, s’eft trouvé bien plus grand qu’on
ne s’y feroit attendu : on a vu de nos tems des académiciens
, que nous ne nommerons fûrement point ic i,
calculer la hauteur de la taille d’Adam & la trouver
vingt - une fois plus grande qu’on ne s’y feroit encore
attendu, même dans f hypothefe des germes emboîtés.
Mais en vérité, eft - il permis d’abuler jufqu’à ce point
de fa raifon , & de propofer fans pudeur , des chimères
dont on auroit dû rougir dans les fiecles d’ignorance?
Eft-ce bien ici qu’il faut citer Homere,
6c le pied d’Hercule, qui, par le développement de
la mythologie Egyptienne, s’eft trouvé être la force
qui meut la terre, ou qui mouvoit le foleil'dans l’ancien
fyftême aftronomique ? De forte que chacun des
douze travaux de ce prétendu héros , vaut trente
dégrés d’un ligne du zodiaque, 6c les douze lignes du
zodiaque étoient les douze grands exploits repréfen-
tés fur la porte du temple de Jupiter Ammon, ofi
l’on n’a voit affurément pas employé des fculpteurs
grecs.
S’il y a quelque chofe de confiant dans la nature,
il paroît que c’eft la taille de l’homme : le climat
6c toutes les caufes phyfiques imaginables , ne
peuvent produire ordinairement ni une race de
nains, ni une race de géans. Lorfqu’il paroît de
tels individus dans notre efpece, ce font toujours
des monftres qui ne donnent pas des filiations dont
la petiteffe ou la grandeur fe foutienne dans une
exaCte proportion. Les Innuits, nés au-delà du 70e
degré
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degré de latitude nord, oit le froid eft le plus rigôü-
reux qu’on connoiffe dans le monde, font encore
d’une ftature élevée de plus de deux pieds au-deffuS
de la taille des nains proprement dits, 6c qui eft de
deux pieds fept pouces 6c demi, comme la taille des
géans proprement dits, eft de dix pieds fix pouces:
car dans le premier cas on prend la moitié de la hauteur
d’un homme ordinaire ; 6c dans le fécond cas on
prend le double de cette hauteur, qu’on fixe, par un
calcul mitoyen, à cinq pieds trois pouces. -
Il eft bien vrai que l’éducation, l’exercice, la nourriture,
la maniéré d’exiftsr, peuvent influer fur la croif-
fance du corps humain ; mais le plus grand 6c le moindre
effet fe bornent à quelques pouces de plus ou de
moins. Les anciens Germains vivoient de laitage,
de gibier, de la chair de leurs troupeaux & d’un peu
de grain qu’ils faifoient cultiver par leurs efclaves ;
encore dans l’intérieur des terres ne connoiffoit - on
aucune efpece de grain, ils ne fe marioient point
avant que d’être fortis de l’adolefcence : le féjour St
le luxe des villes ; qui énervent tant la conftitution,
ne pouvoient les énerver ; car ils n’avoient point de
villes, & à peine avoient-ils des villages. Tout cela
a pu former un peuple tel que les hiftoriens nous le
dépeignent ; & comme le genre de vie y étoit très-
uniforme , la taille des individus a dû être auffi très-
uniforme. O r , voilà ce qui n’eft plus de nos jours, à
caufe des arts, des métiers, du travail des terres, 6c
de mille caufes qui affe&ent plus un homme qu’un
autre ; mais en revanche nous croyons que les gens
de la campagne font aujourd’hui, dans la Germanie,
généralement parlant, plus forts que leurs ancêtres,
qui ne travailloient prefque jamais; auffi avoient - ils
laiffé envahir les trois quarts' de leur pays par les forêts;
de forte que, malgré l’avantage de leur taille,
la population à dû être parmi eux extrêmement foi-
ble ; 6c quoi qu’en ait pu dire M. de Montefquieu . il
n’y a point d’apparence que ces forêts de la Germanie
aient renfermé trois millions d’hommes du tems
de Jüle-Céfar, 6c à préfent on compté fur cette
même étendue de terrein plus de vingt millions
d’hommes.
Quant à la dégradation de la taille d’âge en âge,
on peut dire à tous ceux qui ont foutenu cette
opinion , ce qu’on a dit aux Arabes Bédouins de
l’Egypte, qui au X V I I e fiecle , prétendoient encore
que les pyramides rangées fur la côte à l’occident
du Nil depuis Hanara dans la province de
Feium, jufqu’à Gizeh à l’oppofite du Caire, avoient
été conftruites par des géans. Mefurez, leur a-t-on
répondu, l’entrée 6c les galeries de la plus grande
de toutes ces pyramides, c’eft - à - d ire, de celle qui
fe trouve vers le nord, à-peu-près fous le trentième
degré de latitude, & vous verrez que les architectes
6c les maçons qui l’ont élevée, étoient pré-
cifément de la taille des hommes d’aujourd’hüL Ainfi
on peut prouver qu’en un laps de plus de trois mille
ans il n’eft point furvenu la moindre altération dans
la mefure que la nature a fixée au corps humain. On
déterre à Sakara & à Abôufir des momies de quelques
perfonnes qui vivoient peut-être très-long-
tems avant la naiflance d’Homere : o r , ces momies ne
font ni plus grandes, ni plus petites que les Coptes
ou les Egyptiens modernes. Nous nous croyons bien
difpenfés après cela de devoir parler de l’hypothefe
des germes emboîtés, 6c de la taille de Roland le
furieux, ou de celle d’Adam, difeuflion qu’il faut
abandonner aux talmudiftes , aux rabbins 6c à leurs
femblables. ( D. P . )
On borne dans ¥ article GÉANT du Dicl. rdif. des
Sciences, 6cc. la ftature de l’homme à fix pieds de roi.
