
liqueurs, prefque ftagnantes , perdent leur fluidité,
les fibres s’engourdiffent , & la mort en
eft une fuite inévitable. 11 faut donc agir & ranimer
le mouvement par des feçouffes que Ton
fait éprouver au fyftême fenfible.,
Les effets des remèdes aétifs peuvent en général
fe réduire aux deux fuivans; augmenter ou diminuer
rentabilité ou la fenfîbiiité des fibres. Sans
doute il eft impoflible d?agir fur l ’une de çes fonctions
, fans que l ’autre y participe ; mais pour que
cette diftin&ion foit néceffaire , il fùffit que
certains remèdes influent plus fur l ’une que fur
l ’autre, & doivent être préférés dans certains cas,
comme l ’expérience journalière le démontre.
Que dans l’emploi des remèdes énergiques une
grande partie de leur action fe réduife à ces effets ,
c ’eft ce dont il fera facile de fe convaincre , en
refléchiffant que les faignées , les évaçuans , les
relâchans , les caïmans ne font que diminuer le
fpafme & la tenfion, tandis que les fortifians,
les toniques , les rubéfîans relèvent le ton des
fibres , foit comme ftimulant mécanique des
folides irritables , foit comme agiffant fur la
pulpe nerveufe , & , par fon intermède, fur les
organes contractiles.
A ces effets on doit ajouter fans doute ceux
que ces remèdes produifent fur les fluides, & qui
ne nous font pas encore bien connus, parce qu’ils
•dépendent d’un genre de recherches chimiques peu
avancées. Mais quelle que foit leur aCtion fur les
liqueurs , ils en ont une fi déterminée fur les
fibres vivantes , qu’elle peut, dans bien des cas ,
fuffire à leur explication : les anti-feptiques , par
exemple , conviennent dans toutes les circonftances
où les humeurs tendent à la putridité , qu’une chaleur
acrimonieufe accompagne fouvent ; où l ’air
fe dégage des matières alimentaires , & gonfle
l ’abdomen, où enfin la foibleffe & la proftration
des forces eft extrême. Or les remèdes que
l ’on a confeillés en pareil cas , comme propres
à retarder les progrès de la putréfaction-, font auflî
des agens capables de produire du refroidiffement,
de diminuer la raréfaCtion & l ’effervefcence, &
de ftimuler doucement les fibres relâchées par des
miafmes délétères. Quelle que foit donc leur influence
fur les fluides, ils en ont une .fur les folides -, qui
les ramène â un des membres de notre divifion,
'N’oublions point que la Médecine , pour être
efficace , n’a pas befoin d’employer un fecours po-
fitif ni un médicament quelconque. La privation
de ce qui peut être nuifible , la ceffation d’habitudes
vieieufes, le changement de climat ou d’occupations
, font des moyens qui peuvent être très-
utiles , qui font même fouvent néceffaires au
fuccès du traitement: ? ou'qui feuls peuvent guérir
. Mais quelle idée doit - on avoir de la Médecine
aCtive ou agijfante ? L’académie royale des
fçfeiices de kDijon a propofc ce problème â réfoudre
en 17 76 , & les mémoires de MM. Voul-
lone , Planchon , & Jaubert, ont principalement
fixé fon attention, Celui de M. Vouiione, qu’elle
a couronné ( 1 ) , eft fur-tout recommandable par
fa précifion , & par la méthode avec laquelle l ’auteur
a procédé dans fes recherches, Il a paru peu
d’ouvrages dans ce fièçle auflî bien faits & auffi
dignes- d’être médités. J’en ferai ici l ’extrait, j’en
rapporterai plufîeurs paffages , & ce fera M* Voul*
lone, qui répondra 4 la quçftion que je viens d’établir.
