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'ils ont avec les arts, Je crois trop long de
cvire tous les trépieds dont Hérodote , & les
autres auteurs de l’antiquité ont fait mention j
je me bornerai à établir des faits, & à'propoler
quelques çonjeétlires, d'après le témoignage de
‘Paufanias , auteur dont on peut retirer le plus de
lumières fur les arts de la G rèce, puifqü’ii ne
parle que de chofes qu’il a yu, & dont il a jugé
fur le bruit public : du moins, tout ce qu'il rapporte
de la peinture & de la! fculpture , n'eft
jamais dépourvu de probabilité. « •-
» On eft quelquefois fùrpris de la prodigieufe
quantité de trépièds qu'on voyoit dans la Grèce.
Plufieurs caufés-les rendirent communs : la füperf-
titionqui les avoit introduits , fer vit- à les multiplier
; la liberté du choix de' la matière, du
volume , enfin du plus ou du moins de dépenfe,
contribua à en augmenter le nombre. Chaque
particulier , riche ou pauvre, pouvoit fatisfaîre
fa dévotion ou fa vanité. Telle eft la foiblefle
des hommes j ceux mèmes~qui, vivent dans l'état
le plus obfcur, aiment à cran {mettre leur nom à
la poftérité. Une pierre, un morceau de marbré ,
de bronze çu de terre cuite , chargés de quelques
caractères, apprendront qu'ils ont v é c u ,&
cette idée flatte leur amour-propre. Les trépieds
étoient datas la Grèce 9 ce que les couronnes &
les boucliers votifs furent dans la fuite, des temps •
chez les romains, c'eft - à - dire , des offrandes.
plus ou moins chères. »
» Les trépieds étoient offerts indifféremment à
tous les dieux. « Du prytanée , dit Paufanias ,
( Aznc.pag. 6 1 .1. J. c. 20. pag. 46. ) en décrivant
n. la ville d'Athènes , vous defcendez dans la rue
M des trépieds , ainfi appellée parce qu'on trouve
» dans cette rue pliiffêurs temples confidérables ,
33 dans lefquels il y a quantité de trépieds de
» bronze. 33 Mais fi l'on en voyoit un auffi grand
nombre dans Athènes , combien en devoir - on
trouver à Delphes , à , Délos , & c.. enfin , dans
les temples où l’ôn rendoit des oracles? Les divinités
que l’on y révéroit, furent auffi celles;
qui confervèrent toujours un plus grand rapport
ayec la première inftitution des trépieds 33
»3 L’oracle de Delphes.ordonna; qu'on en offrirent
cent à Jupiter. Les mefféniens ( Mejfenie.p. 350.
L IV. c. i i .p . 310.) en proposèrent çéntde bois.
Un lacédémonien en fabriqua un pareil nombre
de terre cuite, qu'il porta lui-même à Athènes,
où il les dépofa dans le temple de Jupiter. Ce
qui prouve , en premier lieu-, l'abus que l'on fai-'
loit de ces fortes d’ offrandes ; & en fécond lieu,
que la grandeur & la matière étoient indifférentes.
Prefque tous les enfans qui avoient exercé
le facerdoce d’Apollon , chez les thébains ,
( B&otîe. p. 2J<j. /. IX . c. r<j. p. 730. ) laiifoient un
trépied dans le temple.
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tes. trépied* étoient auffi donnés pour racouw
penfe au mérite. Héfiode en remporta (Bsotiç.
