d’une maifon de Caligula , que cet empereur fit détruire
, parce que fa inere y avoit été détenue pri-
fonniere du tems de Tibere;elle étoit, dit-il, d’une
fi grande beauté qu’elle attiroit les regards de tous
ceux qui pafl'oient le long de la côte.
La defcription que fait Stace d’une maifon fituée à
Sorrento,c’eft-à-dire,fur la même côte 8c à fix"lieues
d Herculanum, peut faire juger de'la magnificence 8c
de la richeffe qui brilloient dans ces maifons de plai-
fance ; les figures antiques de bronze & de métal de
Corinthe auffi eftimé que l’or, les portraits des généraux,
des poètes, des philofophes, les chefs-d’oeuvre
d’Apelles, de Policlete , de Phydias ; tous les
genres de beautés y étoient accumulés. On ne doit
pas être étonné de retrouver dans les ruines d\h M
culanum des figures «le la plus grande perfection :
Quid referam veteres cera oerifque figuras ,
Si quid Apelloei gaudent animajfe colores,
Si quid adhuc, vacuâ tamen , admirabile P ifa,
Phidiaca rafere nianus ; quod ab arte Myrouis,
A ut Polycletao quod jufjum ejl vivere calo ,
Æraque ab IJlhmiacis auro potiora favillis ,
Ora ducutti & vatum , fapientumque ora priorum.
Statius.
Martial & Stace mettent Herculanum au nombre des
villes abymées par les éruptions du Véfuve ; mais
Dion Caffius, qui vivoit l’an 230 de Jefus-Chrift,
& qui a compofé une hiftoire romaine, eft le premier
hiftorien qui le dife formellement en décrivant
l’éruption de l’an 79. « Une quantité incroyable de
» cendres emportées par le vent, remplit l’air, la
» terre & la mer, étouffa les hommes , les trou-
» peaux , les poiffons 8c les oifeaux, 8c engloutit
» deux villes entières, Herculanum 8c Pompeii, dans
» le tems même que le peuple étoit aflïs au fpeâa-
» cle. D. CafT. L. LXf^I. n°. 2.1. » Cependant Florus
Vers l’an 100 de Jefus-Chrift, partait encore d'Herculanum
, qu’on croit avoir été engloutie dès l’an 79.
Quoi qu’il en foit de la date de ce terrible événement, j
°,n.ne, Peut pas douter que la ville d'Herculanum \
n’ait été enfevelie fous les cendres ou laves fablon-
neufes du Véfuve; on trouve fes bâtimens à 68
pieds fous terre dans l’endroit oit eft le théâtre, 8c
à to i pieds fous terre, du côté de la mer & du château
du roi. Le maflîf dont elle eft recouverte eft
une cendre fine, grife, brillante, qui, mêlée avec de
l’eau a fait un compofé que l’on brife quoique avec
peine , & qui tombe en poufliere ; il y a des endroits
oîi elle fe détache d’elle-même & s’ébouleroit fort
promptement, fi on ne la foutenoit par des planches
& des étais ; en regardant cette poufliere au mierof-
cope, on y voit des parties noires 8c bitumineufes ,
des parties vitrifiées, d’autres minérales & métalliques
, & on y trouve une qualité faline , un peu
alumineufe, ce qui prouve , comme nous l’avons
dit en parlant du Véfuve, que c’eft une matière de
même nature que la lave en maffe dont nous rapporterons
bientôt l’analyfe ; elle ne donne cependant
pas une odeur de foüfre quand on la brûle : fans
doute que l’acide fulfureux s’en eft évaporé.
Cette matière ne couvrit que peu-à-peu la ville
à'Herculanum, 8c laiffa aux habitans toute la liberté
de s’enfuir ; car depuis le tems que l’on fouille à
peine y a-t-on trouvé une douzaine de fquelettes; il
y avoit même fort peu d’or 8c d’effets précieux , fi
ce n’eft de ceux qu’il étoit difficile d’emporter.
Cette poufliere étoit encore brûlante lorfqu’elle
tomba , car l’on trouve'les portes & autres bois de
la ville réduits en une efpece de charbon, qui con-
ferve encore de la molleffe à caufe de l’humidité de
la terre. Dans les maifons où la lave n’avoit pas pénétré
, tout eft rôti 8c réduit en charbon fans être
confum* ; tels font le« livres qui étoient d’écorce
& qu’on a trouvés en grand nombre, le bled, l’orgè;
les feves , les figues , le pain même en entier, tout
cela a été réduit en charbon , fans que la lave y ait
touche, & par la feule chaleur qu’elle communiquoit
à l’air environnant.
