dont les connoiffances font reconnues s’étendre fur
tous les cas chirurgicaux : les autres reçus fur la légère
expérience & deftinés principalement pour les
petits lieux, ne font examinés que pour ta forme,
& les lettres qui leur font expédiées leur enjoignent
d'appeller un maître de la communauté pour leur donner
confeil dans les opérations décijives, à peine de
nullité. Il eft évident, dit le fnême M. Verdier, que
de tels artiftes n’ont pas l’expérience requife par les
loix pour la réda&ion des rapports.
La confufion qui régnoit dans les ordonnances
n’avoit pas permis de prévoir cette différence dans
la capacité des artiftes d’une même profeffion ; &
avant l’édit de 1692 , les titres du premier médecin
lui permettoient de commettrè des médecins & chirurgiens
aux rapports dans toutes les bonnes villes &
autres lieux du royaume, félon quil avifera bon être.
Il pouvoit choifir indifféremment dans ces lieux les <
chirurgiens les plus capables, pour afjîfler aux rapports
& v if tâtions des malades & blejfés. Mais les articles
133 des chirurgiens de Paris de 1699, 66 de ceux
deVerfailles de 1 7 19 , 83 de ceux des provinces
de 1730 , portent que Y ouverture- des cadavres ne
pourra être faite que par des maîtres de la communauté.
Le miniftere des fages-femmes eft encore fubor-
donné à des réglés plus étroites. Leur inexpérience,
fui' tout ce qui n’eft pas manoeuvre d’accouchement,
eft caufe qu’elles ne peuvent faire leurs vifites qu’en
préfence des médecins & des chirurgiens ; elles font
leur rapport conjointement ou féparément avec eux.,
félon que l’arrêt bu la fentence qui les nomme leur
enjoint d’agir de concert ou féparément. Les exemples
ont prouvé que l’expérience la plus longue 5
lorfqu’elle n’eft pas éclairée d’ailleurs, ne met pas
à l’abri des fautes les plus graves. Telle eft la matrone
dont parle Bohn ; elle affuroit en préfence de
ce médecin-accoucheur qu’une femme quj étoit dans
les douleurs, étoit prête à accoucher d’un foetus
mâle très-vivant, affurant qu’elle l’avoit fenti exécuter
différens mouvemens dans l’utérus, & qu’elle
en avoit diftingué le fexe. Bohn tira l’enfant après
des peines infinies, & vit que c’étoitune fille à demi-
pourrie , morte fans doute depuis long-tems. Tel
eft l’exemple qui arriva à Paris en 1665, les nommées
Bourcier, veuve Loudiere & Marie Garnier,
ayant déclaré par leur rapport, qu’il n’y avoit aucune
marque de groffeffe dans une femme criminelle
qui fut exécutée en conféquence, & qui néanmoins
le trouva groffe de trois à quatre mois lors de la dif--
feâiôn de fon cadavre : « pour raifon de quoi ces ma-
» trônes jurées furent interdites, décrétées, ajour-
» 'nées, & févérement blâmées & admoneftées par
» le magiftrat, tant fur leur impéritie, que fur leur
« .'témérité à décider avec trop de hardieffe fur un
« fait incertain & fur lequel il faut convenir que les
« plus habiles peuvent fe méprendre ». Poye^G r o s s
e s s e (figue de) , Suppl.
Outre la qualité de gradué ou de maître dans l’une
des profeflions de la médecine , la loi a encore exigé
un titre particulier dans l’expert nommé aux rapports
; & l’on voit que ce titre, dans l’origine, n’eft
qu’une précaution de plus pour s’affurer du choix &
de la capacité du fujet. Les médecins & chirurgiens
royaux, dans les lieux oit il y en a , font prépofés ,
exclufivement à tous autres , pour tous les rapports
juridiques. La charge dont ils font revêtus fuppofe
qu’on s’eft affuré de leur fuffifance pour l’exercer;
mais leur droit, quoique èxclufif pour les rapports
judiciaires, n’ôte point aux autres maîtres dans la
même profeffion celui de faire des rapports dénon-
ciatifs à la requête de? parties qui nont point formé
d'aüion, comme pn peut le voir par l’édit de 1692,
& par l’arrêt du parlement de Paris du 10 mars
1728.
