
forts ne détruifent pas entièrement cette odeur ;
elle réfifte à l ’énergie des agens les plus forts. Les
corps odorans les plus pénétrans ne peuvent la
xnafquer ; l ’odeur vive & tenaçe du mufc & de
1 opium , mêlés avec du camphre, laifle .fans altération
& fans changement le principe odorant’ de
ce dernier. Boyle avoit déjà fait cette remarque
avant Lorry -, & il çonnoiffoit bien l ’inaltérabilité
de cette odeur. Quoique ces faits ne conf-
ti.uent encore que des aperçus , ils fuffifent cependant
pour démontrer que l ’odeur camphrée
forme un des élémens odorans les plus immuables
, & auquel on doit rapporter un grand nombre
d autres.
1-i action de l ’efprit reCteur camphré fur l ’économie
animale, mérite toute l ’attention des médecins.
Quoique fa vivacité fur les organes olfactifs
femble d abord le faire reconnoître pour un
Simulant ; lorfqu il eft bien pur & fans mélange,
comme il exifte dans le camphre,,il calme les
mouvemens convulsifs, il appaife le fpafme , il
relâche les fibres tendues par i ’éréthifme , i l ouvre
les couloirs reffeirés par l ’irritation nerveufe , il
favorife les crifes , il provoque des évacuations
utiles. Il agit avec plus de promptitude que beaucoup
d’autres médicamens , en raifon de fon ex-
panfibilité & de fà pénétrabilité ; il eft encore un
des plus grands antifeptiques que l ’on connoiffe ;
& -l’art de guérir peut y trouver les plus piiif-
fantes reffources, comme je l ’indiquerai beaucoup
plus en détail dans l ’hiftoire particulière du camphre.
De Vodeur narcotique. -Les plantes affoupif-
lantes répandent une odeur vireufe que tous les
animaux fuient , & qui engourdit avec plus ou
•moins d’aCHvité les efforts de la vie. Elle exifte
dans un grand nombre de végétaux. Les pavots , les
folanées , les bourraches, les- ombellifères , les cu-
curbitacées, &c. , la recèlent ; elle eft fbuvent
enveloppée & mafquée par les autres- principes du
végétal ,->8c elle n’eft bien fenfible alors que lorf-
que ces principes font défiaiis par l’action du feu
ou par la putréfaction.
I l n’y a point de corps odorant fufceptible d’un
plus grand nombre de modifications & de combi-
.naifons que celui-ci , le plus fixe & le plus adhérent
de tous; il réfifte aux altérations qui déna-*
turent Sc diflïpent les autres ; i l fait participer à fa
fixité les odeurs auxquelles l ’art ou la nature l ’a f
fôcient ; i l modifie & déguife la plupart d’entre
e lle s , fi l ’on en excepte l’odeur camphrée. Quel-'
que peu abondant que foit ce principe vireux, il
fe décèle toujours, & fe fait reconnoître au milieu
les affe&ions fpaîmodiques & nerveufes. On peut imprégner
l’eau de la partie odorante camphrée , en laiflant féjourner
& en agitant pendant quelque/ temps du camphre dans ce-
fluide,
des parties odorantes les plus fuaves, des parfums
les plus recherchés. Il eft peu d’odeurs agréables
auxquelles il ne foit allié. Les rofes , le
jafmin , la tubéreufe , les liliacées en général, les
violettes , raffemblées en grande quantité , laiffent
échapper , à travers l ’odeur agréable qui flatte nos
fens , une autre odeur fade & vireufe dont l’im-
preflion eft fouvent naifible, & à laquelle on doit
en partie attribuer les malheurs produits par la
trop grande quantité de fleurs enfermées longtemps
dans un petit efpace. Ces mêmes fleurs
exhalent l ’odeur narcotique pure , lorfque leur
principe aromatique & camphré eft entièrement
ditfipé : tout le monde connôit l ’odeur défagréa-
ble que répandent les rofes, le jafmin la tubéreufe
, &c. , lorfqué ces fleurs font fanées., &
qu’elles ont perdu le parfum qui les cfiftingue.
