
de cmtcha milita, c’eft qu'au rapport de Pline, '
( Lib. X X X I I I , ctzp. io. J leur arithmétique
n’ alloit pas ancienwemeet au-delà de cent mille ; '
Sc ce fut par la multiplication de ce nombre,
qu’ils formèrent dans la fuite un calcul plus
etendu : non erat apud antiquos numéros ultra
centum milita : itaque & hodie multiplicantur fisc,
ut decies centena milita aut f&pius dicantur. On n’a
pas fait allez d’attention à ces paroles , qui
rendent raifon d’ un ufage qu’on a eu bien de :
la peine à comprendre. Elles nous font con-
noïtre que les adverbes numériques decies 3 vicies,
tendes 3 &c. furent deftinés à multiplier le
nombre de cent mille. Voyeç plus haut une ■
table de quelques-uns de ces adverbes avec les
caraélères auxquels ils répondent.
Il ne faut qu’ajouter cinq zéros à l’expreffion
propre & abfolue de chacun de ces advèrbes ,
pour avoir la fomme de fefierces qu’ils indiquent ;
par exemple , .l’exprefSon adverbiale quater decies
milites indique naturellement quatre fois dix fois
mille fois , ou quatre fois dix mille 3 c’ eft-à-
dire, quarante mille 3 40,000 ; fi à cette exprefe
fion numérique 3 vous ajoutez cinq zéros 3 vous
aurez 4,000,000,000. Il en eft de même des
autres.
S’il fetrouvoit des perfonnes quieuffent des doutes
fur la valeur de ces adverbes , elles pourroient
les lever par l’analyfe de ce paffage de Cicéron, tiré
de fon plaidoyer pour Rabirius Pofthumus : Quia,
vociferdbere decem millia talentum Gabiniô ejfe
promijfa ? huic videlicet perblandus reperiendus fuit 3
qui hominem, ut tu v is , avariffimum exoraret3
fefiertium bis milites & quadringenties ne magnoperc
centemneret. On fait que les romains etoient dans
l’ ufage d’ égaler le denier à la drachme attique & de
fuppofer la drachme de la valeur de quatre fefierces.
Or fix millé drachmes étoient la valeur d’un
talent; donc dix mille talens valoient 60,000,coc
de drachmes ’, 'qui , multipliées par quatre,
pour avoir dès fefierces', produifent 240,000,000
4 e fefierces ; ce qui prouve qüe bis milites-
fîgnifie deux mille fois cent mille. Voici encore
quelque choie - de plus précis : Plutarque, dans
la vie d’Antoine, s’exprime ainfi : I l fit donner
a un de fes amis vingt-cinq myriades-de drachmes 3
ce que les romains appellent deciès : T a y <pl\uv
rin ptvçtâdas fxéteore mirt xai eixove foShjvcci.
Tovto Tôfidioi e/[Uitç xctXovn. Or une myriade eft
dix mille, donc vingt-cinq myriades' de drachmes
valent deux cents cinquante mille drachmes
ou deniers, lefquels multipliés par quatre ,
font un million ou dix fois cent mille fefierces.
Cicéron, dans fes difeours contre Verrès,,défi
g ne la même fomme , tantôt par decies H J i ,
& tantôt par decies ccntena millia H S. On tirera
la même démonftration d’une «jolie épigramme
de Martial (Lib. Z , epigr. 104: ) 3 que je rapporterai
ici.
Si dederint Superi decies mihi millia centum ,*
Dicebas, nondum , Sc&vola , faclus eques :
Qualiter ô vivant ! quam large / quamque beate !
Riferunt faciles & tribuêre dei.
Sordidior multo pofi h&c toga , penula pejor :
Calceus eft farta terque quaterque cute.
Deque decem plures femper fervantur olive,,
Explicat & ccenas unica menfa duas.
Et vejentani bibitur feex crajfa rubelli :
AJfe cicer tepidum confiât, & ajfe focus.
In jus , ô fallax atque inficiator, eamus.
Aut vive , aut decies , Sc&vola , redde deis.
