
M. Paw , quatre chomathim ou quatre colleges
célèbres j celui de Thèbes où Pithagore avoit
étudié 5 celui de Memphis où l’on fuppofe qu’a-
voient été inftruits Orphée , Thalès & Demo-
crite j celui d’Héliopolis où avoient féjourné
Platon' & Eudoxe j enfin 3 celui de Sais où fe
rendit le légiflateur Solon , qui comptoit probablement
pouvoir y découvrir des mémoires particuliers
touchant la ville d’Athènes , qui paffoit
chez les grecs pour une colonie fondée par les
faites y dont le collège étoit le dernier dans l’ordre
des temps : auffi n’avoit-il pas le droit de députer
au grand confeil de la nation , comme les
trois autres, qui députoient dix de leurs membres
à Thèbes j ce qui formoit le tribunal des
trente , préfidé par un prophète, que les hifto-
riens défignent par le terme d’archidicaftes ».-
« Il faut regarder comme une fable ce que dit
Eufèbe d’un collège de prêtres , qu’on avoit établi
à Alexandrie, & qui étoit, fuivant lui, compofé
uniquement d’hermaphrodites j tandis qu’il n’y a
pas d’apparence que ceux qui naiffoient avec
quelque défaut notable, aient pu feulement être
confacrés en Egypte 5 puifque les animaux mêmes ,
auxquels on remarquoit la moindre difformité ,
m fervoient pas aux facrifices , ni au culte fym-
bolique. Comme Eufèbe prétendoit louer Conf-
tantin, il met hardiment au nombre de fes plus
belles actions , l’ordre qu’il donna d’égorger fans
miféricorde tous ces prétendus hermaphrodites
d’Alexandrie. Mais fi cela étoit vrai,, un tel af-
faffinat nous révolteroit infiniment dé la part d’un
prince qui devoit être fatigué d’en jcommettre.
Il eut été à la fois abfurde & cruel de faire
mourir des filles parce qu’elles étoîent mal configurées
par un écart de la nature qui n’eft point
rare en Egypte : auffi les autres écrivains ec-
cléfiaftiques ne parlent-ils pas de ce prétendu
meurtre ».
« Quoique tous les climats chauds entraînent
le coeur de l’homme vers la fuperftition, il fèm-
ble 3 dit M. Paw , que celui de l’Egypte y incite
encore davantage que les autres : car on ne trouve
pas que les prêtres aient pu avoir quelque intérêt
pour aigrir de plus en plus le génie pervers des
fanatiques j puifque ces prêtres jouiffoient d’un
revenu fixe en fonds de terre , qu’on abandonnoit à des fermiers pour un prix fort modique., & qui
par-là même a pu fe fbutenir toujours fur un pied
égal. De cette fournie ils étoient obligés de déduire
ce-que coûtoientles vidâmes & l’entre tiendes
temples : car ils dévoient faire tous les facrifices
â leurs frais. Et il ne faut point les comparer a
d’infames vagabonds , qui empruntoient leur nom
& leur caradére en Italie 3 & qui gueufoient
dans les rues de Rome depuis la féconde heure
du jour jufqu’ à la huitième, lorfqu’ils revenoient
fermer le temple dTfis 5 ce qu’on »’eût pas fouffert
en Egypte de la part du dernier des hommes
3 & bien moins de la part d’ un prêtre : puifque
la loi n’y toléroit aucun mendiant ».
« Quand l’ordre facerdotal jouit d’un revenu
fixe , & quand il ne permet la mendicité à aucun
de fes membres, alors il eft fûrement irité-
reffé à maintenir l’ancienne religion quelle qu’elle
foit î mais il ne peut gueres être intereffé alors à
introduire de nouvelles fuperftitions, qui doivent
même lui paroître plus dangereufes qu’utiles ».
p M. Schegel, connu par le favant commentaire
qu’il a fait fur l’ouvrage de l’abbé Banier,
fuppofe que chaque prêtre égyptien ne poffédok
que douze arures de terres , qui ne font pas ,. à
beaucoup près, douze arpens de France ( Tonr.
