tête; ils agiffoient ainfi pour rendre l’os Qui les couvre
plus Taillant, & l’oeil de leurs ftatues plus facile à
diftinguer par fon ombre, : dans quelques ftatues ,
les Grecs mettoient les prunelles en argent ou en
émail,de couleur naturelle. Dans la jeuneffe le front
doit être petit, il fe perd fous les cheveux qui les
couvrent : un grand front libre & élevé convient a
la viellieffe. L’oeil doit avoir pour longueur le cinquième
du diamètre moyen de l’ovale: le nez & la bouche
ne doivent avoir que la même étenduede nez doit
être droit ; l’alignement des narines ôc dé la bouche
doit également être droit pour defigner l’état de
tranquillité. Les levres doivent être teintes du plus
bel incarnat : la levrè inférieure doit être plus pleine
que la fupérieure , pour amener la rondeur du menton
, & mettre ainfi de la variété dans les traits de
la figure humaine. Le menton n’a point naturellement
de foffette, ôc fa beauté conlifte dans la rondeur
pleine de fa forme voûtée ; la foffette eft un accident
, &une Angularité de nature dans le menton &
dans les joues. Les anciens ne donnoient l’air riant
qu’aux fatyres : cet air défignoit l’amour de la débauche
, l’intempérance dans les pallions, en un mot
la groffiéreté & la folie.
La fureur des hommes a laiffé fubfifter peu de
mains & de pieds parmi les ftatues grecques. Les
mains de la Vénus de Médicis font modernes ; la partie
du bras au-deffous du coude de l’Apollon du
Belvedere eft aulîi une piece rapportée. La beauté
d ’une jeune main grecque conlifte dans une plénitude
m o dé rée , avec des traits à peines v ilib le s , fem-
blables à des ombres douces; fu rie s articulations des
d oigts , où doivent fe former des follettes dans les
mains pleines, l’art n’indique aucune jointure dans
les article s, il ne courbe point le dernier article des
d oigts, comme font les artiftes modernes. Les anciens
ne ferroient point les pieds comme nous ;
moins le pied eft fe r r é , plus il eft dans fa forme
naturelle.Dans les ftatues antiques,les ongles font plus
applatis que dans les modernes. L ’élévation d’une
poitrine fuperbement voûtée étoit eftimée une beauté
dans les figures des hommes. Les anciens vouloient
que le fein des femmes fût refferré , terminé en collin
e , & les mamelles petites & en pointe ; c’eft pourquoi
ils mettoient de la pouffiere du marbre de Na-
xo s fur le fein des fille s , pour empêcher qu’il ne
s’enflât.
M. V in ck elman n donne cette leçon aux artiftes,;
« Ne vous appliquez pas à découvrir les défauts
» & les imperfections dans les ouvrages de l’art des
» anciens Grecs; apprenezauparavantàen connoître
» & à en faifir le beau ». Nous n’entrerons pas dans
de plus amples détails pour démpntrer que les Grecs
faifoient tout par réglé ou par principe. Veut-on
connoître jufqu’oît ils ont pouffé l ’a llégorië ? Con-
fuîtez les plates peintures de Philoftrate, traduites en
françois par Vigeneredifez les ouvrages de Plutarque
ôc fur-tout ceux de P line , parce qu’il entre dans des
détails fur tous les arts. Cicéron dans le liv re de ora-
tore, nous donne une idée des orateurs & des hifto-
riens Grecs. UHiJloire univerfelle traduite de Langlois
en 3 6 volumes in-40. nous fait connoître les loix, les
moeurs ôc lesufages des Grecs : Vitruve nous donne
une idée de leurs talens dans l’arehitefture ; Longin
nous donne la théorie du fublime de leurs auteurs.
Paufanias n’a' parcouru qu’une partie de la Grpce ;
mais il décrit les chefs-d’oeuvre qu’il y a vus en Quantité
; il y a obfervé 88 tab le au x , 48 portraits ,
28x7 ftatues ; dans ce nombre prodigieux de merveilles
, il renferme 3 3 figures coloffales dont 3 étoient
de b o is , ôc les autres de bronze ; 3 2 ftatues équef-
tres de grandeur naturelle du même métal; 74 ftatues
moyennes de b o is , une ftatue de plâtre , 2 de fer
dont l’une étoit formée par des plaques clou ée s;
plufieurs ftatues en argent ôc une en o r , toutes
les autres en marbre. Parmi ces 2827 fta tu es , Paufanias
avoue qu'il n’a trou v é qu’une feule copie. C é
fidele v o y ag eu r a vu dans le même pa ys 24 grands
chars de bronze attelés de deux ou de quatre chev
au x de même m é ta l, &c. Dans l’article H e r c u -
l a n e , nous rapporterons des détails plus particuliers
de la magnificence des Grecs dans tous les
arts.
