menti, ils le qualifièrent d’antechrift-, le citèrent au
parlement pour le temporel, 6c au futur concile pour
le crime d’héréfie. Sixte qui, malgré Ion orgueil,
aimoit tout ce qui avoit l’empreinte du grand, en
conçut plus d’eitimepour les princes. Elifabeth, reine
d’Angleterre, leur prêta quarante mille écus 6c dix
vailîeaux dont ils le fervirenr pour délivrer là Rochelle
6c fiurprendre Roy an, qui paya deux cens
mille écus de contribution par, an, Henri rendoit de
fréquentes vifites à. la comtefîe de Guiche dont il
étoit éperdument amoureux ; il fut furie point d’être
arrêté par le duc de Mayenne qui lui tendoit des
embûches au paffage de la Loire, Henri III prêtoit
fon nom aux ennemis des princes qui, parla voix
des prédicateurs fanatiques , le décrioient dans l’ef-
prit du peuple .comme fauteurs de l’héréfie. La guerre
fe faifoit avec une fureur barbare, deux régimens,
qui s’étoientrendus à difcrétion, furent maffacrés par
l’ordre de Joyeufe.
Henri III, forcé de faire la guerre à fes fujets,
leva trois armées, dont l’une fous les ordres du duc
de Joyeufe qui avoit plus de préfomption que de
capacité , marcha contre le roi de Navarre, qu’il
rencontra dans la plaine deCoutras; l’aûion ne fut
pas vivement difputée, toute la cavalerie de Joyeu-
leplia dès le premier choc, 6c l’infanterie fuivit fon
lâche exemple : la victoire fut complette, tout fut
pafie au fil de l’épée ; Joyeufe fe retira auprès de fon
canon pour y attendre la mort, il y fut tué par deux
capitaines qui vengerent les deux régimens maffacrés
par fes ordres. Cette victoire ne coûta que trente
hommes. Henri III ne parut point affligé d’une perte
qùi le délivroit des plus ardèns ligueurs. La mort
du prince.de Condé affoiblit le parti proteffant dont
il étoit leconfeil, comme Henri en étoit le héros.
La défaite des Reitres à Auneau, & celle des Lanf-
quenets au pont deGien , rendirent les ligueurs plus
infolens. Henri III revenu de fonaffoupiflèment, reconnut
qu’il n’étoit qu’un fantôme de roi, 6c que
Guife avoit toute la réalité du pouvoirfouverain , il
réfolut enfin de diffiper la ligue par la punition exemplaire
des chefs. Guife prévint fes vengeances en
rentrant dans Paris, oîi il donna la loi ; les Parifiens
enhardis par fa préfence obligèrent le roi de fortir de
û capitale : il ne vit d’autre remede à tant de maux
que d’indiquer les états généraux 6c de donner un
édit pour lequel il jura d’extirper les fchifmes & les
héréfies, de ne faire aucune paix avec les huguenots,
6c de ne reconnoître pour fucceffeur aucun prince
hérétique. Le roi de Navarre étoit à la Rochelle
Jorfqu’ilapprit que cët édit avoit été enregiftrépar le
parlement, 6c reçu avec acclamation dans les principales
villes du royaume ; il en fut confolé par l’af-
.furance que le roi, qui l’avoit juré, étoit dans la dif-
polition de l’enfreindre.
L’ouverture des états fe fit à Bloi$ en 1588. Henri
trop offenfé par les plaintes des ligueurs qui dé-
çrioient fon gouvernement, réfolut de s’en venger
fur les Guifes qui nourriffoient l’orgueil de leurs
députés infolens : les âmes fieres 6c généreufes lui
confeilloient de les foumettre à la févérité de la loi •
l’avis le plus honteux parut le plus fûr : il fut réfoiu
de les affaffiner. Le due, en fe rendant au confeil, fut
frappé de quinze coups de poignard, & tomba ens’é- I
criant : Ah le traître: le cardinal, fon frere, aufli ambitieux
que lui, eut la même deftinée. Cet attentat fou-
levatous les efprits.Le roi de Navarre délivré de fes
deux plus implacables ennemis, étoit trop généreux
pour ne pas en défapprouver les moyens, & tropfage
pour en témoigner de la joie : il plaignit Henri III
d’avoir été dans la cruelle nécelfité de le déshonorer
pour conferver fon pouvoir ; 6c voyant qu’il
étoit devenu plus odieux par l’efpoir de devenir plus
puiffant p il lui tendit une main fecôurable, & l’éconta
dès qu’il s’en vit recherché: il bannit même
toute défiance qu’on ne l’immolât aux ligueurs pour
; fatisfaire au reffentiment qu’ils témoignoient de la
perte de leur chef: il fit uni traité fecrefpar lequel
il s’engagea.de l’aider,de toutes fes forces pour faire
rentrer les ligueurs dans l’obéiffancè.' Les deux rois
dans une conférence-qu’ils eurent dans le parc du
Pleflis-les-rTours, réloJurent d’aflîéger Paris dont
j l ’exemple entraînoit les autres: villes dans la rébellion.
