La juftice & l’équité de Louis X IV ne le djftin-
guoient pas moins que fes autres yvertus. Jamais il
ne voulut folliciter pour un de Tes valets-de-chambre
, parce qu’il s’apperçut qu’il' y auroit de l’in juftice
dans cette démarche. 11 s’a flu jet tir lui-même
aux loix en plufieurs. oçcafions, 8c voulut que fes
intérêts fuffent balancéscomme ceux de fes derniers
fujets, bien perfuadé que le légiflateur n’eft jamais
plus refpeâé que lorfqu’il refpefte lui-même la loi.
Le confeil ayant annoncé que les amendes prononcées
pour le roi feroient payées par privilège & préférence
à tous autres créanciers , le roi foupçonna
la juftice de ce réglement: il fit de nouveau examin
e r a queftion dans fon confeil , fe départit de fon
privilège, & dérogeant à la déclaration , il ne voulut
prendre d’hypotheques fur les biens des condamnés
, que du jour de la condamnation, imitant en
cela l’exemple de Trajan, fous lequel la caufe du fifc
étoit toujours défavorable.
La bienfaifance étoit fi naturelle à Louis X IV ,
qu’il chercha un moyen de devenir le centre des
grâces , fanséxpofer l’état ni la juftice, en renvoyant
à Colbert & à Louvois ceux qui lui demandoîent ce
qu’il ne pouvoit accorder. Lorfque ceux q.ue l’un de
ces deux feigneurs avoient rebutés, venoient s’en
plaindre au ro i, il les plaignoit lui-même, & s’en
débarraffoit avec une bonté qui lui failoit attribuer
tous les bienfaits , 8c tous les refus aux miniftres.
Le grand prince de Condé venoit faluer Louis
X IV y après le gain de la bataille de Senef contre le
prince d’0 range. Le foi fe trouva au haut de l’efca-
lier , lorfque le prince qui avoit de la peine à monter,
à caufe de fes gouttes, pria fa majefté de lui
pardonner , s’il la faifoit attendre. Mon coujin , lui
répondit le roi, ne vous preffiz~Pas, on m fauroit
marcher bien vite , quand, on ejl ahjfi chargé de Lauriers
que vous l'êtes. Ce même prince ayant fait faire halte
à fon armée par un excefîive chaleur, pour rendre
au roi les honneurs qui lui étoient dus , Louis X IV
voulut que le prince fe mît à couvert des ardeurs du
foleil dans l’uni que cabanne qui fe trouvoit, en lui
difant, que puisqu'il ne venoit dans le camp quen quel
Lite de volontaire, il n étoitpas jujle quil fût à 1''ombre,
tandis que le général refieroit expofè a toute la chaleur
du jour. Dans une autre occafion , il dit une chofe
non moins obligeante au vieux maréchal Dupleffis,
qui portoit envie à fes enfans qui partoient pour
l’armée. M. le maréchal, on ne travaille que pour approcher
de, la réputation que vous avez acquife : il ejl
agréable de fe repofer après tant de victoires. Relevez-
vous , dit-il au marquis d’Uxelles, qui, ayant été
obligé de rendre Mayence au prince Charles de Lorraine
, étoit venu fe jetter aux pieds du ro i, pour
juftifier fa conduite ; relevez-vous, vous avez défendu
votre place en homme de coeur, & vous avez capitulé en
homme clefprit.
Quelques chofes que l’on ait pu dire contre le
poids des impôts fous lefquels fes fujets gémirent
durant tout Ion régné, on ne fauroit nier que ce
prince n’eût toujours montré un coeur droit & tendre,
& qu’il ne regardât les François comme auffi
dignes dp fon affe&ion , que ce peuple en a toujours
témoigné pour fes rois. Un enchaînement de guerres
, dont prefque toutes étoient néceffaires, 8c qui
contribuèrent au moins toutes à la gloire de l’état,
l’empêcha de faire à fes fujets le bien qu’il eût voulu
leur faire ; mais il gémit fouvent de la néceffité oti
il fe trouva, & quelque tems après la ratification du
traité de RiiVick, on l’entendit proférer ces belles
paroles : il y a dix ans que je me trouvé oblige de charger
mes peuples, mais a l'avenir, je vais me faire un
plaifir extrême de les foulager. Ces mêmes fentimens,
il les renouvella à l’article de la mort, lorfque s’a-
drelfant à fon fucceffeur, encore enfant, il lui dit :
J'ai charge mon peuple au-dela de mon intention ', mais
j'y ai été obligé par les longues guerres que j'ai eu à fou-
tenir. Aimez Paix > & ne vous engagezdans aucune
guerre qu autant que l'intérêt de l'état & le bien des
peuples l'exigeront.
