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avoit rapporté l'aufpice à faux. Dès que le conful
fçut cette nouvelle , il cria ; « Les dieux; font ici
» préfens , le criminel eft puni j ils ont déchargé
» toute leur colère fur celui qui ia méritoit , -nous
» n'avons plus que des fujets d'efpérances ».
Aufli-tôt il fit donner le lignai , & il remporta une
victoire entière fur les faranites. Il y a bien apparence
3 dit Fontenelle , que les dieux eurent
moins de part que Papirius a la mort de ce garde
de poulets , & que le général en voulut tireç un
fujet de raflurer les foldats , que le faux aufpice
pouvoit avoir ébranlés.
POUPE. La poupe des navires anciens étoit décorée
des ftatues des dieux. C’èft pourquoi cette
partie du vaiiTeau étoit regardée comme un lieu
lacré & inviolable , où les fupplians fe retiroient
pour obtenir grâce. C'étoit aufli une efpèce de
temple que l'on ornoit de couronnes , de bandelettes
3 en l'honneur des dieux.
POUPEE. Ce jouet des enfans étoit fort connu
des romains 3 leurs poupées étoient faites d'ivoire ,
de plâtre ou de cire 3 d'où vient le nom pligun-
cula que leur doiine Cicéron dans fes lettres à
Atticus. Les jeunes filles nubiles 3 dit Perfe 3 al-
loient porter aux autels de Vénus les poupées qui
leur avoient fervî d'amufement dans le bas âge :
V'eneri don a te. a -virgine pupa*
Peut-être vouloient-elles obtenir par cette offrande
à la déeffe* des amours 3 de jolis enfans 3
dont ces poupées étoient l'image 3 ou plutôt encore
cette confécration de leurs poupées indiquoit
qu'elles quittoient ces marques de l'enfance , pour
fe dévouer aux occupations férieufes du ménage.
C ’eft ainfi que les garçons 3 lorfqu'ils entroient
dans les fondrions publiques de la fociété dé-
pofoient la robe de l'enfance 3 8c prenoîent celle
de l'adolefcence. Aufli les romains donnoientlenom
de pupa ou pupula aux jeunes filles , comme nous
l'apprend Martial dans ce vers fatyrique :
Pupam fe dicit G ailla y cùm fit anus*
De plus , ils enfevelilfoient leurs enfans
morts avec leurs poupées & leurs grelots. Les
chrétiens les imitèrent j 8c de-là vient qu'on a .
trouvé dans les tombeaux des martyrs * près de j
Rome 3 de ces fortes de petites figures de bois &
d'ivoire , parmi des reliques 8c des ©ffemens d'en-
fans baptifés.
POURPRE. Pour entendre lès auteurs anciens
qui ont parlé de k teinture pourpre y il faut dif- j
tmguer la pourpre marine.ou animalede la pour- ,
pre végétale. La première étoit faîte avec un cor i
quillage , c'étoit la plus chère , & elle étoit d'un ;
rouge-violet. La pourpre végétale .étoit rouge ou ;
écarlate 3 elle étoit précieufemais moins chère ]
que l'autre. On la fadoit, non avec la cochenille
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I que Jes anciens n'ont pas connue, maïs avec le
J coccûs ou kermès des chênes-verts ou yeufes. Les
I romains la tiroient du Languedoc, de l'Efpagne ,
de la Galatie., de l'Arménie, de la Cilicie 8c dg
l'Afrique. Il en eft rarement fait mention dans les
écrivains grecs & latins.
On la tiroit de deux petits coquillages de mer,
nommés le murex 8c le purpura ; tous les deux font
univalves, allongés en voûte, terminés en pointe
& hériffés de piquans. Ils contiennent un petit
animal, dont le fuc fervoît à la teinture pourpre.
La pêche de ces deux coquillages fe faifoit fur les
côtes de la Phénicie , d'Afrique ,, de Grèce
autour de quelques îles de la Méditerranée.
Les grecs nommoient- «Axpyûhs les habits teints
dans cette pourpre marine, & cette couleur étoit
affeétée particulièrement aux vêtemens. du roi. de
Perfe > les autres grands feigneurs de Pétat por-
toient à la vérité des robes pourpres , mais d*une
teinture différente.