La nobleffe fe rangea en foule, fous leurs en-
lignes } leur armée fortifiée de dix mille Suiffes, de
deux mille Lanfquenets &. de quelque cavalerie légère,
fe préfenta^devant Paris; le roi de Navarre
avec fon armée s’étendoit depuis Vanvre jufqu’au
port de Charenton ; Henri III campé à Saint-Cloud,
s?é tendoitjufqu’à Néuilli. La capitale étoit vivement
preffée , quand la main du fanatifme détourna
• le coup prêt à la frapper. Frere Jacques Clément,
moine jacobin , fe fit un devoir religieux de porter-
fa main parricide fur fon roi ::il fe fit introduire clans
fon appartement fous prétexte d’affaires importantes
qu’il avoit à lui révéler ; c’étoit pour l’affaffmer : ce'
moine furieux lui donne deux coups de couteau, 6c
le lendemain ce prince mourut de fa bleffitre ; la
branche des Valois s’éteignit avec lui, & la couronne
paffa dans la branche des Bourbons.
Les avenues du trône fembloient être fermées à
Henri I V par l’édit d’union juré par fon prédéceffeur
6c par les états généraux. Dès que Henri III eut les
yeux fermés, les feigneurs catholiques & proteftans
qui fe trouvoient dans les deux armées lui prêtèrent
ferment d’obéiffance : Vitri & d’Epernon furent
les feuls qui fe retirèrent avec les troupes qu’ils com-
mandoienr. Cette défe&ion en l’affoibliffant n’abattit
pomt fon courage : Bordeaux fut contenu dans le devoir
par la fageffe de Matignon; mais Henri IVne le
fentant point affez fort pour forcer Paris, défendu
par une multitude de fanatiques, leva le fiege 6c fe
retira en Normandie pour y recevoir le fecours qu’i£
attendôit d’Angleterre ; il y fut fuivi par le duc de
Mayenne qui s’étoit'fait déclarer lieutenant général
du royaume, & qui avoit fait proclamer roi le vieux
cardinal de Bourbçn, que Henri I V retenoit prifon-
nier. Comme il étoit fupérieur en forces, & que le
roi s’étoit retiré fous les murs de Dieppe, il fe flatta
de voir bientôt la guerre;terminée ; il écrivit même
en Efpagne que le Béarnois ne pouvoit lui échapper
a moins de fauter dans la mer. Henri, long-temps
incertain s’il pafferoit en Angleterre , fe détermina à
tenter le fort d’une bataille ; il choifit fa pofition à
Arque, bourg diftant de Dieppe d’une lieue 6c demie :
il y fut attaqué par une armée trois fois plus forte
que la fienne,&remporta une viftoire qui, fans être
décifive, donna beaucoup de réputation à fes armes ;
le fecours d’Angleterre arriva trop tard pôur participer
à l’honneur de cette journée, mais il fournit les
moyens d’en retirer de grands avantages. Les Parifiens
, qui s’étoient flattés de voir bientôt le Béarnois
prifonnier, furent furpris de le voir quelques jours
après infulter en vainqueur leurs remparts: il attaqua
avec tant de vivacité les retranchemens des faux-
bourgs faint Jacques & faint Germain , qu’il fut entré
dans la ville s’il eût eu du canon pour en rompre
les portes. Bourgouin, prieur des Jacobins, fut pris
dans les, retranchemens combattant comme un for-
céné : le parlement de Tours le condamna à être écartelé
pouravoirincité Jacques Clément à un parricide.
Le danger oii fe trouvoit la capitale y rappella les
ducs de Mayenne & de Nemours avec leurs troupes.
Le roi trop foible pour attaquer avec une poignée
de monde une ville immenfe, défendue par une armée
ïiombreufe, s’en éloigna pour faire des conquêtes
plus faciles : Etampes, Janville , Vendôme
rentrèrent dans l’obéiffance ; le Mans après avoir fait
de grands préparatifs pour une vigoureufe défehfe,
fe rendit à la première fommation ; l’Anjou, le Maine
6c la Touraine n’oppoferent qu’une foible réfiftahce.
