Màis ce n’ëft parafiez que l’idée ait befoin d’etre-
eiribellié, il fàtit qù’ellë mérite dé 1 ctre.-Uiiê'pehfêê'
triviale' revêtue d^ihe i/æa^é pôhlpéufe 'où brillàfnte>
eftî'cê ' qu’on appelle du /»Aeé«* : qn‘ croit vOir':urté
phÿfi'onomie baflé Si • commu nèoYoéô de1 fleurs Si
dëdiamans. Cela revient à cè 'premier principe , que
Vimage n’eft faite: que pour -rendre ■ l’idée fenfiblé: Si
l’idée nemérite pàsd’êtreTentië; ce n’èft pas la peine
dë là colôfër. ! ; ‘v
En obférvànt ces 'dëux-'règles, fa voir, dé né jamais
revêtir lHdëéJqitd pour l’embellir, & de né jaA
maris embelliriqùe cë'qüréh mefitê le foin , on évitera
la ' proflifioh dés ’imagés ; 'oh'në'leé employera"
qtVà propós : c’eft- là Jcê'quï'fâit‘ le charme & ‘ la J
beauté du flyle de RracirieÔi! dë là Fontaine: Il eft;‘
riche Si n’efl point chargé : c’eft l’abondance du
génie que le goût, menage Si répand.
La continuation dé la mêmè image eft une affeâa-
tion que l’on doit éviter, fur-tôut dan^le dramatique,
où les perfonnagès font trop émus pour penfer à fui-,
vre une allégorie. C’étoitde goût 'du fieclëdé Corneille
jS c lui> n^ême ibs’en eft reffenti.,
Eh changeant d’idée, on peut immédiatement paf-
fer d’une image à une autre; mais le retour du figuré'
au fimple eft indifpënfable li l’on s’étend fur la même
idée, fans quoi l’oiifferoit obligé de foutenir la première
image, ce qui dégénéré en affeâation, ou de
préfenter le niêhiè objët foiis d'eli& imàgés différentés ,
çfpece d’incônféqüéhëë qui choqué le bon fens &
le^oûtV
i l y a des idées qùi; veillent être relevées ; il y'en
a tjtii-veulent que 'Vimage les abaiffe au ton dû ftyle
faîhiliér'.-Ce' grând-art n’a point de regies* & ne
faüfóitfé raifonnér: Entendez Lucrèce * parlant de la
fuperftition: cómmé l’image qu’il emploie agrandit
föh idée!
Humana ante oculos fce.de cum vitajaceret
ln terris , opprejfa gravifüb rûrgionè ,
Qiue caput a cceli regionibus ojlendebal.
Voyez des idées aufli grandes préfentées avec toutes
leur force fous les traits les plus ingénus. « C’eft le
» déjeuner d’un petit ver que le coeur Si la vie d’un
» grand empereur » , dit Montagne ; Si en parlant de
la: guerre: « Ce furieux monftre à tant de bras Si
» ■ il tant de tétés-c’eft toujours l’homme foible ,
»' calamiteux & miférable, c’eft une fourmilliere
»émue. L’homme eft bien infenfé, dit-il encore ,
» il ne fauroit forger un ciron, & il forge des dieux
»•■ par douzaine ». Avec quelle fimplicité la Fontaine
a peint une mort trànquillé !
Onfortoit de la vie -ainji que d'un banquet,
. Remerciant'fon Hôte & faifant fon paquet.
Ce qui rend cette familiarité frappante, c’eft 1’élé-
vafióh' d’ame qu’elle annonce ; car il faut planer au-
dëflus des grands objets pour les voir au rang-des
petites chofes ; Si c’eft en général fur la fituation
dël’àme de celui qui parle que le poète doit fe régler
pour- élever ou-abaifler Vimage.
Dans tous les mouvemens impétueux, comme
rëhthoufiafme, là pafîion, &c. le- ftyle s’enflé de
lui-même; il fe tèmpere ou s’affoiblit quand l’ame
s^appaife ou s’épuife : ainfi toutes les fois que la beauté
dh féntiment eft dans le calme* Vimage eft d’autant
plus belle, qu’elle eft plus fimple & plus familière.
Lès exemples de cette fimplicité-précieufe font rares
chez'les modernes; ils font communs chez lés an-
ciéns, Si je ne pe’ux trop inviter les jeunes poètes à
sVn nourrir l’efprit & l’ame.
Quant à l’abus des images qu’on appelle jeux de
mots, cet abus confifte dans la fauffeté des rapports.