Les artiftes Grecs fe plaifoient beaucoup à traiter
le nud ; cela n’empêchoit pas qu’ils ne drapaffent
quantité de figures, même celle de Vénus. Dans
leurs gravures ils traitoient les ch e veu x , les tê tes ,
les mains avec un foin extrême. Les graveurs de
cachets copioient fouvent les plus belles ftatues, ils
favoient donner à Jupiter allez de ma jefté, un ton
animé , plein d’e fp r it& de v ie . Dans Vénus on v o it
un travail tendre & léger peu enfoncé , la nobleffe ,
la fimplicité de l’attitude, la juftefl'e , la précifion ,
la fineffe des to u ch e s , les méplats ; les laiffés , le
coulant dans le con tou r , & un terminé qui eftuni-
que : l’on y admire l’èncolement, & la pofition de
la tê te, ôc le poli extrême des furfaces.
Les temples, les portiques des forum ou marchés,
les places publiques étoient remplies de ftatues ôc
de tableaux ; chaque particulier av o it une petite cha--
p e l le , où il enfermoit la figure des dieux & des
génies : en un mot la religion confacroit & immor-
talifoit les ouvrages des p o è te s , des ftatuaires, d es
muficiens, ou plutôt des artiftes dans tous les genres.
Les Grecs inventèrent l’art de faire les voû te s,
ôc l’art de greffer ; ils perfe&ionnerent l’agriculture,
la rhétorique , la lég ifla tion, la morale & la politique.
Les ouvrages d’Ariftote démontrent ce fait ; la
médecine doit tout à Hippocrate, le militaire moderne
peut s’inftruire à fond des principes de foi»
état dans X én op h on , Quinte-Curfe ôc Polibe. En
1 7 7 1 , M. l’abbé Roufîier, de l’académie, a publié
dans P a r is , une differtation où il prétend prouver
que les Grecs chantoient ju fte , parce que leur fyftême
mufieal étoit fondé fur le diton , c’eft-à-dire fur la
férié des quintes, ôc que nous au con tra ire, nous
chantons fa u x , parce que nous avons tâché d’allier
la férié des quintes ôc des tierces majeures, c e q u i
n’a pu fe faire qu’en altérant les unes & les autre s;
par ce moyen l’on fait difparoître le diton proprement
dit: mais cet auteur a pouffé trop loin le refpett pour
les Grecs. Dans l’article M u s iq u e , on verra l’impoffir
bilité de former un fyftême mufieal fur les feules fuites
des quin tes, & par conféquent l’impoflibilité de
mettre en ufage le vrai diton. ( V .A .L .)
§ G R E F F E , {Hijloire naturelle. Jardinage. ) on a
cultivé le figuier, l’o liv ie r , l’amandier & le grenadier
long-tems avant que l’on ne connût la greffe : ni
M o ïfe , ni Héfiode, ni Homere ne parlent de c e tte
importante opération du jardinage. Sans doute que le
hazard en a offert à la méditation la première idée,'
La nature l’aura d’abord indiquée à quelqu’un de ces
hommes nés pour deviner ce qu’elle nous cache dans
le peu qu’elle nous découvre : il aura remarqué, fou s
quelque v oûte de feu illa g e , deux branches croifées
qui fe trouvoient exa&ement unies ôc incorporées
l’une dans l’autre : il lui aura été facile d’imiter c e
rapprochement ; mais fi ces branches naturellement
greffées appartenoient au même arbre , ou à des individus
de même e fp e c e , difficilement aura-t-il pu
prévoir encore Futilité de la greffe. Ce n’eft peut-être
que très-Iong-tems après cette première obfervation,
qu’une fécondé l’aura mis fur la v oie des avantages
qu’on en peut retirer; l’union accidentelle, par exemple
, de deux branches de deux arbres voifinsde différente
e fpe ce, comme d’un néflier & d’une aubépine.