La rédu&ion de la Normandie étoit plus importante,
le roi n’étoit maître que de Dieppe, du Pont de l’Arche
6c de Caen: il alla mettre le fiege devant Dreux,
6c fur la nouvelle que Mayenne s’avançoit pour la
fecourir, il fut l’attendre fur les bords de la riviere
d’Eure dans la plaine d’Yvri; l’ennemi qui s’étoit
flatté de vaincre fans combattre, parut furpris de la
fierté de fa contenance. A peine l’a&ion fut engagée
que l’armée de la ligue fut difperfée ; les Lanfquenets
ayant vu tomber d’Egmont leur chef percé de coups,
prirent l’épouvante 6c la fuite ; les Suiffes parurent
vouloir faire quelque réfiftance, mais voyant pointer
le canon pour rompre leurs bataillons, ils baif-
ferent leurs piques & rendirent leurs enfeignes; le
roi qui vouloit ménager les cantons, leur accorda
une capitulation honorable. Le duc de Mayenne,
après avoir fait le devoir d’un grand capitaine, fe
retira ën fugitif à Mantes, & les débris de fon armée
fe réfugièrent dans les murs de Chartres. Le roi
après fa viftoire n’avoit qu’à fe préfenter devant
Paris pour en être le maître ; la journée d’Yvri avoit
fait paffer les Parifiens de l’infolence dans l’abattement,
c’étoit l’avis du fage la Noue; mais il en fut
diffuadé par le maréchal de Biron quicraignoit la fin
de la paix, 6c par d’O , intendant des finances, qui
aimoit mieux qu’on prît d’affaut la capitale, que par
capitulation , dans l ’efpoir que le pillage de cette
ville immenfe rempliroit le vuide du tréfor public.
Le roi, trop docile à ces perfides confeils, s’occupa
de la conquête de quelques villes qui lui firent perdre
le: fruit de fa vidoire;- il reconnut fa faute 6c
réfoliit de la réparer. Paris fut bloqué par quinze
mille hommes de pied & quatre mille chevaux, le
15 avril 1590. Les habitans, fans chef 6c fans difci-
pline, dpfiant les périls parc.e qu’il ne les connoif-
foient pas, fans prévoyance de l’avenir parce qu’ils ,
n’avoient aucuns befoins préfens, fe fioient dans leur
-nombre 6c ne preffentoient pas que leur multitude
•feroit la fource de leurs maux : leur fanatifme leur
infpira un courage féroce, 6c ils furent mieux mourir
que fe défendre; le facrifice de leur fortune n’eut .
rien de pénible , ils liyrerent.à l’envi-leur batterie ‘
de cuifine pour fondre du canon; ils s’offroient à
l’envi pour travailler aux fortifications, ils payoient
largement les mercénairés qui vouloient contribuer
à l’ouvrage ; dis s’exerçoient trois fois-la femaine
dans toutes les évolutions militaires : tous les étrangers
6c ceux qui avoient un afyle au dehors s’étoient
retirés de la ville; mais malgré cette migration l’on
comptoit encore cent vingt mille habitans qui n’a-
voiept, de^provifions que pour un mois. Le duc de
Nemours, prince courageux jufqu’à la témérité ,
avoit le commandement des troupes qui confiftoient
en douze! cens Lanfquenets, autant de Suiffes & de
François i,on lui avoit affociéle chevalier d’Aumale,
dont;la.,valeur farouche & brutale étoit plus propre
à briller dans un combat particulier, qu’à diriger les
mouvemens d’une milice bourgeoife.
.Dès que le roi fe fut rendu maître des ponts de
Charenton 6c de. Saint-Cloud, 6c que tous,les paffa-
ges fur'ent'bouçhés, la ville commença à reffentir les*
horreurs déjà famine. Mayenne s’étoit éloigné pour
folliciter le fecours des Efpagnols, dont il lui fallut
■ effuyçivl§$‘ hauteurs. Le cardinal de Bourbon, fantôme
de roi, fous le nom de Charles X , mourut de
la gravelle dans fa prifon de Fontenay en Poitou ; les
ligueurs Pp^ofés dans le choix de fon fucceffeur .,
,ypulpierit;idefërer la. courP.nne , les. uns à. l’infante
d Efpagne » df. les autres'^uifils du diic de Lorraine.
