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min, comprend le droit appellé iter 8c celui appelle
acius ».
V oie rom a in e , viaromana , route, chemin
des romains, qui conduifoit de Rome par toute
Tltalie 8c ailleurs. Au défaut des connoiflances
que nous ne pouvons plus avoir dans-les Gaules »
recueillons ce que l’ hiftoire nous apprend de ces
fortes d’ouvrages élevés par les rqmains dans
tout l’Empire , parce que c’eft en ce genre de
monuments publics qu’ils ont de bien loin furpalfe
tous les peuples du monde.
Les voies romaines étoient toutes pavées,
c’eft-à-dire, revêtues de pierres & de cailloux
maçonnés* avec du fable. Les loix des XII
Tables commirent cette intendance au foin des
cenfeurs ) cenfores urbis vias, aquas fararium , vecii-
galia 3 tueantur. ' C ’étoit en qualité de cenfeur ,
qu’Appius 3 -furnommé 1*aveugle , fit faire ce grand
chemin depuis Rome jufau’à Capoue, qui fut
nomme en fon honneur la voie Appienne. Des
confuls ne dédaignèrent' pas cette’ fonction $. la
voie Flaminienne 8c l ’Emilienne en font des j
preuves.
Cette intendance eut les mêmes accroifîemens
que la république. Plus la domination romaine
s'étendit, moins il fut poffibie aux magiftrats
du nrcmicr rang de fuffire à des foins qui fe
multiplioient de jour en jour. On y pourvut en
partageant l’infpe&icn. Celle des rues de la
capitale fut affectée d'abord, aux édiles , 8c puis
à quatre officiers , nommés viocuri ; nous dirions
en françois voyers. Leur département étoit renfermé
dans l’enceinte de Rome. Il y avoir d’autres
officiers publics pour la campagne, curatores via-
runï. On ne les^établiffoit d’abord que dans l’occa-
fion , & lorfque le b'efoin de quelque voie à conf-
truire ou à réparer le demandoit. Ils aftermoient
les péages ordonnés pour l’entretien des routes
& des ponts. ‘Us faifoient payer les adjudicataires
de ces péages, régleient les réparations , adju-
geoient au rabais les ouvrages nécefTaires, avoient-
foin que les entrepreneurs' exécutaient leurs
traités, 8c rendoient compte.au tréfor public
des recettes 8c des dépenfes. 11 eft foüvent parlé
de ces eommi flaires & de ces entrepreneurs,
mancipes, dans les inferiptions , où ils font nommés
avec honneur.
Le nombre des commififaires n’ eft pas -aifé à
déterminer. Les marbres nous apprennent que
les principales voies avoient des commiffaires particuliers
, & que quelquefois auffi un feul avoit
pour département trois ou quatre grandes voies.
On peut juger du relief que donnoit cette
«oinmiffion par ces mots de l’orateur romain
(Ad.attic. /. I.epifi. I,) « Thermus eft commifîaire
de la voie Flan\inienne 5 quand il fortira de charge,
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je ne ferai nulle difficulté de l’afToeier à Céfaïf
pour le oonfulat. «
Le peuple romain crut faire honneur ä Auguftô,
en l’établilTant curateur 8c commifîaire d&s.grandes
voies aux environs de Rome. Suétone dit qu’il,
s’en réferva la dignité, & qu’il choifit pour Çub-
ftituts des hommes de diftin&ion qui avoient
déjà été prêteurs. Tibère' fe fit gloire de luifuc-
céder pour cette charge , 8c afin de la remplir
avec éclat, il fit auffi travailler à fes.propres
frais, quoiqu’ il y eût des fonds'deftinés à_cetta
forte de dépenle. Caligula s’y appliqua à ' ion
tour, mais il s’ y prit d’une maniéré extravagante
8c digne de. lui. L’imoéciile Claude, entreprit
8c exécuta un projet que le politique Augufte
avoit cru impoffibie ; je veux dire de creufer à
travers une montagne un canal pour fervir de
décharge au lac Fucin, aujourd’hui lac de Celano
: auffi l’exécution lui couta-t-elle des
fommes immenfes. Néron ne; fit prefque rien faire
aux grandes voies du dehors, mais il embellit.beaucoup
les rues de Rome. Les règnes d’Othon , de
Galba,, de Vitellius furent trop courts 8c trop agi-»
tés. C ’étoient des empereurs qu’on ne Éifoit que*
montrer, & qui difparoifîoient auffi-tôt. Vefpa-
fien fous qui Rome commença à être tranquille,
remit le. foin des grandes voies : ©n lui doit en
Italie la voie intercica. Son attention s étendit juf-
qu’en Efpagne. Ses deux fils . Titus & Domitien
limitèrent en cela ; mais ils furent furpafîes par
Trajan. On voit encore en Italie , en Efpagne ,
fur le Danube & ailleurs, les reftes de S; nouvelles
] voies 8c des ponts qu’il avoir fait conft'ruke dans
tous ces lieux 5 fes fuc-cefieurs eurent la même
paflion jufqu’ à la décadence de l’Empire 3 & les
înfcriptions^qui réftent, fuppiéent aux omiffions
de l’hiftoi-re.