« Nous appellerons médecine agijfante, dit
M. Voulloné., l’application d’un fecours quelçon»
que, capable de produire, dans l ’état phyfique
du malade, un changement remarquables , relativement
à la fuite des modifications que le
malade éprouveroit fans l ’application de çe fe-
eoursï
» On doit donc regarder la Médecine comme
expeCtante ,~ non feulement quand elle s’abftient
abfolument de l ’application de tout fççours , mais
encore lorfqu’elle n’emploie que des fecours incapables
de produire un changement un peu notable
dans la fuite des modifications phyfîques que
le malade éprouveroit fans elle ».
Tl eft aifé de comprendre en quoi eonfîfte la
différence effentielle que l ’on, doit établir entre
la médecine agijjante & la médecine expectante-.
Le vrai caraétère qui les diftingpe l ’une de fautre,
e’efl: que la, médecine expeCtan'te livre la maladie
a la conduite de la nature , tandis que la médecine
agijfante enlève â fa nature la conduite
de la maladie , pour fç l ’approprier à elle-
même;
» Il s’agit donc , fgivant M. Vouiione, de . déterminer
quels font, dans la maladie , les droits
mutuels de la nature & de l ’art, & jufqu’ou doit
s’étendre leur autorité refpeétive.
» Examinons' en combien de manières la médecine
peut agir dans les maladies. Pour cela il
faut recourir à l’idée que l ’on doit avoir de la
maladie en général. Cette idée en renferme né-?
ceffairement deux autres. Elle renferme d’abord l ’idée
d’un principe morbifique quelconque, faifant fonction
d’obftaele mécanique & matériel, qui rend les
forces ordinaires de la vie infuffifantes pour l ’intégrité
des fondions ; elle, renferme enluite l ’idée
d’un principe vital , ou de la nature, q u i, s’apercevant
de la réfiftance qu’ elle éprouve, s’agite
toujours en quelque manière , & trouble elle-
même l ’ordre de fes mouvemens, jufqu’à ce qu’elle
retrouvé , entre les réfiftances étrangères & fes
propres forces ? cette harmonie fans laquelle fi*
propre fenfîbiiité lui eft à charge ».
L a médecine agijfante fe diviffe donc natuh<
{ 1 ) Le prix a été partagé entre MM. Vouiione SC
Planchon , & M. Vouiione a été nommé le premier,
""
tellement en deux branches ; c’eft-â-dire, qu’il y a
deux manières, principales dont l ’ art peut agir dans
lès maladies , félon que fon a dion fe porte vers
le principe morbifique , ou vers la nature. Il eft
vrai que le principe morbifique & la nature font,
durant la maladie , dans une dépendance mutuelle
& fi étroite , que l’on ne fauroit agir fur l ’un
fans agir par contre-coup fur l ’autre ; & que l ’on
n’agi: même ordinairement fur l ’un, que pour porter
l ’effet de cette adion jufqu’à l’autre.
Cette diftindion de la médecine agijfante en
médecine agijfante fur le principe morbifique ,
& médecine agijfante fur la nature, eft de la
plus grande importance.
» Le principe morbifique , fous quelque point
de vue qu’on l ’envifage , eft toujours le centre
auquel fe rapporte & le pivot fur lequel roule
toute -la maladie. C’eft le principe morbifique,
q u i, par fon influence mécanique , ou par les
effets qu’il excite dans la nature, prépare , fou-
tient , & prolonge tout l ’appareil des fymptô-
mes. Sa préfence , toujours fâcheufe , ne peut fe
Concevoir fous aucun rapport favorable , & dans
aucun cas pn ne peut fe promettre de lui aucun
avantage. Il eft donc toujours temps d’agir,
dès qu’on peut l’affoiblir & le détruire.
» La nature nous préfente un point de vue bien
différent. Deftinée par fon effence à veiller à la
Confervation de l’individu,. elle n’abandonne jamais
cette fondipn importante ; difons mieux , elle
s’en occupe avec d’autant plus de foin , que fa
vigilance devient plus néceffaire. Rencontre-1- elle
quelque obftacle dans l’ordre des mouvemens ,
dont le Concours forme la perfeftion de la vie?
elle s’agite & fe trouble : mais dans ce trouble
même , & dans cette agitation , qui augmentent
en apparence la Confufion & le défordre, elle n’a
réellement pour but que de rétablir l ’harmonie
dont elle a été forcée de s’écarter.