p, z$6 , /. IX. c. 10. p, 730. ) un pour prix de
poéfîe,. à Chalcis fur l'Euripe. Ecnembrote en
offrit un de bronze à Hercule, avec cette inferîp-
tion : Eckembrote , arcadicn, a dédié ce trépied à
Hercule , après avoir remporté le prix aux jeux des
Amphiftyans. (Phoçide. p. 332.. 1. X .c .7 - p, 814.) 33
33 L’ on v o i t , par les exerhples que je viens
de c ite r , une partie des raifons qui rendirent
ces ouvrages fi communs chez les grecs 5 mais je
ne,dois pas oublier de rapporter un grotippe de
marbre , dont parle Paufanias, monument indécent
pour les dieux, mais qui fait honneur aux
trépieds. ( Phocide , p. 345. I. X . c. 13; p. 830. 6’
/. III. c. 11. p. 16 y ) Hercule & Apollon font
repréfentésle difputant un trépied i ils font près
de fe battre , mais Latone 8c Diane retiennent
■ Apollon, 5c Minerve appaifê.Hercule. 33
i Horace dit à fon ami : ( Lib. IV . Ode 8. )
Donarem tripodas pr&mia fortium
Gr&corurh................................ %-
Si j’étais riche, mon cher Cenforinus,je don-
nerois. volontiers à mes amis dexes beaux trepiéds ■
dont la Grèce gratifîoit autrefois le valeur de fes
héros." -
Hérodote dit que les grecs victorieux des
per-fes, à la bataille de Platée-, levèrent undixième-
fur les-dépouilles pour en faire un trépied d’ojt,
'qu’ils conlacrèrent à Apollon, Ce trépied fut pofé
fur un ferpent d’airain à trois têtes,, dont les dif-
' férens contours formoieht une grande bâte qui
s’élargi {foie à mefure qu’ellè . defcehdoit vers la
terre. Athénée appelle ce trépied le .trépied de la
vérité , & dit qu’il appartient à Apollon , à caùfe
de la vérité de fes oracles , & à-jBaçcRus , à caufe
de la vérité qui eft dans le vin & dans les. ivrognes.
Ces trépieds facrés fe trouvent de différentes 'formes
j les uns ont des pieds folides , les autres font
foutenus fur des serges de fer. 11 y,en avoit qui
étoient des efpèces de fiégés’, ou dér tables, ou
bien en forme de- cuvettes. Il y en avoit auffi qui
Cervoient d’autels, & fur lefquels ion immoloir des
victimes. •
Dans la:fnaifon de campagne d'Hadrien ,T on a
trouvé un trépied de cinq pieds de hauteur. Cette
hauteur prouve qu’il n’avoit été deftinéque pour
une offrande, il eft d e ' pierre de touche & du
plus beau travail.
« Il faut ranger i d it Winck'elmanri, en parlant
du cabinet de Portici, dans la claffe des uftenfiles
nécefiaires les trépieds | non de la forme de ceux
dont je vais parler, mais tels qu’ils étoient très-
anciennement, c’eft-à-dire, des tables à trois pieds,
• comme
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.comme on nous repréfente dans la fable la table
de Philémon & Baucis, f in i a quelle Jupiter fe
plut à manger ( Ovid. Metam. ) :
..........................Menfam fucdnfta tremenfque J ■
Parût anus , menft fed erat pes tertius impar ;
Tejla parem fecit.............................
Car chez les grecs on appellent trépieds , non-
feulement ceux qu’on mettoit fur le feu , mais
■ auffi les tables 5 & c’eft ainfi qu’on les appelloit
encore dans les fiècles de luxe , comme nous le
voyons dans les fêtes magnifiques de- Ptolomée
Philadelphe à Alexandrie, &c du roi Antiochus ,
Epiphané à Antioche, dont Athénée nous a donne :
la description. Ceux-ci s’appelloient uzruçoi ( Ca-
■ faub. in At-hen. Deipn. I. X - ç. 4, p. 457* ^ ) 3 ^ 4e-s autres t oftÇqrm 8c ( Hadr. J un.
•animadv. I. II. c. 3. p. 64* ) w-
■»3 Dans le genre des trépieds dont on fe fe-ryoit.
pour les facriâces -, il y en a deux dans le cabinet
de Portici, qui méritoièrit d’être mis au rang des i
«lus Belles découvertes > ils font à-peu-près de la •
liauteur de quatre palmes ( 2 pie as 6 pouces}. ■
L’un a été trouvé à Herculanum 5 trois Priapes |
ai fe terminent chacun par le bas en un feul pied 1
e chèvre , en forment les pieds. Leurs queues :■
'placées au-deffiis de l’os facrürà , s’étendent hori- •
lontalement & vont s’entortiller autour d’un anneau
qui eft au milieu du trépied Sc qui réunit la
-totalité, comme la croix donne la folidité à une •
«table ordinaire. L’ autre trépied a été trouvé à
Pompeii quelque temps après célui que je viens de '
décrire ; il eft d’un travail admirable. Dans l’endroit
où les pieds, prennent une courbure pour}
acquérir plus de grâce , on voit un fphinxafiis fur ;
chacun , dont les cheveux , au lieu de defeendre ;
fur les joues , font relevés de façon qu’ite paflènt
fous -un diadème fur lequel ils retombent enfuite. |
-Cette coéffure pourroit être allégorique , fur-tout
par rapport à un trépied d’Apollon , & faire allusion
aux réponfes obfcures & énigmatiques de l’o- ]
fad e . Autour des larges bords du réchaud ( ou de
la caffolette ) , il y a des têtes de béliers éc-or-
'chées , travaillées en relief, & unies.les unes aux
autres par des guirlandes de fleurs qu’accompagnent
des ornemens cifelés avec grand foin. Dans
les trépieds facrés, le réchaud fur lequel on met--
toit le brafier, et oit de terre cuite $ celui qu’on a
déterré à Pompeiî, s’eft confervé avec les cendres
33,
Dans la colle&ion des pierres gravées de 5tofch,
on voit fur une pâte antique Hercule qui enlève
lex trépied du temple d’Apollon de Delphes. On
voyoit représenté dans ce temple ( Paufan. I. X . p.
