
En 1773 on trouva dans un champ près de Pe-
ruge , une fiatüe de terre cuite, de deux pieds de
haut, d'un travail admirable, représentant un
dieu pénate, couvert d'une peau de chien. Pafferi
en publia à Perufe une courte explication. La
choie la plus remarquable qu’offre cette fiatue y
c'eft le nom de l'artifte écrit fur le focle de cette
manière : C. FVFIVS> F1NXIT. Les deux fiatu.es
de Pompeii ne font donc plus les feules de terre
cuite qu on ait trouvées entières.
Sur les monumens les bafes des fiàtues font ornées
de guirlandes.
Chez les grecs, lorfqu’ on ignoroit le nom du
fculpteur de quelques anciennes fiatues, onaffuroit
qu’elles étoient tombées du c ie l, & qu’elles ren-
termoient une vertu divine.
» On prend dit Caylus (/. 130.) ordinairement
pour des ouvrages d’ artiftes grecs les flatues qui font
nues. L'habitude de les voir ainlï repréfentées,
jointe à un paffage de Pline ( Liv. X X X IV . c. y.) >
où il eft dit que les fia tues grecques étoient routes
nues : grec a res efi nïhil velare ; at contra Romana &
militaris , tkoracas addere, autoriferoit en quelque
façon ce fentiment > mais toute opinion exclu-
five eft communément une erreur. Le témoignage
de Pline doit donc être modifié ; & le préjugé auquel
il a donné lieu ne fubfiftera plus après les
preuves que je vais rapporter. Les artiftes grecs
aimoient a traiter le nud. Il eft en effet plus flatteur
, de quelque façon qu’on le veuille envifager.
Cependant ils s’écartoient quelquefois de cet ufage
par des raifons différentes, & plufieurs de leurs
fiatues étoient drapées} telle é toit, fuivant ( liv .
X X X V I . c. 5. ) Pline lui-même , une des deux
flatues de Vénus que Praxitèle avoit faite. Telles
étoient auffi au rapport de Paufanias, celle de
Lucine chez les athéniens, ( Voyage de PAttique c.
X V I I I . ) celle des Grâces ( Voyage de Béotie
c. X X X V . ) & de Proferpine ( Voyage d'Arcadie
9. XXXI. ). Je pourrais rapporter plufieurs exemples
femblables tirés des hiftoriens,& un plus grand
nombre encore que les monumens antiques me fourni
soient, principalement des médailles furlefquelles
Àrfinoé & Bérénice, reines d'Égypte, & Philiftis
qui régnoit en Sicile, paroifi&nt avec un voile fur
la tête ». - : i
Il eft prouvé par mille exemples, qu'à la réferve
des athlètes & aes efchves qui fer voient aux bains,
tous les romains , hommes & femmes , étoient re-,
préfentés vêtus , par la raifon qu’ils J'étoient en
effet. Ils diftinguoient leurs fiaiues par les habiller
mens. Ils appelaient fiatue paludata celles des empereurs
qui étoient revêtues du paludamentum,
manteau de guerre. Les fiatues thoracata, étoient
celles des capitaines & des "chevaliers avec leurs
cuïraffes. Loricau, étoiegt celles des foldats, Mais
dit Pline ( 34. y ) Cafarquidem diftator loricatamfil1
dicari in foro fuo pajfus efi.
Lestrabiées, trabeauyétbient celles des féna-
teurs & des augures. Togate, celles des magiftrats
en toges longues} tunicate, celles du peuple avec
une fimple tunique } enfirl ftolau fiatue. étoient
celles des femmes vêtues de noies ou longues robes.
Mais on peut divifer commodément les fiatues
antiques en pédeftres, équeftres, & curules ,
c'eft-à-dire à p ied , à cheval & en char.
» Parmi les petites fiatues d’Herculanum, je
citerai, dit Winckelmann, une fiatue équeftre , &
un autre cheval, mais fans la figure du cavalier.
La première de ces petites figures mérite une def-
cription particulière. Le cheval & le cavalier ont
enfemble environ un palme romain & onze pouces
& demi de hauteur. Le cheval a un palme & neuf
pouces de longueur. Le bras gauche qui manque
à la figure , retenoit, comme on peut le voir, la
bride du cheval pour modérer fa courfe. Le bras
droit eft levé & dans l’attitude de lancer un javelot.
