des lettres de naturalité ; précaution fage qui lui
confervoit fes droits fur la couronne de France ; il
ne fit rien de mémorable en Pologne, & lorfqu’en
1 574, il apprit la mort de Charles IX, fon frere, il craignit
que le fénat ne s’bppofât à fon départ ; il s’échappa
comme un prifonnier fe feroit évadé de fon cachot:
on le déclara déchu du trône, & il parut s’en
inquiéter peu. Le trône où il montoit le dédomma-
geoit affez de celui dont il étoit defcendu. Etienne
Battori lui fuccéda.
HenriIII, ne trou va pas en France la paix qu’il avoit
laiffée en Pologne; les deux partis fe heurtoient avec
plus de violence que jamais ; fon retour fut marqué
par le fupplice du comte de Montgommery qui eut
la tête tranchée, parce qu’il avoit été pris les armes
à la main contre les royaliftes. Catherine de Médicis
d’ailleurs n’étoit pas fâchée' de paroître venger la
mort de fon époux tué dans un tournoi par ce fei-
gneur. Montbrun, chef des huguenots en Dauphiné,
eut le même fort peu de tems après. Le prince de Con-
de, fils de celui qui avoit été tué à Jarnac, & le maréchal
d’Anville étoient à la tête des huguenots ; Henri,
roi de Navarre , échappé de fa prifon , vint bientôt
fe joindre à eux. Cette fa&ion parut trop puiffante :
on fit la paix, & on lui accorda des conditions auflï
favorables que fi elle les eût diûées elle - même :
L’article effentiel étoit le libre exercice de la religion
prétendue réformée. Henri, peu occupé de ces
grands objets , donnoit à la France indignée le fpec-
tacle ridicule de fes fuperftitions, & croyoit effacer
la honte de fes débauches par des proceffions. Nouvelle
guerre, & nouvelle paix en 1 577. On ne fignoit
des traités que pour fe donner le tems de refpirer& de
raffembler fes forces. Henri inftitua l’ordre du faint-
Efprit en mémoire de ce que le jour de la Pentecôte
avoit été 1 epoque de fes deux avénemens à la couronne
de Pologne & à celle de France : fi la caufe
de cette mftitution a été légère , les effets en ont
ete împortans, & cet ordre eft devenu le premier du
royaume.
La ligue projèttée par le cardinal de Lorraine,
invendue par la mort de François duc de Guife
exécutée par Henri fon fils , avoit pris naiffance en
1576. La guerre continuoit malgré les treves fou-
vent dans le même jour un officier fignoit un rra’itë &
commandait une attaque ; le dite d’Anjôn qui vouloit
s’enger en fouverain dans les Pays - bas, & qui pré-
îendoit à la main d’Elifabeth, reine d’Angleterre
s’efforçoit de calmer les efprits afin de fuivre fans inquiétude
les projets de fon ambition & ceux de fon
amour; mats tout échoua, ij nè rapporta en France
que la honte d une entreprife infruftueufe.
Sa mort arrivée eh r 5 84, laifloit roi Henri de Navarre
heritier préfomptifde la couronne. Cefht alors
que le duc dé Guife fit entendre que la religion étoit
perdue en France, li un prince hérétique montoit fur
le trône, qu’il falloit que la ligue lui portât les coups
les plus terribles, & que tout étoit légitime lorfqu’on
vengeoitDieu; il travailloit pour lui-même, Catherine
de Medtcispour le duc de Lorraine fon petit fils
& le cardina de Bourbon fe laiffoit perfuaderqüé
c etoit lui qu on vouloit couronner. Henri I I I vivoit
encore, fonfucceffeur légitime étoit connu, & ce
pendant le trône faifoit autant d’envieux que s’il eût
ete vacant. HenriIII favorifoit la ligue & ne fentoit
pas qu’elle lui feroit auffi funelle qu’à fes ennemis.
