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qu'on le foupçonne d'avaler de temps en temps
des lièvres marins > ce qui peut empoifonner la
chair fans le faire mourir ( V©y- J uni us de eju
pijcium , c. 22 , p. 80.) y par un effet' tout-à-fait :
femblable à celui que les pommes du mancenil-
lier produifent dans de certains poiffons"des mers
de l'Amérique. Quant à la rougeur de les nageoires
, qui lui donnoit de la conformité avec le
typhon , c’eft une allégorie réellement égyptienne
, & qu'on a. étendue jufqu'à la perche & -
au fpare ». j . ■ -
n II paroît que les prêtres n'avoient défendu
d’autres poiffons dans le régime du peuple , que
ceux qui n’ont pas d'écailles, comme le filure ,
la lamproie & la pernicieufe anguille du Nit ’ ce
qui leur a attiré de la part des grecs une infinité
d’ép‘grammes , dont .quelques-unes fe font con-
fervées dans Athénée & dans l'anthologie : mais
ccs grecs-là ne favoient point , & ne pourvoient
même favoir que la chair des poiffons fans écailles
irrite toutes les maladies qui ont du rapport avec
leléohantiafe & la mélancholie parce qu'elle
épaihit le fang & diminue la tranfpiration. Cette
loi générale , d^r.t je parle, étant jointe aux inf-
titutions particulières des provinces & des villes ,
avoit porté.le petit peuple à vivre principalement
de végétaux. (Les égyptiens n'avoient pendant le
cours de l'année qu'un feuL jour auquel la loi les
obligecit de manger du poijfon ,* c ’étoit le neuvième
du mois thoth. Sur leur manière de fervir le repas,
on peut voir Athénée. ( Liv. I V 3 io .I Et ce ne
fauroit être qu'à des moftarabes répandus fur la
côte occidentale de la mer rouge qu'on doit appliquer
ce que dit Hérodote de ces prétendus
égyptiens , qui , félon lui , fe fuftentoient de
p li JJ on féché au foleil , pratique qui dHiinguè
” indubitablement les ichthyophages , qui n'étoient
point des égyptiens, mais des arabes mêlés d’éthiopiens
, & quoique ce foit l’ufage des-géographes
de les féparer des troglodytes , on ne rifque pas
beaucoup à confondre tous ces fauVages les uns
avec les autres , puifqu'ils étoient errants , & ne fe
reconnoiffoicnt point pour fujets des pharaons. La
plage qu’ils occupoient eft fi mauvaife & fi aride,
qu’on ne peut guère y vivre que de poifon, dont
je prix étoit anciennement très - modique en
égypte.,On l'abandonnoitaux efclaves , .ou on le
faioit pour l'exporter- Cependant , comme Si-
card a imagine deux lacs Mens au lieu q un, il
eft par-là -plus difficile d’apprécier ce qu’on dit de
l'immenfe produit de la pêche, qui s'y faifoit y
mais s’il elt queftioh', comme nous ne devons pas
en douter , du lac fitué près de la ville des Crocodiles
j on peut être certain "qu'il ne rend pas-actuellement
un talent d’ argent par jour au tefterdar ou
au tréforier du C a're , comme cela étoit fous les
anciens rois , à ce que difent des grecs indignes de
toute croyance : car ayant prodigieufement exagéré
la grandeur du lac Méris , ils ont par une
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fuite néceffaire exagéré, auffi le produit de l«t
pêche ».
Les poiffons furent l'objet d’un culte fuperfti-
tieux „ non-feulement chez les égyptiens , mais
encore chez les fyriens , & dans plufieurs villes de
Lydie. Les fyriens s’abftenoient de manger du
poifon , porçe qu'ils croyoient que Vénus s’étoit
cachée fous les écailles d'un poiffon , lorfque tous
les dieux fe cachèrent fous différentes formes
d'animaux. En plufieurs viiles d'Egypte , les uns
pjaçôient fur leurs autèls des anguilles , d'autres
des tortues, ceux-ci des brochées , ceux-là dès"
monftres marins, auxquels ils offroient leurs
encens.
Poissons. ( Ççnfteîla Hpn. ') Les poiffons qui
forhtent la confte'iation .ou" Té douzième ligne du
zodiaque ", font ceux qui portèrent fur leur dos
Vénus & l'amour. Vénus , fuyant la perfécution
de Typhon , accompagnée dé fon fiîs Cupidon,
fut portée au-delà de l'Euphrate , par deux poiffons
qui pour cela furent placés dans le ciel.
