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un peuple de pierre, on de marbre-,: par-tout , ’
dit Cicéronj on les honoroit en-b.rûlant dè l'en-
cens devant ces..représentations; on y.portoit des,
offrandes , on y allumoit des cierges.; 8c comme
on en pofoit, félon les,occurrences ,. à l'occafion
dè quelque aétion. fingulière , dans des lieux
moins fréquentés;, il, y avoir des officiers-, chargés
du foin de les . faire garder ; ces officiers font
appellés dans le droit romain comices, curatoresr
ftatuajum 8c tutelariii
Les lieux deftinés à la repréfentation des comédies
8c des tragédies., étoient j accordés , pour
élever des ftatues à ces fameux aéteurs , qui fai-
foient les délices du peuple ; les auteurs dès
belles pièces de théâtre n'y avoient. pas moins
de droit, mais le plus fouvent, on les plaçpit
dans les bibliothèques, fur-tout depuis quePoliion
en eut ouvert dè publiques.
Néalcès de Cynique rapporte , qu'après la
mort dè Méton , les habitans.d'Acragas., s'étant
révoltés, Empédocles appaifa la. fédition,, coii-
iedla : àt.fes, citoyens de prendre le gouvernement
républicain ; . 8c qu’ayant fait de grandes libéralités,
au. peuple, 8c doté les- filles-, qui faute de
biens, ne trouvaient pas à fe marier, il avôit
couvert de pourpre -la ftatue qu'on avoit fait
drefler à fpnhonneur, 8c y av-oit fait rapporter
une cuiraffé dorée , 8c d'autres ornemens,, qui
furent pillés par les romains.
Voilà la première fiatue grecque, qui irrita leur
cupidité; mais dès qu'ils furent vainqueurs, &
maîtres de la terre ," ils embellirent leurs villes
des plusfameufes ftatues., répandues dans le mondé.
Métrodore de Scépis. d it , que les Volociniens
furent attaqués par, les romains , fans autre mot
if que celui de s'emparer de deux mille ftatues,
qui fervoient d'ornement à. leur-ville. Mumpiius
en enleva un grand nombre dè l'Achaïe? Lueullus ,
du Pont ; Antoine , d'Ephèfe; ; Néron fit enlever
toutes celles qui étoient . à Ôlympiè y Catpn feul
fe contenta de tranfporter de Çypre. à Rome la
fiatue de Zéfton, par confidération.pour le mérite
de ce philofophe.
Il étoit d’efage à Rome d\é\evex-des ftatues juff
quesfurjes tombeaux. Feftus Pompeius, raconte.
qu'on trouvoit près de la porte romaine un lieu,
appelle fiatue, Cincioe, à caufe du grand nombre
de ftatues , qui décoroient lès fépultures de la
famille Cincia ; mais les loix athéniennes défen-
doient de pofer même des ftatues de Mercure ,
au-deffus, des., colonnes fépulçrdes.; 8c Démé-
trius de_ Phalère , à qui l’on avoit élevé plus
de trois cents ftatuei , réduifit la hautepr des
colonnes ou. des pyramides fépulctales à trois
coudées. ' " ’
Luci-:n, dansrle dialogue intitulé philopfeudes,
ou le crédule , fait mention d'une fiatue, qui avoit
h. vertu de guérir la fièvre , & don; le«, genopx
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étoientchargés des marques de la reconnoifTancè
de ceux qui en avoienti obtenu, quelque foula*
gemèot ; Sc il rapporte tout de. fuite la punition
d’ un malheureux, qui avoit volé le -petit trélojt.
de cette fiatue. Mais le même auteur fe moque
des ftatues dont on difoit qu’êllès fuoiènt, qu'elles
fe remu oient , 8c qü'èllè s rendoient des. oracles..
Cependant les romains portoient un tel îcfpeét,
une telle vénération aux ftatues de leurs princes ,
que la loi défendoit à un maître , de. maltraiter
ion efclàve , qui. s'étoit réfugié auprès de la
fiatue d'un empereur ; 8c du temps de Tibère.,
c'étoit une efpëce dè crime , que d'avpir feulement
changé de vêtement, devant une fiatue. L'empereur
Claude-fit A ter celle d'Auguftédela place,
publique , où l'on exécutoit lès coupables condamnes
à mort, pour ne la, point profaner par un
pareil fpeétaçle,
Paufanias obferve, auffi , que les grecs regar-
doient comme une affairé capitale; de voler une
fiatue , ou de l'cter de fa place. On profanoit les.
ftatues, en l,es renverfan.t par terre , en les cou,-,
vrant de boue , en arrachant , ou biffant les inf-
criptions , comme Pline le fait connoître dans le
O'rique dè Trajan. Suétone expriipe avec
e la force ce fentiment du fénat 'lui-même-
à la mort de Domitien; voici fes termes : Contra;
Jenatus adeo loetatus efi , ut repleta certatim,, curia non
temperaret , quin mortuum coutumeliofiffim# pifque cer-
bijftmo acdamationum genere laceraret ^Jcalas etiam,
ajferri clypeofqiic & imagines ejus coram détraki , &
ibidem folo ajfîgi jubé ret, novijfime eradendos ubiqüe
titulos, &,abolendam omnem mémo>iam| dtçeraeret.