Les deux jambes de derrière du cheval font
perdues. La bride, ainlï que les ornemens de la ganache
du cheval, qu’Homère appelle le
mors & le poitrail (atzrafoor) , tout eft admirable-,
ment bien travaillé en argent} & les yeux avec l’indication
de la prunelle, font incruftés en argent. Au
milieu du poitrail, où fur les chevaux des bas-reliefs
& des pierres gravées on voit pendre un croiÊ
fant, il y a une belle tête de Bacchante couronnée
delièrre, d’un travail en relief d’argent } & aux
deux côtés de ce même poitrail, il y a des charnières
ou articulations indiquées, qui nous prouvent que
ce poitrail a été de bronze. Alexandre a fon manteau
court ( Çhtamys ) attaché fur l'épaule gauche
avec un bouton plat d'argent, & fous ce manteau
on voit fa cuiraffe. Deflbus la poitrine il y a une court
roye qui defcend fous le fein gauche, qui fervoit,
comme il paroît, à porter l'épée. Voye[ A urÉlç
(M arc).
Les marchés de Rome & les places publiques
étoient décoréj des plus belles fiatues équefires. Ju-
les-Céfar ordonna de mettre celle qui le repréfen-*
toit dans le forum de fon nom. Le cheval & la fiatue
avoient été fculptés par Lyfippe pour Alexandre le
grand. Çéfar fit ôter la tête cFAlexandre de defluç
la fiatue , & y fubftitua la fienne. Stace (U I. Syfa. )
pous apprend cçç échange :
Çedat equus, Latia qui contra templa Dione*
Cefareifiat fede fort, quem tradere es aufus
P lLUq , Lyfippe , duciA mex Çdfaris ora
Aurata cervice tulit . . . . . . .
Ç ’efticile lieif dç remarquer quelles anciens fgi»
foient fouvent des fiatues dont la tête fe détachoit
du reftedu corps, quoique l'une & l'autre fuffent
d'une même matière ; & que pour faire promptement
une nouvelle ftatue, ils fe contentoient d’en
changer la tête.
Ainfi nous lifons dans Suétone, qu’au lieu de
brifer les fiatues des empereurs dont la. mémoire
étoit odieufe, on-en ôtoit les têtes à la place def-
quelks l’on mettoitcélles des empereurs chéris ou
confîdérés. De-là vient fans doute en partie qu’on
a trouvé dans la fuite des temps quantité de têtes
antiques fans corps.
Les fiatues curulesy de marbre ou de bronze,
avoient pour lieu propre de leur emplacement les'
arcs de triomphe. Comme on élevoit de tels arcs
en l'honneur de ceux à qui le triomphe étoit décerné
après leurs victoires, & que les triomphateurs
en entrant dans Rome, pafioient par-deffous
ces arcs fur des chars attelés de plufieurs chevaux
de front, l’on mettoit leurs fiatues curules au-def-
fus defdits arcs pour en conferver la mémoire.
On appella grandes fiatues celles qui furpaf-
foient la grandeur naturelle des perfonnes pour
lefquelles elles étoient faites } on nomma moyennes
©u athlétiques celles qui étoient de même grandeur,
& petites celles qui étoient au-defîous. Ce n’ eft
pas tout, les grandes fe divifoient en trois ordres }•
quand elles n'excédoient la hauteur naturelle
que d’une moitié , on les nommoit Augufies, &
elles fervoient à repréfenter les -empereurs, les
rois & les grands capitaines de Rpme. Celles qui
avoient deux fois leur grandeur s'appelaient héroïquesy
& on les confacroit aux demi-dieux &
aux héros. Enfin' lofqu’elles s’élevoient jufqu’à
trois hauteurs ou. plus , elles prenoiënt le nom de
colojfales, & étoient deftinées pour les dieux.