Ces charges de médecins & chirurgiens • royaux
font à la nomination du premier médecin & du premier
chirurgien du ro i, dans les lieux où il n’y a
point de faculté de médecine ou de college de chirurgie
; & l’on feht qu’à la rigueur ce n’pft que la
réputation & l’expérience du fujet qui décide fon
choix. Dans les lieux oit il y a faculté ou college, la
charge de médecin-royal ou chirurgien-juré eft accordée
au corps lui-même, qui nomme celui de fes
membres qui doit répondre à toutes requifitions du
juge ; & l’on ne peut fe diffimuler que cet emploi
qui n’eft que pénible, ne foit confié aux plus jeunes
ou aux moins experts.
Il y a encore des qualités qui, jointes à celle de
médecin & de chirurgien, ne leur permettent pas de
faire un rapport, ce qui arrive ( dit l’auteur de la
jurifprudence de la médecine en Ftance ) , « toutes
» les fois que telle qualité pouvant faire préfumer
» dans un ipédecin ou chirurgien ,*des raifons de
» lézer ou de favorifer ceux pour ou contre qui fe-
» roit fait leur rapport, pourroit être un motif légit
im e de réeufation ; tels font les médecins ou
» chirurgiens qui pourroient être à la fois avocats
» ou procureurs ». Un arrêt du parlement de Provence
du 23 mai 1677, Porte que le procureur ju r idictionnel,
étant chirurgien, ne pourroit faire en cette
qualité de chirurgien, un rapport de blejfures, aux caufes
de ceux qu il aurait accujés. Un femblable arrêt du
parlement de Pdtës du 11 janvier 1687, permit à un
fubftitut de procureur-fifcal & procureur podlulant,
étant chirurgien, d’exercer fa fon dion de chirurgien
, à la charge qu'il ne pourroit délivrer aucun rapport
en juftice, pour ceux dont il feroit ou auroit été
procureur, foit dans les procès criminels où lefdits rapports
fcroient délivrés, foit dans d'autres procès civils
ou criminels. ,
• Des précautions a obferver pour bien faire un rapportl
On fent que la nature de l’objet du rapport détermine
1$ nombre & le genre des précautions qu’on,doit
obferver pour le bien faire. On peut consulter à ce
fujet les différens articles de médecine légale*, inférés
dans ce Supplément ; il eft pourtant des généralités
effentielles qui trouveront leur place naturelle
dans cet article,. ' ' '
Un médecin & un chirurgien appellés en juftice
pour faire leur rapport fur l’état d’un cadavre, ont
à décider quel eft le genre de mort qui a eu lieu : ils
déterminent en outre, par les lignes qui les concernent
, fi c’eft la perfonne dont ils examinent le cadavre
qui a attenté à fa propre v ie , ou fi cet attentat a
été commis par des mains étrangères. Leur décifion
fur cës deux points conftitue affez fouvent le corps
& l’efpece de délit, & la bafe du jugement, lorfque
les preuves d’un autre genre ne font pas péremptoires
: il eft donc effentiel de procéder avec une extrême
circonfpe&ion, & de ne rien conclure d’après
une circonftance , qu’après s’être bien convaincu
qu’il n’eft rien qui puiffe l’infirmer.
Leur premier devoir, c’eft de vérifier fi le cadavre
n’offre aucun ligne de vie ; s’ils ont le bonheur
d’en appercevoir ou d’en préfumer, l’humanité leur
di&e ce qu’ils ont' à faire : les fecours doivent être
adminiftrés avec précaution & intelligence , félon
la nature des lézions. Ambroife Paré, par une future
& d’autres fecours ordinaires , râppella à la v ie ,
pour quelques inftans, un feigneur qui , dans un
accès de mélancolie noire , s’étoit coupé la gorge
avec un rafoir : fes domeftiques àccufés de ce meurtre
, ne durent leur falut qu’au peu de paroles que
cet homme articula avant fa mort. Quèlle fatisfaftion
pour des experts, fi à l’avantage de rappeller un
homme à la vie., ils joignent celui d’éclaircir un doute
qui eut peut-être Coûté la vie à quelque innocent
ou qui eut produit l’impunité de quelque coupable1. .«
Le fimple doute fur un refte de v ie , quoique infen-
fible, autorife & impofe; même l’obligation de mul-
tipliér les moyens pour kvettre les lignes de la vie
dans une plus grande évidence ; il vaut mieux les
employer inutilement que négliger d’en faire ufage
dans nn cas où ils pourroient etre utiles.