Ces obfervations générales fur les ftatues, fat-,
firent à la plupart des,leétqurs y mais les curieux
délireront encore dest détails particuliers, qui.
leur facilitent l’intelligence de. Pline , de Paufanias
, 8c des autres écrivains de -laJQrèce,& 4e
Rome.
«« Outre les attributs particuliers, deftinés à
faire-connoître les différentes divihités^xhacune
de ces- divinités-, a de plus un caraéièrerîpropre ,
ui lui eft effentiel, 8c qu'ileft très-important,
e faifir. Ce cara&ère eft tellement uniforme chez
tous les bons, artiftes grecs , . qu^on feroit,
tenté-de croire , que relativement a la rnanière"
de repréfenter les dieux, il y avoit quelque loi
dont il n'étoit pas, permis de s'écarter. Rien, n'eft
plus propre à autorifer cette conjecture, que la.,
comparaison des têtes de Jupiter, d'Apollon,
d'Hercule, de Vénus., de Junon., de Minerve,
Ide Diane , & de plufieurs autres dieux, que l'on
Voit fur les,belles médailles de différens pays de la
Grèce. Parmi les éloges que donne Ovide à l'a-
drefife 8c aux*talens de Minerve , a l’occafion du
défi^ qu'Àrachné eut la témérité de-faire à cette
déefle ; il la loue, fur-tout, de ce que dans hi
partie de fa compofitipn, ou l'on voyoït les douze
jgranfe dieux-., ellq avoit dpuué, à- chacun.!^ ca-
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faétère qui lui étoit propre , 8 c d e - c e qu aà milieu
d'eux, Jupiter paroilfoit avec tous ies traits
de la majefté, fouveraine. Quoique la tête de
Nèptune ait un air de famillè', qui pourroit le
fâire confondre quelquefois avec celle de Jupiter ;
un oeil exercé ne s'y trompera guères. Le peintre
JSùpkranor avoit fenti, ce caraétère diftindir , mais
iffem it dans l'impoffibilité deië rendre: Vàlère-
Maxime raporte ( Lib. 8. cap. 1 1 . fecl. 3. ) , quecèt
artUle ayant à peindre les douze.grands dieux,donna
d'.abprd à. Neptune le caradère le plus fublime
ëc le plus a.ugufte., dont il.pùtt fe former.l'idée,,
avec l'intention cependant de faire Jupiter encore
plus majeftueux. ;. mais qu'avant épuifé fon.génie
fur, la première, figure-, il ht des, efforts; inutiles ,
pour élever;la féconde au. degré-.de perfeCtionqu'il.
s'étoit proppfé. de lui donner^53
«c II eft à.préfumer qu'il y avo.it auffi de«; régies
qu'on étoit-, obligé de.fuivre dans les.attitudes ,
8c dans la eonform'tiop des autres, parties du.
eprps. Apollon , Mercure. 8c Bacchus, doivent
ê;re jeunes & beaux.; il y a néanmoins, des proportions
8<f des fineflés qui appartiennent plutôt
ai'un de cîs dieux qu'à l'autre. »
« Ce n'eft donc pas fans raifon que, Winckelmann
a dit , qu'il feroit auffi aifé de reconnoître une
fiatue. d e Diane, dans-un monceau,dé ftatues mutilées
; qu'il eft facile de la diftinguer, dans - Hot
mère des belles oréadès fes,compagnes. « ( Pierres
gravées du duc à? Orléans. 1 . pag. 79Q
-, c^.. Les anciens., dit^Caylus. ( Reç. d\ant. I. 42, ).
a Y oient dans..leurs.ftatues. des ,'bigarruresét ranges,
8>c auxquelles. no us; aurions de la peine, à nous!
accoutumer. Gicérpn., dans une?-lettre à,fon ami ,
Olib, i* lett. 6. ) Atticus., le prie de lui enyoyer
ogs mercures de marbre pentelicién, dont la
tê.te fut de bronze. Ce marbre, tiré du,monç
Fentélicus, dans, l'Afrique ,. étoit de cinq. couleurs.
Je doute qu'un pareil aifortiment. put produire
un bpn effet à nos.yeux. Mais je ne fuis
pas furpris'que les romains s'en foient contentés.