D e ce moment il a dûdefirer de vo ir toutes les épines
des environs de fon habitation métamorphofées eu
néfliers ; ôc s’il s’eft trouvé un néflier dans une de fes
haies , il n’aura pas manqué d’en greffer èn approche
fucceffivement tous les brins. Cette forte du greffe eft
évidemment la première qu’on a dû découvrir.
Dire par combien de preuves infruétueufes, par
combien de fiecles peut-être on a acheté la parfaite
connoiffauce & la plus utile application de toutes
les maniérés de greffer, ce feroit une tache impoflïble
à remplir; on ne peut cependant fe refufer à croire
qui l’ente n’ait dûfuivre d’affez près la greffe en ap-
proche.Dès qu’on a vu qu’on pouvoit impunément fe-
vrer la partie de branche greffée en approche en la
coupant au-deffous de fon infertion,ona pu fort bien
imaginer qu’un bout débranché coupé inféré au bout
d’une branche vive pourroit s’unir avec elle.
Les greffes en couronne à impofte-piece &c. font
évidemment dérivées des mêmes principes.
Mais il n’en eft pas de même de l’écuffon; la connoif-
fancede cette maniéré de greffer fi utile, fi générale, fi
commode, a dû dépendre d’obfervations nouvelles.
L’homme naturellement a&if, inquiet, conduit
par une curiofité.vague, fe mefuroit, fe comparoit,
effayoit fes forces avec tous les êtres qui l’environ-
noient : il fe fera fait un jeu de dépouiller des branches
vertes de leur écorce ; il aura vu qu’ elles Te dé-
tachoient nettement tandis que la feve agit encore ;
il.en aura formé les premiers pipeaux qui peut-être
ont éveillé l’échodes rochers;qui fait s’il ne fe fera pas
avifé d’appliquer ôc de lier un bout de ces légers cylindres
fur le bout dévêtu de la branche vive où il
l’avoit pris. Ces écorces pourvues de boutons auront
pouffé des branches à fon.grand étonnement: ôc. voilà
la greffe en flûte , elle doit avoir précédé Técuflon
proprement dit, qui n’eft qu’u n e e n flûre Amplifiée,
puifque ce n’eft plus qu’un feulbouton accompagne
feulement d’autant d’écorce qu’il en faut
pour l’aider à fe coller, en l’embraffant Un peu au
corps ligneux auquel on l’applique ; .la méthode la
plus fimple devoit être imaginée la derniere.
Mais tandis que le nombre des bons fruits étoit peu
confidérable , l ’ufage de la greffe a dû être borné; &
tant s’en faut qu’elle ait pu feule en produire les plus
précieufes variétés, que fon office eft au contraire
de les perpétuer fans variation, une fois qu’elles font
découvertes. Soit qu’on les ait tirées de différens climats,
foit qu’on les ait rencontrées dans les bois ; ou
qu’on les ait obtenues en femant les noyaux & les
pépins des fruits fauvages , il n’eft pas moins vrai-
femblable que la plupart font dues à l’accouplement
fortuit des efpeces primitives entre elles ; au moyen
de cette vapeur organique qui s’échappe des fommets
des étamines, ôc qui par le véhiculé de l’air peut aller
empregner les piftils d’arbres différens , ce mélange
des liqueurs féminales doit changer.l’organifation de
la graine fécondée, laquelle aidée encore parla qualité
du fol, par la culture, & par des caufes qui échappent
à l’obfervation, produira un individu dont la femen-
ce fe trouvera peut-être enveloppée d’un péricarpe
enflé , favoureux, exquis. Et l’on obferve qu’on n’a
obtenu en grand nombre ces "variétés précieufes que
du moment que les efpeces différentes d’arbres fruitiers
raffemblées en foule dans nos vergers en une
forte de fpciété ont pu y contraûer entre eux des
alliances. Le figuier eft le premier des arbres fruitiers
dont on ait cultivé les différentes efpeces ; auffi Pline
affure-t-il qu’au tems de l’ancien C atoq, les variétés
de fes fruits étoient déjà innombrables. Que ces
mariages foient une des principales caufes de lavaria-
tion des plantes , c’eft ce dont nous ne pouvons douter
après une obfervation que nous avons eu lien de
faire l’année derniere. Nous avions une forte de potiron
dont le fruit d’une pâte excellente, étoit petit
& de la figure d’une roupie. Il avoit laprécieufeqila-
Jité de ne point fe répandre en longues branches traî-
Tomc I I f
nantes, comme les autres efpeces : il formoit une
touffe arrondie. Nous fîmes la faute de le planter près
d’une planche de longues courges, ôc tous nos potirons
furent métamorphofés : il n’y avoit point de figure
bizarre qu’ils ne rèpréfentaffent, point de nuance
de verd ôc de jaune dont ils ne fuffent diverfement
bigarrés ; mais ce qu’il y avoit de plus trifte, leur
pâte n’étoit plus moëlleufe , ôc n’avoit plus fon bon
goût. La plupart de ces individus abâtardis, ne con-
tenoientplus leurs branches, ils lesdifperfoient de
tous côtés; un feul pied, entre plus de cent, avoit ré-
fifté à la contagion générale. Son fruit montroit encore
la figure de celui dont il tiroit fon origine, &
fes branches n’erroient point. A ce fait qui s’eft paffé
fous nos y e u x , joignons ceux qu’a obfervés M . Van
Linné dans lejardin d’Upfal oùil a vu naître fous fes
yeux plufieurs plantes metiffes dont les peres font
connus,& ne doutons plus que l’influence de différens
mâles fur diverfes plantes femelles ou androgynesne
produife des variétés, peut-être des races nouvelles.