H , pag. 10 1 Ob. XIII. de la tradudlion ' allemande
de l’ouvrage de l’abbé Banier. ). On con-
noît des auteurs, comme Piérius, qui ont foap-
çonné qu’en Egypte il étoit défendu à la clafle
facerdotale d’entretenir des chevaux, & il fe peut
que la loi de Moïfe eft relative à cette difpofi-
tion particulière , quoique beaucoup de favans
s’imaginent qu’elle n’eft relative qu’au climat de
la Paleftine, qui ne fut jamais favorable à cette
efpèce de quadrupèdes. Au refte, comme on
vouloit changer un peuple berger en un peuple
cultivateur, la défenfe qu’on lui fit de nourrir
' des chevaux étoit très-fage , & il feroit difficile
de trouver un autre moyen que celui - là pour
réformer les moeurs des arabes bédouins, qui fe
fervent de leurs jumens de bonne race comme
les algériens de leurs navires »*
« Il faut avouer qu’on, ne voit point clair dans,
la divifion des terres de l’ancienne Egypte : car.
qu^id on fait chaque portion facerdotale de douze
arures, on tombe dans le même inconvénient ou.
eft tombé Hérodote au fujet des portions militaires
; de forte que , fuivant lu i, la paye du général
n’étoit pas plus forte que celle du foldat,,
ce que perfonne n’a jamais cru & ne croira jamais..
Le fouverain ou l’état devoit payer en argent ou
en denrées ceux d’entre les prêtres qu’on députoit
à Thèbes pour y rendre gratuitement la jnftice.
en dernier reffort > d’où on peut inférer que le
produit de kurs terres n’étoit pas fort confidéra-
b le , & fur-tout lorfqu’on réfléchit qu’ils dévoient
tous être mariés , fans quoi il ne paroit pas qu’ils
aient pu s’acquitter d’aucune fonction publique*
Et c’eft en cela qu’on voit au moins quelque om?
bre de ce qu’on a affe&é d’appeller la fageffe des
égyptiens , dont les prêtres étoient d’ ailleurs chargés
des magiftratures , de la confervation des
loix , des archives , du dépôt l’hiftoire , de
l’éducation publique, de la con ofîtron du calendrier
des oofervations ailronomiques , de
l’arpentage des terres ,. du mt iurage du Nil , &
enfin de tout ce qui concernoit la médecine * la
falubrité de l’air , & les embaumemens ; de forte
qu’en y comprenant leurs femmes & leurs en-
fans , ils compofoient peut-être la feptième ou la
huitième partie de la nation. On fe forme donc
fur ce corps des idées fauffes & ridicules, lorfqu’on
le compare au clergé de quelque pays de
l’Europe que ce foit, où fept ou huit couvens
dé moines ont plus de revenu que tout l’ordre
facerdotal de l’Egypte 5 quoiqu'il fût d’ ailleurs
accablé de travail & foudivifé en différentes claffes,
qui avoient leurs occupations particulières.
La première de toutes les claffes comprenoit les
prophètes, qu’on fait avoir préfidé dans les tribunaux
, où ils décidoient les procès fans parler,
en tournant l’image de la vérité vers l’une ou
l’autre partie ; & fi on peut regarder comme
exaéte la repréfentation d’ un magnifique monument
de la Thébaïde, inférée dans les voyages
de M. Pococke, il eft fur que le juge tenoit
cétte image fufpendue à une efpèce . de fceptre,
& non attachée à fon cou, comme on le croit
vulgairement ».
» Il fatit obférver ici que-les anciens grecs
étoient déjà tombés dans de grandes' erreurs par
rapport à la lignification de ce terme de propriété
y quoique ce foit un terme grec ; & Platon
a tâché de redreffer là-deffus leurs idées. Ceux-
là , dit-il, font vraiment ignorans qui s’imaginent
que le prophète foit celui qui prédit l’avenir 5
ce qu’on n’attribue , ajoute-t-il , qu’au Mantis ,
& le Mantis eft toujours un fou, ou un furieux ,
ou un maniaque. De tout cela il fuit néceffaire-
ment, comme Platon l’obferve , que le prophète
n’étoit que l’interprète de la prédiéfion qu’il n’a-
voit point faite, & qu’il ne pouvoit faire Jui-
même j parce qu’il ^devoit être dans fon bon-
fens , qu’on regardoit comme incompatible avec
l’efprit prophétique. Aînfi ces miférables, qu’on
a qualifiés par le terme de Mantis, n’étoient
que les inftrumens de la fuperftition, de même
que les pythies de Delphes , puifque tout dé-
pendoit de ceux qui interprétoient l’oracle 5. &
fi nous lifons que des pythies s’étoient laiffées
corrompre à prix d’argent , pour donner des
reponfes- favorables à quelques villes , au détriment
de quelques autres , il faut qu’elles
feules n’aient pas été corrompues, mais toute
la troupe des fycophantes attachés au temple
de Delphes».