» Et ne craignons pas , ajoute l ’auteur , d’avancer
Comme une fécondé loi générale, que la
médecine agijfante, en tant que fon a&ion fe
rapporte à la nature , eft par ells-même toujours
contre-indiquée ».
I l eft certain que la deftruftion du principe
morbifique eft dans toutes les maladies la voie de guérifon la plus courte j la plus sûre , & la
feule radicale ; & que par conféqùent le principe
morbifique, par lui-même, appelle & follicite fans
ceffe l ’affcion de l ’art. Mais il eft certain auflî
que cette aétion fuppofe néceffairement trois chofes
dans le principe morbifique : la première, que ce principe eft connu, & quant à fa nature, &
& quant à fon fiége ; la fécondé, que ce principe
«ft à portée d’être attaqué ; la troifième , que , ce principe eft attaquable par des moyens qui ne
deviennent pas eux-mêmes un principe morbifique '(plus dangereux que celui qu’ils attaquent ; car il
eft évident que , par le défaut de la première condition
, Vaction feroit imprudente & hafardée; que
par le défaut de la fécondé condition , Y action
devient abfurde & chimérique ; que par le défaut
de la troifième condition , Y action ne peut être
que nuifible & funefte. Ainfî donc , malgré la
loi générale , la médecine expe<ftante doit avoir
lieu , même relativement au principe morbifique,
i° . Toutes les fois que ce principe fera iur-
connu ;
20. Toutes les fois qu’on manquera de moyens
pour l ’attaquer.
30. Toutes les fois que ces moyens feront d’une
application dangereufe.
D’un autre côté , quelque confiance que l’on
puiffe fonder, pour la guérifon des maladies , fur
les effets de la nature; quelque préfomption que
l ’on puiffe établir en leur faveur , quand on ne
veut fe livrer à aucune efpèce d’enthoufiafme , on
eft obligé de reconnoître que la nature ne peut
pas toujours faire ce qu’elle voudroit ; qu’elle ne
fait pas même toujours ce qu’elle pourroit ; &
que par conféqùent, quoique par elle-même elle
ne demande à l’art que l ’expeftatiofi, cette expectation
fuppofe, dans les efforts de la nature , trois
chofes : la première, que ces efforts ne font pas
immodérés & trop vifs ; la fécondé , que ces efforts
ne font pas languiffans & trop foibles ; la troifième
, que ces efforts fe portent vers un organe
qui peut les foutenir fans danger. Car il eft évident
que, par le défaut de la première$condition
, ils ont befoin d’être réprimés; que , par le
défaut de la fécondé condition , ils ont befoin
d’être excités ; & que , par le défaut de la troifième
condition , ils ont befoin d’être détournés»
Ainfi donc, malgré la loi générale, la médecine
agijfante doit avoir lie u , même relativement aux
efforts de la nature ,
i° . Toutes les fois que ces efforts feront vifi-
blement exceflîfs ;
2°. Toutes les fois qu’ils feront vifiblement in-
fuffifans ;
30. Toutes. les fois qu’ils feront vifiblement mal
dirigés.
» En rapprochant tout ce que nous, venons de
dire , nous concluons , dit M. Vouiione, que tous1
les cas où la médecine agijfante eft applicable
dans la pratique, fe réduifent aux quatre fuiyans
:
» Premier cas. Quand le principe morbifique
étant connu , il eft attaquable par des moyens-
moins dangereux qu’il ne l ’eft lui-même.
» Second cas. Quand la nature, dans l ’ufage des
forces qu’elle exerce pour retrouver l’équilibre
qu’elle a perdu , va évidemment au delà des
bornes d’une jufte modération.
» Troifième cas. Quand la nature, dans l’emploi
de ces mêmes forces , demeure évidemment ÇD
deçà des bornes d’une activité falutaire,