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»» dit-il, qu’il exprime la joie & la gaîté; car les J
" égyptiens entendent par le mot de Sairi la joie
w & un jour de fête ». La ville de Canope avoit
pris Ton nom du Sérapîs-du-Nil qui y avoit un
célèbre temple, où*il étoit adoré fous la forme
d’un vafe à conferver l’ eau. Voilà tout ce que
nous dirons de ce Sérapis, qui n’a aucun rapport
à Séray's-Pluton , & que les grecs & les latins ont
mal-à-propos confondu avec ce dernier.
Jablonski a prouvé évidemment qu’il y avoit en
Egypte un Sérapis adoré avant celui qui fut apporté
de Sinope. 11 en eft parlé dans Thiftoire d’À-
"k-xandre-Ie-Grand , avant les Ptolémées. ( Plu-
tarch. in Alexand.ro > p. 705.) L’ interprête Timothée
&Manéthon de Sébcnne, conïultés par Soter
fu t le dieu de Sinope , répondirent , félon Plutar-
qifë ( De IJide & Gfiride. ) , « que c’étoir une ftatue
33 de Piuton , 8c persuadèrent à Ptolémée qu’ elle
»? n’appartenoit à aucun autre dieu qu’ à Sérapis...
» C ’eft le nom, ajoute Plutarque, que les égyp-
»> tiens donnent à Platon ». Ce peuple connoifioit
donc, avant l’arrivée du dieu des finopiens, un
Sérapi\-Pluton. 11 lui avoit élevé , à des époques
fi anciennes qu’ elles étoient ignorées, deux temples
, l’un près de Memphis , où il fut depuis
adoré comme dieu du N i l , & l’ autre près de Ra-
potis. L ’exiftence de Sérapis-P/üto/z eft démontrée
d’ailleurs par une fpule de paflages grecs & latins
cirés plus haut. Ajputons-en encore deux très-
exprès. L’empçreur Julien , après avoir parlé de
Piuton, dit 1| Me dieu.....que nous appelions en-
» core du- nom de Sérapis , parce qu’il eft vrai-
« ment alfas, c’eft-à-dire , invifible; c’ell vers lui
» cfue s’élèvent, félon Plutarque , les âmes de
55 ceux qui ont vécu fagement », Les égyptiens
enfin , dit Porphyre, joignent Sérapis à Piuton, &
lui donnent une robe violette ( de couleur fombre
6c foncée) , comme un fymbole de fon éclat &
de fa lumière obfcurcis lorfqu’il defcend fur la
terre.
L’ ancienne religion égyptienne, qui s’ étoit
maintenue malgré la conquête des perles, ne put
réfifter à Tin vallon des grecs.. Les Ptolémées rapportèrent
en Egypte cette même religion, mais
défigurée par les, altérations qu’elle avoit Touffu tes
en Phénicie & en Grèce, fous la plume des poètes
& le pinceau des peintres. Tout plia devant les
conquérant, même les prêtres de Memphis 6c de
Thcbes. Ceux-ci accueillirent les innovations grecques
, cherchèrent à les concilier avec la religion
primitive, & enveloppèrent cette dernière;;fous
des voiles multipliés, des allégories & des hiéroglyphes.
Craignant de déplaire, à leurs nouveaux
maîtres , ils gardèrent fous le fecret Te plus inviolable
leurs anciens dogmes, & ne les communiquèrent
plus qu’aux initiés. Macrobe attelle cette
révolution dans les termes fuivans : Tyrannide Pto-
famcorum çppctjfi h°s inoque 4eos ûz çultum recipefe
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alefcandrinorum more, apud quos pradpue coltban-
tur , coaBi funt. Ita tarnen imperio paruerunt, ut
non omninb religionis fua obf erv ata confunderent
( Saturn, lib. l.'cap. 7. ) '
Avouons cependant que les grecs, en adoptant
le culte de Sérapis avoiei t eu quelques notions de
fon origine, mais qu’ils les perdirent bientôt, ou
les étouffèrent fous les fleurs de la poéfie, au
point de la rendre ablolument méconnoiffable.
Nous voyons en effet , au milieu du grand nombre
de temples élevés en Grèce à la divinité égyptienne
, un édifice confaeré à Sérapis de.Canope fur
TAcro-Corinthe ( Paufanias, Coridtk. pag. 93. ) ,
6c diftingué foigneulement d’un autre temple de
Sérapis placé fur la même colline. On trouve en-
fuite Sérapis adoré dans des temples où Ton célé—
broît en même-temps les myftères de Cérès ( Co-
rintk.pag. 15 1 .) & de Proferpine ; ce qui prouve
affez clairement fon origine égyptienne. Cependant
la plupart des monumens , ceux-là exceptés , annoncent
la confofiondes deux Sérapis. C ’eft pourquoi
il eft fi rare d’en trouver qui repréfentent les
Teuls attributs de Piuton, ou de Sérapis-PAro/z, à
Texclufion des fymboles du Sérapis du Nil.«Dans
» les Abraxas, on trouve., dit Montfaucon-(Suppl.
