& à demi brilles : ils ne font point méconnoiffables ,
leur forme eft entière ; on y voit même les lettres
dont on les marquoit ; il y en a un de neuf pouces
de diamètre , fur quatre d’épaiffeur , où font écrits
ces mots: Segilo e grand. E. Cicçrc. Des amandes ,
des figues., des dattes, de l’huile defféchée, & dont
il ne relie que la partie réfineufe ; du vin même ,
qui eft à fe c , & réduit en une matière concrète ôc
noirâtre. On fait que les vins des anciens étoient
épais & depofoient beaucoup ;& l’on en peut juger
;fur-tout par celui-là. L’on en eft alluré, parce
qu’çyi a trouvé des caves revêtues de marbre, avec
les bouteilles rangées fur des gradins.
Les verres & les bouteilles y étoient une chofe
fort commune, de même que les Iacrymatoires,
petites fioles, qui étoient fuppofées renfermer les
larmes répandues fur les tombeaux : il y en a même
où l’on voit des figures empreintes.
Des pots de terre, alfemblés en forme de panier,
à porter deux bouteilles de vin ; des aftiettes de
terre, abfoliiment plates , pour mettre les gâteaux;
des tuiles d’une forme très-commode, pour border
le faîte des maifons; elles finiiïent par un rebord ,
avec un trou pour l’écoulement des eaux; des lampes
de terre cuite, ornées de bas-reliefs ; une lampe à
deux meches, qui paroît avoir été fufpendue en l’air
parle moyen de quatre chaînes attachées aux ailes de
deux aigles qu’on voit fur les côtés, & dont l’anfe
eft en forme de tête de cheval.
Tout ce qui eft néceflàire pour la toilette & pour
Tajuftement fe retrouve dans ce cabinet d’antiques:
un braffelet d’o r , formé de deux demi-cercles , qui
s’attachoient avec des petits cordonets d’or ; on y
voit deux têtes, fort bien cifelëes ; des bagues, des
boucles d’oreilles., des cifeaux, aiguilles, dés à coudre
; une caffette , contenant tout ce qui étoit aécef-
faire pour les travaux des femmes ; cfes cure oreilles
, des peignes, des oxnemens de lajeuneffe , appelles
bull* , en f o rm e de coeur ; desbpucles de cheveux
en bronzé , 'évidées avec légéreté & frifees
avec goût ; des galons d’o r , treffés fans foie; des
pots de rouge , en cryftal de roche, femblables à
ceux des toilettes des Françoifes , avec le vermillon
fucus, qui y eft encore dans fon entier ; des vafes
pour les parfums ; des frottoirs pour la peau ,(îrigiU,
qu’on employoif dans les bains. On a trouvé les bains
eux-mêmes, avecI’affortimentde tous les uftenfijes
qu’on y employoit.
Des couleurs brutes pour peindre , très-bien conf
i é e s , fur-tout de la laque, de l’encre jaune & de
tres-beau bleu.
De petites balances à deux baffins, mais dont les
bras font divifés en. deux'parties ; un petit poids
qu’on y faifojt couler , fuppléo.it, à-peu-près com- ;
me dans nos romaines , au «rand nombre de petits
poids, ou deTubdi vifio.ns dpn.ton fe fert dans le com •
merce. Cés balancés font fufpëndùès à une ftmple
boucle : elles n’ont point d’aiguilles ni de languettes !j
jjoùr indiqué^ les petits trébucfiemens ; cependant ,
j ai vu ailleurs des balances antiques où il y avoit
une languette.1' J • - ' 4 .
■ Desinftrumensde m u f î q ù e f l û t e s faites !
d’os ; 1 es Cr 'qtall', oS;pêtites^eçèSTondeSL de cyiyre
x^u’on frappoît l’u n e 'contre l’autre ife leM ru n ? , inf-
trument en fét âdheval ’"trâverfe,’'çle plufieurs. tringles
de métal, qiVë !Fôri fr'appoit’ayec un archet : l’a
flûte à fe'pt t u ÿ t e ', les, tym-
bales& les jëùx de’ tléV, ne le Soient que d'aiis les
peintures.
Desihifrumÿnÿae'cKrüt'gre ^ .comme des fondes ; ;
& même un étùî coniptèïV'dS tous ïés mftriimens !
ont des mancHés'-àe-'bronrtlvec ‘dès ornemens. de î
fort bon goût.