» Si les dieux m’avoient donné un million
de fefierces ( 195310 liv.) difîez-vous, Scévola,
n’étant pas encore chevalier : oh comme je
vivrois ! que je ferois magnifique ! que je fer ois
heureux! Les dieux complaifans vous ont fouri
& ont comblé vos defirs. Votre toge n’en eft
pas moins fale; ■ votre cafaque n’ en eft pas meilleure;
votre chauffure toute de pièces eft reeoiifue
trois/ou quatre fois. Sur dix olives vous en
retranchez toujours plufieurs. D’un feul plat vous
en faites deux repas. L’ on ne but jamais chez
vous qu’un vin groffier & infîpide.. Un feul as
(un fou) fournit votre table d’un légume bouilli.
Un feul as fournit votre foyer. O homme faux
& trompeur ! Soyons de bonne foi ; Sceyola „
ou vive z , ou rendez aux dieux leur million. »
Plufieurs favans , entr’ aiitres , Budée , Alciat
Ciacpnius & Gronovius, ont imaginé que les
romains avoient deux mônnoies fort différentes
en valeur, l’une appelée, feftertius , égale au
quart du denier, & l’autre fefiertium égaie à
deux cents cinquante deniers. Ces écrivains fe
fondent fur des principes extraordinaires.^ Ils
ont lu dans plufieurs ouvrages d’ anciens écrivains
que la mine, ou la livre contenoit cent
deniers ; il s’agiffoit d’un poids de l’Afîe qu’on
appelle mine talmudique ; mais ils ont pris cela
pour la livre romaine, & en ont conclu que
fe denier romain étoit de cent de taille- a la
livre, ce qui- h’ a-;jamais été. Ils orit enfuite
trouvé que le balantion ou talantion >dont il eft
fait mention dans l'hiftoire fabuleufe ■ d’Apollonius
de Tyane , fous les noms de fefiertium
auri ; fefiertium . argent!, étoit de la valeur de
deux livres & demie ; d’ où ils ont inféré que
le fefiertium* chez les romains valoit deux livres
romaines & demie, mais il paroît que le balantion.
n’eft autre choféqne la mine de Moïfe , laquelle
étoit compofée , non de deux mines talmudiques
& demie, mais de deux rotules & demie; en
forte
\
forte que le balantion n’étoit que de 240 deniers
ou drachmes afiatiques, 8c non pas de 250.
L'embarras où fe font trouvés les favans fur
ce fujet, provient donc de la méprife que je
viens de dire, & encore de la négligence des
écrivains de l’antiquité ou de celle des copiftes,
voici comment: Cicéron 8c Tite-Live en plufieurs
endroits , difent que' le talent attique
contenoit XXIV fefierces, , qui valent 6000
deniers réputés égaux à fix mille drachmes atti-
ques. Un. autre écrivain a négligé le trait fur
l’expreflion numérique XXIV. Un troifième l’a
écrite en toutes lettres viginti quatuor fefiertia,
au lieu de viginti quatuor millia fefiertia y 8c c’eft
précifément ce qu’on lit dans Aulugelle , dans
Prifcien, 8c dans un paffage de Séneque ( Lib.
X . ) que voici :. Afinius , qui bellum cum omnibus
axiieis gerebat , cum donaret ei C&far talentum ,
iti quo viginti ( fubaud. millia* ) fefiertia funt ,
Athenitnfium more3 *1 tefctd[ts'3 (p*imy 3 tj et<ptte3 ïvx (**)
Attikov tj : c eft a-dire, Céfar donnant un talent,
qui contient 24 mille fefierôes , à Afinius qui
cherchoit querelle à tous les athéniens , lui ait
en grec : Ajoutez-y, ou ôtez-en, afin que la
fpmme ne foit pas attique. Tels font, je penfe,
les principes fur lefquels ôn a établi un fefiertium
de zyo deniers romains. En vain allegueroit-on
que viginti quatuor millia fefiertia n’eft pas uneexpref-
fxon biqn latine ; elle l’-eft tout autant que viginti
quatuor fefiertia y & V arron ( De ling. lat. lib. V III. )
‘dit : Cum perventum eft ad mille, quartum abfumit
fingulâre neutrum , quod dicitur hoc mille denariâm3 a
quo muldtudinis fit millia denaria.
Si cette'explication paroît encore doùteufe, ou
quel’o.n'demeureperfuadéqu’ily a voit un fefiertium
de lyo deniers ; que l’ on explique Quinte-Curfe
(JAb. V I I I , n°. 6 .) dans un endroit où il s’agit
de la conjuration d’Herm° laûs & de Softrate.
