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préfentant un homme a cheval que je mis fous
l:-s yeux de l’académie, me donna la certitude
de cette opinion. Si Ton compare la gravure
de cette plaque avec les médailles gauloifes
($je,.ne comprends pas fous cette dénomination
les médailles de Marfeille , de Nifmes,
de Cabdlio, &c. qui font bien deflînée* ) , on
y reconnoîtra le même ftyle de deflin, & Ton
démêlera le même, goût au travers de la barbarie
de ces monumens. Je trouve une reffem-
blance frappante entre la manière bizarre &
exagérée dont la bouche: du cheval eft terminée
lur la plaque., & les bouches de plufieurs des
chevaux qui forment le type ordinaire des mér
dailles gauloifes. Cette reflemblance de ftyle
paroît m’autorifer à dire que ces fquelettes font
ceux des gaulois & non des romains. Cette ef-
pèce de découverte m'a dédommagé du dégoût
que l'on éprouve fi fouvenc en étudiant 8c en
comparant des monumens aufli mal deflinés &
puflà bizarres que le font les médailles gauloifes.
Les fquelettes trouves dans le monticule de
Velu qui en .renferme un grand nombre d’autres
(même 5000 félon l’opinion des habrtans) ,
font tous de grandeur à-peu-près égale &
tous accompagnés d’épées ou de ftÿleçs ; ce qui
annonce h fépulture de plufieurs guerriers } &
non un cimetière qui auroit renfermé des corps
de différentes grandeurs 8c de fèxe différent. !
Cette fépulture militaire feroit-elje la fuite
d’une J bataille donnée en cet endroit qui
o’eft éloigné de la Somme que de cinq a fïx
lieues ? Faudroit-il fixer l’époque de cette bataille
au temps de nos rois de là première
race , qui formèrent leurs étabiiffemens , &
livrèrent aux romains des combats fréquèns fur
les bords de la Somme , de J’Oifè 8c dans les
environs de SoifTons ?
Le défaut de preuves direéfes m’empêche de
prendre un parti .fur cette queftion épineufe.
Je vais examiner lés épées qui me fourniront
des obfervations mieux déterminées 8c plus
iàtisfail'antes.
Les épées trouvées à Velu font de fer &
jirojtes. Elles ont deux pouces de largeur fur,
quatorze à qujnze de longueur, non compris *
Ja foie. Ces lames font tèrminées par une
pointe de trois à quatre pouce? de longueur.
Elle n’ont, comme nos labre?, qu’un taillant
qui eft d’acier. Leur dos plat 3e quarrp fabriqué
en fer dopx eft épajs de trpis lignes.
L’épaiffeur de ce? épées 8c leur pointe les
rendent bjen différentes de çelles que portoient
les gaulois qui fuivjrent Brennus. Polype ( fïb .
I I , cap. 33. ) dit qu’elles n’avoient pas 'de ;
pointe 3c qu’on ne pouvoit s’en fervir que pour
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tailler. 11 ajoute qu’ au premier Goup elles fe
faufloient, 8c fe repliaient comme les inftru-
me ns appelles ftrigiles. Les foldats gaulois étoient
obligés, pour s’en fervir encore , de les re-
dreftl-r en les preffant "contre terre avec leurs
pieds j pratique incompatible avec l’épaiflèur
des épées de Velu. Voye1 É pees gauloifes.
Nous ne pourrions aujourd’hui fabriquer de
meilleurs armes , que les. épées de Velu. Les
gaulois auxquels elles ont appartenu faifbient
plus que de fbrger le fe r , de l’acérer 8c de
le tremper vigoureufètnent 5 ils le damafqu>
noient avec de l’argent. Une boucle de fer
trouvée avec les épées , a été damafquinée par
une pratique femblable à celles qui *0*11 rendu
fi célèbres d’abord les fabriqués de Damas
dans les quatorze & quinzième fiècles, enfui te
celles de Paris pendant les règnes d’Henri TV
& de fes deux fucceffeurs, fous le cifelet de
l’habile Curfinet, mort en 1660.