Les rapports du figuré au figuré ne font que des
relations d’une image à.une image}fans que ni l’une
ni l’aùtféfoit donnée pour‘l’objet réèl. C ’eft ainfi
que l’on compare les chaînë$vde l’amour avec celles'
de l’ambitionv&que l’ori dit-que ce lles -c ifon f plus
pëfantes Sè' moins fragiles. AlbrS c e ‘foht les idées
niêfiié qüëTÔh compârèfious des noms étrangers: ;
Mais c’éft'abûfëf‘dés iêhnës'que d’éfàblif Une refi!
fémblànçe réelle du figtifé' àu finiplé^ l'ïniage n’eft
qu’une-cbmparaifori dans de fens1 dé‘celui1 qui' l’emploie;
c’ëft la dbnner pour’l’Objet même jqUeJde lui
attribuer les mêmes rapports qu’-à l’objet ; comme
dans ces vers :
Brulé de plus de feux quëjë nefi allumai.'
(K à c ;)
Elle fuit y mais en Parthe, en me perçant U coeur.
" ( Corn. )
De la fiûion à la réalité les rapports font pris à la
lettre, & non pas dé la métaphore à la réalité: par
exemple', après avoir changé Sirinx en rofëau, le
poète en peut faire tinë -flûte ; mais quoiqu’il appelle
deé lys' & dës rofes les coü’lëurs d’une bergère, il n’en
fëra pas un bouquet: Pourquoi cela?-C’eft que la
métamorphole de Sirinx ëft donnée pour urt fait dont
le poète eft-perfuadé ; airliëu:/que les lys Sc -les rofes-
ne font qu’unë coWparâiïôrt'‘dans Tefprit'même du
poète: c’eft pour n’àvoirfpas’ fait cette diftinûion
[ fi facile, que tant dé poètes ont donné dans les jeux
de mots, l’un des vices les plus oppofés ait naturel »
qui fait le Charme du'ftylé poétiquè. ( M. Ma rm o n -
\ TEL,')’
Image , {Hiß, anc. &mbd<) ll; n’eft rien dit dans le
Diciionhaire raifonné desSciehces^SlC. du pouvoir des
' images. Nous y fùp'pléerons par quelques exemples
j de ce pouvoir étonnant. Un tableau qui repréfente
• Palamede côndâmhé'â mbrt ;par fes amis , jette le
j trouble dans-l’ame d’Alexandre ; il rappëlië à ce
prince le traitement cruel qu’il a fait à AriftônicuSi
\ Une coürtifanne au milieu d’une joie difiblue vient
; par hafard à fixer les yeux für le portrait d’un-philo-
i fophe , elle a honte toùt-à-coüp de fës défordres,
& embrafle la vertu la plus rigide: Un roi Bulgare fe
fait chrétien pour avoir vu un tableau du jugement
; dernier. Géfar voit à Cadix le portrait d’Alexandre,
. Si fe reproche de n’avoir ën'core rien fait de glorieux
j à l’âge oh eft mort Alexandre.
Amurat IV. voulant réprimer l’infolence des janif-
; faires Si des fpahis, ne leur fait aucun reproche , il
î fort à cheval du ferrail , -va à Thippodrome , y tire
de l’arc & lance fa fagaye ; la dextérité & la force
que montre ce prince, étonnent fes troupes, elles
rentrent dans le devoir. Ori tente dé confoler une
femme qui a perdu fon mari : elle fait figiiè, en mettant
la main fur fon coeur, que c’eft-là qu’eft ren-
i fermé fon chagrin, Si qu’il ne peut fe guérir. Un
tel gefte eft plus exprefiifque tous les difeours qui
; feroient échappés à la douleur.
La'mort de Germanicus , par le célébré le Pouflin,
infpire de l’attendriflement pour ce prince , & do
l’indignation contre Tibere.
Le Pouflin veut repréfenter -toute la douleur que
peuvent reflentir des meres qui voient égorger leurs
enfans fous leurs yeux * S&dans leur fein même ; il'
ne peint qu’une femme fur le devant de fon tableau
du mafiacre des innocens ; plus intclligitur quant pin-
gitur.