On trouve beaucoup de maifons & de chambres
qui font remplies de cette la v e, ce qui paroît indiquer
que l’eau qui s’y mêla, charria cette matière,
8c la difperfa dans l’intérieur.
La cendre 8c la lave rempliffent exa&ement tout
l’intérieur des appartement ; on trouve des murs qui
ont fléchi, d’autres qui font renverfés, ce qui prouve
que la lave a été détrempée & a coulé comme une
efpece de pâte ou de fluide. Le ciment que cette
cendre a formé avec l’eau, eft devenu fi compaft ,
8c dans la fuite a fi bien garanti de l’humidité tout
ce qu’il environnoit, qu’il a empêché la fermentation
, 8c qu’il a confervé les couleurs même des peintures
, que les acides 8c les alkalis auroient rongées
par-tout ailleurs.
Au-deffus de cette lave qui tomba dans la première
éruption, l’on trouve une efpece de poudre blanche
difpofée par lits, mais avec quelques interruptions;
elle provient fans doute dès pluies de cendres qui
font venues fucceffivement en divers tems ; par-def-
fus cette cendre on trouve dix à douze pieds de
terre , dans laquelle on rencontre d’anciens tombeaux
, & par-deffus cette terre la lave dure en
grandes maffes pierreufes , telle qu’elle a coulé
dans les dernieres éruptions, depuis l’an 1036; &
par-deffus celle-ci de nouvelles couches de terre
végétale.
ffl C’eft clue ce r*va8e dangereux paroît avoir
été habité 8c dévafté à plufieurs reprifes différentes;
la beauté du climat fait qu’on y retourne volontiers
auffitôt qu’un ou deux fiecles d’intervalle ont fait
oublier les derniers embrafemens. On étoit encore,
en 1631 , dans la plus profonde fécurité, comme
on l’avoit été au mont Ætna, en 1536, mais ces
éruptions précédées d’un long calme, font toujours
les plus terribles.
Le fouvenir des villes d’Herculanum & de Pompeii
étoit tellement éteint, qu’on difputoit au commencement
du fiecle fur le lieu de leur ancienne fitua-
tion. Célano mettoit Herculanum au fommet du
Véfuve ; quelques auteurs l’a v.oient placé à Ottaiano
qui eft de l’autre côté du Véfuve, Biondo 8c Raz-
zano la mettoient à Torre deil* Annunziata; fur la
carte de Petrini, elle eft marquée à près d’une lieu®
au midi de Portici; Ambrogio Lione penfa que c’é-
toir à Torre-del Greco, qui eft à une demi-lieue de
Portici; en effet l’on avoit trouvé dans le dernier
fiecle des infcriptions du côté de Torre-del-Greeo ,
dans lefquelles il étoit parlé de cette v ille, 8c que
Capactio a rapportées dans fon hiftoire de Naples;
ce qui la faifoit fuppofer plus méridionale que Portici
, où cependant elle s’eft trouvée réellement. Il
y avoit des favans qui croyoient que Pompeii étoit
dans cet endroit, quoiqu’elle fe foit trouvée en-
fuite fur les bords du Sarno, deux lieues plus loin ;
lors même qu’on a eu découvert des ruines fous
Refina 8c Portici, on penfa que c ’étoient celles de
Retina dont parle Pline; mais on croit aujourd’hui
que Retina n’étoit qu’un petit village fur le bord de
la mer, où habitoient les matelots : toutes ces incertitudes
ont été fixées par les découvertes que nous
allons raconter.
