*56 V I R
après les avoir moulés d'une ‘maniéré peu recherchée
, comme je Fai pratiqué.
Les collerions de médailles renferment un grand ;
nombre de médailles fourrées , c'eft-à-dire, pla- ;
.quées d'argent & d'or. Leur refferaiblance avec
•les médailles qui font .«faites entièrement d'or,
■ ou d'argent eît 11 grande, que l'on eft oblige j
de les fonder avec un poinçon , c eft-a-dire, ;
de les percer au delà des feuilles d'or & d'argent,
pour découvrir le cuivre qu'elles recèlent. ;
O r , les procédés pour plaquer & doubler les
métaux, excluent ‘formellement le moulage î ;
ils exigent que les pièces foient eftampées, en
terme de manufa&ure , c'eft-à-dire-, frappées -à ■
•chaud. Voilà donc une preuve que les moné-
tiires anciens frappôient à chaud.
J'en trouve une fécondé preuve, beaucoup ;
plus forte que la première , parce qu'elle eft ge- :
nérale, dans les irrégularités de la frappe dés
médailles antiques. Il eft très-rare d'en trouver,
dont les empreintes ne foient pas excentriques ;
à la pièce de métal qui les fupporte. A peine en;;
voit-on une fur un mille. Ce défaut eft quelque- |
fois fi palpable, que l'excentricité eft de plus j
d'une ligne & demie fur des pièces -de fix lignes :
■ de diamètre. Si ces pièces avoient été frappées j
à froid , rien n'auroit empêché de retarder le
coup, jufqu'à ce que le flaon eut ete placé exac- ;
tement fur le coin inférieur ou le tas; & alors }
l’empreinte auroit été concentrique au .flaon. ^
Mais en frappant à chaud , il faut faifir bref-
tement & par la tranche, le flaon chauffé au ;
rou ge, le tirer du feu , ‘le tranfportër fur le ;
tas l’y placer de fuite. Tout cela doit étfe s
fait en moins de quatre ou fix fécondés, fans
quoi le flaon perd la chaleur, que_ Hii. enlève le
tas froid, & il éclate fous le coin. C'eft de que ,
j’ai éprouvé, & ce qui m’a appris ‘pourquoi
l'on trouve tant dé médaillés^ de tous métaux ,
mais de bronze fur-tout, qui font fendues ou
éclatées.
S'il reftoit quelque doute après ces deux preuv
e s , je ferois examiner avec la loupe la plupart
des médailles d'or ou d'argent. On y verroit de
petits filets , dirigés du centre à la circonférence ,
qui font produits par le refoulage latéral d une
matière métallique à demi - fondue. Ces filets ne
peuvent exifter dans des pièces frappées à froid ;
parce qu'alors le refoulage latéral de fa matière
métallique n'a pas lieu , & que l'aéfion fe fait par
une compreffion perpendiculaire , ou un rapprochement
en épaiileur.
D’après toutes ces confidérations , je crois
pouvoir affurer, généralement parlant, que les
anciens monétaires mouloient les flaons fous^ une
forme approchée de celle que dévoient avoir les
»ésUiles > qu’ils les chau&oient eafuite au r«uy
I R
g e , & qu'ils les frappôient dans cet état d'in«*
candefcence.
Paflbns à l’examen des, coins '& à leur fabrication.
Je ne m'arrêterai pas à prouver^ que le
bronzeétoit la matière employée à les taire. Le
coin de la colle&ion de fainte Geneviève, reconnu
pour antique., 'eft de bronze. Ceux que
j'ai employés font de la -même matière. D ailleurs
tous les meubles tous les outils , tous les ml-
trumens, trouvés à Herculanum & a Pompeia.,
font de bronze-.j ce qui prouve l'umverfaliLe
de fon emploi pour tous les procédés des arts.
La manière dont dés coins étoient travailles,
demande plus de difcuffion, & fournit le fuiet
de recherches très-curieufes fur les arts des
anciens.