Je fais que .les ennemis, de ce prince & de la
France ont prétendu qu’il y avoit plus d’ambition
que de juftice dans l’acceptation pure 8c fimple du
teftament de Charles II. roi d’Efpagne, & qu’en
s’en tenant au traité de partage fait avec l’Angleterre
8c les Provinces-Unies , Louis X IV eu t pu s’éviter
une guerre qui mit la France à deux doigts de
fa perte. Mais Louis X IV pou voit-il équitablement,
devoit-il même facrifîer les droits de les petits-fils,
droits acquis par lanaiffance & les loix, à des vues
d’état? On avoit dans tous les tems regardé la renonciation
de Marie-Thérefe d’Autriche comme caduque
8c illufoire : on fait d’ailleurs que cette renonciation
ne pouvoit être valide qu’autant que l’Ef-
pagne auroit fatisfait à la dot de cette princeflé,
comme Louis XIVs'en expliqua lui-même aux états-
généraux, dans le tems que le grand penfionnaire
de "Witt lui propofa un traité pour le partage des
Pays-bas Efpagnols. J’ajouterai.encore qu’au milieu
de toutes les difgraces que ce prince eut à elfuyer
durant cette fatale guerre, il fe montra plus grand
qu’il ne le fut jamais dans les plus brillans jours de
fes conquêtes. On le vit même facrifier toutes fes
pallions au repos de fon peuple, en accordant aux
états-généraux tout ce qu’ils demandoîent pour la
fûreté de leur barrière ; mais heureufement pour la
France, leur opiniâtreté les empêcha de profiter de
ces avantages.
Un autre reproçhe que l ’on fait à LouisXIV, c’eft
de s’être laiffé trop éblouir par l’orgueil & l’amour-
propre ; mais eft-il furprenant que la vanité fe foit
quelquefois gliffée dans un coeur oîi tout fembloit
f àutorifer ? D ’ailleurs, que ne fit - on point pour
nourrir ce défaut dans ce monarque? quels piégés
ne lui tendit point la flatterie dés courtifans ?
On fait, & le duc d’Antin en eft convenu lui-
même, que lorfqu’il s’agiffoit de dreffer une ftatue ,
il faifoit mettre quelquefois ce qu’on nomme des
calles entre les ftatues & les focles , afin que le roi
en s’allant promener eût le mérite de s’être apperçu
que les ftatues n’étoiènt pas droites. Une autre fois
il fit abattre une allée de grands arbres qui, félon le
ro i, faifoit un mauvais effet. Ce prince furpris à fon-
réveil de ne plus voir cette allée, demanda ce qu’elle
étoit devenue,Jire , répondit le duc d’Antin, elle n a
plus ofé reparoître devant vous',puifqu elle vous a déplu.
On feroit infini, fi l’on vouloit rapporter tous les
traits que la flatterie inventa pour féduire le coeur
de ce prince. Il y avoit deyant le château de Fontainebleau
un bois qui mafquoit un peu la vue du ro i,
le même duc d’Antin fit feier tous les arbres près de
la racine ; on attacha des cordes au pied de chaque
arbre, & plus de douze cens hommes fe tinrent prêts
au moindre fignal : lé roi s’étant allé promener de
ce côté-là, témoigna combien ce morceau de forêt
lui déplaifoit ; le duc .d’Antin lui fit entendre qu’il
feroit abattu dès que fa majefté l’auroit ordonné, 8c
fur l’ordre qu’il en reçut du ro i, il donna un coup
de fifflet, 8c l’on vit tomber la forêt. La ducheffe de
Bourgogne qui étoit préfente, fentit toute la portée
de la flatterie. Ah ! bon D ieu, s’écria-t-elle, toute fur*
prife j f i le roi avoit demandé nos têtes, M. d'Antin les
feroit tomber de même. On ne fauroit nier cependant
que Louis X IV n’ait donné de grandes marques de
modeftie dans les occafions les plus délicates. Il fit
ôter lui-même de la galerie de Verfailles les inferip-
tions pleines. d’enflures , defafte, qu’on avoit placées
à tous les cartouches des tableaux : il fuppri-
ma toutes les épithetes, 8c ne laiffa fubfifter que lés
faits- D ’ailleurs , fon amour-rpropre n’étoit que cet
amour de la gloire qui fait les grands hgmmes, 8c
qui eft, fans qu’on s’en apperçoive, la fource de
bien des vertus.
