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récente, fille de Jupiter 8c de Dioné, que nous
appelions, dit- il, Vénus vulgaire.
Cicéron ( De naikr. Deor.III. 13.) èn admet un
bien plus grand nombre. Entre les différentes'
Vénusy dit-il, la première eft fille du ciel 8c du
jou r , de laquelle nous avons vu un temple en
Elide. La fécondé eft née .de l'écume de la mer;
c'eft d'elle & de Mercure qu'on fait naître Cu-
pidonv La troifieme, fille de" Jupiter & de Dioné ,
eft celle qui époufa Vulcaiîi* c’eft d’elle & de
Mars qu'eft ne. Anteros. La quatrième , née de
.Syria & de’Tyrus, qui s’appelle Aftarté, époufa
Adonis. Paufanias dit qu'il y avoit chez les thé-
bains trois ftatües • faites du bois du navire de
Cadmus : la première étoit de Vénus-Céle&e , qui
déftgnoit un amour pur 8c dégagé des cupidités
corporelles 5 la fécondé, de Venus populaire,
qui repréfentoit un amour déréglé ; 8c la troi-
nèrae , ‘ de Vénus Apoftrophia , ou préfervatrice 3
qui detournoit les coeurs .de toute- impureté.
Plufieurs mythologues modernes prétendent qu'il
n'a jamais exifté d'autres Vénus-qu' Aftarté , femme,
d’Adonis, dont le »culte Eut mêlé ,avec celui de
la planete de ce -nom. Ce culte paffa de Phénicie
dans, les ifles de la Grèce, ;& fur-tout dans celle
de Cythère , où il fut d'abord adopté ; .8c le
temple de Cythère a palfé pour le plus ancien
de tous ceux que Vénus a eus dans la Grèce; ce
qui a- fait d ire, ajoutent-ils, que la déeffe avoit
pris naiffance dans la nier près de1 cette iflèl ’
Mais lés poètes qui; fe font-toujours fort peu
embarraffés d’être conféquent's dans les fable? enfantées
par leur imagination , n’ont fait aucune
attention à toutes ces recherches 8c, à toutes ces
diftinâions : ils n’ont jamais parlé qüè d’une Vénus
, 8c l’ont-fait naître, tantôt de l’écume de la
mer, tantôt de Jupiter 8c de Dioné, félon qu’ils
ont cru ,que'Tune où l’autre naiffance orneroit
plus ou moins leurs ouvrages;-8c toutes.les fois
qu’ils n’ ont point eu à parler de la naiffance de’
cette divinité, ils ont toujours parlé d’ une feule
Vénus, mère des Amours 8c des Ris/.reine-de
Paphos, de Cythère, d’Amathonte, de Gnide, & c .
Les fleurs naiffent fous fes pas. Accompagnée de
Cupidon fon fils , des jeux, des ris 8c de toutela
fuite de l’Amour, elle fait-également la joie 81
le bonheur des hommes 8c des Dieux. Quand les
heurés l’eucent introduite dans le c ie l, tous les
dieux en furent épris , 8c toutes lès déeffes ja-
loùfes. jDès que Pallas .l’ eut apperçue : cédons,
dit-elle à Junon , cédons à cette déeffe naiffante
le prix de la beauté. Lorfque lès poètes fe font
avifés-de parler'de Vénus çomme produite par
l’écume de la mer , ils ont fuppofé l’ hiftoire de fa
formatién telle qu’on l’a rapportée plus haut:
C ’eft en -ce. moment queJeé anciens-monumen?
& les^poëtes modernes nous la repréfentent- le
plus fquven: voltigeant fur la mer > tantôt fur use
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grande coquille foutenue par des Tritons, tenant
fes beaux cheveux > dont elle fait découler l’eau ,
& parée d’un voile qui flotte avec grâce au gré
des zéphirs-j qui n’ont d’haleine que ce qu’ il en
faut pour rafraîchir la déeffe ; tantôt elle eft
montée fur un dauphin ou fur une chèvre marine ,
8c toujours çfeortée d’une troupé de Tritons, de
Néréides 8c d’Amours. Quand les poètes ont
parlé, de Vénus, comme fille de Jupiter 8c de.