Il faut diftinguer les voies militaires, via. milU
tares , confulares, pr&toria, 3 de celles qui lie i’é-
toient pas & que l’on nommoit via. vicinales.
Ces; dernières1 étoient des voies de traverfe,
qui aboùtifîbient à quelque ville fituée à droite
ou à gauche de la grande voie, ou à quelque
bourg., ou à quelque village, ou meine qui
communiqüoient d’ une. voie militaire â l’autre.
Les voies militaires étoient faites aux dépens
de l’état, & les frais fe prénoient au tréfor public
/ o u fur les libéralités de quelques citoyens
zélés & magnifiques, ou fur le produit du butin
enlevé aux ennemis. C ’étoient les intendans des
voies, vïarum curatores, 8c les commiffaires publics
qui en dirigeoient la conftruélion j mais les
voies de traverfes, via, vicinales, fe faifoient par
les communautés iutérefîees, dont lös magiftrats
régloient les contributions & les corvées.'" Comme
ces voies de la fécondé clafîe fatiguoient moins
que les voies militaires , on y enaployoit moins
.de foins. Cepesdaw elles dévoient être bien entretenues
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tenues. Perfonne n’étoit exempt d’y-contribuée
pas même les domaines des empereurs.
■ Des-, particuliers employoieht eux-mêmes, ou
léguoient par leur.téftamenrun'e 'partie'-de leurs'
biens pour cet:ufage. On avoit foin dé lés y encourager
> le, caractère diftinéfcif du romain étoit d’ai-:
mer paffionnément la gloire. Quel attrait pôuvoit-
011 imaginer qui eût' plus de, force, pour l’animer,
que le plàifir de voir fon nom honorablement
placé fur des monumens publics , & fur les
médailles qu’ on frappoit à ce fujet.
Les matériaux des voies n’ étoient point' parto
u tle s mêmes. On fe' fer voit fagement de c e
que la nature ■‘préfentoit de' plus Commode &
dé plus folide j unon, on apportoit, ou par charrois
ou par les rivières, ce qui étoit abfdlu-
ment nécefîaire, quand les lieux voifins ne l’à-
voient pas. Dans un endroit, c’étoit fimple-
ment la rocjie qu’ on avoit coupée j C’eft ainfi
que dans l’Afie-Mineure on voit encore' - des
voies naturellement pavées/de marbre. En d’autres
lieux., c’étoient des couches de terre, de
geavois , de ciment, de briques, de cailloux ,
de pierres q uarrées. En Efpagne la voie de Salamanque
étoit revêtue de pierres blanches : dê-
là fon nom via argentea , la voie d’argent. Dans
les Pays-Bas , les voies étoient revêtues de pierres
grifes de couleur de fer. Le nom de voies
ferrées, que le peuple leur a donné, peut auffi
bien venir de la couleur de ces pierres que de
leur folidité. .
