
les pyramides. Les uns veulent qu'elles aient été'
confàcrées aux dieux. D’antres fo ti tiennent qu’elles
ont été bâties par les confeils de'Jofeph , fils du
patriarche Jacob , pour y ferrer du froment 5 &
Pierius Valerianus dit que ceux du pays les
nomment encore les greniers de Pharaon. Il y
en a même une qui a été nommée Haram Jufèf ,
& c’eft la même qu’on nomme aujourd’hui Haram.
lia'dm , du nom du village dont elle eft proche ,
éloigné de deux journées de chemin du Caire j
mais ces opinions manquent abfolumentde fonde*
ment , & il n’eft pas vraifemblable que pour con-
ferver du bled , on ait eu recours à tant de pierres ;
que , pour tirer de la néceflîté un nombre incroyable
d’ouvriers , on fe foit avifé de les charger
d’un travail plus infupportablë que la misère j
& de la manière que ees pyramides font bâties , il
n’eft pas poffible qu’on en ait voulu faire de fim-
pîes greniers. Elles furent élevées , félon DirJore,
pour-la fépuîture des rois d’Egypte, & félon Pline 3
ou pour empêcher que le peuple ne fut çifif &
dans le cas de fe révolter, ou par Vanité pour
faire montre de leur p ni (Tance & de leur opulence :
Regum pecuniâ otiofi ac (tulta ojientatio. Ariftote a
cru que les rois n’ ont été portés, à cette dépenfe
prodigieufe que pour affermir leur tyrannie , en
rendant pauvres tous leurs fujets , qui ', étant
épuifés d’argent & accablés d’un travail continuel
, étoient hors d’état de fe révolter. C ’eft une
politique très-mal entendue, mais qui eft encore
aujourd’hui pratiquée dans le même pays par la
voie des impofitions ».
» Un édifice aufli extraordinaire que la pyramide
dont nous venons de parler , conftruit moins pour
aucune utilité réelle que pour être un objet d’admiration
à la poftérité ,. & pour éternifer dans la
mémoire des générations les noms de ceux qui en
ont été les auteurs , a dû nécefiairement recevoir
fur quelqu’ une dé Tes dimenfions l’une des mefures
géodéfiques de l’Egypte ,. une ou plusieurs fois répétées.
Cette particularité que j’avois, foupçonné
devoir caradiérifer la pyramide 3 a été pour moi
un motif de curiofité 5 j’ ai defiré-fa voir quelle
pourroit être cette mefure j elle étoit facile a ap-
percevoir, on er. pourra juger».
» Chamelles , de l’acàdémie des fciences s’étant
tranfpoxté en Egypte , examina & 'mefura
cette pyramide. Sa bafe eft un quarré parfait ; fes
faces font égales & fembiables , étant chacune un
triangle équilatéral j elles regardent les quatre-
points cardinaux du monde > la plate-forme eft
aüîlî un quarré parfait, dont chaque côté eft de
16 -f pieds de roi, Quant au coté de la bafe , il
s’ eft trouvé de 690 pieds > mais l’opération ayant,
été faite fur un terrein inégal, qui s’élevoit vers
le milieu par une hauteur qui eft de 55 f pieds de*
roi (38 pieds anglois, fèlon G réave s. ) -, iFfaut,
de l’aveu même de Çhazelles, y faire une réducl
tion, ^laquelle, en fuppofant que la hauteur dii<
terrein formoit un feul angle vis-à-vis le milieu de
la bafe dé la pyramide, feroit de 3 * pieds ; en
forte^qu’il refteroit <?86 f pieds , pour la longueur
du côté de la pyramide. Cette mefure a été prife
également par d’autres voyageurs 5 elle fut trouvée
de 682 pieds de roi par Monconis.en 1647, & en-
fuite par Fulgence de Tours., capucin , mathématicien
, puis vérifiée par.Thévenot, dont l’exact
titude eft reconnue par les favans. Si l’ on prend un
moyen proportionnel entre la mefure de Chazeëes
& celle de Monconis), Ton aura 684» pieds de roi
pour la longueur du côté de la bafe de la pyramides.
- * La pyramide ayant pour faces quatre triangles
équiangles , l’angle au^ Commet (' En fuppofant la
pyramide non tronquée. ) , formé parafes pians
de deux faces oppofees , eft de 70°. 52'. & chaque
angle fur fa bafe de 540. 44L Taxe entier devoit
être de 483. 8 pieds de r c i , & Ton axe tronqué
ou k £ hauteur perpendiculaire de la pyramide *
dans Tétât ou elle exifte , eft dé 472 pieds ».
