
8 4 8 V I N
tonnes qui rempli Soient les premières charges de :
la cîafî'e facerdotale ; mais, ces auteurs-là fe font
trompés. Je crois que l’Egypte n’avoit pas même
de vignobles avant les rois" pafteurs , ou les conquérants
arabes qui en_, firent des plants , 8c
burent du vin ou du moût à leur table , ce qui
était prodigieux , & entièrement oppofé. aux
loix de la nation conquife. Auflt après l’expulfion
de ces usurpateurs, reprit-on l’ancienne coutume
de ne jamais fervirdu vinaux pharaons, ce qui dura
très-long-temps , puifque çelæ dura jufqu’a Pfam-
métique , qui eut , comme..l’on fa it, tant de
penchant pour les;moeurs de la Grèce, & tant
d’averfion pour les. rnoeurSj de fon pays où on ne
regardoit pas la fobrieté comme une vertu , mais
comme le premié'r devbir dii fouverain : aulli tout
fut perdu fans reffource ^ îqrfqu’on vit le luxe ■
d’un roi d’Egypte égaler, le luxe d’un empereur
de Perfe. » -- >I :i K ^ . .. ' . . " ;
» Pythagore qui ne delibéroit jamais fur ce qu’il
faut faire , ni fur ce qu’ il faut omettre , adopta
fans refh'iétion , 8c par rapport à lui Sc par rapport
à fes difciples iêpreceptè du’^égimè égyptien tou-
chant la défenfe du vin. \ mais M'orfe ne l’àdbpta
point, & permit cette..liqu$ur à un peuple :tel
que les hébreux qui, a voient* tant de conformité
Uveç cés arabes pafteurs dont je viens de.parler,
Ce qui témoignèrent une paillon iingulière pour. 1$
yjd, dont les effets font, en tout lens très’ pernih
cîeûx dans les pays châuffs ou la lepre eft à craindra
le defpotifme établi. Je ne penfe pas qu’on
piiilfe lire dansl’hiftoiredes excès de cruauté plus
horribles que ceux qu’ont commis pendant des
jnftants d’ivreffe les, fultahs de Perfe , .depuis
Alexandre j ufqu’à Soliman JJ I ; mais il faut avouer
Vuffi .qu’il y a eu un excès-de foibleffe de^ la part
des roiniftres qui n’ont point empêché l’execu-
tion.de ces o rares don nés'parades furieux ou des
bêtes féroces j; canon pe fauroit,nommer autre-,
ment un defpote enivré.f»3f,c -.
« Ge qu’il y a de certain , c ’eft que les prêtres
s’opposèrent toujours en Égypte à la culture-de
la vigne , & la firent meme arrachât;; mais des
princes tels que Pfamménque. & Ârmfis / qui en-
tretenoient une fi étroite? li^ifon avec _la; Grège ,
pou voient aifément ên tirer, par là voie de Naur
craté", autant de vin qû’qô; èji ''çqpfQmmoit.én
leur çoqr ; quoique ce paÿs n’eût plus alors de
vignobles , 8c Hérodote qui'le parcourut longtemps
après n’y en trouva pas encore.' Airifi,quand
Athénée dit que la ville d’^athylle & les vignes
de fes environs avoient été données .par - forme
d’appanage aux reines d’Egypte, il fe trompe ouvertement
; car Anthylle n’a jamais fait partie de
l’appanage, des reines , 8c ce ne 'fut qu’après la
conquête de Cambyfe qu on ■ 1 affigna aux impératrices
de Perfe , ce qui fit nommer cet endroit
Ç-ynæçopolis ou la ville des femmes , nom qu’il
v r N
a Confervé dans rhiftoire8c dans la géographie. Sous
les PçpIéméeS, la culture des vignes recommença
8c continua fous le gouvernement des. romains
j ufqu’à' la conquête des kalifesqui la firent ceffer,
8c elle ceffe encore. Ce qui juftifie le.fentiment
des prêtres, fur le danger du vin fous un climat
tel que, le tè'ür, c’eft que la plupart des peuples de
T Afrique feptentrionale l’ont adopté , 8c les
arabes jeétanites , qu’il faut toujours bien dif-
tinguer des* moftarabes Sc des hébreux , l'adoptèrent
.auftiv'l Tout cela étoit établi de la forte
long-tems ayant l.i saiftance de Mahomet, 8c les
comnïehtatè'Ùrs de l’ aicoran ne fe font fait aucun
fcrupule de 'forger le conte abfurde qu’ils rapportent
à cette occafion. ( Voye^ de Herbelot-,
biblioth. orient, art. d’Othman. ) On voit parle
Traite de TAkftinence de Porphyre, que les prêtres
de l’Egypte ofoient bien foutenir que l’ufaga du
vin empêchedes favans 8c les philofophes de faire ,
des découvertes. ( Voila pourquoi le ptêtre
égyptien , nommé Calafiris, qui joue un fi grand
rôle dans le roman d’Héliodora , refufe conf-
tamment de boire du vin ) Qette opipioa .parut
îéiif être véhûé parce qu’ ils s-àpplrquoient princi palement
à la géométrie 8c-a l’aftrbnomie , deux
fcienc.es qui exigent grande préfence d’efprit , 8c
j'é erbis comme eux , qu’un gébmètfe qui boirôit
beaucoup avant que dè fe mettre • à l’etude , ne
fm W point de découvertes de la dernière in?-'
portàftce.! »
, V in. tes' romains dansL; lë temps- de leur#
ritftèffes furent très- cürièitfx dès h ifor.' lës plu#
j célèbres .-Les noms des meilleu rs t vins de leu r
pays , après ceux de la'Gampanie,fe tir-ôient de
ceux des vignobles' ; :tels; étoiënt les vins'de Se-
tinès/dë Gauzano , de Faüftiànüm , d’A lb e , de
Sorreiito , qui du temps de Pline■ étoient des
viné recherthés.