Un examen fait avec la loupe de toutes le«
médailles antiques du cabinet de fainte Geneviève
, & la comparaifon avec les monnoies modernes,
dont les coins ou poinçons ont été gravés
au burin, m'ont convaincu que la gravure
-des coins de toutes les médailles grecques, & de
-prefque toutes les romaines , diffëroir abfolument
de celle des coins modernes. 'Fous les traits des
types anciens font arrondis >• on n'y ; voit jamais
d’angles vifs -ou d'arrêtes } îles- jambages droits
•des lettres font formés-de deux petites éminences
rondes , ou bouléttes liées par un tr^it*; tous
les reliefs font arrondis ; en un mot c'eft le même
travail que Celui de la gravure des pierrês fines.
Au contraire , lès jambages des lettres gravées
au burin fur ies poinçons modernes , font formés
de maffes quarré-l'ong à arrêtes vives & terminées
carrément par des traits aigus & trajiches.
Ces détails ne peuvent fe; décrire avec la pre-
•cifion qu'exige une démonftration ; mais l'oeil
armé d'une loupe les faifit fur le ‘champ.
Lé burin , appelle le plus foüvent échoppe,
eft un inftrumentpointu '& tranchant par fes cotés;
il produit fur le ter des tailles ' droites, ouvertes
quarrément 1 '& le réfultat de fes fouilles, eft
toujours reconnoiflable par les vives arrêtes.
Pour graver fur les pierres , on emploie: le touret,
efpéce de tour, monté avec des bouterolles. Les
bouterolles font de petites verges d'acier, terminées
par des lentilles. Cet inftrüment étant
rond & émouffé , ne peut creufer dans un coin.,
ou fur un poinçon que des formes arrondies;,
& jamais il ne produit de hachure terminée quarrément,
ou1 d’angle vif. C'eft ce que l'on voit
■ fur les pierres gravées antiques modernes ;
c'eft ce travail qu'ont expliqué Mariette &: Natter
c'eft lui enfin que l’on reconnoit fur la plupart
des médailles antiques. D après ces obfer-
yations , il faut convenir , généralement parlant ,
que les coins,'ou poinçons des médailles antiques
, étoient gravés au tour * & non au
buïiox _J*
y i k
Je vais faire l’application des obfervatiohs générales
qui précédent, au monnoyage d'une médaille
antique. Le premier travail étoit de mouler
deux coins de bronze , & d 'y , graver au tou-
ret la tête & le revers!- Le fécond travail étoit
de placer entre ces' coins gravés plufieurs’,’ flaons
chauffés au rouge , & de les frapper. On avoit
alors une monnoie , ou plufieurs monnaies du
même coin. Vouloit-on hâter la fabrication, que
deux coins uniques, auroiènt rendu trop lente >
«n eftampoit plufieurs coins de bronze chauffés
*n rouge avec les premières monnoies fabriquées.
Ces coins ainfi eftampés , frappôient des monnaies
avec la même jprécifion qué les coins gravés.
Par ce procédé , on pouvoit^ réferver les
deux coins gravés , pour fervir de juftification
ou de prototypes ., & l'on eftampoit autant de
coins que l'on vouioit établir d’atteliers de fabrication
pour la même monnoie*> De-là viennent
fans doute les mots officina A , B , C , &rc. c'eft-
à-dire , attelier premier, fecond , troifième,
& c . qui font gravés fur les médailles antiques ,
& qui tenoient lieu de la marque, affeélée autrefois
à chaque dire&eur d’ un hôtel, des mon-
fcoies. Pour établir ces différences , le graveur
en travaillant Mes coins prototypes , laiffoit vuide
la partie du champ de la médaillé, qui dsvbit
portée la lettre numérale ou le numéro de l'atelier.
Enfuite , lorfqu'on avoit eftampé autant1
de coins que d'atteliers , il lui étoit facile d'a-
jçuter à chaque paire de coins la lettre numérale, ••
qui défignoit l'attelier où. ' l ’on- devoit le faire
egir.
Voilà en peu $è mots là defcription des procédés
ordinaires qui conftituoient \e monnoyage des
anciens. Je rélerve la fabrication des mbnoies dentelées,
nummifcrraii, paur un mémoire particulier. Je
dirai feulement ic i, què'la pratique de faire des
monnoies dentelées , fut, fimplement une mode-,
une bizarrerie pour celles de bronzé ) mais que
pour celles d’or & d’argent, elle fervit à les
pré'feiVer du doublage , ou placage, en mettant
l'intérieur de Ja pièce à découvert.
