ceux qui fe battoient fe contre ceux qui leur fer-
voient de fécond. On fit plufieurs beaux réglemens
pour la réparation des offenfes, & il fut prefcrit
aux offenfes de s’adreffer au roi ou aux maréchaux
de France, pour obtenir lapermiffion de fe battre.
Les François étoient encore trop barbares pour ob-
ferver cet édit.
Les confpirations fréquentes formées contre le
roi & l’état, dont la plupart étoient fomentées par
l’E fpagne, réveillèrent les anciennes inimitiés. La
fucceffion de Cleves & de Juliers fournit un prétexte
aux deux puiffances de faire de grands arméniens
pour protéger leurs alliés. Une armée de trente
mille François & de fix mille chevaux fe rendit fur
les frontières de la Champagne. Le maréchal de
Lefdiguieres en avoit une autre de douze mille hommes
de pied & de deux mille chevaux. Les Vénitiens
& le duc de Savoie dévoient le joindre avec trente
mille hommes. Les princes d’Allemagne & les Hol-
landois fes alliés dévoient attaquer la maifon d’Autriche
avec des forces auffi nombreufes. Les frais de
cette guerre avoient été calculés avant de l’entreprendre,
& quoiqu’il en dût coûter à la France trente
millions par an , le roi avoit des fonds fuffifans pour
la foutenir quatre ou cinq ans fans charger fon peuple
de nouvelles impofitions. Ce fut au milieu de
cet appareil de guerre que Ravaillac forma le def-
feinde l’affaffiner. Ce monfire,né à Angoulême, étoit
âgé de trenté-trois ans. Il avoit pris l’habit de feuillant
dont il fut dépouillé, parce que prétendant avoir
des révélations, on s’apperçut qu’il avoit la tête mal
organifée : les libelles des ligueurs, les inventives lancées
contre le roi dans la tribune facrée, allumèrent
fon fanatifme. Il fe trouva de faux doôeurs q u i,
par des vifions fuppofées fe d’autres pieux artifices,
égarèrent fon imagination. Il épia le moment oii le
roi alloit à l’arfenal fans gardes, pour exécuter fon
parricide. Un embarras de charettes, dans la rue de la
Ferronnerie, en facilita l’exécution: il frappa le
roi de deux coups de couteau dans la poitrine. Le
fang coula avec tant d’impétuofité , qu’il ne put proférer
une feule parole. Il mourut dans la cinquante-
feptieme année de fon âge, fe dans la vingt - deuxieme
de fon régné.
Ce prince, après avoir été pendant fa vie l’arbitre
de l'Europe, reçut de la pofterité fe nom de Grand
qu’il mérita par fes qualités bienfaifantes, plus encore
que par fa valeur héroïque. Il eut toujours des rébelles
à punir , il mit fa gloire à leur pardonner ; la clémence
, qui lui etoit naturelle, fut quelquefois contraire
aux intérêts de la politique qui exigeoh de la
févérité. Il témoigna de grands égards pour la no-
bieffe qui en effet avoit prodigué fon fang pour
cimenter fa puiffance : quoiqu’il fût r o i , il fe glori-
fioit du titre de gentilhomme : il réunit aux vertus de
l’homme privé tous les talens qui font les grands
rois. Elevé fous la tente, il eut la franchife d’un fol-
dat; ennemi du luxe & de la parure, il en pouffa le
dédain jufqu’à tomber dans une mal-propreté rebutante.
Son nom ne peut encore être prononcé qu’avec
attendriffementpar tous les François. Ce prince
fi grand dans les combats , fi bienfaifant dans la
p a ix, fi affable dans la fociété, ne fut point exempt
de foibleffes attachées à l’humanité. Son coeur fait
pour aimer, éprouva la plus douce & la plus impé-
rieufe des paffions ; mais l’amour ne préfida jamais
dans fon confeil: auffi brave, auffi clément que Cé-
far , il fut tendre &c galant comme ce Romain. La
belle Foffeufe & la comteffe de la Guiche lui infpi-
rerent tour-à-tour une vive paffion. Gabrielle d’Ef-
trée fut celle qui régna le plus long-tems fur fon coeur.