35 II. pag. 1 p . ) , un Jupiter-Sérapis, tenant d’une
» main la corne d’abondance, 6c de l’autre une
33 patère fur laquelle vole un papillon, fymbole de
33 Tarne 5 preuve qu’il eft le maître du pays des
»3 âmes , ou que c’eft le même que Piuton ».
S amp , dans les langues orientales , fignifie fer-
pent; c’ eft pourquoi on en peignoit auprès de Sérapis.
Les ophites , hérétiques du fécond fiècle,
s’imaginant que ce reptile avoit enfeigné aux hommes
la fcience du bien & du mal , dîfoient qu’il
étoit le Chrift. Ils le lui préféroient même , & en
adoroient un qu’ ils conlérvoient vivant dans une
cage. C ’eft fans doute de ces hérétiques qu’’a parlé
l’empereur Hadrien, lorfqu’il a dit des chrétiens :
Illi qui Serapim colunt, chrißiani funt: & devoti
funt.Serapi, qui fe Chrifii epifeopos dicunt (Flavii
Vopifci Saturninus )......Ipfe illc patriarcha quiim
Ægyptum venerit ab alïis Serapidem àdorare , ab~
aliis cogitur Chriftum......unus illis deus eft.
C e ferpent qui accompagnoit Sérapis, ainfî que
Tufage où étoient les égyptiens , ôc depuis, à
leur exemple, les grecs & les romains, d’ invoquer
ce dieu pour obtenir la fanté , la guérifon ,
l’ont fait prendre pour Efculape. Tacite s’exprime
ainfî ( Hiß. lib. IV . cap. 83 &’84. ) : Deum ipfum
( Serapidem ) multi Æfculapium......quidam Ofirim,
antiquijjimum illis gentibus numen , plerique Jovem,
ut verum omnium potentem, pluriiïii Pitem patrem ,
infignibus qua in ipfo manifefla aut per ambages
eonjettant. Macrobe emploie une partie du chapitre
vingtième du premier livre des faturnales a
prouver l ’identité du Soleil, ou de Sérapis, avec
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Êfculape , fous Temblême particulier d’Efculape.
On donnoit à Sérapis le nom d'Efmum. Euscbe
( Prapar. evang. lib. III. cap. 4. ) combattant les
anciens mythologues prend plufieurs fois pour bafe
defes objections l’opinion qu’il leur attribue qu’Ef
culape étoit le Soleil. Cette conformité de rapports
avec Sérapis lui en a fait donner prefque mus les
attributs. Il eft ordinairement accompagné du ferpent
comme lui, & quelquefois même dy Cerbère
cotpme Sétzpls-Pluton. On fait quelles frivoles
explications on avoit donné jufqu’ ici du ferpenr
d’Efculape.
Plutarque n’a pas mieux rencontré en cherchant
la raifon pour laquelle les temples de ce dieu
étoient placés ordinairement hors des villes > car
il a allégué la falubnté de l’air des campagnes;
S’il eût connu auffi en détail que Macrobe le
culte des divinités égyptiennes, il auroit trouvé
cette raifon dans Turage conftant où étoient les
adorateurs de Sérapis, d’éloigner des villes les
temples de ce dieu.. .. Ut nullum..... f Saturn. lib.
I. cap. 7. ) ut nullum oppidum intra muros fuos Sérapis
fanum reciperet. C ’eft . ainfî que tout paroî:
lié dans la mythologie , lorfqu’on en tient le*vrai
f i l , 6c que tout au contraire devient incohérent
fous la plume des écrivains qui n’ont pas fu remonter
à fes principes véritables. Les grecs auroient
pu les apprendre des phéniciens & des tyriens ,
ces colonies égyptiennes qui leur tranfmirent les
dogmes de leur métropole avec quelques altérations.
Une des principales fut Y Efmum, devenu
dans la Phénicie TEfculape , & adoré depuis fous
ce dernier nom en Grèce & à Athènes en particulier,
long-temps avant Ariftophane ( Plutus. ).
Cette explication au refie n’efi point une conjecture
de ma part ; elle eft, confignée dans la vie
d’ Ifidore ( Cod. 241.. p. 1074. ) par Dama feins ,
fragment que Photius a confeivé dans fa bi.»
bliothèque.