_ Comparons maintenant les procédés dès an-
eiens avec les nôtres, pour connoître leur avantage
& leurs défauts. Quant à la beauté de la
gravure, celle des anciens l'emportoit fur la nôtre;
parce que le touret donne un coup doeiî'gras '
( pour me fervir des. fermes de l’a r t, ) ùne rondeur
de forme impraticable au burin ,. qui fournit
toujours un travail maigre & fée ; maïs il eft
évident que la gravure des poinçons au touret,
facilitoit le faux monnoyage. En coulant dés pièces
fauflesj dans des moules fabriqués fur lés pièces
véritables, on les rendoit reflèmblantes à l ’oeil
de la ^multitude j parce qu’il faut un examen attentif
pour aiftinguer par Tinfpèétion du métal
feul, une. piece moulée , d'une pièéé frappée. Le
Jïaoule ne produit, à Ja.vérité, que des traits
* Tarn
V I R 857
émoufles 8c arrondis > mais c'étoit le vice inhérent
à la gravure au touret. Sous ce point’ de
vue, le monnoyage dés anciens étoit beaucoup
inférieur au nôtre', que la gravure au .burin
rend fi difficile à imiter par le moulage.
On ne fauroit donc craindre que la publication
de mes expériences puiffe fervir aux fauf-
faires, qui d'ailleurs trouveroient dans la marque-
fur-tranche un nouvel obftacle à leurs coupables
projets.
Le monnoyage des anciens avoit cependant
un avantage fur le nôtre , celui de la vîteffe pour
la fabrication des coins. Huit jours fuffifent à
pèine à un graveur, dé monnoie pour faire le
poinçon d'une tête de même grandeur que la médaille
d'or antique.
Un graveur en pierres fines , exécuteroit ce
même travail en moins de vingt-quatre heures ,
fur-tout fi l’alliage du coin ne tenoit qu'ua
fixième ou même qu'un feptiëme d'étain , comme
fanalyfe chiiTiique, m'a apprij qu'étoit formé
ordinairement le bronze dés anciens.
Cette vîteffe réfout facilement le problème
fi connu des' antiquaires ; comment eft-il poffibîe
que l’on ait , plufieurs médaillés de différens métaux*)
& de difl'érens revers de princes ou tyrans
qui ont régné très-peu de temps ? Tel le tyran
Marius , dont le règne fut terminé au bout de
trois jours,; tel eft Brutus, dont les médailles
n’ont pâ être frappées que dans le camp, Sc
avant la bataille de Philippes......... ! Après avoir
entendu ce que j’ai dit jufqu’i c i , on conçoit
aifémënt que. des graveurs & des monnoyeurs
fuivoient les armées , & qu’ils y fabriquaient
à volonté des coins & des médailles dans le court
éfpace d'un ou de deux jours. Le touret, les
outils du graveur, les moules, les mandrins , les tenailles
,& les'marteaux du monnoyeur; tout cet appareil
formoit un pérît yolume , & n’offroit aucune
difficulté pour le tranfport. Peut-être même
que des légionnaires- exerçoient les arts de la
. gravure & du monnayage ; car' les inferiptions
antiques , atteftent que les légionnaires exerçoient
prefque tous les métiers, ceux de char-
i pentiers, de maçons , . de ferruriers , &c. Ma
• conjeéhire fur les médailles de ces hommes qui
ont règne fi peu de temps, paroîtdonc très-vrai-
femblâble. ' '
L'examen de la plupart des médailles antiques ,
a fuffi pouf décider qiTe leurs coins à voient été
gravés aii touret, & non au burin. Il ferc.it cependant
fatisraifant de prouver ce fait par quelque
.monument écrit. Je’ fais que les inferiptions re-
cueiliies depuis deux Ijecles jufqu'au milieu de
icelui-ci, ne font connoître que des ma Ica c ores,
;ou frapeurs au marteau, des f.atorcs ou fondeii'.s
de flaons / des fupvàfîàrss, ( Gruter. ïà66. 5; )
Q cj tj <j (j