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dans leurs ouvrages l ’eau de quelque plante , il
ne faut l ’entendre que d’une décoftion. I l eft très-
certain que le premier qui ait décrit la manière
chimique d’obtenir l ’eau rofè , eft Jean de Damas ,
dit Méfué, qui a vécu vers la fia du douzième
ïîècle , fous Frédéric Barberouffe.
Cependant il eft croyable qu’avant cette époque
l’eau diftillée de rôles étoit en ufage chez les
grecs. I l y a dans l ’hiftoire écrite par Anne
Comnène , un paffage qui ne permet pas d’en
douter. L ’empereur s’étant évanoui , on lui mit
dans la bouche un peu de cette liqueur , ce qui
le fit revenir : la princeffe fe fert de ces paroles :
*rV tSy po<ftûv ÇoL\(ty[Â.a!\os , Ce mot ( S"u/\.cLyy.a ^4 d a-
près fa véritable lignification, ne fauroit convenir
pour exprimer ou firop., ou décoôion , ou lue
exprimé de rofes. Mais iorfque par cette expref-
fion l ’on entend le fuc de quelque plante, c’eft
feulement quand , après l’avoir incifée ,\ïl en découle
goutte à goutte une liqueur, comme de ces
végétaux d’où diftille la gomme ou le baume.
J’ajouterai qu’ il n’ eft pas aifé de fe perfuader que
dans le cas alarmant où fe trouvoit l ’empereur ,
on ait donné comme cordial le fuc fimple de
rofes. Ce prince , nommé Alexis Comnène , mourut
en in 8 . Si donc nous fuppofons qu’il s’a-
giffe ici de l ’eau diftillée de rofes , i l eft évident
qu’elle fut connue un peu avant le temps
d’Avicenne.
On peut remarquer en paffant, que cette princeffe
, Anne Comnène, auteur de l’hiftoire du règne
de fon père, étôit très-inftruite des fciences &
des arts , & quelle femble même avoir eu quelque
connoiffance de la Médecine. Car on voit
qu’elle exploroit avec attention le pouls de fon
père , & qu’elle jugeoit, par cette exploration,
de l ’état des forces du' malade. Elle donne même
de là maladie un détail très-circonftancié , & re-
.connoît la jufteffe du pronoftic qu’en porta Nicolas
Caliiclès , médecin célèbre de ce temps.
Co mme l ’humeur de goutte s’étoit fixée à l’épaule de
Tempereur , & que les autres médecins s’oppofoient
à la purgation, qu’il croyoit néceffaire il prédit
que l ’humear , après avoir abandonné les parties
inférieures, iroit fe jeter fur les parties nobles, fi
on ne l’expulfoit point par un purgatif: ce qui
arriva en effet ; car bientôt il furvmt une difficulté
de refpirer , laquelle fut, peu de temps après,
fuivie de la mort.
Outre c e la , on trouve dans cette hiftoire une
longue & belle defeription d’un vafte hôpital ,
fcâti par A lex is , en faveur des malades. Comme
cet édifice paroît être le premier, chez les grecs,
auquel o‘n affecta des revenus , on peut, à jufte
titre * en parler dans l ’hiftoke de la Médecine.
Je ne crois pas m’écarter de mon fujet , en le
confidérant un moment.
Alexis fit conltruire , près de l ’embouchure du
Pont-Euxin, une nouvelle ville , de forme carrée.