Sérapis Piuton, ou le foleil d’hyver , a été pris
auffi pour Adonis ; 6c ce fut encore une création
phénicienne. Martianus Capella en fait foi':
Te Serapim Nilus , Memphis yeneratur Ofirim ,
Dijfona facra Mitram, Ditemque, ftrùmque
Typh onent.
■ Atys pulcker , item curvi & puer almus aratri ,
Ammon & arentis Libies , & Biblius Adon.
L’hymne d’Adonis qui porte le nom d^ rp hé e ,
contient plufieurs vers relatifs à Piuton , dont le
nom même avoit tant d’analogie à celui d’Adonis :
Aifaytvs, ou A'fawjs 6c Afavis........ Vous foiirfiif-
» fez , y eft-il d it , lanourriture à tout ce quiref-
» pire..... Vous vous éteignez, & brillez: en fuite
s? de nouveaux feux à des périodes réglées.... Vous
ss faites naître la verdure..... Tantôt vous habitez
»» ,1e Tarcare obfcur, tantôt , vous montez vers
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l’Olympe", & faites alors mûrir les fruits 33.
Obfervons encore que cet hymne l’appelle £«/-
pav, nom que le prétendu Orphée donne feulement
aux grands dieux , 6c. qu’il avoit appris dans
les myftères émanés de la doctrine des génies.
Macrobe s’exprime d’une ma/f-ère beaucoup
plus claire dans fes faturnales ( Lib. I. cap. 21. ) :
Adonim quoque Salem ejfe non dubitatur, infpeftâ
religione ajfyriorum , apud quos Vencris architidis
& Adonis maxinia oiim veneratio viguit , quant
nu/ic phoenices tenent. Nam phyfici terra fuperius.
nemifpk&rium , cujus partem incolimus , Ventris
appellatione coluerurit, Ergo apud ajfynos five phcc-
nices lugens inducitur dea ; quod fo l annuo grejfit
per auodecim fgnorum ordinem pergens partem quo
que hemifph&rii inférions ingreditur, quia de duode
cim fignis Zodiaci fex [uperiora, fex infenom
■ cenfentur : & cum efi in inferioribus , & ideo die s.
breviores fa c it, lugere çredrtur dea , tanquam Sole-
raptu mot tis temporalis a?niJfo,&aProferpinâretentop
4uam numen terra inférions cîrculi & antipoduin di-
ximus. Rursùmque Adonim redditum Veneri credi
yolunt, cùm fo l eviftis fex fignis inférions' ordinis
incipit nofiri circuli lujirare hemifpher-ium , ciim in—
cremento Luminis & dicrum. Ab apro autem. tradunt.
interemptum Adonim , hyemis imaginem in hoc anim
maii fingentes..... Ergo hyems veluti vulnus eft fo~
lis , qua & lucem ejus nobis minuit & calorem , quod
utrumque animantibus açcidit morte.
, L identité de Typhon 8c de Piuton, ou du génie
folaire d hyver, efi indiquée quelquefois, mais
jamais démontrée dirc&ement. Jablonski a pris
'ftmplement Typhon pour un mauvais génie. Mais
Martianus Capella dit expreffément qu’il eft le génie
folaire , ferumque Typhonem. Nous lifons dans
Saiichomaton que Typhon tua fon frère Olîtis ,
;que ce parricide fur vengé par Ifis , avec l’aide
d’Orus fon fi!s ( Eufeb\ prap. evang. lib. I. pag.
) ’ •• • 6cc. Quelle liaifon peut^on trouver dans
ice récit, fi l’on ne reconnoît dans Tvphon Thémi-
jfphère inférieur engloutifiaut le- foleil , Ofnis ,
pendant 1 hyver. On fait d’ailleurs qu’Orus ou
,H ypocrite eft l’emblème du foleil, qui paroît te- .
naître au printemps. C ’eft pourquoi il eft cenfé
tuer ^Typhon , c eft-a-dire , ôter à l’hémifphère
inferieurJa puiffance de retenir Ofîris. Voilà cet
hémifphère , ou Piuton reconnu fous un emblème
diftinél pour Typhon , quoique Jablonjki l ’ait
confondu avec le génie du mal.
De cette interprétation découlent naturellement
les raifims pour lefqudles Anubis eft foiivent re-
préfenté avec un crocodile fous fes pieds, âc
pour lefquelles on avoit confaeré à Typhon le
crocodile & l’hippopotame. I! eft reconnu qu’A-
nubis eft le Mercure des grecs. Or ce Mercure
»étoit, comme on Ta vu à l’article du Mercure-
. infer u s Temblême de l ’horizon qui fépare l’hémi