L inaltérabilité Sc la fimplicilé de l ’odeur vireufe
font encore démontrées par le peu de chan-
gemens qu’elle éprouve dans toutes les modifications
auxquelles les corps qui la contiennent font
fournis. L ’opium , qui eft le foyer ou ce principe
elt le plus abondant & le plus concentré , ne perd
jamais entièrement fon odeur & fa propriété narcotique
ou calmante ; la defliccation la plus parfaite
, l ’action du feu le plus fort dans des vaifi-
féaux fermés , le mélange des réadifs les'plus
énergiques , la fermentation la plus tumultueufe
& la plus avancée , l ’addition des autres odeurs
les plus pénétrantes peuvent bien diminuer ,
affoiblir, modifier , mafquer même fon principe
refteur vireux : mais tous ces phénomènes ne le
detruifent jamais complètement ; & prefque indestructible,
fi l ’obfervation naturelle permettoit de
croire a cette fixité abfolue , il femble renaître'
au milieu de toutes les tortures que l’art fait lui
faire fubir. Tantôt il fe cache fous «une odeur ani-
fee , tantôt fous celle de l ’ail; quelquefois il imite
1 odeur des raves ; par un autre traitement, il prend
celle des punaifes. Ces modifications fingulières.,
obfervées par Lorry , lui ont fait foupçonner, une
analogie entre ‘l ’odeur de l ’anis & celle des punaifes
, que les préparations d’opium lui ont offertes
, & que l ’on retrouve mêlées eniemble dans la
coriandre. Des linges fur lefquels on avoit verfé'
quelques gouttes d’huile d’anis du commerce, ont
pris à la longue l ’odeur fétide de cês infe&es do-
meftiques.
L ’odeur vireufe appartient aufli à quelques matières
animales; onia trouve dans le mule, l ’ambre
j la civette, & fur-tout dans le càjtoreum , que
Virgile a défigné, avec beaucoup de raifon , fous le
nom de virofa caflorea. Elle eft encore fenfible
dans prefque toutes les huiles diftillées. Ces di-
verfes fubftances ne doivent même leurs vertus
antifpafmodiques & calmantes qu’à la préfence' du
principe vireux qui eft parfaitement identique, à
quelque bafe qu’il foit uni.
De Vodeur éthérée. La troifième claffe d’odeurs
principes, diftinguées par Lo rry, comprend celles
qui, par la manière dont elles affeôLnt les nerfs
olfaCtifs , & par la fenfation qu’elles excitent, ont
une analogie très-marquée avec -l’éther. Rien n’approche
de la ténuité & de l ’incoercibilité de cette
odeur fugace ; (on imprèflïon vive fur l ’économie
animale eft aufli prompte que fa volatiiifatioiv;
elle n’a , pour ainfi dire , qu’un inftant dans fa
durée. Aufli, quoiqu’elle exifte dans un aflez grand
nombre de fubftances végétales, on n’ y a fait que
peu d’attention avant le médecin auquel ces recherches
font dues. Si l’on ne faifit pas l ’inftant ou
elle fe forme dans les végétaux, elle fé. diflipe fi
promptement , qu’on ne peut plus en reconnoître
l ’exiftence. Elle n’eft retenue que foiblement &
pendant très-peu de temps par l ’écorce la plus
ferrée Sc la plus imperfpirabïe des fruits dont la
pulpe ou les cellules la récèlent. En effet, tous
les fruits vineux, tels que plufieurs efpèces de
poires, certaines pommes , les melons , les fraifes ,
les fiamb.oi.fes, les ananas fur-tout , & peut-être
'même toutes, les parties de la fructification des
végétaux qui croiffent fous le ciel ardent de l ’Amérique
méridionale, exhalent dans .le point précis de
leur maturité une^ odeur éthérée manifefte. C’eft à
la fermentation qui a lieu dans les fuçs de cés
fubftances végétales , & qui les mûrit peu à peu,
qu’eft due la production & le développement de
ce principe reCteur agréable. Celte odeur paroît
même devoir quelquefois-' fa naiffance au premier
degré d’altération feptique qu’éprouvent les fruits
fucrés. C’eft ainfi qu’un grain, de chàffelas très-
doux, qui commençoit à s’altérer , & fur lequel
il fe formoit déjà une légère moififfure , exhaloit
une odeur éthérée fi vive & fi fenfible, que plufieurs
perfonnes crurent qu’on avoit répandu de
l ’éther dans la chambre où i l écoit „enfermé ; à
cette odeur remarquable en a fuccédé une évidemment
mufquée. La fermentation à laquelle étoit
due la production de cet efprit éthéré, n’indique-
t-elle pas qu’il exifte dans les fucs des végétaux
Une combinaifon naturelle analogue à celle que
l’art emploie pour la préparation de l ’éther ?