Des caïques, des boudiérs, & toutes fortes ;
mes offenfives & défenfives, des verroux, des ferrures,
des clefs, des marteaux1; des clous qui pa-
roiffent faits au marteau ; & d’autres qui ont été formés
dans une efpece de filiere : je parle de ceux de
cuivre, car pour ceux de fer, je n’ai pas pu en diftin-
guer la forme. En général tous les inftrumens de fer
lont rongés par la rouille, défigurés , réduits en fcp-
ries , bourfoufflés & méconnoiffables. Voilà pourquoi
l’on n’y a trouvé prefque d’autre meuble en fer
bien confervé , que le gril de fer dont j’ai parlé. On
trouva une maifon dont la porte d’entrée étoit fermée
d’une grille de fer ; mais elle s’en alla en morceaux
quand ôn voulut la toucher. J’ai remarqué encore
des hameçons, des filets de pêcheurs & d’oife-
leurs, noircis par le feu , mais dont la forme eft
entière.
Des urnes de terre, divifées intérieurement par
loges : on croit qu’elles fervoient pour renfermer
les loirs, glires , que l’on élevoit, Sc qui formoient'
un objet de luxe chez les anciens, par un de ces ufa-
ges bizarres , dont on trouve à peine quelque prétexte
, malgré leur univerfalité : tel eft parmi nous
l’ufage du tabac, auquel il femble qu’on ne puifle
attacher ni agrément ni utilité.
Un petit cadran folaire, tracé fur une piece d’argent
en forme de jambon: la queue de l’animal y
lèrt de ftyle : on l’a gravé dans le troifieme tome des
antichità di Ercolano , page 33 J ,
Il s’y eft rencontré une mefure du pied romain;
dont M. Bonpiede, ingénieur du port, m’a fait voir
une copie exa&e, il a dix pouces onze lignes & demie
: cela peut contribuer à décider la queftion de
la longueur de l’ancien pied, que M. de la Conda-
mine avoit déjà trouvé de dix pouces onze lignes ,
par la comparaifon de plufieurs monumens Romains.
On a trouvé beaucoup de médailles, dont quelques
unes font curieufes : telles que les médailles de
Vitellius , qui font rares dans tousvles cabinets ; un
triomphe de Titus; une médaille de Vefpafien, frappée
à l’occafion de la prife de Jérufalem , Judaa cap-
ta. J’y ai vu un médaillon d’Augufte en or , de quatorze
lignes de diamètre, qui pefe plus d’une once:
morceau unique pour les antiquaires ; mais c’eft le
fèul de cette importance qui ait été trouvé à Hercu-
lanum.
Des fceaux ou cachets ; des anneaux de fer, d’or,
d’argent, montés & non montés ; des cornalines ;
des fardoines ; plufieurs pierres précieufes, montées
en o r , mais' grôffiérement. On m’en fit voir une que
le roi d’Efpagne avoit fait remonter, & qu’il portoit
depuis fept ans, mais qu’il a remis au cabinet de
Portici, en partant pour PEfpagne , afin de faire
voir qu’il vouloit conferver au royaume de Naples,
’tout ce qu’on avoit trouvé à Herculanum , fans exception.
Les pierres gravées fe font trouvées en grand
nombre, & là plupart d’une grande beauté. On en
a tiré 'aufli plufieurs meubles de cryftal de roche ,
qui prouve que ce travail étoit très,- përfeâionné
dans ce pays-là : il yj a des flacons de cette matière,
dont l ’ouverture eft fi.étroite, que lejtravail en a dû
être fort difficile.
On garde, dans le même cabinet, huit petits tableaux
fur pierre , repréfentant huit mufes : ils ne
font pas mieux peints que de bonnes peintures Chù-
poifes ; mais il y a une de ces mufes remarquable ,
en ce qu’elle a .à côté d’elle un ferinium, boite que
.l’on avoit regardée jufqu’à préfent, comme deftinée
à mettre, des , livres. Ce tableau leve toute incertitude
à ce fujet :'on apperçoit très-diftin&emént dans
1 z ferinium., des Hyres roulés , avec leurs étiquettes ,
qui font de petites bandes de papier qui débordent ;
ce que l’on n’avoit encore trouvé dans aucun monu-
ment-.
