
cipes de morale qui doivent faire le lien de la
fociété des hommes, une formé;impofante & une
autorité relpedable , n'a rien de. commun avec les
abfurdkés du culte des nègres 6c. des hottentots.
J'ai déjà coofidéré l'attachement fingulier de ces
peuples pour tout ; ce qui .a: ml: câraôtère de! mer-
, veilleux ., & .fpécialement pour les fuperftitions les
plus groffières , comme tenant à leur, conftitution
phyfique , & comme formant un caractère national.
Ce cara&ère paroît tenir à un efprit imitateur
& timide qu'il faut occuper par des objets très-fenfi-
bles. Je n’en dirai point davantage ici : mais parmi
les coutumes religieufes qui influent fur la conf-
titution des hommes', oij. qui ont fur.eux un effet
phylîque quelconque, il faut mettre la çireonci-
hon , établie parmi la plus grande partie des peuples
connu s f Afrique* Cette opération, qu’on ne peut
regarder que comme un figne de confraternité &
d’alliance , eft établie chez la plupart des peuples
comme une pratique dépendante de la religion
mahométane ; chez les abiflïns , comme un refte
de la religion juive , & chez plufieurs autres peuples
, par exemple,chez les galles, plutôt comme
une tradition ancienne perpétuée par habitude &
par imitation , que comme uti ufage religieux.
Elle eft en ufage parmi les habitans de Madagaf-
car, & principalement ceux de la baie de Saint-
Auguftin, qui ne font point mabométans. Si cette
coutume n’eft pas chez eux une imitation des
peuples arabes qui ont fait des établiffemens fur
les côtes orientales de 1 * Afrique , on pourra croire ,
avec quelques auteurs , qu’elle eft le remède ou
le préfervatif d’une maladie vermineufe de ces
parties. Eft-ce une raifon femblable qui auroit originairement
déterminé, chez une grande partie des
orientaux , la pratique de la circoncifion ? x©u .
devroit-elle fon étabiiflement au prolongement gênant
de la partie qu’on retranche, & qui chez
les hommes auroit quelquefoispris-un'accroiffement
analogue à celui des nymphes chez les femmes ?
Car il eft difficile d’imaginer que le feul exemple
d’un peuple ifoié, tel que le peuple hébreu,
ait donné lieu à rétabliflement général d’une coutume
douloureufe. Au refte , l’amputation d’un
des tefticules , chez les hottentots, eft bien plus
douloureufe & bien plus dangereufe, & n’a cependant
pour fondement que l ’idée très-fauffe que l ’homine
en devient plus agile , ou qu’il eft alors moins
propre à produire des gémeaux. Il fèmbleroit,
d’après le rapport de Kolbe, qu’i l en eft quelquefois
qui en meurent, quoique cela foit fort
rare , & qu’ordinairement des le troifième -jour le
jeune homme opéré foit . en état de fournir une
courfe très-longue & très-rapide. Je ne parlerai
point ici du baptême de feu que les abiflïns & les
l’homme & l’Etre fuprême , & fonde lès rapports mutuels
des hommes entre eux fur l’ordre univeffel cccé par l’âuteur
de la nature.
nubiens chrétiens ajoutent au baptême 8c à-la cirr
concifion , pour fe diftinguer dès mahométàns , circoncis
comme eux. Ces ftigmates n’ont qu’un effet
momentané. Les jeûnes & les abftinences des chrétiens
& des mabométans méritexoient peut-être
une plus longue attention j mais je renvoie aux.
artieles jeûne & abjîinence j ici je remarque avec
Kolbe l’analogie qui exifte entre l ’abftinence des
hottentots 6c des juifs , ainfi que des mahomé-
tans. La chair des cochons, celle de.s poifTons.
fans écailles , des cétacé sleur eft en horreur. Les-
lièvres , les lapins font interdits aux hommes chez:
les hottentots , & le fang des. animaux aux
femmes. Les mabométans s’abftiçnnent , outre
c e la , dés. poifTons cruftacés & teftacés, 6c des
grenouilles.. Mais ce qui mérite d’être remarqué
des hottentots , c eft que, quoiqu’ils aient un;
goût fingulier pour la graifle , ils fe croient fouillés
, s’ils ont touché de la graifle de poiflon. Kolbe
croit auflï, par l’analogie de ces abftinences %
démontrer que les hottentots ont eu pour ancêtres
les troglodytes : mais ceux-ci pratiquoient, outre cela,,
la circoncifion, que les hottentots;remplacent par
l’amputation du tefticule gauche. On ne peut aflùré-
ment point déterminer quelle eft la raifon phyfique
de pareilles prohibitions j. mais il eft difficile
de croire qu’elles n’aient pas eu originairement
pour bafe quelque opinion relative à la falubrité.