S30.) le combat d’Apollon & d’Hercule au fujet
du trépied. Deux bas-reliefs dans la villa Albani
.représentent le même fujet & de la même ma-
Anùquucs, Tome V.
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nière. La fable rapporte qu’Harcule étant venu x
Delphes pour y confuiter l’ oracle, ne pouvoit
obtenir une téponfe de la Pythie , parce qu'elle le
confîdéroit comme fouillé du fan g d'iphitus }
Hercule offenfé prit le trépied & s'en alla ; mais
l’ayant rendu enfuite, il trouva la Pythie favorable
à fa demande.
Gori avoit pris le deffin de cette pâte qu’ il publia
>( Muf. Etruf. t. 1.1 . 1555). n. 5 .) fans dire d’où
il l’avoit eu. Au refte la gravure eft de l’ancienne
manière , & elle eft des plus achevées.
Dans la colieiftion de Stofch, on voit fur une
pâte antique le trépied d’Apollon avec un .ferpent
entortillé. C ’eft le lèrpent qu'on difoit avoir quelquefois
apparu dans le trépied 3 avoir répondu a
ceux qui cônfultoLent l’oracle, 8e qui enfuite ,
comme le dit Eusèbe, S’entortilla autour du tre-
piéd.
Sur un bas-relief de l’arc de Conftantin à Rome
( Banoii. admir. tab. 28. ) , on voit le ferpent qui
fe gliffe dans le trépied d’Apollon.
T répied de la Pythie.
L’origine des 'trépieds facrés venoit de l’antre de
Delphes. Les habitaias du Barnaffe n’avoient be-
foin, pour acquérir le don de, prophétie , que de
refpicer la,vapeur qui fo-rt-oit de cet antre ( Hiod.
X V I . ). Mais plufieurs de ces phrénétiquès s’é-
tajnt précipités dans l’ abîme & s’y étant' perdus^
on chercha les moyens de remédier à un accident
qui devenoit trop fréquent. On drefla fur
l’ouverture de l’antre une machine nommée trépied
, à caufe de fa forme 5c de fes trois baies , &
l’on commit une femme pour monter fur ce trépied
, d’où elle pouvoit, fans aucun rilque., recevoir
l’éxhalai'fon prophétique. Oh prenoit beaucoup
de précautions dans le choix de la Pythie ;
c’eft ainfi qu’on la nommoït ( Diod. Sic. ibid, 8c
Plutarch. ):. Il falloit qu’ elle fut vierge, née légitimement,
élevée Amplement, 8c qu’elle s’abftînt
de tous les objets de luxe & de molîefle recherchés
des femmes. Nous avons rapporté ce qui
concerne la Pythie dans l’article de l’oracle de
Delphes. Les reproches qu’Origëne 3c faint
Chryfoftôme ont fait aux payens touchant l'attitude
peu décente de cette vierge fur le trépied
facré , ont été un fujet de divifion parmi
quelques critiques. «Peut-on, dit Origène ( Contra
33 Celf. III. ) , honorer Efculape & Àpolloa
33 comme des dieux, & comme des dieux amateurs
33 de la pureté , lorfqu'on voit une prophétefle
33 prétendue affife fur l'embouchure de l'antre de
33 Delphes d’une manière fi contraire à la pu-
33 deur 33-. Saint Chryfoftôme s’explique à-peu-près
de même. Voici la traduélion latine de fou textè
( Hom. X X . in I. Cor. 22.) : D ici tu* Pytltia infî-
dere tripodi quandoque ApoUinis , ac quidem cruribu*
S S S S ■