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Touché de eompaffion pour l ’humanité fouffrante,
il y établit des hôpitaux ( Nofocomia ) où feroient
entretenus , nourris , & foulages les malheureux
qui avoient perdu quelques membres , ou qui
étoient attaqués de maladies. On y voyoit des
aveugles & des boiteux, comme autrefois dans le
portique de Salomon, fous lequel étoient raffem-
blés des infirmes de toute elpèce* Ce bâtiment
étoit double & à deux étages. Il avoit une telle
étendue , qu’on pouvoit à peine en voir toutes
les parties , dans l ’efpace d’une journée. Quoique
les habitans de cette ville , & les infortunés reçus
dans cet hôpital , n’euffent ni terres ni poffelfions,
& qu’ils fuffent dans l’indigence de Job, la munificence
d’Alexis avoit pourvu à tout : il ne leur
manqua jamais rien de ce qui paroiffoit nécèf-
faire pour les fuftenter ou les foulager. Mais ce
qui eft étonnant, c’eft que , ne poîiédant rien ,
iis avoient des intendans & des économes ; & les
perfonnes les plus diftinguées fe difputoient l’honneur
de concourir à l ’aaminiftration de cette mai-
fon. Cet empreffement produifit de grandes acqui-
fitions & des dons confidérables pour la conf-
truftion de cet édifice de bierifàifance. Anne Comnène
le vit achever. Mais Alexis en avoit formé
le projet & jeté les fondemens ; il y avoit affi-
gné des revenus fur la terre & fur la mer, & en
avoit confié le foin à un des principaux miniftres
de l ’empire. Quoique dans ce lieu on entrentînt
les foldats bleffés & hors d’état de fervir , ainfi
que les vieillards incapables de travailler, on le
nommoit cependant l’hôpital des orphelins ( or-
phanorum nofocomium) , parce que , pour l ’ordinaire
, ces derniers y étoient nourris en plus
grand nombre. Des lettres patentes , fcellées du
iceaUf.de l ’empire, afluroient à cet hôpital la pot-
feffion de certaines terres , & le revenu qui en
provenoit. Les intendans étoient obligés de tenir
un regiftre exa& de dépenfe , pour juftifier qu’ils
n’avoient pas diverti ou employé à leur profit
J.’argent deftiné pour les pauvres.
Procope dit auffi que Jùftinien avoit fondé plu-
fieurs hôpitaux femblables; mais il n’entre à leur
égard dans aucun détail, quoiqu’il ait fait la defeription
des autres édifices élevés par ce prince.
Mais en parcourant l ’hiftoire ancienne de la Grèce
ou des autres contrées , on ne fauroit s’empêcher
d’être furpris d’y trouver fi peu de chofes fur les
fondations de ce genre.
[ Cette remarque de, M. Freind nous donnera
lieu d’en faire une fur l ’origine de ces maifons de
fecours. Ce favant l ’auroit prévenue , s’il avoit pu
tout lire ; mais ceux qui fe font occupés Je plus
des recherches fur un objet, s’ils font de bonne
foi , doivent reconnoître qu’il eft prefque impoffi-
ble qu’ils aient tout vu. Quoi qu’il en fo it , j’ai
fait des recherches fut lés hôpitaux relativement
àTa Médecine , & j’ai vu que ces premières retraites
'confacrées au foulagement des pauvres, ou
pour fervir d’afiles aux étrangers, commencèrent,
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dans le quatrième fiècle, d’une manière plus foliée
( car auparavant , bien qu’on eût ^ foin des
pauvres admis dans quelques maifons particulières,
ce n’étoient pas encore des hôpitaux tels qu ils
exiftèrent depuis. Le premier dont il foit fait mention
, après ou vers le milieu du quatrième fiecle
jo__ 380.), fut fondé par une dame romaine nonv-
mée Fabiola : elle étoit chrétienne , & defeendoit de
Q. Fabius Maximus, cet illuftre diftateurquifauva
la république réduite à une fatale extrémité. C’eft
faint Jérôme quir parle de cette inftitution dans
une de fes lettres à Océanus , où il s’exprime ainfi
dans l ’éloge qu’il trace de cette vertueufe romaine.
« Elle vendit tous fes biens, qui . éfoient
» très-confidérables , & capables de foutepk lo r -
» gueil de fa naiffance & de fon nom; elle en
» ramaffa un fonds d’argent qu’elle deftina a 1 ulàge
» des pauvres : ce fut elle qui établit le premier
» hôpital ( prima omnium vovoxo^tm injîituit ) ,
» dans lequel elle raffembla les malades abau—
» donnés & errans dans les places & dans les car-
» refours; elle y foignoit ces malheureux que les
» maux & la misère avoient affoiblis & exténués.
» Vous tracerais-je le trifte tableau des infixmi- ^
» mités humaines accumulées dans ce lieu ; des
» hommes défigurés par la perte du nez & par
» celle des yeux enlevés de leurs orbites; les uns
» avoient les pieds à demi-brûlés, d’autres avoient
» perdu l’ufage des mains ; ceux — ci avoient le
» ventre tuméfié, ou les jambes enflées ; ceux-la
» ne pfjjuvbient plus fe foutenir fiir des cuiffes^de-
» charnus; on en voyoit d’autres couverts d’ul-
» cères putrides , d ou fortoitnt une infinité de
» vers ». ( D. Hier, epift. feled. lib. ii j , ep. x ,
ed. Par. in-iz , 164$. )
J’ignore la date précife de cette fondation pieufe ;
je dirai feulement quelle eft antérieure à l ’an 400.