Il eft remarquable que deux femmes aient rétabli
les images : l’une eft l’impératrice Irene, veuve dé
Léon1 IV , la première femme qui monta fur lé trône
des Céfars , Si la première qui fit périr fon fils pour
y régner. L’autre eft l’impératrice ThéodOta-, veuve
de Théophile. Sous Irene fe tint, en 786, le deuxieme
concile de Niçée feptieme général, où il y
eut trois cens cinquante petes. C’eft lé concile que
Charlemagne rèfufa de recevoir à Francfort* (Ci)
§ IMAGINATION, f. f. (Belles - Lettres.) On
appelle ainfi cette faculté de l’ame qui rend les objets
préfens à la penfée. Elle fuppofe dans l’entendement
une appréhenfion vive Si forte , Si la facilité là plus
prompte à reproduire ce qu’il a reçu. Quand ['imagination
ne fait que retracer les objets qui ont frappé
les fens , elle ne diffère de la mémoire que-par la
vivacité des couleurs. Quand de l’afîemblage des
traits que la mémoire a recueillis, ^imagination com-
pofe elle-même des tableaux dont l’enfemble n’a
point de modèle dans la nature, elle devient créatrice
, Si c’eft alors qu’elle appartient au génie.
Il eft peu d’hommes en qui la rëminifcence des
objets fenfibles ne devienne , par la réflexion, par
la contention de l’efprit, allez vive , a f f e z détaillée
pour fervir de modèle à la Poéfie. Les enfans même
ont la faculté de le faire une image frappante, non-
feulement de ce qu’ils ont vu , mais de ce qu’ils ont
oui dire d’intéreflant, de pathétique. Tous les hommes
paffionnés fe peignent avec chalfeur les objets
relatifs au fentiment qui les occupe. La méditation
dans le poète peut opérer les mêmes effets : c’eft elle
qui couve les idées & les difpofe à la fécondité ; Si
quand il peint foiblement , vaguement , confufé-
ment, c’eft le plus fouvent pour n’avoir pas donné
à fon objet toute l’attention qu’il exige.
Vous avez à peindre un vaifleau battu par la tempête,
Si fur le point de faire naufrage. D ’abord ce
tableau ne fe préfente à votre penfée que dans un
lointain qui l’efface ; mais voulez-vous qu’il vous
foit plus préfent ? Parcourez des yeux de l’efprit les
parties qui le compofent : dans l’air, dans les eaux ,
dans le vaifleau même , voyez ce qui doit fe paflèr.
Dans l’air, des vents mutinés qui fe combattent, des
nuages qui éclipfent le jour, qui fe choquent, qui fe
confondent, Si qui de leurs flancs fillonnés d’éclairs
vomiflent la foudre avec un bruit horrible. Dans les.
eaux , les vagues écumantes qui s’élèvent jufqu’aux
nues , des lames polies comme des glaces qui réflé-
chiffent les feux du ciel, des montagnes d’eau fuf-
pendues fur les abîmes qui les féparent, ces abîmes
où le vaifleau paraît s’engloutir , Si d’où il s’élance
fur la cime des flots. Vers ia terre, des rochers aigus
où la mer va fe brifer en mugiflant Si qiii préfentent
aux yeux des nochers les débris récens d’un naufrage
, augure effrayant dé leur fort. Dans le vaif-
feau , les antennes qui fléchiffent fous l’effort des
voiles, les mâts qui crient Si fe rompent, les flancs
même du vaifleau qui gémiffent battus par lés vagues
Si menacent de s’entr’ouvrir ; un pilote éperdu
dont l’art épuifé fuccombe Si fait place au défelpoir ;
des matelots accablés d’un travail inutile, Si qui
fufpendus aux cordages demandent au ciel avec des
cris lamentables de féconder leurs derniers efforts ;
un héros qui les encourage, Si qui tâche de leur
infpirer la confiance qu’il n’a plus. Voulez-vous rendre
ce tableau plus touchant Si plus terrible encore ?
Suppofez dans le vaifleau un pere avéc fon fils unique,
des époux, des amans qui s’adorent, qui s’em-
braffent, qui fe difent, nous allons périr. Il dépend
de vous de faire de ce vaifleau le théâtre des paf-
fions, Si de mouvoir avec cette machine tous les
refforts les plus puiffans de la terreur & de la pitié.
Pour cela il n’eft pas befoin d’une imagination bien
féconde ; il fuffit de réfléchir aux circonftances d’une
tempête , pour y trouver ce que je viens d’y voir.