J’ai déjà parlé de la polygamie. J’ai parlé de
l’ufage où font les arabes de- laver les pieds de-
leurs hôtes. Il a été queftion de l ’ufage, communaux
nègres & 4aux hottentots ,, ainfi qu’aux noirs
orientaux , de laifler abfblumént nus. les enfans-
de l’un & de l ’autre fexe jufqu’à l ’âge où ils
deviennent nubiles. S’il eft un âge où cette coutume
ait un avantagé phyfique , c’eft certainement
celui où le développement de leurs jeunes membres
eft d’autant plus complet & d’autant plus
■ parfait, qu’il eft plus libre. Le petit nègre , obligé
de fe cramponner fur fa mère pendant qu’elle trav
aille, pour'ne pas laifler échapper fon mamelon ,
ufe déjà , pour la ferrer de fes petites jambes &
de fes petits bras , de toutes les forces dont il
eft fufceptible. Tous fes mufcles font en adxion j
& fans fa nudité , il ne fe tiendront pas fi ferme,
il n’agjroit pas fi fortement. Il marche dès
l ’âge de fix ou de huit mois j on n’en voit pas
de contrefaits1 ; & c’eft aufli le privilège prefque
général de toutes les nations chez lefquelles les
habillemens font lâches, chez lefquellés les en-
fans nouveaux nés ri’éproaivent aucune gêne. Q ue lques
peuples de Y Afrique ont à la vérité l ’ufage
de chercher à donner à certaines parties du vifage
une forme qui ne leur eft point naturelle , & il
paroît que les hottentots épatent le nez de leurs
enfans, outre que , portes fur le dos de leur
mêre;, cette partie fe heurte fouvent contre fes
épaules , dans les foubrefauts d’une marche rapide
ou d’un travail pénible : mais je ne vois pas qu’oa
reproche à aucune nation de VAfrique de modeler
la tête de leurs enfans , & de donner a la
boîte ofleufe, qui renferme le cerveau, une forme
étrangère à la nature. Du refte , il feroit difficile
de tirer d’autres réflexions d’un mélange confus de
coutumes bizarres, de fupeftitions abfurdes , de
férocité , de foiblefte , & d’efclavage. Il feroit cependant
digne de l ’attention de l ’obfervateur de
comparer aux autres nègres ceux qui habitent
les établiffemens portugais depuis le fleuve Zaïre
jufqu’au Coanza, parce qu’il ont mêlé beaucoup d u-
fages & de pratiques européennes à celles quils
ont reçues de leurs ancêtres. I l feroit bon d’etu-
dier quelle influence peut avoir fur les enfans de
toute une nation , l’ufage injufte , établi chez
prefque tous les peuples de Guinée & chez la
plupart des nations de Barbarie , d’épuifer, par
les travaux les plus accablans & la fervitude la
plus pénible , le fexe le plus foibJ e , & dans le
fein duquel l ’homme prend fon exiftence & fa
première conftitution. Ori auroit, pour les peuples
de Barbarie , un objet de comparaifon dans
les harems du Caire , où l’homme fort en naif-
fant du fein de la molleffe, de l ’inaftion, de la fenfua-
lité. Cette comparaifon n’exifte qu’imparfaitement
dans nos villes j elle doit être bien plus fenfible
dans un climat chaud , ou l ’enfant nouveau né
peut être expofé , fans inconvénient, aux impref-
fîons d’un air doux , 6c où l ’enfant de la mol-
lefle & celui du travail & de la peine font
également libres de tous les liens & de toutes les
entraves,'-
Au refte , quand on jette les yeux fur la multitude
des faits qui attirent notre attention, 6c.
qu’on veut les rapprocher de la foule des chofes
qui peuvent & même doivent influer fur la conftitution
des hommes ; comment diftinguer entre les
uns 6c les autres une correfpondance précife, une
analogie exacte ? L ’enfemble des caufes agit â
la fois. Leur a&ion fe confond & s’unit j & il en
réfulte une multitude d’effets qui fortent en foule
de ce concours d’influences. Qui pourra en débrouiller
les fils & en fuivre les divifions ? Ces
difficultés ne doivent cependant pas nous arrêter.