Les grecs gravoient fur la bafe de leurs fiatues Je,
nom de celui qu’elles repréfentoient ou qui en
avoit fait la depenfe} ils pouvoient effacer ce
même nom & en fubftituer un autre, c'eft ce
qu'ils firent fcuvent par flatterie, quand ils furent
fournis aux romains } quelquefois ils changeoient
en même tems la tête, ou en retranchoient les
traits. Plutarque dit qu'ils ufèrent de ceftratagême
& qu'ils mirent le nom à'Antoine aux deux fiatues
colojfales dAttalus & d'Eumen'es.
Les fiatues plus petites que nature étoient fiïbdi-
vifées en quatre efpèces , auxquelles on donna des
noms tirés de leur différente hauteur, celles de la
grandeur de trois pieds fe jtïommoient tripédanea.
Telles étoient les fiatues que le fénat & le peuple
©rdonnoient pour les ambaffadeurs qui avoient péri
cfè mort violente dans leur légation, c'eft ce que
Pline ( L, X X X IV . c. v. ) nous apprend : à romana
populo tribut folere injuria csfis tripedaneas ftatuas in.
foro.Oa cite pour exemple h fiatue de TulliifsCoeb’us
qui fut tué par les Fidénates, & celles de P. Ju-
nius & de T. Caruncanus que la reine des illyriens fit
mettre à mort. Quand les fiatues n'étoient que de
la grandeur d’une coudée, on les appelloit cubitales.
Lorfqu'ellesétoient hautes d’un palme, c’eft-à-
dire, de quatre doigts, elles étoient appellées
palmaresi Enfin quand elles étoient encore moins
hautes, on les nommoitfigilla. On faifoit quantité
de-ces figilla en or, en argent, en ivoire, & 00 les
eftimoit beaucoup, foit pour leur travail, foit à
caulê qu’on pouvoir les tranfporter commodément}
& même les porter fur foi par dévotion pour les
dieux, par reconhoiffance pour des princes, par
admiration pour de grands nommes , ou par attachement
pour des amis qu’ils repréfentoient.
» Rien n'eft plus capable de fixer nos idées fur
la magnificence des grecs, dit Caylus ( Rec. d'an-
tiq. tomeIIpage io j ) , & fur la manière dont ils ont
cultivé les arts, que le récit de Paufanias. Ce
voyageur célèbre a vu dans différentes parties
de la Grèce, qu’il a parcourue, deux mille huit
cens vingt-fept fiatues ou environ.
Il eft impoffible de les compter avec une plus
grande exactitude : car il fe contente en plus d’un
endroit de les indiquer, fans en déterminer le
nombre , & dit feulement plufieurs fiatues. Cette
façon de parler, vague & generale , pourroit fup-
pofer cent-cinquante ou deux cent morceaux au-
deflus de deux mille huit cens vingt - fept* Un
détail plus circonftancié nous auroit peut-être fa-
tisfait davantage , mais il nous auroit moins prouvé
l’exaêlitude de cet auteur. Car en parlant des
temples, des tableaux, des portraits & des autres
monumens , il a toujours employé la même expref-
fion , lorfqu'il n’a pu, fans doute, les compter,
ou lorfqu'ils ne méritoient pas un attention affez
particulière : & fi l’on peut loupçonner avec quelque
raifon, que fes connoifiances n’étoient pas
fort étendues, du moins il donne à chaque pas
les preuves de fon amour pour la vérité. Sa crédulité
qui l’entraîne fouvent dans des erreurs, & lui
fait rapporter fcrupuleufement tout ce qu’ on lui a
dit, eft elle - même un témoignage de fa bonne-
foi. Les deux mille huit-cens vingt-fept fiatues dont
il eft fait mention , & qu'il diftingue fouvent par le
nom de leurs auteurs, renfermant dans leur nombre
plufieurs petites fiatues, même de celles qui font
un peu au-defTous des proportions, de la nature }
mais on y compte trente-trois coîoffes, dont trois
font de bois , & les autres de bronze , ainfi que
les trente-deux fiatues équeftres, car Paufanias a
toujours eu foin de fpécifier les matières. Paufa-
niàs nous apprend que Néron avoit emporté cinq
cens fiatues de la feulé ville de Delphes. »
» Les grecs me paroiflent avoir afîez fréquem