. Quelque malignes que foient les intentions de
la jalotifie, elle n’a jamais pu difputer à ce prince fes
grandes qualités pour l’art militaire, ainfi que fon'
courage 8c fa bravoure au-deffus de toute expref-
fion. Les étrangers même rendirent à la valeur du
roi des témoignages qui ne font pas fufpe&s. Au
fiege de Maeftricht, oii Louis fe trouvoit en per-
fonne, & fit des prodiges de valeur, le brave Far-
jaux défendoitla ville pour les Hollandois: comme
on reprochoit à cet officier qu’il s’étoit trop expofé,
eh! le moyen de ménager ma vie, répondit-il, en
voyant un grand roi prendre f i peu de foin de la fienne.
Dans la campagne de Flandres en 1667, un jour
que ce prince étoit dans les tranchées, 8c dans un
endroit oh le feu étoit fort vif, un page de la grande
écurie fut tué derrière lui ; un foldat qui voyoit le
roi ainfi expofé, le prit rudement par le bras , en
lui difant : ôtez-vous, ejl-ce là votre place. Ce fut dur
rant la même campagne que le duc de Charoft,
capitaine de fes gardes, lui ôta fon chapeau garni de
plumes blanches, 8c lui donna le fien, afin de l’empêcher
d’être remarqué.
Nous finirons cet abrégé par dire qu’un des talens
qu’on a admiré dans Louis X I V , eft celui de tenir
une cour. Il rendit la fienne la plus magnifique &
la plus galante de l’Europe. Ses goûts fervoient en
toutes chofes de lo i, 8c une preuve bien convainc
quante de la déférence qu’on avoit pour fes fentimens
, fut le changement fubit qu’un feul mot de fa
bouche opéra dans la coëffure des femmes.' Les
modes étoient montées, comme elles le font de nos
jours, à un point extravagant. Louis X IV agit très-
prudemment en s’occupant des moyens de les réformer.
Le luxe 8c la difïïpation font dans un état
des maladies d’autant plus dangereufes, qu’elles le
cônduifent imperceptiblement au bord de l’abyme.
Un gouvernement attentif & éclairé peut garantir
quelque tems une nation de ces malheureufes influences
; mais le remede le plus efficace eft l’exem-:
pie de ceux qui nous gouvernent. ( M. G. )
L o u is , ( Hifi* de Pologne* ) toi de Pologne 8c de
Hongrie. Il étoit déjà fur le trône de Hongrie, lorf-
qu’après la mort de Cafimir III, il fut appelle à celui
de Pologne l’an 1370. La Pologne étoit en proie aux
brigandages des Lithuaniens ; il ne lui manquoit plus
pour comble de malheurs que d’être gouvernée par
Louis. Ce fantôme de roi difparut tout-à-coup , emportant
avec lui toutes les marques de la royauté,
le feeptre, la couronne, le glpbe d’or 8c l’épée. Il
laiffoit dans fes nouveaux états Elifabeth fa mere ,
affez fage pour les gouverner, mais trop foible pour
les défendre. Les défaftres de la Pologne ne firent
que s’accroître jufqu’à la mort de Louis,arrivée l’an
1382. Il avoit défigné pour fon fucceffeur Sigif-
mond, marquis de Brandebourg, fon gendre. ( M. DE SACY.j
Lou is ( P ordre de faint') , ordre militaire créé
en avril 1693 par Louis X IV , pour récompenfer les
officiers de fes troupes qui ont donné des preuves de
leur valeur.