' Ovide, qui raconte cette fable dans fes Faftes ,
n’a pas manqué de faire la généalogie de-ces deux
poiffons , qui eurent pour père un poiffon qui avoit
procuré de feau àlfis , un jour qu'elle étoit extrêmement
altérée.
J ’ajoute à cet article un morceau de M. Dupuis,
qui fera voir fon fyftêmede mythologie fous le jour
le plus favorable.
« Le culte des animaux étant une des chofes les
■ plus extraordinaires,, elt auffi l’une des plus propres
à coi ftater l’avantage de mes explications ;
j.* vais donc montrer l’origine du culte du poiffon ,
l’un de ceux qui prouvent de la manière la plus
frappante l’allégorie aftronomique. Lorfque le
folfiice d'été répondoit aux premiers degrés du
: lion , le jour du folfiice fut obfervé & célébré
chez le$ fyriens & les égyptiens , comme l’époque
' la plus importante pour le cultivateur. En Egypte ,
c’étoit l’inftant oit le Nil fortoit de fon lit pour
répandre fes .eaux bienfaifantes , & engraiffer les
campagnes par ce limon précieux qui contenoit le
germe de leur fécondité. En Syrie, la terre couverte
de moifibns trouvoit dans le foleil_ cette
forée active qui mûrit les récoltés , & l’épi jaunxf-
fant alloit tomber fous la faulx du laboureur. Ce
moment fi déliré étoit annoncé dans les cieux parle
lever ou le coucher de quelque belle étoile >
c ’étoit la meffagère de la divinité , le génie avant-
coureur qui» par fon apparition ou la retraite,
avertifloit l’homme de l’aétion puiffante du ciel
fur la terre , & gûidoit en quelque forte la marche
déjà nature »*
(» La belle étoile du grand chien, Sirius ou la canicule, fit long-temps cette fonction ; & Tota
fymbole vivant, le .chien, fût confacré dans Us
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temples. Mais bientôt la préceffion des équinoxes
éloignant Sirius du folfiice, il fallut fe fervir
d'une autre conftellation. Le poiffon auftral devint
une indication plus précife 3 & remplaça le Mercure
Anubis. Il devint pour les fyriens , qui moif-
fonnoient à la fin de. Juin, le génie des bleds; &
ils lui donnèrent le nom de Dagon , qui fignifie
le dieu des bleds , fuivant Philon , interprête de
Sanchoniaton : Auyav os attira». Tel elt le fens
que Philon de Bibios donne à ce nom. J’ avois
d'abord cru que ce mot pouvoit venir de dag ,
qui fignifie poiffon dans cette langue ; mais l’interprétation
de Philon, & la fon&ion de génie des
moiffons que remplifloic Fomalhaut ( Fomalhaut
eft le nom de la plus belle étoile de cette cônftel
lation. Phom , en arabe , fignifie bouche ; al eft
l’article , & haut fignifie poiffon 3 ainfi Fomalhaut
eft la bouche du poiffon, parce que cette étoile fait
effectivement partie delà bouche du poiffon auftral.), !
m’a fait préférer l’étymologie de Siton3 d’autant pjus
que Sanchoniaton ajoute que dagon avoit trouvé le
bled. La Théogonie phénicienne comptoir dagon
pour un des quatre fils du ciel ou d’Üranus, né
de fon mariage avec là terre ouy*j. On fent qu’une
.pareillefiliation convient parfaitement à une étoile,
& que l’aétion du ciel fur la terre a produit le
mariage allégorique , dont Dagon eft le fruit. Le
Boote's ou Atlas , Béthula ou la Vierge, Crone ou
Perfée , font fes trois autres frères, tous fils du
c ie l, ou étoiles ». b
» En fuivant le principe que j’établis , que les
conftellations qui avoient rapport aux faifons &
auxquelles on pouvoit attribuer quelqu’influence
fur la terre, ont ftû être confacrées j le poiffon
auftral a dû être honoré en Syrie , & vraifembla-
blement il eft le génie du bled , connu fous le nom
de Dagon j mais c’eft trop, peu de dite qu’il a dû
être honoré en Syrie, puifque nous favons qu’ il
l’a effectivement été. Voici ce qu’en dir Hyginus ,
d’après le témoignage çl’Hygefias : Hic videtur
ere àquam excipere a ßgno aquario , qui lahorantem
quondam Ißm fervaffe dicitur : pro quo beneficiofimu-
lacrum pifeis & ëjus filiorum inter aßra c&nßituit.
ltaque ßyri complures pißces non eßtant , & eorum
Jimulacra aurata pro diis penatibus colunt.