» Strabon , qui alla en Egypte avec Elius Gallus-
vers l’époque de l’ère vuigai'rë , dit ( L, XVII. p„
555- édit, c^e Cafaubôn.) qu’à 40 ftade s de Memphis
, eft un terrein é l e v é o u fiant phifieurs pyramides
qui fèrvoient pour h fépuîture des rois. Des-
trois plus remarqua blés,deux ont été mifes au nombre
des fept merveilles,du monde j elles font de
la hauteur chacune d’un ftade, ont leur bafe quart
e , &: leur jhatiteur furpafîe un peu la longueur
de chaque côté: im. y»? W ii-fis 3 Ttrpày
MOI Ta xwert, Tvs.KXtçpjés ix*p,& pctxpS r i
uÿos ixovo-ui. Je déférerois avec docilité à Taffer-
tion de Strabon, qui dit que la hauteur des pyra-,.
mïdes eft plus grande que le côté de la bafe , fi le
contraire n’étoit prouve. Il faut donc renverfer fa
phrafe, & en appellant avec lui ces pyramides
çc/.haiat3 dire que le côté de leur bafe étoit d’ un
ftade-, & qu6.ee côté étoit plus .grand que la hauteur
, foit perpendiculaire , foit oblique», de la
pyramidê. Car fi Strabon a 'écrit ces mefurages te
n’eft pas qifil les ait fait lui-même j omles^lui
donna-dans le pays, St apparemment qu’il confondit,'
ces deux dimenfions , en prenant Tune
pour l’autre ».
» Pomponius Mêla- ( De fieu orbîs , lib-. I. 9.)
parlant des pyramides ‘ d’Egypte , dit qu’elles
étoient conftruites de pierres de trente pieds de
longueur > que la plus grande. ( Car il obferve
qu’il y en a trois.) occupe par fa bafe un terrein
de quatre plethres de longueur , & qu’elle a autant
de hauteur : Pyramides tricenûmpedum lapidibus
extru'âa , quarum maxima ( très namque futit ): quatuor
fir eß / i jugera fia fede occupât ; totidem in alti-
tudinem erigitur. Je ne m’arrêterai point à di feu ter
fi par le mot figera 3 Mêla prétend ici parler d’une
mefure de fuperfîcie, ou d’une mefure de longueur
; il feroit ridicule d’appliquer une mefure
de fuperficie au mefurage de hauteur , comme de
feroit ici cet écrivain. Quant à la qualité de la-
mefure défignée fous Texprefiion ju g e r a on peut
affurer que c’eft le plethre linéaire compofe de
cent pieds ou de cent coudées > car il feroit facile
de produire un grand nombre d’exemples qui
prouvent qu’on a rendu fouvent le mot coudée
par celui de pied , & au contraire. Mêla n’eft
point le feul qui ait rendu le mot plethre par celui
de jugere ; Lucrèce , Virgile, Tibulle > Ovide ,
Pline , Hygin , îsloël Comti ( Natalis Cornes ) , &
après eux Valla, traduéleur d’Hérodote , & nombre
d’ autres écrivains l’ ont fait également. En
voici un exemple remarquable qui tiendra lieu de
pluffêurs autres. Homère , dans TOdyffée ( XI. ) ,
dit : « J’ai vu Tityus, fils de- la Terre , étendu
» de fon long, & occupant un efpaçe de neuf
» plethres »..
Lucrèce ( Lib. I I I .) a dit à fa manière :
Qui non fila novem difpenfis jugera membris
Obtineat.
Virgile ( Æneid. FT. ) :
. . . . . . . Per tota novem eut jugera corpus
Porrigitur.
Tibulle (Lib. I. eleg. 3. ) :
Porrectufque novem Tityus per jugera terri..
Ovide ( IV . Metam.
Vifcera pr&bebat Tityus lunianda , novemque
Jugeribus difiraffus erht.
Hygin ( Fab. $ y. ) i Qui novem jugeribus ad inferos
experreâtus jacere dicitur. Enfin, cette étendue de
neuf pic-thres , qui, dans le fens d’Homère , vau-
droit cent vingt-huit de nos toifes , eft fouvent
traduite en françois par l ’exprefïion de neuf arpens.