Dioné-fa tante, ils ont chargé ce dieu de deux
. crimes à-la-fois : il avoit époùfé Dioné fa tante, ou
même il ifavoit pas daigné prendre cette précaution
pour la rendre enceinte de Vénus, 8c.il voulut
violet fa propre fille. Quoique cette Déefle fût
fî eomplaifante pour ceux à qui elle infpireit des
defïrs ; quoiqu’elle s’enflammât elle-même fi facilement,
8c qu’elle prît fort peu de précaution
pour fatisfaire fes ardeurs,; elle eut cependant
horreur de l’entreprifè de fort père , elle fui réfif-
ta avec tant de vigueur, qu’il ne put venir a bout
de fon deffein : pendant leurs débats , Y amour de
Jupiter s’évapora, 8eles; Centaures en furent en-
■ gendres. Voyc% C entaures. -
- Quelque origine que les différens poètes, aient
donnée à Vénus y 8c quoique, fouvent lemême en
•ait parlé différemment, ils ont toujours eu en vue
la même Vénus, déeflfe de la beaute 8c des plaifirs,
meredes Amours; des Grâces, dés jeux 8c des ris;
c’ eft à la même qu’ils ont attribué tou tés. les
fables qu’ils ont créées fur cette divinité. Indépendamment
de -fes charmes perfonnels, elle avoit
une ceinture myftérieùfè, appëllée communément
le cefte de Vénus. Voyé^ C este. « Cette cein-
» ture étoit., dit Homèré ( lliad. Ry. lV . ) y~
» d’un tiffu admirablement diverfifié : la fe trpur
« voient tous les- charmes les plus fédu&eurs ,
/*> les attraits , l’amour , les : defïrs ,Tés amufe-
« mens, lès entretiens feçrets, les innocentes
« tromperies 8c le charmant badinage / qui infen-
' « fiblement furprend l’efprit 8ç le coeur desmîus
« ferifés. » Junon voulant plaire à Jppiter'( Jfoyt?£
Jxinon j ÿ prie Vénus de lui prêter fa-ceinture :
- la déeffe de Cythère la lui offre fur-le-champ ,
en lui dîfant : « Recevez ce t if fu '8 c lé cachez
| » dans votre fein : tout ce que vous, pouvez.de-
» firer., s’y trouve 3 8c- par un charmé' feeret.
« qu’on ne peut, expliquer, il vous, fera-ré'uffir
» dans toutes vos entreprises. »
Tant de charmes joints à l’empiré. le plus étendu
, car à qui ne commando« pas une Déeffe qui
avoit l’amour à fes ordres , . tant de charmes ,
fembloient promettre à Venu! le mariage le. plus
brillant ; cependant lapins belle des déeffes-eurpour
mari *le plus laid 8c le plus défagréàble des dieux 1
on lui fit époufer Vulcain. C ’eft lé dédomagement
qui fut accordé à ce dieu pour l’ injure qui lui
avoit été faite quand il fut précipité du ciel , 8c
pour le malheur qu’ il eutde refter boiteux ( Voyei
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Vuie-AiN. ). 11 ri’eft pas étonnant que la déeffe
de la galanterie ait eu n peu d’égards pour l ’honneur
d’un tel mari. Son attachement pour le dieu
Mars eft connu de tout le monde. Lié foleil à1 qui
rien ne peut être caché, ayant découvert ce
commerce , par la négligence de Galftis ( JVoyez
Ga llü s. ) -, en avertit l’époux sde la déelie. Yul-
cain pour les fürprendre, fit un filet d’airain fi mince
& fî délié, qu’il étoit imperceptible; 8c en le faisant,
il ufa d’ un artifice ,.fi fingulier, que le
moindre mouvement pbuvoit le faire jouer. Il
le tendit-autour du lit de Vénus , 8c dès que Mars
y fut entré avec elle_ ils s’y trouvèrent pris. Vulcain
content du fuccès de fon entreprife, alfa
ouvrir fur-le-champ les portes jie la chambre m
donna ces deux amans en fpeétacle à tous les
dieux , qui lès virent dans le plus grand défordre.
Les dieux., dit Ovide, rirent beaucoup de cette
aventure, qui fit long-temps l’entretien de tout
l’olympe f il y en eut cependant qui auroignt
fouhaité d’être déshonorés à ce prix ( Voyei
Ma r s ,- Hermonie. ) . Vénus (ut ü coüroucée de
cet affront, qu’elle réfolut de priver les, dieux du
plaiür de la voir/ en punition de. ce qu’ils avoient
fouffert qnë Vulcâin lui ’tendît ce piège. Elle
fe retira dans les bois du Çaucafe, Tous les dieux
la-cherchèrent’long-temps en vain.; mais, une
vieille leur enfeigna le lieu de fa retraite : la
déeflfe la punit en la métamorphôfant en rocher.