Les tyriens excelloient dans Part de teindre la
pourpre , foit par quelques fecrets particuliers ,
foît qu'ils donnaffent à leur pourpre plus de teint
qu'aux pourpres ordinaires 3 de-là vient qu'on lit.
dans les poètes :
Tyrîaqut ardebat^murice l'ana.
Horace appelle la pourpre par excellence lana
tyria ,* Virgile , farranum ofreum ,* Juvénal , far-
rana purpura , de l'ancien nom de Tyr , Sarra,
La beauté & k rareté de cette couleur Pa-
voient rendue propre aux roîs de l'Afie , aux empereurs
romains. & .aux .premîers rnagiftrats de
; Rome. Les dames même n'ofoîent l'employer dans
leurs habits î elle étoit réfervée pour les prétextes
de k première magiftrature. De-là viennent ces
expreflions vejlis purpurea, pour fignifier une robe
éclatante , & au figuré un fénateur y un conful.
Il y avoit des pêcheurs pour le coquillage. appelle
pourpre , qu'on nommoit purpurarii pifcato-
res 3 des teinturiers en pourpre, tïnSores purpurarii,
des raagafins de pourpre , ojftcina purpuraria
Alexandre s'étant rendu maître de Suze, trouva
d'ans le château cinquante millions d'argent mon-
rtoyé '5 outre une fi grande quantité de meubles 8c
d'autres rîcheffes, qu'on nepouvoitlesnombrer,
dit Plutarque. Entr'autres effets des plus précieux
©n y trouva cinq mille quintaux de k plus riche
pourpre d'Hermion, qu’on y avoit raffemblée pendant
plus d'un fiècle,. & qui confervoit encore
tout fon luftre. On concevra quelle richeffe im-
menfe c'étoit, quand on fàura que cette pourpre fe
vendoit jufqu'à cent écus la livre 3 ce qui; feroît
fur ce pied cent cinquante millions de notre mon-
noie. Ainfi les tréfors immenfes que plufieurs rois
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avoient formés pendant des fiècies, pafsèrent dans
une heure de temps entre les mains d'un fgul
prince étranger.
On avoit extrêmement perfectionné chez les
anciens les teintures en pourpre. On en faifoit di-
verfes nuances, depuis le violet mêlé de rouge
jufqu'au rouge-clair le plus brillant. Les romains
vouloient que 1a pourpre frappât doucement &
agréablement la vue , d’une manière moins vive
que ne fait le rubis, 8c c'eflt aufli le goût moderne
pour l'écarlate.
La pourpre 8c le murex fervent encore aujourd’hui
en Sicile à la teinture 5 on tire aufli cette couleur
du buccin.
Cette couleur fut Goiinue de tout temps à Rome
, fi nous en croyons Pline, 8c elle étoit la
.marque diftinétive des magiftrats romains ( Voycç
Pr é t ex te , T oge.ù. Sous k république, l’ufage
en devint affez général 3 mais les empereurs ref-
treignirent le droit de la porter, fiir-tout celle de
T y r , qui paffoit pour la plus belle. Aurélien rendit
la liberté de s'habiller de pourpre^.8c fous le
Bas-Empire , à commencer par Gallien , cette
couleur devint tellement propre aux erhpereurs 3
que la pourpre 8c l'empire étoient un même mot,
8c que fumere purpuram n'étoit autre chofe que
monter fur le trône impérial. Depuis ce temps ,
ce fut un crime de lèze^majefté de porter, de
vendre de la pourpre à d'autres qu'au prince, pour
fon ufage 3c celui de fa maifon. Aufli Ammien rapporte
t-il le fupplice de quelques ouyriers en
pourpre, qui en avoient teint pour d’autres que
pour l’empereur.
« Les empereurs de Conftantinople, dit M.