Entre; Iss^v'ms. greçs,, ils eftimoientfur-tout les
' vins de Maronée , de Thafe, de C os , de Chio ,
de Lesbos, d’ Icare,', de. Smj-rne , 8cc. Leur luxe
les. porta jufqu’à rechercher lestvùvi d’Àfie , de la
Palëftirie , du Mont-Liban & d’ autres pays
éloignés, j
Mais il faut remarquer que les romains tii-oient
leurs vins les-plus ptebfètfX de là Campanie, aujourd’hui
la teire de Labour, province du royaume
de Naples-; tons les autres vins d’Italie n’ap-
prochoient point de là bonté de ces derniers. Le
Fàlerne 8c le Mafiiqüé venoient de vignobles
plantés fur des collines , autour de Motidragone ,
au pied duquel paffele Garigliano, anciennement
nommé Liris. Mais Athénée remarque qu’il y a voit
deux fortes de vins de-Faleriae ; I?un étoit doux
8c arvoit beaucoup de liqueur , 8c l’autre étoit
rude 8c gros. Pline ( 1. X IV . e. 8. ) fait la même
obfervation fur le vin d’Albe, auquel il donne la
, tjroifiètac -rîing parmi les grands vins d’ Italie. Il y
ayoïc
avoît , dit-ii , tin vin d’Albe douçâtre'8c 1 autre
rude ; en -vieilliftant le premier acquéroit de la
fermeté, 8c l’ àlitre de l’a douceur : alors ils ètoient,
excellens. Le vin de Gecube , aulïi prifé que le
bon falerne, croiffoit dans la terre de Labour.,
ainfi que le vin d’Amiéla 8c de^ Fundi , près de
Gaiëte ; le vin de Suejfa droit fon nom d un
terroir maritime du royaume de Naples; le cale-
num , d’ une ville de la terre de Labour. Il en
"étoit ainfi de plufieufs autres que cëtte province
fourniifoit à la ville de Rome.
Ges vins qui étoient excellens de leur nature,
-acquéroient encore en vieilliflant un degre de
jperfe&ion auquel aucun autre vin d’Italie ne pou-
voit atteindre. Ces derniers vins nommes par
■ les grecs ligopkbrta , 8c par les latins paucifera 3
fe confervoient aifément dans les lieux frais.
'Pareillement ceux que les grecs nommoientpo/y-
iphorta 8c les latins vinofa, devenoient plus vi-gou-
-reux 8c plus fpirittieux par la chaleur. Lés vins qui
fe confervoient .par le froid abondoient en flegme ,
•& les derniers vins en efprits. G eft pour cela
qu’ils àcquéroient de la force par la chaleur , 8c
•qu’on les préparoit d’üne manière patticulière.
Les romains plàçoient leurs tonneaux pleins
-de vin aqueux dans des endroits expofés au Nord,
-tels que ce que nous appelions aujourd’hui des,
caves. Ilsëxpofo ien't au con traire les tonce iux pleins
de vins fpiritueux dans dès endroits découverts,,
'expofés.à la pluie , au foleil, 8c à toutes les injures
du temps. La première efpèce de vin fe;
confervoit feulement deux ou trois ans dans ces^
endroits frais ; 8c pour les garder plus long-temps,
il falloir lès porter dans des endroits plus çhauds.