i ” Quant aux égyptiens , Clément d’Alexandrie
indique plus pofitivement quelles étoient les fonctions
de leurs prophètes j 3s dévoient être vêrfés
dans la jurifprudence , & connoître exadement
le recueil des loix divines & humaines , inférées
dans les dix premiers livres canoniques,
cuutenoient tout ce qu’on fuppofoit être relatif
a la religion } auffi ces prophètes ne paffoient-
ds pas pour être favans à ans les fciences purement
profanes , en comparaifon des hiérogram-
matiftes & des fcribes facrés, qui s’appliquoient
plus à la phyfique & à l’hiftoire 5 ce qui leur at-
tiroit beaucoup de confidération ; & on leur ac-
cordoit même le rang fur les aftronomes & les
géomètres ,. ou les arpédonaptes , qui étoient
néanmoins auffi compris dans la première claffe ,
de même que les hiéroftoliftes ( Quelques paffages
d’Aulugeüe & de Macrobe , qui attribuent aux
égyptiens de grandes cofinoiffances dans l’anatomie,
ont fait croire qu’on facroit chez eux les
prêtres du premier ordre , en leur frottant du
baume & du myron fur le doigt qui touche le petit
dans la main gauche, à caufe d’une veine qu’on,
croyoit y venir du coeur. ) ijl
» Enfuite venoient les comaftes, qui préfi-
doient aux repas facrés > les zacores, les néoéores
& les. paftophores , qui veüloient à l’entretien
des temples & drnoient les autels j les chantres ,
les fpargiftes , les médecins , les embaumeurs &
les interprètes, qui paroiflènt avoir été les feuls
qui fuffent un peu parler la langué grecque ; car
les autres prêtres ne favoient vraifemblablement
que l’égyptien, qui différoit peu de l’éthiopien ».
» Ceux qui étoient de la première clafle facer-
dotalé en Egypte, fe lavoient plufieurs fois en
24 heures avec l’infufion du péfal, qui eft indubitablement
l’hyffope y 3s ne portoient point
d’habits de laine , ne buvoient prefque jamais de.
l’eau du N3 pure , fe coupoient les cheveux, les
fourcds , la barbe , & fe rafoient tellement tout
le corps , qu’il n’y reftoit pas de poil j de forte
qu’on peut bien s’imaginer qu’ils n’ont que très-
rarement contrarié la lèpre >3.
« Les objets différens du culte des prêtres égyptiens
y dit Caylus ( Rec. IL pag.. 28.)., en avoient
multiplié le nombre. Ils é to ie n t fa n s doute >
diftribués dans différentes claffes , félon leur mérite
, leur âge & leurs fondions, particulières. Les
variétés qu on rencontre dans leur coëffure &
dans leurs autres attributs , marquèrent apparemment
le rang , la dignité de chacun & l ’efpèce
de culte pour lequel ils étoient deftinés. Cet ufage
a été conftamment reçu & pratiqué par toutes
les nations. On répondra qu’il eft inutile de chercher
chez les égyptiens d’autres prêtres que peux
qui nous font déjà connus. Nous en voyons en.
effet Un affez grand nombre fur les monumens.
Les uns font aflis, & dans l’attitude de lire £
d’autres à genoux, les mains élevées comme les
mufulmans. Ils ont tous la tête raze & couverte
d’une fimple calotte. D’autres font debout, &
tiennent ordinaire ment le bâton fourchu des deux
mains. On en trouve d’autres enfin, qui ont des
coëffures différentes. On peut les examiner fur
les planches qui repréfenient des proceffions furies
bas-reliefs en creux , qui nous ont été conferyés»