Les deux fers de lance trouvés dans le* fépul?
tures de Velu font plus étroits que les fers det
lance de bronze confervés dans les cqlleétions
d’antiques. Le premier qui eft long d’un pied,
n’a environ que quinze lignes dans fa plus
grande largeur, & le fécond long de dix pouces
, n’etl a que douze. Ils font trempés vigoureusement
, àinfi qu’une lame de çouteau qui
étoit enfouie avec pux. Je les appelle fers de
Iunce 8c non de javelots, quoique ce nom pour-
roit, 4 la rigueur, convenir au fécond; parce
qu’on ne conrioît pas les proportions de longueur
qui fixoient la différence des lances aux javelots &
du fer des premiers à celui des féconds.
Les plaques de bronze des fë-pultures de Velu
ont fervi d’ornemens aux guerriers qui les atta-^
choient au cuir de leur ceinturon ou de leur
baudrier. BulU étoit chez les latins leur nom
générique, parce que les premiers ornement
des ceiaturpns avoient été de fimple? clous
à tête ronde, larges & quelquefois doré? *
appelles BulU.
Ce n’eft pa* de l’or ni même de la dorure
qui brille fur les bull& trouvées à Velu. De
l’argent très-pur remplit les filions de la boucle
de fer damafqujnée; 8c une efpèce d’argenture
ou blanchiment couvre les plaques de
bronze. Ce blanchiment eft -un alliage d’étain
& d’une partie très-petite de queiqu’autre fubf-
tance métallique, probablement d’argent, que
l’on n’a pu déterminer, à caufe de la petite
quantité d’alliage foiirni par ces plaques. Mais
quelle, que fpit cette fubf&anee métallique 8c eu
Quelque proportion qu’elle entre dans l’alliage »
on doit être curieux de la connoître, parce
quelle a rendu le blanchiment capable en plq?,
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fieürs endroits de refifter, fans fe détacher ni
fe bourfôufler, au verd de gris produit par le
bronze 3 qüi lui fert de bafe. L eau-forte avec
laquelle on a frotté ce blanchiment pour le
nettoyer & le reconnoître na fait même que
l’aviver. De plus il s’eft confcrvé entier fous
les têtes des. clous 1 ajoutés comme( ornement
8c rivés fous les plaques. Les bouc.es de fer
font ornées aufli de ces mêmes clous de
bronze dont l’ alliage eft formé de beaucoup
de cuivre, & d’une partie d’étain qui leur
donnoit une teinte blanchâtre & argentée. Il
eft entré, une plus petite portion de ce demi-
métal dans le bronze des plaques, d©:»t le
grain eft plus rouge, mais moins que celui du
cuivre rofette. C ’ eft à cette portion d’étain
mélangée au cuivre des plaques que font dues
l’adhérence du blanchiment à fa bâfe , & la
légèreté du bronze qui forme cette bafe.
Ces mots d’Horace ( I. fat. 10. v. 72. ) :
Sape fiylum vertus , iterum que, digna legi fuit
Scripturus................ .
peignent l’ufage que l’ on faifoit du bout fupé-
rieur des ftyles pour applatir la cire des tablettes
8c pour effacer l’écriture. Ce bout
devoit donc être plat pour remplir cet objet,
& il fe trouve tel dans l’inftrument de bronze
des fépulcres de Velu.
A cette forme je l’ai reconnu pour un ftyle-;
quoique le bout pointu avec lequel on écrivoit
foit brifé. Le citoyen Leblond en a trouvé
deux femblables, mais entiers, dans les tombeaux
de Saint-Gobin.
Les trois fquelettes auprès defquels étoient
placés lès ftyles , n’avoient point d’épées ni
de fer de lances, comme les autres fquelettes
de Velu ; on peut donc voir dans ces ftyles
les attributs de leur office ou dignité.