On prétend même qu’il l’eût époufée, s’il eût pu
obtenir alors la diffolution de fon mariage avec Marguerite
de Valois. La mort de fon amante laiffa dans
fon coeur un vuide qui fut rempli par la célébré
marquife de Verneuil, femme fpiritüelle, qui réunif-
foit tous les artifices d’une courtifanne & tous les
talens qui font les charmes de la fociété. Le roi qui
fans ceffe avoit à s’en plaindre, fe qui ne pouvoit
vivre fans elle , eut la foibleffe de lui faire une pro-
meffe de mariage , dont elle eut l’audace de foutenir
la validité. L’auftere Sulli rougit de la foibleffe de
fon maître ; fe préférant fa gloire à la fortune, il
déchira cette indigne promeffe fans craindre de perdre
fa faveur. Henri fe confola des caprices fe des
dédains de fon impérieufe maîtreffe dans les bras de
la comteffe de Moret fe de la belle des Effarts. Il
eut de toutes ces maîtreffes onze enfans naturels ,
fix de Gabrielle d’E ftrée, deux de Henriette Balzac
d’Entrague, marquife de Verneuil, une de Jacqueline
du Beuil, comteffe de Moret, fe deux de Charlotte
des Effarts: il en eut beaucoup d’autres qu’il ne
voulut point reconnoître.
Quoiqu’il fût ro i, & magnifique envers fes maîtreffes,
il trouva des femmes incorruptibles & rébelles.
Il aima fans fuccès madame de Guercheville.
Son amour dédaigné ne refpira point la vengeance.
Au lieu de la punir de fes refus, il fe fit un devoir de
récompenfer fa vertu , en la plaçant auprès de Marie
de Médicis qu’il venoit d’époufer. Il lui dit obligeamment
, que puifqu’elle étoit véritablement dame
d’honneur, il vouloit qu’elle le fût de la reine fa
femme. La ducheffe de Mantoue qui étoit intéreflée
à le ménager, hazarda fa fortune pour conferver fa
vertu en réfiftant à fes pourfuites. La princeffe de
Condé, qui étoit auffi belle que vertueufe, lui inf-
pira une paffion <jui auroit pu devenir funefte à
l’état, fi elle n’avoit été avec fon mari chercher un
afyle chez l’étranger pour affurer fa pudicité. Catherine
de Rohan, foeur du vicomte, que le roi venoit
de faire duc & pair, eut la fierté de rejetter fes voeux
& fes promeffes : elle lui dit qu’elle étoit trop pauvre
pour être fa femme, & de trop bonne maifon
pour être fa maîtreffe.
La paffion de l’amour caufoit beaucoup de ravages
dans ces fiecles orageux, où les fciences fe les arts
dédaignés , laiffoient dans tous les coeurs un vuide
quin’étoit rempli que par l’amour. Ce fut fous fon
regne qu’un bourgeois de Midelbourg inventa les
lunettes d’approche. 11 en préfenta une au prince-
Maurice qui fembloit expofer à deux, cens pas les
objets éloignés de deux lieues. On ne fait honneur
de cette invention à Galilée que parce qu’il la perfectionna
: le tumulte des guerres civiles n’étouffa
point tout-à-fait le génie dont les productions nous
font confervées dans la fatyre' Ménippée fe dans d’autres
ouvrages où l ’efprit naturel fupplée à l’étude &
à l’art. ( T— N . )
I * H e n r i I , {Hiß. ri Angleterre.) duc de Normandie
, couronné roi d’Angleterre en i io o , au préjudice
de Robert Courte-cuiffe, fon frere aîné, fe tous
deux fils de Guillaume le 'Roux. L’avènement de
Henri 1 au trône, eft une époque mémorable. Il
n’obtint la préférence fur fon frere qu’en accordant
aux Anglois des privilèges qui puffent les mettre à
jamais à l’abri des vexations de la puiffance arbitraire:
privilèges qu’aucun roi n’a violés depuis impunément
, & qui font encore aujourd’hui îa bafe de
la liberté britannique. Il jura pour lui fe pour fes fuc-
ceffeurs, qui n’ont pu annulier fon ferment, de ne
jamais lever de taxes ou de fubfides fans le confen-
tement exprès de la nation: il jura qu’aucun citoyen
ne pourroit, en aucun cas , être condamné par le
roi ou par fes officiers, foit en matière civile, foit
en matière criminelle, que l’accufation n’eût été
vérifiée devant douze de fes pairs ou concitoyens
qu’on feroit obligé d’affembler pour cet effet. Henri
monte fur le trône, foutint cette démarche pendant
un régné de vingt-cinq ans, fe mérita les titres de
guerrier courageux, de politique habile fe de roi
jufie. Il moûrut en 1135.