Bacchqs eut aüffi part aux faveurs de Vénus*;
il la rendit mère, de Pan , 8c, félon qùeïqûes-uus •
des -trois Grades", Mercure lui plut aufft, 8c les
cpmplàifances de la déeffe pour ce* dieu, donnèrent
l’être à Hermaphrodite. Pour le Soleil ,
il ne put jamais réuftir auprès d’elle ; elle, perfé-
cuta même fes defeendans fans, relâche ( 'Voyez
Pa s Ipha e, Phèdre. )., Neptune eft auïïi mis âii
nombre’ des amans favorifés par Vénus ; & quelques
uns difent c^ue ce fut lui qui la rendit mère :
d’Eryceijniais d’autres donnent à cet athlète un
père moins illuftre & moins digne des faveurs
d’une Déeffe.; c ’eft Bufhès, dont on ne :cohnoît
que le nom. Quelques- uns regardent encore
Rhodia comme fille de Vénus 8c de Neptune :
mais elle eft plus communément; mife au nombre
,des filles d’Océan.
-grand nombre pour fatisfaire les .goûts de la mère
de la galanterie ; elle chercha des amans parmi lé;
mortels. Sans parler de Buthès , prétendu père
d Ej'yx, on connoît fon amour pour Adoni;
v : ° y e\ A d on is. ) , pour Anchife, qui là rendit
mère d’Enée ( Voyeç Anchise , Enée. &.
pourCinyras , père d’Adonis., Cinyras , en recon
noiflance, lui confacra la ville de Paphos, & lu
engea le fameux temple de.cette v ille / Voye:
C in y r a s . ) . Toutes ces infidélités lui ëtoien
pardonnéçs par fon mari, qui ne pouvoit réfiftej
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aux charmes de fa femme ; elle avoit même la
confiance de lui demander des armes divines pour
lès. fruits de fes adultères amours , & elle les
obtenoit fans difficulté. Vwlcain accompagaoit
même’4a" promeffe „de les faire des plus tendres
careftes^: e’eft ainfi qu’ils fe comporta à l’égard
d’Enée.
Rien n’eft plus célèbre que lavi&oire remportée
par Vénus , au jugement de Paris, fur Junon
8c fur Pallas ( Voyé[ Qisco rde , Junon , Pa r is ,
Pelée. ). Elle en témoigna perpétuellement fa
reconnoiffance à Paris qu’elle ; rendit poffeffeur
de la belle Hélène, & au» troyens, qu’elle ne
.ceffa de prctégër contre les grées:&c contre Junon
mêmë* Elfe pouffa le zèle jufbu’a paroître dans
un combat, où ellè.. fut blefiee par Diomedé.
( Voyei Diomède , Ë gialee. )
Vénus étoit fort vindicative ; & c’étoit par
l’ ajnour qu’elle exerçoit fès vengeances. Pour
^punir le foleil de|d’ indifçrétion qu’il avoit eue
d’avertir Vulcain de fes amours avec Mars, elle
le rendit malheureux1 dans la plupart de fes
amouK ( Voyei Da ph n é , Leucothoé. ). Elle
lë pour fui vjt mêmepàrles mêmes armes , jiïfques
dans fes defeendans./ Voye% A r ia èn e , Pa s i-
phaé , Phèdre. ) ; Elle fe vengea de la bleffure
quelle avoit reçue de Diomède devant Troye,
en infpirant à fa femme lé goût le plus déterminé
8c ie moins ménagé pour la proftitution ( Voye^
Egialée. y. Elle punit de^ même la Mufe Clio,
parce quelle l’avoit.avertfe que fa liaifon avec
Adonis la rendroit méprifable ( Voyeç C l io . ) ;
Enfin elle punit Tyndare par l’impudicité d’Hélène
& de GÎytemneftre fes filles ( Voyez T yn -
dAre.).
Vénus fut regardée comme une des plus grandes
deeffes ; 8c comme elle favorifôft toutes les
paflîons, on î’honora d’ une manière digne.d’ çlle.
Les temples ouverts à la proftitution, apprirent
que^ .pour honorer dignement cette déeffe, il'
ne■ fallo.it avoir aucun égard aux règles de la
pudeur. Les filles fe proftituoient publiquement
dans çe temple, 8c les femmes mariées; n’yetoien e
pas plus chaftes ( Voye% C an a id e .;). Amathonte,
Cythere , Paphos ,. Gnide, Idalie , 8c les'autres
lieux confacrés fpéeialement à cette déeffe , fe
diftinguèrent paroles défordres lès plus honteux.
Ç ? ? ^es cérémonies qui s’obfervoient pour
rïnitiation aux myftères du temple que Cinyras
lui avoit fait bâtir à Paphos en Cypre, feroit
rougir le le&eur. Cependant le facerdoce de
Vénus Paphiënne étoft exelufivement réfervê à
un prince de fang royal ; 8c c’eft pour cela que
Caton crut faire des offres très -a van tageùie s à
Ptolémée , quand il lui fit dire q u e , s’il vouloit
céder l’ifle, le peuple romain le feroit prêtre de
Vénus. ( Voyei ClNYRAS, TAMIRAS. )