Ils avoient encore bien peu de connoiffance dans
las arts. Le. même auteur f /fâ. I. leur. 8^) prie
Atticus , de lui, envoyer de-Grèce des,, figures,
moulées, qu'il pùy,faire appliquer dans le plafond
de fon veftibuïe ; & dans une autre, lettre,
ilclui demande - d e s r ftptues de Mégare. Il ,eft, ,vrai-
femblable qu’il, y avoit dans cette, vifle de Grèce,
upe.efpèçe dp mapufaélure, composée d'ouvriers
communs , comparables, en quelque façon à ceux
qui font établis aujourd'hui à Gènes, & dont
les ouvragés n'ont prelhue d'-autre- mérite que
celui de la .matière^ Aüffi, tout Je. monde oonviept
que les arts ne commencèrent à paroitre dans
Rome, avec- -une. forte d 'éclat, que plusieurs
années après le temps dont je parle,, c'eftràrdire,
fop« le règne d'Augufte , ou l'on trouva plus
couït & pi»« commode »d attirer - les artiftes, que
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de faire venir les ouvrages. Mais afin d'entendr6
ce que veut dire Gicéron , quand il demandé à
fôn ami, non-feulement des Mercures en gé--
néral ( Pauf -voyage de Meften. c. 33. ) , mais
encore dés Mercures-Hercules , il faut fçayoir
que les athéniens furent les premiers , qui donnèrent
aux gaines des ftatues une forme quarréè>.
& -comme ils commencèrent par celles-de Mer-:
curé, on continua de donner le nom d’Hcrmè»
.' aux ftatues terminées en gaînes. Âihfi le Mèrcure-
j Hercule., dont parle Cicéron,.n etoit qu'un Hercule
en gaîne. Je n'ai" rapporté, cp p.iffage dsc,
j Paufanias, que pour expliquer’ le fens de celui
I de Cicéron,.car je. fuis bien, éloigné de croire ,
on apuie voit jufqu ici, qüe les athéniens aient été*;
; les-inventeurs de ces.gaînes, qu’ ils ayoient certain.
, nement empruntées dès égyptiens. On,remarquera;.
| encore que Paufanias nous apprend que les grecs
jfaifoient foyvent des figures?d,e bronze oii.dç. mar-
j^rej dont la tête, fe détachoit du corps-, quoi-,
|que l’une ou l'autre fufient dè même matière ::
; 8c nous voyons qu’à Rome ( Pline., liv. X X X .
|ci l . Suet. liv. lV . c. 11. lamprid. in Commod.
P- )au lieu de br-ifer 1 es ftatues des empereurs ,*,
(qui méritoient cette efpèce. de punition, on fe.
jcontentoit d’ôter leûrs têtes, 8c de mettre fur
[lès anciens corps, celles, dés nouveaux empe--
jreurs. Cètte conduite;nous donne une raifon de-,
lia: quantité de buftes qui nôu,s font parvenus«.-
i »> On appelloit acrolithi ces ftatues qui n’ avoient -
ique-la tête, les mains, 8c l’extrémite des pieds de
.‘marbre, le reftè étant de bois , de bronze, ou de
marbre de différentes couleurs. Paufanias en rap-
• porte plufieurs exemples. Il dit même dans le-
, voyage de l-Elide, que /es Grâces font repréfentées.
! ;en bois, avec des habit« dorés , le vifage -, les pieds '
l& le s mains de marbre blanc. Il dit encore dans;
: celui de Corinthe, que la fiatue de Minerve eft de»
‘bois , à la réferve du vifage’, dès,mains 8c du bout-
ides pieds, qui font de marbre..blanç.«.
; s» On lit fur un marbre de Gume en Éolie : tuai
iXAAKiAN KATTA AYTAAE- K AI MAPMAPJAN
|kai KPuSIAN , & Ufie fiatue de bronze., & pareil^'
[liment de marbre & d‘or. ll paroît.que cette ftatue.
; de voit être de trois matières différentes «.
» Les ouvriers employés aux fouilles de Pom-
:peii, découvrirent une petite porte de jardin, i
i l’entrée duquel il y avoit deux ftatues de femmes en
terre cuite. Elles ont. cinq palmes trois pouces* i 8c demi romains de haut ; le vifage en eft couvert
d'un mafque; la - main de l'une de ces ftatues,
■ manque, 8c doit même déjà avoir manqué anciën-
‘nement; car, comme tout le refte a été décou-
; vert entier -, cette main auroit dû fe trouver auffi,';
[Ce font les premières-ftatues d'argile qui fe foient1
i confervées ; eltes font d'ailleurs • précieufes par le-
; fujet qu'elle« repréfentènt»