H e n r i I I , fils de Geoffroi, comte d’Anjou, & de
Mathilde , fille de Henri I , dont on vient de parler,
fut applanir les obftacles qui fembloient devoir l’éloigner
du trône d’Angleterre du vivant de fa mere.
Les premières années de fon régné furent fort agitées.
Il ajouta à fes états la Guienne fe le comté de
Poitou, par fon mariage avec Eléonore , héritière
de ces provinces. Il en conquit d’autres fur Conan IV,
fe fe rendit maître de l’Irlande. Mais ces exploits ,
qui annoncent un héros , font moins dignes d’éloge
que fa prudence, fa générofité,& fon habileté pour
le gouvernement. *C’eft dommage que ces bonnes
qualités aient été ternies par un orgueil exceffif, fine
ambition démefurée & un luxe fans bornes. Il mourut
en 1 189, du chagrin que lui cauferent les révoltes
multipliées de fes enfans.
H e n r i III, fils fe fucceffeur de Jean Sans-terre ,
monta fur le trône d’Angleterre en 1 z 16. Ce prince ,
peu capable de gouverner, efclave de fes miniftres
& de fes favoris qu’il enrichit aux dépens de la nation
, régna cinquante-cinq ans dans des orages continuels
, excités par fa mauvaife adminiftration, fon
peu de fermeté , fa hauteur hors de faifon , en un
mot par fon imbécillité. Les barons révoltés le firent
prifonnier à la bataille de Lewes, en 12,64 , fe lui
firent figner une nouveau plan de gouvernement,
que quelques hiftoriens régardent comme l’origine
des communes, fe de la puiffance du parlement de
la Grande-Bretagne.
H e n r i I V , fils du duc de Lancaftre, troifieme
fils d’Edouard I I I , fuccéda à Richard I I , qu’il fit
dépofer juridiquement. Mais comme la couronne
fembloit appartenir à plus jufte titre à Edmond de
Mortimer, duc de Clarence, fécond fils du même
Edouard II I , l’Angleterre fe vit en proie à une
guerre civile caufée par la haine , l’ambition & la
jaloufie réciproques des deux maifons d’Yorck fe
de Lancaftre. L’ufurpateur s’efforça en vain de gagner
l’amitié des Anglois: en vain il jura de défendre leurs'
droits , de protéger leurs privilèges , d’y ajouter de
nouvelles prérogatives. Jamais il ne put effacer à
leurs yeux le crime de fon ufurpation,& ceux qui
en furent la fuite. Il finit par fe haïr lui-même , ne
pouvant étouffer les remords qui le tourmentoient.
Il mourut de la lepre en 1413 , âgé de quarante-fix
ans : il en avoit régné quatorze.
H e n r i V , fils du précédent, porta furie trône
des talens exercés pendant les dernières années du
régné de fon pere, fe l’utile connoiffance des droits
de la nation qu’il gouvernoit. Il refpeâa les privilèges
des Anglois, fe les Anglois oublièrent qu’il étoit
fils de Henri IV. Il eut encore la politique de leur
préfenter le projet féduifant de conquérir la France ;
projet qu’i^exécuta à la faveur des fa&ions auxquelles
cet état étoit en proie. Le traité de Troyes conclu
en 1410, remettoit aux mains de Henri les rênes du
gouvernement , fe ne laiffoit à Charles VI que le
titre fe fe les honneurs de roi. Henri reconnu pour
héritier de la couronne, de voit à jamais réunir la
France & l’Angleterre fous un même monarque. Il
eft v ra i, ce traité n’eut point fon exécution ; mais
il l’auroit eu fans la valeur du Dauphin qui rétablit
fes affaires, fe fans la mort de Henri V qui ceffa .de
vivre en i4 z z 9 dans la trente-fixieme année de fon
aS®» & laiffa fon fçeptre à Henri, fon fils, qui fuit.
H e n r i VI. Le duc de Betford, proteôeur ou
gardien du royaume pendant la minorité du jeune
prince, vouloit le faire régner fur la France fe l’Angleterre
, fuivant les claufes dq traité de Troyes.