Nous apprenons de Pline , que"plus 1 evin eft fort,
plus il s’épaiflit par la vieillefte. C eft en effet ce
que nous voyons arriver de nos jours aux vins
d’Efpaghe.'
Galien parle des vins d’A fie , qui mis dans de
grandes bouteilles, qu’on pëndoit au_ cbin des
. cheminées , àcquéroient par l’évaporation 8c par
la fumée , la dureté dû fel. Ariftote dit que les
'vins d’Arcadie fe féchoient tellement dans lès
outres, qu’on les en tiroir par morceaux qu’ i l '
falloit fondre dans l’eaü pour la boiffoh.
Voici la manière dont lès romains faifôient
leurs vins : Us mettoiént dans une cuve de bois le
moût qui couloit des grappes de raifins après
qu'elles avoient été bien foulées. Dès que ce
vin avoit fermenté quelque temps dans la cuve,
ils en rëmpliffoient des tonneaux dans lefqüels il
continuoit fa fermentation j pour aider fa dépuration,
iis y jettoient du plâtre , de la cmie , de
la pouflière de marbre, du fe l, de la réfine, de
la lie du npüvêaii vin, de l’eau fâlée, de la
myrrhe , des herbes aromatiques, 8cc. chaque pays
Antiquités , Tome V
ayant fon mélahge particulier ; 8c c’ éc’oit Ü ce qU
les latins appelloient condituravinorûm*
Ils laiffôieht ce 'Vin àihfi préparé dans les tonneaux
j ufqu’à l’année fuivante-, quelquefois même
deux ou trois ans , fuivâne la nature du vin & du
crû ; enfuite ils le foudroient dans de grandes
jarres de terre enduites en-dedans’avec de Ja poix
fondue. On marquoit fur le dehors de la cruche
le nom du vignoble 8c celuidu confulat foirs lequel
le vin avoit été fait. Les latins appelaient le fou-
tirage du vin de leurs tonneaux dans des vaiffèaux
de terre , diftdfto vinorum.
Ils avoient deux fortes de vaiffeaux pour leurs
vins\ l’ un fe nommoit amphore, 8c l’autre cadus.
L’amphore étoit un vâfe de terre ou de verre à
deux anfes, 8c contenoit deux ‘urnes, environ
quatre-vingts pintes de liqueur : ce vaiffeau étOit
terniiné en un col étroit, qu’on bôuchoit avec
de la poix 8c du plâtre , pour empêcher le vin de
s’éventer. C ’eft: ce que Pétrone nous apprend :
Amp hors, vitres, diligenter -gypfats allats fiint , quarum
in ceryicibus pittacia erant ajfixa, cum hoc titùlo :
Fàlernum Opimiamm annorum centum. «On apporta
de greffes bouteilles dé verre bien bouchées,
avec des écriteaux fur les bouchons , qui conte-
noient ces mots : vin de Faleéne de cent feuilles ,
fous ■ le conftilat d’Opimius. » Le cadus3 avoit
à-peu-près la figure d’une pomme de pin ; c’étoit
une •efpècé de tonneau qui contenoit une moitié
plus que l’amphore. On bouchoit bien èès
deux vaiffeaux, 8c on les mettoit dans une
chambr-e au haut de la maifon , expofée au midi ;
cette chambre s’appelloit horrc'um vinafium' ,
apotheca vinarià , le grenier du vin. Comme ce
fut depuis le confulat dè l’Opimius, c’eft-à-dire
depuis (533 , que les romains prirent du goût pour
les vins vieux , il fallut multiplier les celliers dans
tous les quartiers de Rome pour y mettre lés vihs
1 en garde 8c à demeure.
Nous avons vu que Pétrone parlé de vins de
cent feuilles ; mais Pline dit qu’on en buvoit
prefque de deux cents ans, qui par la vieillelfe avoit
acquis la confiftance du miel. Durant adJiuc vina
ducentis feré annis jam in fpeciem reda'da tnel/is aj-
peri j etenirn ksc natura vint in vetiftate eft ( Lib.
X IV ’. c. 4 .) . ils délayoient ce vin avec de l’eau
chaude pour le rendre fluide-, 8c enfuite ils le
paffoient par la chauffe ; c^eft ce qui fe nommoit
faccatio vinorum.
Tùrbida follicito transmittere cscuba facco.
( Martial. XII. 60. )
111s avoient cependant d’autres vins qu ils ne pal-
foient point par la chauffe; tel étoit le vin de
Maffique , qu’ils fe «eûtentoknt d’expo fer à
P p p p p