Pour y être admis, il faut avoir fervi au moins
dix ans en qualité d’officier , & faire profeffion de
la religion catholique, apoftolique & romaine.
Le tems du fervice n’eft pas toujours limité ; quelquefois
le roi accorde la croix à un jeune officier
q u i, dans un fiege ou bataille, fe fera diftingué par
une aôion d’éclat.
L’ordre a 300000 liv. de tente annuelle, qui font
diftribuéesen penflons de 6oço liy, à chacun des
Tome 2//, '
grand’eroix, & (le 300Q liv. à chacun des commandeurs,
& enfiiite des penfions depuis 200 jufqu’à,
8o,odiv. à un grand nombre de Amples chevaliers ôc
aux officiers de l’ordre, ou par rang d’ancienneté,
ou a tjtre de mérité, 8c fous le bon plaifir de fa
majefte,
Les^fonds font affignes fur l’excédent du revenu
de l’hôtel royal des invalides.
Lesgrand’croix ont le grand ruban rouge , & la
croix en broderie d’or fur le jufte-au-corps & fur
leurs manteaux.
Les commandeurs ont le grand ruban rouge qu’ils
portent en écharpe comme les grand’eroix jamais ils
n’ont point de çroix en broderie.
Les chevaliers portent la croix attachée à un petit
ruban rouge à la boutonnière de leur habit.
La marque de l’ordre eft une croix émaillée de
blanc , bordée d’o r , auglée de quatre fleurs-de-lis
de même, chargées au centre de l’image de faint
Louis, çuiraffe d’or & couvert de fon manteau royal,
tenant de fa main droite une couronne de laurier, 8c
de la gauche une couronne d’épine & les clous de
la paflion, en champ de gueules. L’image du faint
eft environnée d’un petit cercle d’azur fur lequel
font ces mots : Ludovicus magnus infiituit i& gj. Aù
revers eft un médaillon de gueules à une épée flamboyante,
la pointe paffée dans une couronne de
laurier liée de l’écharpe blanche ; fur un petit cercle
d’azur qui l’environne, eft la devife en lettres d’or;
Bellicce virtutis proemtum.
Suivant l’édit du mois de mars 1694, il eft ftatué
que : « Tous ceux qui font admis dans cet ordre ,
» pourront faire peindre ou graver dans leurs ar-
» moiriés ces ornemens ; favoir, les grand’eroix ,
» l’écuffon accolé fur une croix d’or à huit pointes
» boutonnées par les bouts , & un ruban large cou-
» leur de feu autour dudit écuffon , avec çes mots :
» Bellicce virtutisprcèmium, écrits fur le ruban auquel
» fera attachée la croix dudit ordre. Les comman-
» dgurs de même , à la réferve de la croix fous
» l’écuffon : 8c quant aux Amples chevaliers, il leur
» eft permis de faire peindre ou graver au bas de
» leur écuffon, une croix dudit ordre, attachée d’un
» petit ruban noue, auffi de couleur rouge ».
Le roi eft grand-maître de l’ordre.
Les maréchaux de France & l’amiral font cheva-
liers-nés de cet ordre.
Il y a cette année 1772 ,
28 grand’eroix, dont 4 font du fervice de mer.
63 commandeurs, dont 12 du fervice de mer.
Et un grand nombre de Amples chevaliers.
Officiers grandi croix.
Ün chançefier-garde-des-fceaux.
Un Prévôt-maître des cérémonies.
Un fecrétaire-greffier.
Autres officiers.
Un intendant.
Trois tréforiers.
Trois contrôleurs.
Un garde des archives.
Deux hérauts.
Un fcelleur.
Un avertiffeur.
Planche X X I I I , fig. 6. du Blofon, dans le Dicl.
raif. des Science , 8cç.(G. D . L. T . )
LOUP, ( Afironàm, ) conftellation méridionale ,
fituée au midi du feorpion : elle eft appellée en latin
lupus martius, lupa , fera , yiclima vel befiia centauri
hojliola, canis ululans, ko marinus, léopards, pan-
théra , equus mafculus ; chez les Arabes afida, qui
11 i i i i j