Paw, après avoir défendu â leurs fujets de porter
des habits de pourpre, crurent que cette loi étoit
d’une telle conféquence., qu'il falloit mettre chacun
dans l'impoflibilité de la tranfgrefler. Là-
deflus ils défendirent encore de teindre dans toute
l'étendue de l'empire , des étoffes de- cette couleur
3 de forte que , pour s’en procurer, il ne ref-
toitplus d’autre moyen que de, les teindre dans le
palais même. On établit donc dans le palais des
teinturiers & des faifeurs d'encre pour la fignature
des diplômes , des patentés & des refcripts 3 car
cette encre étoit aufli de couleur pourpre, & nous
avons encore la loi par laquelle il eft interdit à tout
particulier de la faire & de s'én fèrvir »j.
»Enfin , 1 inquiétude ôc la foiblefle de ces princes
augmentant à mefure que leur tyrannie aug-
mentoit ^ ils s’imaginèrent qu'il falloit pour leur
•propre fûreté faire fabriquer aufli tous les orne-
mens impériaux dans le palais de Gonftantinople 3
& comme ces ornémens1 étoient dé la compétence
d une infinité d’ouvriers , on établit à la cour , ou-
tre lesteinturiers, des orfèvres, des diamantaires,
des tmerands , des cordonniers, des brodeurs, des
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faifeurs de baudriers, des feliiers, des maréchaux,
3c une forte d'hommes qui fe faifoient paffer pour
des graveurs en pierres fines ».
» Voici les expreflions originales de k loi dé
l'empereur Juftin :
« Tout ce qui concerne , dit-il, lés marques de
» l'autorité fouveraine né doit pas être indiftinc-
» tement travaillé dans les boutiques & les maifons
»i des particuliers. Mais il faut que les.ouvriers du
» palais le fabriquent dans l’enceinte même de ma
» cour.
Ornamenta enim regia intra aulam -meam fieri ù
palatinis artificibus debent ; non pajjim in priyatis
domibus aut officinis parari ( Liv. XL tit. Ç). Nulli
prorfus liceat. Je prie le leéteur dè voir aufli les
loixqui fe troüvent dans le titre de Murilegulis &
dans cetui de Vzftibus holoberis. ) ».
» Le foupçon qu'eut ce prince fur la manière
dont on pourroit éluder1 fa lo i , eft aufli remarquable
que fa loi même. Les particuliers, dit-il,
qui feront faire des omemens impériaux fous prétexte
de venir enfuite me les offrir en préfens,
feront punis de mort 5 c'eft bien cette claufe-li
qu'il falloit ajouter, fans quoi il n’y eut jamais eu
perfonne de coupable »3.
» On voit par tout cela comment, dans ces horribles
inftitutions du defpotifme , le prince extrêmement
défiant tâche de faire un grand vuide autour
de,lui., en rendant fa cour indépendante de l'état 3
il ne veut avoir befoin de perfonne, & compte1 fur
fes efclaves dome’ftiquës^, qui ne fauroient avoir
de l'émulation, & dont- l'induftrie eft par confé-
quent fort bornée. Je ne dis point qu'on vit tous
les arts empirer à Conftantiiiople par le feul effet
de cés loix odieufes & tyranniques 3 mais on ne
fauroit douter que ces loix n'aient extrêmement
contribué à la perte totale -dès arts. A ufli, vers
ces temps dont je parle , les chofes étoient-elles
parvenues^ à un tel excès, qu'il n'exiftoit plus dans
tout l'empire un fëül graveur 3 comme cela eft at-
tëftë par lès monnoies qui nè font qu'égratignées
& le cara&ère de- là plus profonde barbarie s'y fait
fentir. Le prétendu légiflateur Juftinien ne favoit
pas écrire fon nom ; mais ceux qui ont gravé fes
médailles n'étoient guères plus habiles que lui. Il
eft furprenant qu’on accule encore les goths d'avoir
les premiers perdu le gôut de 1a belle archi-
teéture 3 püifquë les dëux Ifidores & Arthémius ,
ui travaillèrent fous ce prince à la reconftru&ion
e Sainte - Sophie , n'étoient fûrement pas des
goths 3 8c cependant on fait de quelle manière iU
ont vièlé les premières règles de l’art ».
» Quant aux loix dont nous venons de faire
mention, on en découvre le motif dans le pou^
voir arbitraire, dans le défordre dn goùvernetneot,
M ij