Le prince d’Elbeuf, Emmanuel de Lorraine, étoit
allé à Naples en 1706 , à la tête de l’armée impériale
qu’on avoit envoyée contre Philippe V. Il y
époufa en 171 3 , la fille du prince de Salfa. Ce ma-
■ riage lui fit defirer une maifon de campagne aux
| environs de Naples; il en fit bâtir une à Portici 8c
voulut là faire décorer de ftucs ; un artifte fe pré-
fenta, qui excelloit dans la"coropofition d’un ftuc
auffi dur 8c auffi brillant quë-lè marbré î qûhl com-
pofoit comme les anciens, a vec les débris ,leS éclats
8c la pouffierë: d e1 différcns -marbres-;;îîl n'e s: agifl'oit
que d’en raffembler une quantité fuffiiàrttèv’Unpay-
fan de Portici en avoit tr:ôuvé‘en cteufànt ùrt puits
dans fa maifon : le prince d’Elbeuf acheta de ce pay-
fan la liberté-de faire des fouilles au même endroit.
Telle fut la première QCcafion-des.découVertesÜHerculanum
; on a .reconnu depuis que,, cette première
ouverture': étoit juftemeht ati-defl'us dut.théâtre de
cette.ancienne ville. Après quelques jours de travail
on découvrit une ftatue d’Hercule, 8c enfuite une
Cléopâtre. Ces premiers fuccès encouragèrent le
prince , on continua les-excavations avec plus d’ardeur
;. on trouva bientôt t’archirraye, ou le deflùs
dlune-porte en marbre.,-avec une inscription 8c fept
ftatues grecques, femblables -à des veftales..,
■ Quelque tems après on trouva un temple antique,
de forme ronde , environné de vingt; quatre colonnes
d’albâtre fleuri; l’intérieur étoit orné d’un pareil
nombre.de colonnes 8c d’autant de ftatues de marbre
grec...
Le produit de ces recherches devint bientôt.aflèz
confidérable pour réveiller l’attention du gouvernement,
8c l’on forma oppofition aux travaux du
prince d’Elbeuf ; depuis ce tems-là, il ne fut prefqiie
plus queftion de nouvelles découvertes, jufqu’au
tems où don Carlos, devenu-roi de Naples , voulut
faire bâtir un château à Portici en 1736; Leduc
d’Elbeuf céda au roi fa maifon & le terrein d’où l’on
avoit tiré tant de belles chofes. Le roi fit creufer à
80 pieds de profondeur perpendiculaire, & l’on ne
tarda pas à reconnoître une ville entière qui avoit
exifté à cette profondeur. On retrouva même le lit
de la riviere qui traverfoit la v ille, 8c une partie de
l ’eau qui la formoit.
M. Venuti , célébré antiquaire, dirigeoit alors les
excavations; il découvrit le temple de Jupiter, où
étoit une ftatue d’o r , 8c enfuite \ le théâtre, les infcriptions
qui étoient fur les principales portes , les
fragmens des chevaux de-bronze doré 8c du char auquel
ils étoient attelés qui avoient décoré la principale
entrée de ce théâtre , une multitude de ftatues
de marbre , de colonnes 8c de peintures, dont nous
allons donner, une idée.
Il n’y avoit pas cinquante ouvriers, en 1765, qui
y fuffent occupés depuis le départ du roi pour l’Ef-
pagne, 8c pn.ne laiffoit pas de faire continuellement
clés découvertes nouvelles. Les ouvriers font leurs
tranchées auliazard, de cinq ou fix pieds de haut,
fur trois ou quatr.e de largeur. Ils font ,obligés de les
étayer enfuite avec de la charpente, ou de réferver
des maflifs de terre pour loutenir la terre toujours
prête à s’ébouler.
Quand on a fouillé dans un endroit, on eft obligé
de lè remplir enfuite avec la terre que l’on retire
d’un boyau voifin ; on eft aflùjetti à cette maniéré
de procéder, par la nécefîité de ménager les édifices
de Refina 8c de Portici qui font au-deflus, de ces
fouilles, 8c cela fait qu’on ne peut avoir qu’impâr-
faitement les plans de la ville 8c de fes édifices,
On reconnoît cependant que toutes les rues d’A^v-
cuianïiin étoient tirées au cordeau, 8c avoient de
chaque côté des parapets ou trottoirs pour les gens
de pied , comme il y en a dans les rivés de Londres ;
elles étoient pavées de laves toutes femblables à
■ celles que jette aauellement le Véfuve ; ce qui fup-
pofe des éruptions bien plus anciennes que celle de
l’an 79."d -
L édifice le plus confidérable qu’on ait découvert
dans les fouilles $ Herculanum , eft un bâtiment public
où il’ paroît que fe. rendoit la juftice, appellé,
fuivant les uns, forum, fuivant- les autres, chaleldij
é?etoit itne^cour de 228 pieds, dont la forirfè
etoit reétangle ,-environnée d’un périftile ou portique
de 42 colonnes, plus hatit -de deux pieds que le
niveau de la cour , pavé de ma'rbre & orné de'differentes
peinturés.