Il y avoit des voies pavées êc d’autres qui ne
l’étoient pas •, fi par le mot de pavées on entend
une conftruétion de quelques lits de pierres
fur la furface. On avoit foin que celles qui
n’éfoient point pavées fuflent dégarnies de tout
çe qui les pouvoir priver du Soleil & du ventj
& dans: le s . forêts qui étoient fur ces fortes de 1
voies , on abattoit des arbres à droite & à
gauche , afin de donner un libre paflage à l’ air \
on y formoit de chaque côté un foffé en bordure
pour l’écoulement des eaux j enfin pour n’ être
point pavées , il ' Falloit quelles fufîent d’une
terre préparée qu’on rendoit très dure.
Toutes les voies militaires étoient pavées fans
exception, mais différemment, félon le pays. Il
y avoit en quelques endroits, quatre couches
l’une fur l’autre. La première., ftatumen , étoit
comme le fondement qui devoit porter toute
la mafle. C ’eft pourquoi avant que de la pofer,
on enlevoit tout ce qu’il y avoit de fable ou de
terre molle.
La^ fécondé, nommée ruderatio , étoit un lit
de têts de p ots , de tuiles , de briques cafîees
liées e-nfemble avec du ciment i
Antiquités, To%e V%
v o i 1 uf
La' troifième 3nuci‘eus ou le noyru, était un lit
de mortier que les romains appeficLnt du même
nom que la - bouillie , puis : parce qu’on le met-
to it ; allez mou pour lui donner la forme qu’cru
'vouloit j a pdès- quoi on couvroit le dos de toute
cetté :mâfîe 3 qù: de- cailloux, ou de pierres1 plates
, ou de grofles briques , ou dé pierrailles
de différentes férteS bféloh Je pays. Cette'der-
nièrecouche étoit nommée fumtna crufia \ ou
fummum dorfum. Ces couches n’étoient pas les
mêmes par-tout j on en changèoit l’ordre ou le
nopibre, félon la nature du terrein.
, Bergier , qui a épuifé dans.un favant traité tout
ce qui régarde' cétfé. m a t iè r e a fait creufer une
;ancienfif * voiç,xdw-a^ne ^de la province de .Champagne
, près, de Rheiins , pour en examiner la
jconftnjétion. 11 y trouva premièrement une couche
de l’épaifleur d’un pouce d’un mortier fait de
fable 8c de chaux ; lecondement, dix pouces de
pierres larges & plates qui formoiént une efpèce
de maçonnerie faite en bain de, ciment très-dur,
dont leS piëffes étoîënt pofées les unes fur les
autres. En troifième lieu 3 huit pouces'de maçonnerie
de pierres à peu près rondes & mêlées
avec des morceaux de briques , lé tout lié fî
fortement , que le meilleur ouvrier n’en pouvoir
rompre fa charge en une heure. En quatrième lieu,
une autre couche d’un ciment blanchâtre 8c dur ,
ui reflembloit à de la craie, 8c enfin une couche
e cailloux de fix pouces d’épaifleur.
Tout ce maçonnage étoit pour le milieu de la
voie , 8c c'étoit proprement la chauffée , agger.
Il y avoit de chaque côté une lifière, margo , faite
de plus grofles pierres 8c de biocailles , pour
empêcher la chauffée de s’ébouler ou de s’affaifler,
en s’elargiflant par le pied. Dans quelques endroits
comme dans la voie appienne, les bornages étoient
de deux pieds de largeur, fait de pierres de taille,
de manière que les voyageurs pouvoient y marcher
en tout temps 8c à pied fec § & de dix pieds en
dix pieds , /oignant les bordages , il y avoit des
.pierres qui fervoient à monter à cheval ou en
chariot.
On plaçoit de mille en mille des pierres qui
marquoient la diftance du lieu où elles étoient
placées , à la ville d’où on venoit, ou à la ville où
l’on alloit. C ’étoit une invention utile de Caïus
Gracchus.
Toutes les voies militaires du coeur de l’Italie,
ne fe tërminoient pas aux portes de Rome ; mais
au marché , forum , au milieu duquel étoit la
colonne milliaire qui étoit dorée , d’où lui venoit
le nom de milliar'tum aureum. Pline 8c les autres
écrivains de la bonne antiquité, prennent de cetta
colonne le terme 8c l’origine de toutes les voies,
Pline /. III. ç. 5 , dit : ejufdcm Jpatii me f.ra
[ currentf a milliariq /# capite fori romani fiatuto,
J l r r n