Dans les déblais des fouilles de V e lu , on
a trouvé plufieurs grains à.e verroterie que l’ on
prendroit au premier coup d’oeil pour de l’émail,
ç’ eft-à-dire, pour du verre rendu opaque
par l’addition de terres colorantes, ou de
chaux métalliques. Mais en les examinant de
près, on les reconnoît pour du verre peint
extérieurement de différentes couleurs, à def-
fein d’imiter l’émail. Cette imitation groffière
a pu tromper des peuples- chez qui l’art de
travailler le verre & de faire des émaux étoit
dans fon enfance. Les marchands romains au
contraire pratiquant habituellement tous les procédés
de cet art (comme l’attellent les reftes admirables
de leurs ouvrages en ce genre qpi font
parvenus jufqu’ à nous ) , vendoientj peut-être
ce? faux émaux, po,ur faire des colliers, orne-
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mens dont les gaulois ont toujours été fort
jaloux.
Il me refte à parler des pots de terre qui
étoient placés aux pieds de tous les fquelettes,
da ceux mêmes qui n’avoient point d’armes.
On en ignoré l’ufage , peut-être fervoient-ils
à brûler dès’ parfums auprès des. corps pendant
les funérailles. C ’eft au moins ce que j’ai
conjecturé en voyant des charbons à demi-brûlés
dans un pot de même fabrique, trouvé ' avec;
des offemens, dans les fondations du cloître de
l’abbaye de lâiute Geneviève, creufées en 1745J,
Les Francs, devenus chrétiens , confervèrent
long-temps cet ufagè. Jean Beleth qui vivoic
dans le douzième fiècle, & qui a écrit un traité
fur les cérémonies de l’églîfe, parle de la coutume
de placer dans les tombeaux des charbons,
de l’encens & de l’eau bénite , comme d’une
chofe pratiquée généralement de fon temps. Au
refte quel qu’ ait été l'ufage des charbons, on
en trouve de femblables en France, dans pref-
qüe toutes les fépultures que l’on croit être
des premiers temps de notre monarchie. C ’eft;
aufli un ufage confiant de voir les fquelettes
■ renfermés dans ces fépultures , 1 tournés tous
dans un même terrain vers le même point de
: l’horizcn. A la v érité, ce point varie 3 à Velu
c’eft le midi ; mais le plus fouvent les fquelettes
; des gauloi? regardent l’Orient.
La prédifë&ion des premiers chrétiens pour
l’Orient s’annonce dans l ’alignement de leurs
tombeaux & dans l’afpeét de leurs temples ;
c’ eft pourquoi on a reconnu jufqu’ ici pour des
fépultures chrétiennes, celles que l’on a trouvées
en France tournées vers l’Orient. Mais
les fépultures du' monticule de Velu regardent
toutes le Midi. Je trouve dans cette diverfité
d’afpeéi une preuve qu’elles ont fervi à des
peuples qui n’avoient pas embrafle le chriftia-
nifme; ce qui s’accorde d’ailleurs avec lè goût
du deffin du cheval & du cavalier gravés fur
la plaque, qui reflemblent aux types barbare^
des médailles gauloifes.
On pourrôit me demander pourquoi je n’aî
point fait mention des francs dans ce mémoire,
8c pourquoi je n’y parle que des gaulois ? Ma-
réponfe fera tirée de la defeription qu’a faite
des francs, l ’hiftorien Àgathias ( Hifi. byçanr.
in-fol. pag. 40. ) « 11 dit que cette nation avoit
» des armes fi _légères .& fi fimpies , que -chaque
y combattant pouvoit aifement les racGmmoder
îoifqu’ elles fe brifoient, fans avoir recours
à des armuriers. Car les francs ne portoient
ï» ni cuirafles ni bottines ; ils combattoient
» pour la plupart la tête nue & très-peu d’entre
33 eux portoient des cafques. Leur poitrine 8c
**> leurs reins étoient fans défenfe, Us ne cour