Je conclus donc que Mêla , par- quatre jugères , a
entendu quatre plethres , mais qu’il les a compofés
lui-même de quatre cent coudées ,$ u i durent* être
dans l’original grec qu’il a copié j & ces quatre
cents coudées étoient la valeur du ftade de Marin
de T y r , de Ptolémée & de Héron ».
» Pline ( Lib. X X X V I . cap. 12. ) entre dans un
grand détail fur les pyramides. Voici ce que j’ y
trouve d’intérefTant pour la matière que je traite :
Amplijfima ( pyramidum) ocèo Jugera obtinet fo li,
■ quatuor angulorum paribus intervallis \ per octo-
gzntos octogirua très pedes fingulorum laterum ■ alti-
tudo , a'cacumine pedes X X V . Alterius intcrvalla
Jingula per quatuor angulos pares DCC. X X X V IJ
■ compréhendunt. Tertià minor pr&dictis , feâ multo
fpeclatior , ithiopicis lapidibus vifirgit CCC. LX III
pedibus inter angulos. Je préviens d’abord que je. ne
ferai pas dans ce moment ufage dé ces mots osto
jugera ; c’eft une traduction d’Hérodote que je
réferve pour une autre occafion. J’obferve enfuite
que Pline attribue aux deux plus grandes pyra-
* mides des hauteurs fojrt différentes , quoique Nor-
den, qui les a.vues & mefurées , les ait trouvées
de meme hauteur, Sc également de cent pieds
danois , mefure qui pourtant me paroît trop
grande, à moins "qu’il n’entende par leur hauteur
perpendiculaire Taxe entier jufqu’ à la pointe du
fommet qui n’exrfte plus. Dans ce cas fa mefure
feroit très-jufté $ car yfià pieds'danois font quatre
cents quatre-vingt-trois pieds de France , & nous
avons vu par les mefures de Chazelles quelles
avoient précifément cette hauteur, lors de leur
conftruéhon. J’obferve en troifième lieu que Pline
donne à deux pyramides des mefures qui appartiennent,
à la mememai s au lieu de octogentos
octoginta très y paffage corrompu, il faut lire non-
gentos viginti très , & entendre par le mot pedes
dés fpithames. Et dès-lbrs tout eft clair & exaéî: j
la hauteur oblique , o u , comme difent les géomètres
, l’apothême de la pyramide tronquée ÇSin-
gulorum laterum altitude. ) étoit de 923 lpithames,
fa hauteur perpendiculaire de 737 fpithames j &
chaque côté de la plate-forme en-naut étoit de
2y fpithames , d’où Ton déduit par le calcul que
le côté de la bafe de la pyramide étoit de 1.067 f ’
fpithames, & Taxe entier de 7 x 4 1. Or, fuivant les
rapports donnés par Héron , le ftade contenoit
1066 j fpithames j donc le côté de la bafe étoit
d’un ftade ; Taxe entier devoit être ftri&ement
de 7J4 ~ fpithames ». Voye^ Spithame , St a d e .
Tout ce que Ton a écrit jufqu’à ce jour fur la
deftination des. pyramides paroïtra conjeélural,
lorfque M. Dupuis ,• auteur des explications âftro-
nomiques des fables , aura publié'dans fon grand
ouvrage Iâ deftination de ces vaftes monumens,
qu’il a retrouvée malgré le fecret inviolable des
prêtres égyptiens , & l’ignorance des grecs .& des
romains fur cet objet. Avant cette époque, je ne
puis & ne dois , fans trahir la confiance d’un ami,
faire connokre que les principaux trait3 de cette
ingénieufe découverte.
M. Dupuis a remarqué que la grande pyramide ,
par la proportion de fes cotés., de fa hauteur perpendiculaire
& de fes angles-, eft une pyramide
inferite dans la demi-fphère , ou qu’elle eft la
moitié d’ un oétaëdre inferit dans la fphère. D’ après
cela, l’ombre du fommet fur la latitude de
Memphis (30°. latitude feptentrionalè; ) , depuis
l’équinoxe du. printemps'jufqu’à celui ci’aütomne ,
devoit tomber le long des côtés inclinés & en-
dedans dé la bafe de la pyramide. Le tefte de
Tannée, l’ombre du fommet fortoit de la pyramide.
Aûfone en ayoit fait la remarque :
. . . . Ipfi fia s confimit pyramis umbras.
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