On a fouvent rappellé à la vie des noyés ou dés
perfonnes que la vapeur du foufre ou du charbon
avoit prefque étouffés : ces différens môyens font
connus & prefque triviaux par la multiplicité d’ouvrages
produits dans ces derniers tejns., L’air foufflé
dans la bouche, en fermant les narines du cadavre ;
la chaleur des cendres, du fumier appliqué fur Je
corps ; les irritans introduits dans le nés, le gofier ,
parle fondement; les friftions, les ventoufes, les
laignées, fur-tout aux veines jugulaires, font des
fecours dont l’efficacité a été heureufement reconnue.
L’utilité de l’ouverture de ces veines, dans les
apoplexies & les étranglemens , eft prouvée par
une obfervation de Valfalva, qui vit entièrement
pâlir, après l’ouverture d’une des veines jugulaires,
la face du cadavre d’une femme qui'avoit été pendue,
& qui avant cette ouverture etoit d’une lividité
extrême ; il eft vrai que la fluidité du fang après la
mort, favorifa ce dégorgement, & qu’on ne peut
pas fe flatter de rencontrer cette circonftance dans
tous les cas ; mais quand même on n’évacueroit pas
tout, il n’eft pas indifférent d’effayer, il fe trouve
toujours une partie du fang plus ou moins fluide ; &
cette partie évacuée facilite laréforption de l’autre.
M. Morgagni vit fur une femme que des voleurs
avoient voulu étrangler, que le vifage étoit enflé &
livide , & la bouche pleine d’écume ; on la rappel la
à la v ie , après l’avoir faignée du bras & du pied, Sç
lui avoir donné quelques cordiaux : on peut conclure
de cette obfervation, la fauffeté de cet aphorifme
d’Hippocrate, neque is ad vitam redit, qui ex fufpen-
dio , fpumante ore detractus eft.
z<r. Lorfque la mort eft affurée, & qu’il faut vérifier
le cadavre pour en faire le rapport, l’expert doit
tout vérifier lui-même àufli promptement qu’il eft
poflible, & fur-tout avant que les4njures de l’air ou
la putréfa&ion aient caufé des altérations; il doit
même avoir égard au tems depuis lequel la perfonne
eft morte, & obferver avec foin ce qui peut être
l’effet du délai ou de la putréfaction , pour le diftin-
guer de tout ce qui pourroit dépendre d’autres caufes.
Les juges interrogent lès médecins pour s’éclairer
fur tout ce qui a rapport à la phyfique du corps humain
ou à la médecine proprement dite ; & ils font
en droit d’en attendre l’explication la plus complette
dès que ces objets ne font pas inacceflibles aux con-
noiffanrees a&uelles.
Le fimple retard dans les ouvertures, dénature
affez fouvent des indices, qui apperçuSauparavant,
auroient pu paffer pour pofitifs. Harvei rapporte
( circul.fang. exercit. u t. ) qu’ayant ouvert la poitrine
& le péricarde d’un pendu, deux heures après
fa mort, il trouva d’abord les poumons farcis de
fang, & fur-tout l’oreillette droite du coeur qui fur-
paffoit le volume du poing, & qui étoit fi diftendue
qu’elle paroiffoit prête à fe rompre : ce volume fi
confidérable difparut le jour fuivant, le corps étant
parfaitement refroidi, & le fang pénétra dans les
parties voifinés.