Mais, tandis que pour y parvenir, il portoit fes
armes viclorieufes dans les provinces françoifes qu’i^
défoloit, la méfintelligence qui divifoit les miniftres
de Henri V I , l’obligea de repaffer la mer, fe fon
féjour en Angleterre ruina fes affaires en France.
Charles V il repouffa les Anglois, réunit les fuffrages
de. fes fujets, fe fe fit couronner à Reims. Depuis
cette epoque, Bedfort n’éprouva que des revers fe
des défaites en France, fe en Angleterre des dégoûts
fe de contradi&ions. Richard, duc d’Yorck , parent
d’Edouard III par fa mere , déclara la guerre à
Henri F I , que fa grande jeuneffe & fon efprit foible
mettoient hors d’état de fe foutenir fur le trône.
Cependant le parlement décide que le poffeffeur
aûuel gardera la couronne , fe que Richard fera
reconnu pour héritier naturel fe légitime de la monarchie.
Cette décifion pouvoit tout pacifier fi Henri
n’eût point eu d’enfans. Il avoitun fils dont Marguerite
d’Anjou , fa mere, fit valoir les droits à la tête d’une
armée. Cette femme , bien fupérieure à fon époux ,
livre au duc d’Yorck la bataille de Vakenfield, en
1461, où ce duc perd la vie. Edouard , fon fils,
venge fon pere , fe fait un parti confidérable, affem-
ble le parlement, & eft couronné roi. Henri, enfermé
dans la tour de Londres , y languiffoit paifiblement,
trop méprifé de fon rival pour en être craint. Cependant
Warwick , mécontent d’Edouard , caufe une
nouvelle révolution dans l’état. Edouard fuit devant
lu i , fe Henri F I paffe de l’obfcurité de la prifon à
l’éclat du trône. Du fond de fon exil , Edouard
conçoit le projet de reparoître en Angleterre, fe
de reprendre une couronne que la fortune ’ vient de
lui ravir. II eft fécondé par l’archevêque d’Y o r c k ,
frere du comte de "Warwick. Il fe montre fièrement
devant les murs de Londres. Warwick n’y étoit pas.
Les portes lui font ouvertes. L’armée de la reine eft
défaite. Elle-même eft prifonniere. Henri retourne
à la tour, où il eft bientôt poignardé avec fon fils.
Telle fut la fin malheureufe de ce prince. Foyer
E d o u a r d IV dans ce Supplément.
H e n r i VII , comte de Richemond , parvint à
la couronne d’Angleterre par la défaite & la mort
de Richard III. Il fut reconnu en 1485. Il étoit de
la maifon de Lancaftre,, fe il réunit en fa perfonne
les droits de la m,aifon d’Yorck , par fon mariage
avec Elifabeth^ifille d’Edouard IV. Cela n’empêcha
pas fes ennemis de faire bien des tentatives pour le
détrôner. Henri F I I fut triompher de toutes les
confpiratiQns , de toutes les faftions. C’eft qu’il
ménagea le parlement, qu’il refpefta les droits de
la nation, fit de fages loix , réforma la juftice , protégea
les fciences, rétablit le commerce qui avoit
beaucoup fouffert pendant les guerres civiles, fe il
eût mérité le titre glorieux de Salomon de l'Angleterre,
fi une léfine honteufe fe des rapines fifcales n’euffent
pas terni l’éclat de fes excellentes qualités. Il mourut
en 1509.
H e n r i VIII. Les amours greffiers fe fanguinaires
de ce monarque , fes divorces fucceffifs qui firent
paffer plufieurs de fes femmes de fon lit fur l’échafaud
, l’orgueil defpotique avec lequel il fit adopter
fes caprices & des loix auffi bifarres que tyranniques
, le changement qu’il introduifit dans l’églife
de fon royaume, fe qui n’eut pas de plus noble
motif que fes pallions effrénées, fes démélés avec
la France , fon inconftance dans fes alliances politiques
comme dans fes amours ; tels font en peu de
mots les traits qui caraftérifent le regne fe la perfonne
de HenriFlll. Que penfer d’un prince qui
ofe avouer de fang froid en mourant, qriilriajamais
refufé la vie ri un homme à fa haine, ni l’honneur d'une
femme à fes defirs ? Il mourut en 1547 , âgé de ein-,
quante-fept ans , après en avoir régné trente-huit.
H e n r i I , roi de Caftille, ( Hiß. riEfpagne. ) On
ne peut rien dire de ce prince , fe l’on ignore s’il