Alexandre voulant récompehfer quelques-uns de fes
gardes ( c ’étoientles conjurés), de ce qu’ayant été
relevés parleurs camarades, ils n’en étoient pas
moins demeurés en faélion, leur fit donner à chacun
une gratification de cinquante fefierces : Data
funtfingulis quinquaginta fefiertia. Je penfe bien qu’A-
lexandre n’a voit pas des nionnoies romaines pour
donner à fes foldats ; mais quelle que foit la fomme
d’argent qu’îl fit diftrîbuer à chacun d’eux, Quînte-
Curfenél’auroit pas renduepar quinquaginta fefiertia 3
s’ il avoitconnu lefefiertium pour valoir lyo deniers,
en forte que la part de chacun eût été de 12 ,y00.
deniers. Il eft bien plus nvilonnable de croire que le
roi leur fit préfent à chacun de 20 drachmes afiatiques
, qui revient à 10 liv. B fous 4 deniers de notre
monnoie, ou peut-être, plutôt encore de dix
drachmes attiques, qui font 12ydeniers de Néron,
51 ~ fefierces, &. 10 liv.de notre monnoie. Cette
récompenfe me paroît bien honnête pour quelque;»
heures de temps employées de plus qu’à l’ ordinaire
par des jeunes gens , a qui les rois de Macédoine
,Antiquités , Tome V •
pouvoient faire donner le fouet ^ quand ils man
quoient à leur devoir. Il feroit egalement inutile
de fe retrancher fur l’épi gramme fuivante de Martial
( Lib. X , epigr. 75 ; ,
Millia viginti quondam me Galla popofeit,
Et fateor magni non erat ilia nimis.
Annus abit, bis quina dabis fefiertia , dixit ,*
yPofcçre plus v if a eft, quam prius, ilia mihi,
J am duo pofeenti pofi fextum millia menfem ,
Mille dabam nummos , noluit accipere.
Tranfierant bins, forfàn , trin&ve kalend& »
Aureolos ultro quatuor ipfa petit.
Non dedimus , centum jujfit me mittere nummos fi
Sedvifa efinobis h&c quoque fumma gravis.
Sportula nos junxit quadrantibus arida centum :
Dä ne voluit, puero diximus cjfe datam.
Inferiùs numquidpotuit defeendere ? fecit,
Dat gratïs : ultro dat mihi galla : nego.
Toutes les fommes contenues danscette épi-
gramme font progreffivement decroiftàntes. La
première eft 20000fefierces (3906 liv.) la fécondé
de 10000 fefierces (1953 liv.) : la première ne
paroît pas trop forte, la fécondé le paroît davantage,
parce qu’ ici on eft moins difpofé à]accepter
la propofition. La troifième fomme eft de
.2000 fefierces ( 390'liv. ) ; la quatrième eft de xoex»
fefterc'es (195 liv. ; la cinquième eft de quatre aureus
, qui valent 400 fefierces ( 78 liv.) ; la fixième
de 100. fefierces (19 liv. 10 fous. ) ; & la feptième
enfin de cent quadrans, qui valent 6 £ fefierces ( 24
fous 5 deniers ). Martial ayant employé le mot
millia dans l’expreffion de la première & de la troifième
fomme, a cru pouvoir fe difpenfer de Récrire
dans l’expreffion de la fécondé, ou ce mot 1 auroit
gêné pour faire fon vers.
Voilà à quoi fe réduifent les autorités que l’on
produit pour établir un fefiertium différent dufeftertius.
Qu’il y ait eu un fefiertium effectif de 2yo deniers
, ou qu’il faille joindre par la penfée le mot
millia, toutes les fois qu’ on rencontrera le mot
fefiertium , les réfultats feront les mêmes, 8c par
conféquent la difputè ne rouleroit que fur la différence
des procédés , pour parvenir a la même fin ;
mais on eft toujours bien aife de connoître la vérité,
lorfqu’elle fe préfente clairement. On peut faire
intervenir une autorité abfolunaent décifîve fur la
non-exiftence d’un fefiertium différent du feftertius ,
c’eft celle de Varïon ( Dé re ruft. lib. I I I , cap. 6. ) ,
qui traitant de l’éducation & du produit des paons ,
dit que Q. Hortenfius fut le premier qui fit fervir
de ces oifeaux dans les repas de cérémonie, ce oui
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