L ’inutilité apparente d’un fa it, le peu de confé-
quences qu’il préfente au premier coup-d’ceil, ne
le feront pas négliger par le phyficien. Ayant
appris par l’expérience combien dé vérités regardées
comme peu importantes pendant des fiècles, font
devenues par la fuite des fourcès fécondes de con-
noiflances utiles , il note tout, il ne méprife rien j
toujours foigneux d’ainafler des matériaux ou pour
lui-même ou pour les autres ; aflidu dans fes ob-
fervations , étendu dans fes vues , prompt à faifir
les rapports , lent à tirer les conféquences.
N. B . Ce feroit ici le lieu de parler de la
•population de Y Afrique*, mais cet objet eft foipoffible
à traiter, puif-jue dans les parties, les pli«
connues il èft encore des nations entières dont
l ’état eft inconnu. Comment en effet_dejerminer
la population de l’Egypte, qu’on porte à quatre
millions d’habitans, quand la plupart des peuples
de la Thébaïde font dans une guerre prefque continuelle
, pour fe fouftraire aux exactions aefpoti—
que s des beys ? Qui déterminera la population de»'
montagnes de Barbarie , de celles de Madagascar ?
Dans le refte de Y Afrique , on ne connoît que
les côtes. D ’ailleurs, je me hâte de pafler à des
objets plus certains & d’une utilité plus directe.
§. I X .
Des européens & des c reoies établis ett
Afrique.
En parlant des habitans de 1 Afrique , je n ai
point encore parlé des européens établis dans ces
contrées fi différentes de. leur climat, ni des creoies
nés dans ces climats mêmes , mais apparte-nans a
l ’Europe par leur, origine.
Cette confidération comprend deux objets. Le
premier eft l’obfervation de ce qui/ arrive d abord ,
& par le feul effet du changement de climat, à
l ’européen qui paffe d’Europé en Afrique ; le
fécond eft l ’examen du caractère que prend peu
à peu fa conftitution, quand une fois il y eft étab
li, & qu’i l a échappé aux premiers écueils qui
l ’ont entouré à fon arrivée.
i° . Quand je parle des changemens que l ’européen
éprouve lorfqu’il paffe en Afr iqu e , j’entends
par-là ceux qui compofent la révolution plus ou
moins fenfible qui s’opère néceflairement dans le
corps de l’homme qui change de climat, & par
laquelle il fe met , pour ainfi dire , en équilibre
avec le nouvel ordre de chofes qui l ’environnent«
Ce changement général dépend néceflairement de
l ’influence combinée de tous les objets qui l ’entourent,
& qui' changent à la fois autour de lui ,
comme l ’air, la chaleur, la lumière , les vents ,
les météores , les alimens, les eaux , & les lieux.
L ’adion particulière de chacune de Ces chofes fera
examinée plus fpécialement dans le paragraphe fui-
vant. Ici -il s’agit de l'effet général qui réfulter
de ces influences combinées. C’eft cet effet par lequel
on dit que l ’homme s acclimate. En effet,
pendant un temps plus ou moins long ^ ( il faut au
moins pour rela la révolution d’une année ) , l ’européen
, tranfporté dans les pays chauds , eft expofé
a des maladies auxquelles il cefle d’être fujet quand
ce temps eft paffé , foit qu’il les ait éprouvées,
foit qu il s’en foit garanti par diverfès précautions.
On voit les européens qui ont été les plus ex-
pofés aux accidens qui tourmentent les nouveaux*
arrivés, finir par fe faire fi bien au climat, qu’ils
fe portent dans ce nouveau féjour auffi bien que
dans le lieu où ils ont pris naijfance,& que , i J t a.