' p portique d’entrée étoit compofé de cinq-arcades
ornées de ftatues équeftres de marbre, dont
c eux ont été éonfervées ; ce font les fameufes ftatues
des deux Balbits ,' 8c l’on a trouvé plufieurs ftatues
des familles Nonia 8c Annia , dans le théâtre 8c
ailleurs.
Dans un enfoncement qui fe voyoit en face -de
l entree, à l’extrémité de l’édificè, au-delà du portique
parallèle à';celui de l’entrée, il y avoit une
efpece de fanftuaire élevé fur trois marches, où
etoitda ftatue de Pempereur Vefpafien., 8c à fes côtés
deux autres-figures dans dés chaifes curules; à
droite & à gauche, il y avoit dans le mur deux ni-
Cix T ° rné6S de Peintures 5 avec les ftatues en bronzé
de Nercn 8c de Gèrmanicus, de 9 pieds^le haut ; il y
avoit d’autres figures de marbre 8c de^bronze fur les
murs du portique. •
Ge forum étoit joint par un portique commun à
deux temples nioins grands , de forme re&angle,
voûtés , ornes intérieurement dé colonnes, de peintures
a frefqué oc de quelques infcriptions en bronze;
il y avoit un de ces temples de 150 pieds de longi'
On découvrit auffi en 1750', près 'de ces mêmes
temples, c’eft-à-dire, fous Refina 8c près du château
du roi, un théâtre•'dont M. Bellicard a donné le
plan dans le même ouvrage; les gradins des fpeéla-
teurs font difpofés dans une demi-ellipfe qui a 160
pieds-de diamètre, coupée fur fa longueur, 8c le
théâtre étoit un re&angle de 72 pieds fur 30,' orné
d’une façade d’architeêhire & de belles colonnes dë
marbre , placées fur 1 eprofcennium, dans le goût du
théâtre de Palladio à Vicence ; cependant, comme
le theatre de Marcellus à Rome étoit exactement en
demi-cercle, M. Bellicard foupçonne le plan qu’on
lui avoit donne, de n’être pas ,fidëlè.à>l’égard de
1 ovalite, La lalle de (ce théâtre avoit vingt.-un rangs
de gradins, & plus haut une galerie ornée de ftatues
d’e bronze, de colonnes de marbre &- de peintures à.
frefque, qu’on en a détachées avant que de reporter
la terre dans les fouilles. Une partie des murs étoit
revêtue de marbre de Paros; j’ai vu encore en 1765
beaucoup de gradins-à découvert, & l’on y travail-
loit journellement. C’eft.là fans doute le théâtre où
l’on etoit affemblé le jour de la grande éruption de
l’an 79 qui enfevelit fous les cendres Herculanum 8c
Pompeii, fuivant Dion Caffius.
Un tombeau que l’on découvrit dans le même
tems , etoit décoré extérieurement de piédeftaux
d un bon genre : l’intérieur étoit un caveau de briques,
ayant 12 pieds fur 9 de large, environné de
niches, avec des urnes cinéraires ; tout étoit refté
en place au point que la brique même pofée fur
chaque urne n’étoit pas dérangée, la-cendre y avoit
cependant pénétré 8c avoit tout rempli.
Un peu plus loin , en creufant fous la vigne d’un
particulier, on a trouvé plufieurs rues bien alignées
8c des maifons particulières ,• dont plufieurs étoient
pavées de marbres de différentes couleurs, en com-
partimens; d’autres de mofaïque faite avec.quatre
ou cinq efpeces de pierres naturelles; d’autres enfin
avec des briques de trois pieds de longueur & de fix
pouces d’épaiffeur; il y en a de femblables dans un
temple découvert à Pouzol, vers 1750. On apper-
.çoit tout autour des chambres une efpece de'^radin
d’un pie$l de haut, où peut-être s’affeyoient les ef-
claves. Les murs des maifons étoient le plus fouvent
peints à frefque en compartimens. On y remarque
des cercles , des lozanges , des colonnes , des