Stxte-Quint déclarait le roi de Navarre & le prince
de Conde incapables de fuccéder à la couronne Le
confeil des Seize feformoit au fein de Paris. '
La bataille de Contras, oh périt le duc de Jofeiifé
W B S B m 15?7 > "<= changea rien à la fituation
| H W M f f i Ë Ê É M dans Paris maigre
le roi qui efl force d en fortir, après avoir mon- I
tré, à là journçe des barricades, toute la foibleffe ds
fon parti. L’édit de réunion fignéà Rouen en 1588,
ne fit qu’aigrir les efprits; on fe contint quelque
tems, mais on fe tint toujours prêt pour l’attaque 8e
pour la défenfe : au lieu de batailles on vit des affaf-
finats, 8e c étoit Henri I I I qui les avoit ordonnés. Le
duc de Guife, 8c le cardinal de Lorraine fon frere
furent égorgés ; le cardinal de Bourbon fut arrêté -
Catherine mourut de fa mort naturelle fans autre
fupplice que fes remords. Cette révolution ne rétablit
point l’autorité du roi, elle donna un prétexte
aux ligueurs pour s’élever contre lui :1a Sorbonne dé-
clara le trône vacant, dégagea les fujets du ferment
dé fidélité, 8e la Sorbonne ne fut point abolie; un
fpadaffin traîna le parlement à la Baftille. Tous ces
attentats demeurèrent impunis, il n’y avoit de fupplice
alors que pour l’innocence. Henri I I I fentit
enfin la nccefiité de s’unir au roi de Navarre ; tous
deux s’avancèrent vers la capitale dont le duc de
Mayenne s’étoit fait gouverneur ; le blocus étoit
formé, lorlque Henri 111 fut affaffiné à Saint-Cloud
le premier d’août 1 5 89, par Jacques Ciément, jaco-.
bin fanatique , qu’on cil forcé île plaindre en le dé-
reliant, 8c qui croyoit fervir Dieu en égorgeant un
roi : on accula la maifon de Lorraine d’avoir armé
ce miférable dans eés teins affreux, oh les loix étoient
fansvigueur; cette famille penfa fans doute fe rendre
jullice en vengeant des meurtres par un affaffinat.
Si Henri I I I étoit mort au liege de la Rochelle,- on
l’auroit placé parmi les hommes illuflres J xl fidloit
du génie pour vaincre deux fois Goligny : mais les
dernieres années de fa vie ont fait oublier les près
mieres. On ne fe fouvient plus quedefes débauches,
de fes foibleffes & de fes cruautés. ( M. n e Sa c y . )
H e n r i IV , ( Hiß. de France. ) roi de Navarre,
naquit à Pau le 13 décembre 1553, quoiqu’il ne fût
parent de Henri III que du dix à l’onzieme degré, fes
droits à la couronne ne lui- ‘furent point conteilés .
puifqu’il defeendoit de Robert, comte de Clermont,
fils de faint Louis, qui époufa l’héritiere de Bourbon
; fon enfance fut expofée à tous les périls, fpn
éducation toute guerriere le familîarifa avec les fatigues
& le mépris delà mort qu’il eut àeffuyerpour
foutenir fes droits, 8e pour faire le bonheur de la
France. Elevé dans le camp de Condé 8c de Coligny ,
ce fut fous de tels maîtres qu’il fe forma dans l’art
de la guerre; il fut profiter dés leçons 8c des exemples
dè ces deux grands hommes, dont il fit revivre
le courage 8c les vertus. L’hUloire de fa vie depuis
fa naiffance jufqu’à fon avènement au trône feroit
fans doute plus mtéreffante que tout ce qu’il fit lorf-
qu iLfut paifible poffeffeiïr d’un royaume conquis
par fés armes : on aime à fuivre lés hommes extraordinaires
dans" leur marche, à développer leurs
moyens, à les étudier dans leur vie privée ; mais le
plan de cet ouvrage nous preferit de le repréfenter
ici comme roi.
Henriavec le titre de roi de Navarre, oh il n’avoit
prefquè aucunes pofieflioiis, fe vit à la tête d’urt parti
qui partageoit la France fous prétexte de venger la religion
; il fut attiré à Paris par les promeffes de Charles
IX. Son mariage avec la princeffe Marguerite, foeur
du monarque , attira dans la capitale tous les 'i’ei-
gneurs de Ion parti; la cérémonie s’en fit fur un échaf-
faut dreffé devant la porte de l’églife déNotre-Dame..