Il en eft de même de tous les tableaux dont les objets
tombent fous les fens : plus on y réfléchit, plus ils
fe développent. Il eft vrai qu’il faut avoir le talent
de rapprocher les circonftances, Si de raffembler
des détails qui font épars dans le fou venir ; mais
dans la contention de l’efprit la mémoire rapporte,
comme d’elle-même, ces matériaux qu’elle a recueillis
; Si éhacun peut fe convaincre, s’il yeut s’en do;iner
la peine, que l’imagination dans le phyfique eft
un talent qu’on a fans le lavoir.
On confond fouvent avec l’imagination un don
plus précieux encore , celui de s’oublier foi-même,
de fe mettre à la place du perfonnage que l’on veut
peindre , d’en revêtir le c a r a f t e r e , d’en prendre les
inclinations , les intérêts, les fentimens, de le faire
agir comme il agiroit, Si de s’exprimer fous fon
nom comme il s’exprimerolt lui-même. Ce talent
de difpoler de foi différé autant de l'imagination que
les aftèftions intimes de l’ame different de l’impref-
fion faite fur les fens. Il veut être cultivé par le
commerce des hommes par l’étude de la nature Sc
des modèles de l’art : c’eft l’exercice de toute la v ie ,
encore n’eft-ce point allez. Il fuppofe de plus une
fenfîbilité , une foupleflè * une activité dans l’ame
que la nature feule peut donner. Il n’eft pas befoin
comme on le croit, d’avoir éprouvé les pallions
pour les rendre , mais il faut avoir dans le coeur ce
principe d’aftivité'qui en eft le germe, comme celui
du génie. Aufli entre mille poètes qui favent peindre
ce qui frappe les y e u x , à peine s’en trouve-t-il
un qui fâche développer ce qui fe. paffe au fond de
l’ame. La plupart connoiffenr affez la nature pour
avoir imaginé, comme Racine, de faire exiger d’O-
refte , par Hermione , qu’il immolât Pyrrhus à
l’autel ; mais quel autre qu’un homme de génie
auroit conçu ce retour fi naturel Si fi fublime ?
Pourquoi l affaffiner ? qu a-1-il fait ? à quel titre?
Qui te l'a dit ?
Les alarmes de Mérope fur le fort d’Egiffe, fa douleur
, fon défefpoir à la nouvelle de fa mort, la
révolution qui Te fait en elle en le reconnoiffant,
font des mouvemens que la nature indique à tout
le monde ; mais ce retour fi v r a i, fi pathétique ,
Barbare , il te rèjie uhe rhëre.
Je ferois'mere encor fans toi ,fàns ta fureur.
Cet égarement où l’excès du péril étouffe la crainte
dans raine d’une merè éperdue,
Eh bien, cet étranger , ceji mon fils , c'efimohfang.
Çes traits, dis-je, ne fe préfentent qu’à un poète
qui eft devenu Mérope par la force de l’illufion. Il
en eft de même du Qu il mourût du vieil Horace, Sc
de tous çes mouvemens fublimes dans leur fimplicité
, qui femblent, quand ils font placés, être venus
s’pffrir d’eux-mêmes. Lorfque le vieux Priam , aux
pieds d’Achille, dit en fe comparant à Pélée : « Com-
» bien fuis-je plus malheureux que lui ? Après tant
» de calamités , la fortune impérieufe m’a réduit à
» ofer ce que jamais mortel n’ofa avant moi : elle
» m’a réduit à baifer la main homicide Si teinte en-
» core du fang de mes enfans ». On fe perfiiade que
dans la même fituation on lui eût fait tenir le même
langage ; mais cela ne paroît fi fimple, que parce
qu’on y voit la nature ; Si pour la peindre avec cette
vérité, il faut l’avoir non pas fous les yeux, non pas
en idée , mais au fond de l’ame.
Ce fentiment, dans fon plus haut degré de chaleur
, n’eft autre chofe que l’enthoufiafme ; Si fi l'on
appelle ivreffe , délire ou fureur, la perfuafion que
l’on n’eft plus foi-même, mais celui que l’on fait
agir , que l’on n’eft plus où l’on eft, mais préfent à
ce qu’on veut peindre ; l’enthoufiafme eft tout cela.
Mais on fe tromperoit fi, fur la foi de Cicéron , l’on
attendoit tout des feules forces de la nature Si du
fouflle divin , dont il fuppofe que les poètes font
animés : Poétarn natura ipfa valere , & mentes viribus
excitari , & quajî divino quodam fpiritu afflari.
Il faut avoir profondément fondé le coeur humain
pour en (aifir avec précifion les mouvemens variés
Si rapides , pour devenir ibi-mên\ç dans la vérité