Ce fut auffi avant cette époque que faint Jean-
Chryfoftôme établit des hôpitaux à Conftantino-
plé. J’obferverai encore que l’an 315 ou 316 ,
Conftantin , par un referit, ordonna aux officiers
qui avoient 1 adminiftration de fes revenus , d ele-
ver à fes frais les enfans que leur apporteroient
de pauvres parens, en déclarant qu ils ne fe trou-
voient pas en état de les nourrir. On ne voit
pas , il eft vrai, dans l ’ordre donné par Conftantin
, l ’établiffement d’un hôpital comme celui-de
Fabiola: mais ce prince préparoit par-la ce qui
s’eft depuis exécuté. Saint Jérôme lui - meme ,
après l ’an 386 , fit bâtir à Bethléem un hofpice
( ^tvocTujttîôv ) pour les pèlerins.
Dans le quatrième fiècle , ces maifons de charité
commencèrent a fe multiplier. Comme le
chriftianifme ne fut bien affermi dans les Gaules
ou en France, qu’après la converfion de Clovis ,
à la fin du cinquième fiècle , il ne paroît pas
qu’il y eût alors d’hôpitaux dans cette contrée ;
mais au fixième fiècle , faint Sigibert en bâtit &
en ionda ; faint Anlberg en. bâtit trois & dans
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le feptième , faint Landry jeta les fondemens de
l ’hôtel-dieu dé Paris.
Quant aux afiles ouverts aux étrangers, le même
faint Jérôme fait mention de celui du Port-romain :
c’étoit probablement un édifice qui refpiroit.cette
grandeur que les rortuîi'ns imprimoient a tout : car
faint Jérôme eo parle en ces termes : Xenodo-
chium in Portu romano jitum lotus pari ter mun-
dus andivïc. [ Ibid. ]
Revenons à Actuariels , & terminons ce que
nous avons à dire de cet ouvrage qui! a compofé
fous le titre de méthode de guérir. L ’auteur paroît
s’être attaché avec, foin au -choix & à la description
des médieamens : ce traité peut donc être regardé.,
à jufte titre, comme un lyftême eitimable
de Médecine pratique.
Les deux livres de fpirilibus. font phyfiologi-
ques ; AAnanus femble fuivre , dans fa théorie ,
les principes de Galien, d’Ariftote, & des autres
qui ont differté fur cet objet. Comme on n’y trouve
rien qui puiffe éclairer fur le diagnoftiqne , ni
le thérapeutique des maladies-, il eft inutile que
nous nous y arrêtions ; on en trouve l’abrégé ou
l’analyfe dans Barchufen. J’obferverai cependant
que dans ces-deux livres le ftylé eft p u r , & qu’il
rein ire l ’élégance attique, qu’on retrouve fi rarement
dans les premiers grecs.
On a auffi SActuarius , fur les urines, fept
livres , dans lefquels il dit clairement tout ce
qu’on pouvoit dite fur ce fujet; & quoiqu’il fuive
le plan de Théophile , il y a cependant^ beaucoup
de chofes de lui ; en forte qu’ il n’a rien
laiflé à dire fur cette matière aux modernes-, quoique
plufieurs d’entre eux aient copié prefque mot
à mot cet ouvrage , fans le eiter. A la fin fè
trouve^un chapitre bien digne d être lu de tous
les médecins. Il y fait une remarque^ très-utile ,
pour bien former un prognoftique : c’eft que^ rien
ne contribue davantage à le rendre vrai, que l ’examen
réuni du pouls & de 1 urine. Auffi , dans fà
méthode de guérir, traite-t-il avec beaucoup de
difeernement de ces deux indications.
De ce qu’i l a connu quelques médieamens employés
pat les atabes, quelques-uns oiit cru que
ces livres étoient un extrait de ceux d’Avicenne :
mais leur manière d’écrire eft fi différente , qu’aucune
raifon n’autorife cette conjefture. 11 eft bien
plus vraifçmblable que l ’exemplaire arabe , qui
exifte manuferic , a été traduit du grec.
I l n’eft point aifé de déterminer précifément le
fiècle où a vécu cet écrivain ; on n’ a point de
preuves allez évidentes. L ’opinion la plus commune
(que je ne trouve cependant point revêtue
d’autorité) eft qu’il vivoit dans le onzième fiècle;
d’autres veulent' que ce foit dans le douzième :
Lambecius penfe que ce fut au commencement
du quatorzième , parce que , dans les manuferits
de l a bibliothèque impériale , les livres de la