Elle feroit belle cette fcience qui furprendroit
l’afte de la génération fous les rideaux des pétales ,
qui remonteroit à fes principes, qui démêleroit fes
loix , qui faifiroit jufqu’à fes caprices, qui poùrroit
découvrir quels font les phénomènes dont ces accou-
plemens bizarres font ordinairement accompagnés ,
ôc quels en font les réfultats ; qui apprendroit à placer
les plantes dans les mêmes circonftances, Ôc les
contraindroit à produire de nouveaux fruits, & de
nouvelles plantes ; qui nous dévoileroit enfin la plus
intime, la plus fûre analogie entre les efpeces du
régné végétal, nous aideroit à reconnoître leurs véritables
familles& à dégager nos méthodes des incertitudes
auxquelles elles feront toujours livrées , tant
que ne dépendant point d’une fcience profonde ÔC
certaine, e^es demeureront foumifes aux caprices
de ces hommes médiocres qui croient les avoir
perfectionnées , parce qu’ils les ont changées, ÔC
penfent avoir beaucoup fait en fubftituant des di-
vifions purement abftraites à d’autres du même ordre,
mais qui s’approchoient peut-être davantage pour
certaines parties du plan général de la nature.
La greffe ne feroit pas un moy en moins propre
à établir la véritable parenté des végétaux. Ne doit-
il pas y avoir entre les liqueurs féveufes les mêmes
rapports qui fe trouveroient entre les liqueurs féminales
qui ne font apparemment qu’une feve affinée
ôc exaétée ?
Mais que ces obfervations dérangeroient nos tables
méthodiques, fur-tout lorfqu’on verroit ces analogies
qui frappent nos yeux n’influer plus en rien
fur l’union de certains arbres , ÔC qu’on fe trouve-
roitdans l’embarras à l’afpeét de ce phénomène, de
fa voir fi l’on tient un chainon , ou fi l’on doit marquer
un écart. Nous en citerons le plus frappant exemple
que nousconnoiffions.
Le chionantho n’eft qu’un arbriffeau ; il eft indigène
de l’Amérique, il a des feuilles Amples, fon
écorce eft brune , fes fleurs fopt toutes androgynes,
ôc des baies fucculentes leur fuccedent.Le frêne eft un
grand arbre naturel de l’Europe; fes feuilles font
ailées, fon écorce eft verte; il porte des fleurs
femelles ôc des fleurs hermaphrodites, tantôt fur le
même.arbre, tantôt fur différens individus; fes fe-
mences enfin ne font couvertes que d’une capfule
feche ; ôc pourtant le chionantho dans lequel nos féns
ne peuvent faifir la. moindre reffemblance avec >Ie
frêne, fe greffe avec fuccès ÔC fubfiftefort long-tems
fur cet arbre. Il y auroit des plantes où la greffe ne
pourroit s’exécuter, & pour celles-là, on auroit recours
à la nouvelle analyfe chymique où l’on foumet
les végétaux. Si cette opération ne détruit plus en
voulant connoître ; fi la fomme des parties qu’elle
K. k ij