Cette mefure peut être admife pour le commun des
hommes, mais elle n’eft pas une borne que l’efpece
humaine ne puiffe paffer, 11 y a un milieu entre l’excès
Tome III,
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dé créaulité & l’air décifif, avec lequel on pofé des
limités à la nature , d’après une induCtion incom-
plette.
Très-fouvent fans doute on a pris des offemens
d’éléphans, de bêtes marines même pour des os dé
géans. Le fémur qu’on a déterré près de Lucerne, paroît
de cette efpece.
Très-fouvent encore on a donné des fables pouf
des témoignages. On fait l’hiftoire du géant Theuto-
bochus dont on a prétendu avoir découvert les offe^-
mens près de Chaumont. Habicot, anatomifte dé
mérite d’ailleurs, au lieu de fe couvrir de cesoffe-
mens énormes, fortit de fon caraCtere, & voulut défendre
l’exiftence d’un géant , qui fe trouva après
bien des réponfes 6c des répliqués, n’être qu’un vain
conte. C ’étoit le pendant de la dent d’or de l’enfànc
de Silefie.
Il eft arrivé encore qu’on â mal calculé, 6c que fuf
des os détachés, on a cru pouvoir donner au fque*
lette entier une taille qu’un calcul corrigé ne lui a
pas donnée. Il n’y a que peu d’années qu’on a vu en
Suede un fémur de vingt .pouces trois quarts; on a
co nclu que le mortel auquel ce fémur avoit appartenu ,
devôit avoir eu huit pieds de haut. Un anatomifte a
revu ce calcul, au lieu de huit pieds, il n’a trouvé
que quatre-vingt pouces de Suede, ce qui fait une
taille aVantageuie Tans être gigantefquë. La portion
de crâne de géant que l’on conferve à Leyde, appar*
tient à une tête difforme.
Après bien des débats, il fe trouvé que les Pata-
gons mieux connus ne font que des hommes d’une
Belle taille, plus grands que le commun des matelots
, mais fans mériter le titre de géans. C’eft toujours
une fingularité cependant, que cette nation
qui, dans un pays très-froid, eft dume taillé plus
avangeufe que le commun des Européens, 6c qui
fur-tout furpaffe de beaucoup la taille des peuples
de l’Afie 6c de l’Amérique feptentrionale , qui habitent
des pays de la même température de l’air, ÔC
qui généralement font très-petits. La taille des Pa-
tagons ne defeend prefque jamais au-deffous de cinq
pieds fept à huit pouces, 6c elle va jufqu’au- delà de
fix. Aucune nation de l’Europe n’égale ces mefureSi
Les Suiffes, les Bernois fur - tout, font généralement
d’une -taille approchante ; mais il y a toujours des
hommes entr’eux qui ne paffent pas cinq pieds.
Parmi les hommes ordinaires, il s’en trouve de tems
en tems, qui paffent la mefure ordinaire. Nous avons
vu Magrath, dont la taille a été conftatée, il avoit fept
pieds de roi. Un-Suédois, de la garde Üe Frédéric
Guillaume, roi de Pruffe, paffa de beaucoup cette
taille ; il avoit huit pieds fix pouces de haut ; c’étoient
apparemment des pieds du Rhin. M. V , Uffenbach *
voyageur curieux 6c exaCt, a vu le fquelette d’une
fille , dont la longueur étoit la même; fon féniirf
avoit trois pieds de longueur. Cette taille paroît être
le dernier terme de celle de l’homme.
Je ne me refuferois pas à l’idée que dans les premiers
tems du monde, la taille, du moins de qüeb
ques mortels, a pu être fupérieure à la nôtre. Oii
trouve dans différens cabinets des cornes du taureau
auerochs, de l’élan * rhorfe, & des défenfes d’éléphant
plus grandes que tout ce que nous connoiflons»
Cette même vigueur de l’ancien monde, qui a prolongé
les jours des premiers hommes 9 peut avoir
donné à l’accroiffethent un terme plus étendu.
Il feroit difficile cependant d’admettre un petipîê
de géans ; il faudroit que toute la nature devînt gi-
gantefque dans la même proportion. Des chéyaux
ordinaires ne porteroient plus un homme de huit
pieds, dont le poids feroit à celui d’un homme dé
cinq pieds comme 511: i z i . Les végétaux ne fuffi*
roient plus pour nourrir une nation de cette taille»
Une pomme ne feroit pour elle qu’une fraife * lé