Les altérations fpontanées qui fe font fur les cadavres
, imitent affez fouvent les effets des caufes
cauftiques ou même méchaniques fur les vivans. On
a vu des épanchemens fanguins, devenus corrofifs
par le féjour & la putréfaftion, attaquer les parties
voifinés, & produire fur elles les mêmes effets que
des venins qu’on auroit avalés. Des contufions ou
des preffions faites fur différentes parties des cada-
Tome III.
vres, & continuées durant quelque tems, frpiffent
toutes les parties molles qui les éprouvent, les déchirent
quelquefois, &laiffent des.traces femblables
a celles des inftrumens contondans le plus violemment
appliqués ; l’air même fe dégage dés parties
du cadavre, & peut, lorfqu’il eft retenu dans les
cavités ^produire des déchiremens ou des déplace-
mens mechaniquçs, qu’un homme inexpert ou peu
attentif pourroit attribuer à des caufes abfolument
étrangères.
30. Il faut éviter l’emploi de la fonde dans la recherche
ou l’examen des plaies extérieures Les
obfervations prouvent qu’on a fouvent formé avec
cet inftrumertt de fauffés routes, qu’on attribuoit à
la nature des plaies, ou qu’on a rendu dangereufes
celles qui euffent été légères ou faciles à guérir;
Bohn cite l ’exemple d’un chirurgien ignorant qui ,
en fondant une plaie faite au front par une balle ,
porta fon infiniment à la profondeur d’un doigt, &
ne ceffa de. l’agiter & le retourner en tout fens, que
lorfqu’il eut rencontré'un corps folide, qu’il croyoit
etre la fialle ; ce qui accéléra la mort du bleffé par
l’agrandiffement de la plaie, & l’enfoncement des
efquilles du crâne dans le cerveau.
40. L’expert doit examiner fcrupuleufement tout
ce qui s’offre à l’extérieur du cadavre, comme blef-
fures, contufions , taches , lividités, diftorfions ; en
un mot il doit circonftancier fidèlement tout ce qui
n’a point lieu dans l’état naturel : fes recherches doivent
fe porter fur les chofes qui peuvent avoir quelque
rapport avec le cadavre ; tels font les inftrumens
ou les corps qui ont pu fervir au genre de mort qui
a eu lieu , la pofuion des lieux, l’état des hardes ,
quelquefois même les maladies qui régnent dans le
pa ys, ou les qualités de l’air qu’on refpire dans le
lieu du délit.
5°. Il doit ouvrir les différentes cavités du cadavre
, & s’attacher fur-tout à voir l’état des organes
vitaux. Les lignes extérieurs qu’il a pu appercevoir
doivent fixer fes yeux fur ce qu’ils indiquent ; ainfi
une impreflion circulaire autour du c o l, le doit déterminer
à vérifier cette partie avec plus d’attention
que tout le refte du corps. Il n’eft jamais inutile
d’examiner l’état des premières voies ; les traces d’un
poifon peuvent bien fouvent conftater ce que les
autres lignes ne décident qû’én partie.
Cette ouverture du cadavre doit être faite dans
un lieu convenable , avec précaution, fur-tout lorf-
qu’on veut découvrir la profondeur & la direâion
des plaies, faites par des inftrumens pointus & affilés
, ou celles qui font faites par des balles de mouf-.
quet , à caufe de leurs détours dans le tiffu des
parties.
6°. Il doit encore ajouter les confidérations generales
fur le lieu, la faifon, l'état de l’armofphere ,
l’âge du fujet, fon fexe, fes habitudes ( s’il l’a connu
vivant ) . Voye%_ ci-après.
Si le cadavre étoit enterré , il faut le déterrer, dit
Fel tmann, pour en faire l’ouverture, « autrement
» le coupable ne peut être puni de mort que dans le
» cas où le bleffé eft mort fubitemgnt après le coup
» reçu ». ;
Le même auteur rapporte ( de cadav. infpiciend. )
deux conditions affez inutiles à remplir, lorfqu’on
tire un cadavre hors de l’eau ; i°. de couvrir les nudités
; 20. de laiffer tremper les pieds dans l’eau d’où
l’on a tiré le cadavre ; il cite une loi de Marguerite
de Bourgogne qui l’avoit ordonné ainfi.
70. Les principaux articles du rapport doivent fe
dreffer fur les lièux & non de mémoire ; l’expert ne
‘doit parler que de ce qu’il a vu par lui-même, &
non du récit que lui ont fait les affiftans ou des
étrangers.
Si le fujet qu’il examine eft vivant, il faut qu’il
T T t t t ij