Plufieurs jours fe pafferent en feflins, en tournois
8c en ballets. Mais au milieu de cés fêtes on méditoit
le maffacre de tous les huguenots. Avant de donner
lefignal du carnage, le roi fit appeller le roi de Navarre
8c le prince de Condé dans fon cabinet 8c leur,
dit', mon, mejfe ouiaplle; cette menace eut fon effet,
ils firent abjuration, 8c ce fut à ce prix qu’ils' achetèrent
leurvie à la journée de la faint-Barthelemi, les
deux princes fe couvrirent d’un mafque hypocrite
jufqu*au tems'de leur évafion.Le roi de Navarre, las
de vivre dans une efpece de captivité à Senlis, forma
une partie de chaffe qui facilita fon évafion ; il
fe retira à Alençon oit il fit abjuration de la religion
catholique. Deux cens gentilshommes fe rangèrent
autour de lui &c l’accompagnèrent en Guyenne dont
il étoit gouverneur. La nobleffe vint en foule fe ranger
fous fes enfeignes, & la plupart des villes lui
ouvrirent leurs portes. Son parti dominoit alors dans
la France: Condé & le duc d’Alençon à la tête de
trente mille hommes pouvoient y donner la loi,
lorfque la paix fut conclue à Moulins en 1576.
Cette paix fimulée n’avoit d’autre but que de dé-
farmer lès: huguenots pour mieux les accabler; leur
défiance fit leur fureté. Henri ne fe laiffa point féduire
par l’éclat des promeffes de l’artificieufe Médicis ;
mais la puiffance de fon parti replongea la France dans
de nouvelles calamités. La politique fe couvrant du
voile de la religion donne naiffance à la confédération
des grands & des villes ; ce fut l’origine de la fainte
union, ou de la ligue, dont le but étoit d’exterminer
les proteftans, & d’exclure le roi de Navarre du
trône: cette tige foible en fa naiffance pouffa tant de
rameaux , que fon ombre obfcurcit l’autorité royale.
Ce fut pour prévenir de plus grands ravages que les
huguenots demandèrent l’affemblée des états de
Blois ; mais au lieu d’y trouver un remede à leurs
maux, ils reconnurent trop tard qu’ils s*étoient rendus
les complices de leur ruine : le duc de Guife qui
dirigeoit tous les refforts de la ligue, régla auffi toutes
les délibérations des états : les huguenots oppoferent
une contre- ligue, dont le roi de Navarre fut déclaré
le chef, & le prince de Condé fon lieutenant : ce
fut alors qu’il publia un manifefte fier & menaçant,
dont le ftyle militaire déceloit la franchife de fon
cara&ere & l’intrépidité de fon courage ; il leva une
armée pour donner plus de poids à fes menaces.
La méfintelligence qui divifoit les feigneurs de fon
parti, oppofant un obftacle à fes deffeins, la paix
parut néceffaire. Le cinquième édit de pacification
conclu à Bergerac & dreffé à Poitiers , fut vérifié au
parlement en 1577 ; mais les deux partis n’atten-
doient que des circonftances favorables pour en violer
impunément les conditions. La reine-mere, fous prétexte
de mener au roi de Navarre fa femme, qui lui
cioit fort indifférente & dont il n’étoit point aimé ,
fe rendit en Guyenne pour conférer avec lui; mais il
ne fe laiffa point furprendre par fes artifices ; elle ne
fut point rebutée par ce mauvais fuccès : elle indiqua
une autre conférence à Nérac, où elle fe rendit accompagnée
de toutes les beautés de la cour, bien per-
fuadée que c’étoit un écueil où le roi de Navarre feroit
naufrage: quoique fenfible aux charmes de l’amour, il
ne voulut rien conclure fans avoir confulté tout fon
parti, dont les députés s’affemblerent à Montauban.
Sa paffion fut toujours fubordonnée aux intérêts de fa
gloire.
Les proteftans étoient divifés en deux faâions ; le
peuple ardent pour la défenfe de fon culte, n’avoit
de confiance que dans le prince de Condé, véritablement
homme de bien, & le feul des grands qui fut
perfuadé de fa religion; fes moeurs rigides, fon ca-
raftere grave & férieux étoient propres à enimpofer
à une fefte naiffante qui confond les auftérités avec
les vertus. L’autre fadion qu’on nommoit les politiques
, étoit compofée de tous les feigneurs qui fe
fervoient du prétexte de la religion pour élever leur
fortune. Le roi de Navarre qui regardoit d’un oeil
indifferent toutes les queftions agitées, aimoit les proteftans
qui pouvoient le fervir , {ans haïr les catholiques
dont il prévoyoit qu’il auroit un jour befoin.