Le duçldeiMayenne'déehu de l’efpérancede régner J
ne fongeaq.ifà perpétuelles troublés pour perpétuer !
Tome I I I .
fon autorité. II fit parler la Sorbonne qui décida que
Henri de Bourbon étant relaps, étoit déchu de
tout droit à'ia couronne, quand bien même il feroit
abfous, 6c que ceux qui mourroient en combattant
pour la fainte union étoient affurés de la palme du
martyre 6c d’etre couronnés dans le ciel comme dé-
fenfeurs de la foi.
L’armée afliégeante recevoit chaque jour de nouveaux
renforts, les uns s’y rendoient dans l’efpoir d’avoir
part au pillage ; les autres pour donner un témoignage
de leur fidélité. Le roi qui defiroit s’en rendre
maître par capitulation, ne preffoitpas le fiege de peur
de prendre d’affaut une ville dont il vouloit ménager
les habitans. Tous étoient mécontens, les catholiques
fe plaignoient de ce qu’il différoit fa conver-
fion ; les huguenots le preffoient de révoquer l’édit
lancé contr’eux par Henri II. La famine commença fes
ravages,ce peuplefi fierfit fuccéderles gémifl'emens
aux vaudèvilles ; on fit du pain de fon 6c le vin manqua
tout-à-coup. La néceflité devenue plus urgente, on
fit la vifite dans les couvens qui tous fe trouvèrent
bien pourvus; les capucins avoient-des provifions
pour plus d’une année : le feptier de bled fuj vendu fix
cens ecus, un mouton cent francs ; ceux qui avoient
de l’argent avoient peine à en avoir, 6c ceux qui en
manquoient étoient réduits 4 manger les chiens les
chats & les fouris, on faifoit bouillir les herbes 6c
des feuilles qu’on affaifonnoit avec du vieux - oing 6c
du fuif: les prêtres 6c moines plus fortunés, montraient
le ciel ouvert à ces cadavres ambuians qui
fie faifoient porter dans les églifes pour y rendre le
dernier foupir. Les politiques & les royaliffes qui
étoient enfermés dans la ville excitoient fourdement
des féditions, mais ils étoientveillés de fi près, qu’ils
ne tentoient rien avec fiiecès. Dans une de ces émeu-i
tes, oîil’on entendit crier, la paix ou du pain on
faifit le pere 6c le fils qui furent étranglés à la même
potence.
Les murmures du peuple difpoferent les chefs des
ligueurs à la paix. Tandis qu’ils délibéroient, le roi
:dans une feule attaque', fe rendit maître des faux*
bourgs: il eût peut,-être pris la ville d’affaut, fila
crainte que les foldats n’euffent vengé le maflàcre
de la faint Barthelemi, n’eût enchaîné £bn courage;
Le duc de Parme fortit de Valencienne avecune armée
qui fe joignit, à Meaux, aux troupes de Mayenne.
Henri ne crut pas devoir l’attendre dans fes retranchemens
, il leva le fiege pour aller défier les Efpagnols
au combat. Le duc de Parme content d’avoir
délivré Paris,.reprit la route de Flandre. La guerre fe
faifoit avec la même vivacité dans les provinces ; les
deux partis étoient également agités de faâions<
Mayenne, jaloux de fon frere utérin, le duc de Nemours,
lui avoit .ôté, toute fa confiance; Les roya-
liftes formoient auffi des cabales. Les catholiques 6c
les huguenots avoient des intérêts différens de religion
qui les divifoient: le jeune cardinal de Bourbon
forma un tiers - parti pour fe faire déclarer roi ; mais
il fe repentit de fon orgueil imprudent & rentra dans
le devoir. On entama des négociations qui n’eurent
aucun fuccès. Le roi d’Efpagne offrit de répandre fur
la France tous les: tjréjbrs du Mexique & de fournir
de nombreufes armées, à condition qu’on défére-
roit la couronne au prince qui épouferoit fa fille lia-
belle; fes promeffes étoient appuyées par les Seize ,
les moines mendians 6c , fur-tout-, les jéfuites: le
,pape, qui faifoit mouvoir cette troupe féditieufe ,
publia deux mooitoires par lefquels il dédaroit Henri
de Bonrbon excommunié, relaps ; 6c comme tel, déchu
de tous lets droits de fa naiffance: fe* foudres
s’évanouirent dans;.-les airs;il employa Un moyen
plus efficace., fon neveu entra en France avec huit
mille hommes.de pied 6c mille chevaux. Le . parlé-»
ment de Châlons déclara le pape Grégoire ennenjj