Les livrés, ou plutôt les manuferits trouvés à
Herculanum , font d’une grande efpérance pour les
gens de lettres, quoiqu’on n’en ait fait jufqu’à prélent
que peu d’ufage. Ces livres ne font point en
parchemin , ainfi qu’on l’a publié en France : on a
cru d’abord qu’ils étoient d’ancien papier d’Egypte ;
maisons’eft apperçu depuis qu’ils n’étoient que fur
des feuilles de cannes de jonc, collées les unes à côté
des autres , & roulées dans le fens oppofé à celui
dont on les. lifoit. Ils ne font tous écrits que d’un côté
, & difpofés par petites colonnes , qui ne font
guere plus hautes que les pages de nos i/z-iz: ils
etoient rangés les uns fur les autres dans une armoire
en marquetterie, dont on voit encore les fra-
gmens. Lorfqu’on mit la main fur ces livres, tous
ceux qui n’avoient point été faifis par la chaleur des
cendres du Véfuve, étoient pourris par l’effet de
l ’humidité , & ils tombèrent comme des toiles d’araignées
, auflî-tôt qu’ils furent frappés de l’air ;
ceux au contraire qui, par l’impreffion delà chaleur
de ces cendres,s’étoient réduits en charbon, étoient
les feuls qui fefuffentconfervés, parce qu’ils avoient
réfifté à l’humidité.
Ces feuilles roulées & converties en charbon , ne
reffemblent ordinairement qu’à un bâton brûlé , de
deux pouces’de diamètre, fur huit à dix pouces de
longueur : quand on veut le dérouler ou enlever
les couches de ce charbon , il fe caffe & fe réduit en
pouffiere ; mais en y mettant beaucoup de rems &
de patience , on eft parvenu à lever les lettres les
unes après lès autres, & à les copier en entier. Le
P. Antonio Piaggi, religieux Somafque, a été l’in-
vehteur de cette efpece d’art, & il afait un éleve nommé
Vicénfio Merlï, qui s’en occupe aftuellement,
mais avec peu d’aflïduité & peu d’ardeur : voici
à-peu-près leur procédé.
On a un chaflis affujètti fur une table , dans le bas
duquel le livre eft porté fur des rübans, par les deux
extrémités du morceau de bois fur lequel il eft roulé
: 'on fait defeendre de deffus un cylindre , qui eft
au haut du chaflis, des foies Crues d’une très-grande
fineffe, & rangées Comme une chaîne fort claire ,
dont on étend fur la table une longueur pareille à la
partie de la feuille qu’on veut dérouler ; on fait tenir
le commencement de cette feuille à la partie de
la chaîne qui ne pofe pas fur ta table, & qui eft la
plus proche de cette même feuille. On fe fert à cet
effet de petites particules de gomme en feuille ou
par écailles, qu’on applique derrière avec un pinceau
, à l’aide d’un peu d’eau ou de la fimple falive,
obfervant de ne les mouiller que dans l’inftant qu’on
les applique. La feuille dû livre s’adapte furie champ
à ces particules, de la même maniéré qu’une feuille
d’or fe fixe fur le mordant du doreur : le commencement
de la feuille du livre étant ainfi hapé par la
foie & par la gomme qui y font adhérentes, on
tourne très-doucement le cylindre qui ëft au haut
du chaflis , auquel les-fils de foie font attachés, &
à caufe de la grande fragilité de la feuille , on aide
cnmême.tems.le livre., par en-bas, à tourner; par
ce mOyen on enleve infenfiblement la-partie de la
feuille qui eft fortifiée, & l’on force le refte de la
chaîne , qui eft couché fur la table , à fe relever & à
fe joindre, à mefure que le livre tourne, à la partie
de la:feuille qui refte à dérouler. On les-fixe enfuite
avec des particules de gomme, en fuivant le même
procédé. Lorfqu’il ne refte plus rien de la chaîne fur
ia table, & qu’elle a été toute appliquée à la feuille
du livre , on coupe cette même feuille , & on la
colle fur une planche. L’écriture y eft fi foiblement
jnarquee,- qu’il eft difficile de la lire au grand jour ,
mais on y. réuflit en la mettant à l ’ombre ou à un
Tome III,
joür plus doux; alors on la lit comme on liroit ùrï
imprimé , qui après avoir été noirci au feu , confer-
veroit encore la trace descaraôeres dont il étoit empreint.