Au milieu de l’agitation des intrigues, il fp livroit
aux plaifirs de l’amour, & captivé par les charmes
de la belle Foffeufe, il entreprit une nouvelle guerre
que 1 on nomma la guerre des amoureux, parce qu’elle
fut excitée par les intrigues des beautés qui compo-
loienr fa cour ; ce qui donna naiffance à de nouveaux
troubles. Henri fut mal fécondé, parce que
plulieurs provinces, qui croyoient cette guerre in-
jufte, refterent dans la neutralité; il n’eut d’autre
reflource que de faire entrer en France une armée
de Keitres dont le nom infpiroit de la crainte & de
l’horreur à tous les François ; le fouvenir de leurs
brigandagesinfpira desdefirs pacifiques. L’édit accor*
dé aux huguenots fut religieufement obfervé pendant
cinq ans.
Le roi de Navarre offrit au roi cinq cens mille écus
pour faire la guerre à l’Efpagne & une armée de
Reitres & de Suiffes. Cette propofition qui faifoit
connoître fa puiffance, fut rejettée. Le fcandale exci-.
té par la reine Marguerite, les traitemens ignominieux
qu’elle reçut à la cour dû roi fon frere, donnèrent
naifl’ance à de nouvelles tracafferies: le roi
fon époux fut obligé de la reprendre chargée d’opprobres
, pour prévénir une nouvelle rupture. La
mort du duc d’Anjou le fit affeoir fur les dégrés du
trône; alors le parti de la ligue fe réveilla pour l’en
précipiter. Un fanatifme épidémique faifit tous les
efprits ; chaque province eut des chefs qui convoquèrent
des afl'emblées & levèrent dés foldats : l’Efpagne
ouvrit fes tréfors, & le pape prodigua fes bénédictions
à ces dévots infenfés ; leurs émiffaires, de
ces deux cours, réglèrent le deftin de la France’: le
duc de .Nevers , le cardinal de Pellevé , le jéfuite
Mathieu furent les principaux agens dont l’ambi-
tieufe politique des Guifes fe fervit pour l’exécution
de leurs deffeins. Henri III, flottant, eut recours
à la négociation quand il étoit encore affez puiffant
pour punir ; ce fut en temporifant qu’il favorifa les
accroiflemens de la ligue. Le roi de Navarre, après
avoir publié des manifeftes pour établir la juftice de
fa caufe, offrit au duc de Guife de terminer cette
querelle par un combat particulier ; ce défi ne fut
point accepté; le duc protefta qu’il n’avoit rien à
démêler avec le roi de Navarre dont il refpe&oit la
naiffance & le mérite. Les ligueurs trop puiffans pour
ne pas tout fe promettre d’un gouvernement foible
& voluptueux, obtinrent des villes de fureté, & l’on
vit s’élever dans la France une nouvelle puiffance
rivale de l’autorité royale. Les huguenots mécontens,
affocierent à leur reffenîiment les feigneurs qui ne
vouloient point ployer fous la tyrannie des Guifes. Il
fe forma un tiers- parti dont les Montmorenci furent
les chefs ; ils fe joignirent au foi de Navarre dont la
puiffance s’affermit dans plufieurs provinces tandis
qu elle s affoibliflôit dans d’autres : fes ennemis s’au-
toriloient du nom du roi qui le protégeoit en fecret
mais qui etoit trop foible pour ofer manifëfter fon
penchant.
Sixte - Quint occupoit alors le fiege de Rome : ce
pontife altier & fuperbe affe&oit de fouler fous fes
pieds les diadèmes ; & fe croyant le difpenfateur des
feeptres & des couronnes, il lança les foudres de
l’églife fur le roi de Navarre & le prince de Condé
qu il déclara hérétiques, relaps, fauteurs & protecteurs
de Phéréfie, & comme tels, privés de toutes
feigneuries , terres & dignités, incapables de fuccéder
à aucune principauté, nommément à la couronne
de France, délipit leurs fujets du ferment de fidélité
& leur défendoit de leur rendre aucune obéiffance
fous peine d’être enveloppés dans la même excommunication
; cette bulle les qualifioit de génération bâtarde
& abominable de la maifon de Bourbon. Ce
ftyle, qui n avoit rien dapoftolique, révolta tous
les gens fenfés qui n’en trouvèrent le modèle ni dans
les canons ni dans les conciles. Les deux princes
firent afficher un placard dans les places publiques
de Rome, où ils fbutenoient que le pape en avoit