EeOvide. (Faß. , L X I 3 v. 4 7 î. ) :
Inde nef as_ diicunt gënus hoc imponere menßs x
Nec violant timidi pifeibus ora S y ri.
Voilà donc le poiffon auftral mi s* au nombre des
dieux pénates des fyriens , & fà ftatue enduite
d'une légère couche d’o r , fymbole des étoiles ,
propofée à l’ adoration des peuples^ Après l’obfer-
vation que nous avons faite fur fa îônétion d’étoile
des moifibns & de génie.de l'année , qui fouvent a
commencé au folltice d’été , on fent aifément
combien cette conftelîatio'n a dû être obfervée >
quel rôle important elle joue dans la religion
des adorateurs de l’anae de la.nature i du foleil,
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de la lune, 8c de l’année déifiée chez les anciens
peuples »»;. ;
» Paflons en Egypte, où la terre femble fuivre
d’autres loix que par tout ailleurs; mais où les
afpeéts céleftes font à-peu-près les mêmes qu’en
Syrie. Nous y trouverons le culte du poiffon également
établi ; & les raifons que les prêtres nous
donnent de ce culte prouvent que c ’eft le Fomalhaut,
oii 1 e poiffon auftral , qu’on y adoroit. Ce
ne fera point ici le génie des bleds qu'on honorera
dans l'étoile du folftice, mais l’aftre du Nil , le
génie des eaux , &r le ligne avant-coureur de l'année
& du débordement. Voici ce que nous dit
Plutarque du phagre , poiffon facré chez les égyptiens.
Les habitans de Syenne honorent le phagre ,
parce qu’il leur apparoît au moment du débordement
, & fa vue eft pour eux l’annonce agréable
d’une crue d’eau qu'ils défirent : Videtur enim unit
cum JSilo apparere : ejufque exoptatum incrementum
confpeâlus ipfe nuntiare. On fent aflez que ce paf-
fage, pris à la lettre , n'offre qu’une fable abfurde,
& qu'il feroit ridicule de croire qu'un poiffon fortîc
de la mer tous les ans , pour annoncer au peuple
égyptien le débordement du Nil. Mais, confidéré
comme, allégorie aftronomique, il préfentc une
idée fimple , & une expreflion toute naturelle de
l’écriture hiéroglyphique des égyptiens. Ce n'étoit
donc point un poiffon réel qui rendoit ce fervice
officieux au peuple égyptien , & à qui on attribuoic
la fon&ion de génje bien fai Tant 5 c’eft au poiffon
célefte que s’adreffoient ces.hommages ; c’eft lui
que l'on confacra dans le temple de la nature élevé
à Sais , à côté de l’épervier & de l'hippopotame ,
qui firent la même fonction de conftellations
fo'fticiales ,
» Le coucher de l’aigle arrive lorfque le foleil
eft vers la fin du cancer ; & fon lever , quand le
foleil eft à la fin du capricorne , & il avoit beaucoup
de rapport avec les termes de la courfe du
foleil, & les portes des dieux : auffi le Zend-
Avefta ( tom. IL , p. 388.) dit-il que l'aigle a éré
placé gardien aux deux portes du monde ; ainiî
l'aigle étoit confacré avec le poiffon >*.
=0 Le poiffon facré prit différens noms ; celui de
phagre , d'oxyrinque , de lépidote , & d’oannès,
parce que l’efpèce àe.poiffon confacrée au génie
ne fut pas la même dans toutes les dynaftîes. C ’eft
ainfi qu’on avoit confacré le chien , en général , à
Sirius , fans qu’on fe foit fa it , ce femble, une loi
de corifacrer partout la même efpèce de chien.
D'abord , il paroît que l'oxyrinque fut, comme le
phagre , repréfentatif du poiffon célefte de Fomalhaut.
Le nom de poiffon oxyrinque fignifie lepoif-
fôn au nez pointu ou à la tête éfilée. Les peuples
de la dynaftie d’oxyrinque , nous dit Plutarque ,
adorent le poiffon oxyrfnqne , ainfi appel!é à caufe
de la forme éfilée de fa têre : Xeuto roflro. Or ,
c'eft fous cette forme que le poiffon auüral eft repic