Les fils de foie font ici d’autant mieux imaginés,
que préfentant une furface à la feuille , ils la
foutiennent par-tout également, rempliffent les parties
mutilées, & empêchent que la feuille ne fe déchire
dans ces endroits, qui étant les plus faibles j
feroientles premiers à céder. Cette opération exige
beaucoup de légéreté dans la main. On n’y travaille
que les fenêtres fermées, car le moindre vent pour-
roitenlever ou rompre la feuille qu’on développe,
& faire perdre en un inftant le fruit de toutes les peines
qu’on auroit prifes.
On a développé ainfi quatre manuferits Grecs*
dont le premier traite de la philofophie d’Epicure ;
le fécond eft un ouvrage de morale ; le troifieme un
poème fur la mufique ; le quatrième un livre de rhétorique.
Auflitôt qu’on avoit enlevé une page, on la
copioit & on l’envoyoit au chanoine Mazocchi,
pour la traduire en Italien. Ilferoit à fouhaiter qu’on
employât à ce travail beaucoup de perfonnes. Le
P. Piaggi n’eft plus en état de s’en occuper , étant
eftropié, & fon éleve paroît n’y prendre pas affez
d’intérêt : il fe plaint de ce qu’on ne lui donne que
fix ducats par mois , & il y travaille très-peu. Peut-
être feroit-il aufli beaucoup plus utile de ne développer
que le commencement de chaque manuferit,
& de l’interrompre quand on voit que le fujet ne
peut rien nous apprendre d’intéreffant.
Sanscela, il y a tout lieu de croire , que de très-
long tems on ne verra paroîrre au jour ces ouvrages
précieux , & parmi lefquels on ne doit pas défefpé-
rer de recouvrer quelques-uns de ceux qu’on avoit
cru perdus pour la république des Lettres.
Ceferoit une époque bien mémorable dans l’hif-
toire de l’ efprit humain, fi l’on y rencontroit les
ouvrages complets de Diodore de Sicile, de Poly-
be, de Salufte , de Tite-Live, de Tacite , les fix derniers
mois des faftes d’O vide, & les vingt livres de
la guerre de Germanie, que Pline commença dans
le tems qu’il fervoit dans ces pays.
La colleâion des peintures antiques tirées d’Her*
culanum, eft aufli dépofée près du château de Portici.
On les conferve dans plufieurs chambres , mais
fous verre, avec le plus grand foin , & le roi d’Efi-
pagne n’a jamais voulu qu’on en difperfât la moindre
; partie ; on allure qu’il en avoit refufé même au roi
; fon pere.
Ces peintures étoient fur des- murailles que l’on
a fciées à une certaine épaiffeur : on les a enfuite
affujetties avec tout le foin poflib.le, en les fcellant
fur des chaflis de parquet, comme autrefois on enleva
les ouvrages de Damophile & de Georgaze ,
peintres & fculpteurs célébrés, qui avoient décoré
le temple de Cérès à Rome , lorfqu’on voulut réparer
& recrépir de nouveau les murs de cet édifice.:
La fraîcheur des peintures d'Herculanum, quis’étoit
confervée pendant plus de 1600 ans dans l’humidité
de la terre, fe perdit bientôt' à l’air par le defféche-
ment qu’elles éprouvèrent, & il fe forma deflus une
pouffiere farineufe , qui en peu de tems en eût fait
perdre les couleurs. Un Sicilien, nommé Moricbnt,
qui excelloit dans l’art des vernis., fut chargé d’en
appliquer un pour conferver le coloris. Cela a produit
l’effet qu’on en attendoit, mais ce vernis a>oc-
cafionné la ruine de plufieurs tableaux ; car il fait
tomber la couleur par écaille, & il y en a qui ne font
pas préfentement reconnoiffables * tant ils font mutilés.
Cela ne paroîtra pas furprenant, lorfqu’on
fera attention que la chaleur des cendres du Véfuve
a dû confumer les gommes qui en lioient les couleurs.
Si l’on eût employé à ce travail dès perfonnes
j plus intelligentes, elles auroient tenté de donner du
‘ Y y ij