L odeur éthérée fe combine avec beaucoup de
facilité à tous les autres principes odorans. L ’al-
kali volatil, uni à l ’éther, donne un compofé fin-
gulier d’uçe odeur agréable , pénétrante , dans lequel
on retrouve le caraCtèrc propre à chacun de
Ces corps, & dont la vertu calmante produit des
effets très-rprompts & fouvent inattendus dans les
affeftions fpafmodiques les plus terribles. Le même
. efprit reCteur , réagi flant fur la partie vireufe de
l ’opium , lui donne une volatilité marquée, Sc
modère fa propriété narcotique. Il s’allie auffi très-
bien à l ’odeur camphrée; & il réfulce de cette
union un mixte odorant & calmant , dont les médecins
retireront fans doute quelque jour les plus
grâuds avantages.
‘ l odeur acide volatile. Quoique l’acidité foit
proprement affeCtéc aux faveurs, & que les nerfs
olfaCtifs ne- perçoivent pas aufli fortement cette
propriété que peuvent le faire les organes du goût ;
i l exifte cependant plufieurs corps dans lefquels l ’odorat
reconnoît manifeftement une qualité acide.
La volatilité eft une propriété eflentiellement né-
ceflaire dans les odeurs acides , pour qu’elles faflent
fur les nerfs olfaCtifs l ’impreflïon de cette matière
faline. Aufli par-tout où cette odeur eft reconnoif*
fable , eft-elle combinée avec un autre efprit recteur
plus ou moins exalté , & prefque toujours aromatique.
On la trouve dans une infinité de fruits
aigrelets, tels que plufieurs .pommes , lés gro-
feilles, les cerifes , l'épine-rinette , les citrons ,
les oranges , la bergamotte , &c. Cher tous elle
eft unie a un principe odorant plus on moins aromatique
, qui lui donne des ailes. Plufieurs écorces
parfumées des pays méridionaux la contiennent ,
mais combinée avec des huiles efïentielles. Elle,
femble être çncore plus combinée & mafquée
quoique d’ailleurs très-reconnoiffable, dans quelques
plantes , telles que les efpèces jde mé-
liffe & d1 aurone , qui portent le nom -de citronnelles.
Toutes les odeurs qui appartiennent à cette
claffe, font les plus gracieufes, piaifent le plus
généralement , & n’ont point les inconvéniens que
les obfervateurs ont reconnus dans les parfums
ordinaires. Elles réveillent agréablement les fens »
elles produifent une gaieté remarquable , Sc leur
caradère acide eft parfaitement indiqué par la propriété
qu’elles ont de détruire l ’engourdiffemenÉ
& tous les fymptômes occafionnés par le narco-
tifme. Quoiqu’elles aient quelque chofe de commun
avec \le principe éthéré , leur piquant vif &
agréable les en diftingue .aflez , & peut - être
n ont - elles avec elles cette forte, d’analogie ,
que parce qu’elles en couftifuent un des principes.
Aucun acide , même parmi les minéraux , n'a
la propriété de les détruire , quoiqu’ils altèrent
toutes les odeurs. Au contraire , les alkali? les
abforbent, les neutralifent , & les font to:ale-
lement difparoître. La putréfaction les diflipe
promptement , & en général ce font les plus
altérables de tous les principes odorans connus«
De Vodeur alkaline volatile. Le célèbre Lorry
rapporte à cette claffe plufieurs efpèces de végétaux
dont l ’odeur eft remarquable par une âcreté
pénétrante & mordante , qui frappe l ’odorat avec
une vivacité fingulière, picote fortement les yeux ,
& fait crouler les larmes, par l ’irritation puiff.nte
qu’elle excite. Toutes les crucifères , Sc fur-tout
les raiforts , le fînapi , le cochléaria , quelques
antifeorbutiques appartenant à d’autres claffes de
plantes , & particulièrement les oignons & les
aulx , préfentent ce caraCtère. Quoique plufieurs
chimilles célèbres aient cru que ces végétaux dévoient
leur propriété odorante à un acide exalté,