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fleflillé les yeux. A in fi, fuivant eux, il y -avoit
une a&ion du corps humain fur certains corps phy-
fiques, comme il y en avoit une de ceux-ci fur
le 'corps humain. Ainfi le fel du lang & la lampe
de v ie , lamp-eis v iu e , changeoient dans leurs
apparences extérieures , lorfque l'individu d’où l’on
avoit tire la fubftance qui les avoit formés, éprou-
voit quelque grande révolution phyfique, 'qu’il
effuyoit une maladie, ou qu’ri mouroit. On çon-
noiüoit d’ailleurs ce qu’ils avoient écrit fur l ’art
de nuire par les excrémens ,. & fur la tranfplaa-
tation. Par c e lle -c i ils avoient prétendu pouvoir
faire paffer les différentes maladies du corps des
malades dans celui- des animaux. Par les procédés
du premier genre , il n’éîok aucunes perfonnes
fur lefquelles ils ne cruffent pouvoit agir de loin.
En cherchant à répéter ces effais , on s’étoit
aperçu bientôt de leur peu de fondement 5 & la
doârine étoit tombée dans l’oubli. C ’étoit furetant
du temps du père Kircher que la phyfique y
commençant alors à répandre fa lumière , avoit
difiipé ces erreurs. Rhedi avoit tourné principalement
fes vues de ce côté. En cherchant à s’ailurer
par l ’expérience de tant de faits avancés de fon
temps il en avoit découvert la fauffeté ,. & tout
le fÿftême ancien du magnétifme , à l ’appui- duquel
on les avoit annoncés , avoit été entièrement
abandonné. Me femblok-il pas que les partifans
du magnétifme moderne avoient craint ou
preifenti un pareil fort ? Ils n’attribuoient à leur
ao-ent aucune a dion purement phyfique, aucune
propriété fûfceptible d’être ainfi foumife à- une
•expérience fimple & facile.. Mais ne donnoient-ils
pas lieu de mal interpréter cette çirconfiance ; &
n’étoit-ce pas là le cas de dire qu’ils fe rendoient
fufpe&s par trop de précaution ?>
■ Peut-être dira-t-on que c’étoit juger défavorablement
les preuves citées en faveur de M. Mef-
mer, puifqu’un affez grand nombre de perfonnes
paroiffoient s’en déclarer les partifans. Mais n’a-
t-on pas vu également des témoignages à l’appui
d’un çrrand nombre d’erreurs? La cure lÿmpathique,
eu l ’ancien magnétifme , n’a - 1 - elle pas eu auffi
fes euthoufîaftes ? Le chevalier Digbi; n’avait - il Îas écrit en faveur de la poudre de fympathie ?
,e roi d’Angleterre n’y erut-il pas fur fa parole ?
Un nombre confidérable de feigneurs- atteftoient
avoir été guéris de bleffures graves par fon moyen.
Enfin on vit un grand nombre de médecins, parmi
lefquels on.trouve des noms connus, y ajouter fo i,
& publier des écrits- en fa faveur. C’eft une trille
vérité , mais elLe n’eft que trop réelle. Le favoir,
les lumières , la eonnoiffance du monde ne font
pas toujours des préfervatifs surs pour garantir des
preftiges ou des écarts de l’imagination , ni des
atteintes des impofteurs & des charlatans. Les gens
de ce genre ne refpeéïent rien. D’ailleurs ajoutons
que, dans toutes les impoftures , ce n’a jamais
été que des chofes très - défirables par leur
utilité pour le genre humain, .& très-merveilleufes,
A i l
quant au domaine vie l ’efprit, que leurs' auteurs»
ont annoncées.^ - on pas naturellement porté-
à embraffer des proméfiés brillantes en ce genre?'
Si des hommes de bonne foi ont été- féduits en»
pareils cas , leur crédulité neft-elle pas excufable
par le motif, & n’eft ce pas-là foccafion de dite-
que ,. ne pouvant faire aucun tort à leur efprit,
elle prouve en eux l ’amour de la fcience-& le
défir de contribuer à- fes progrès? Car eé n’eft'
qu’aux auteurs mêmes- de- ces artifices que cette
crédulité imprime le déshonneur. Il eft affreux
d’employer par foi-même & dans autrui l'amour1
& le pouvoir du- bien à des intrigues' d’intérêts
& de proftituer la vérité par les mains mêmes de
ceux qui lui font plus complètement dévoué,s.
Cette croyance d’ailleurs, toujours bornée-à quelques
individus, ifeft rien moins que convaincante, &
l ’on pourroit même dire qu’il eft poffible , non-
feulement de la combattre viétorieufement, mais
encore d’en rendre raifon. C’eft qu’on ne fait pas
affez d’attention à. tous' les-phénomènes finguliers-,
& extraordinaires que peut produire l ’ataxie rier-
veufe. Dans ces crifes convulfives,. on croit que c èffc
eo employant une grande caufe externe qu’on le&
produit. Mais ce n’eft point l ’à&ion de la Caufe
qui eft grande , c’eft la difpofilion à l ’effet. C ’ eft
le grand appareil de mouvemens, la bizarre Angularité
des effets l’étonnante variété ou mobilité
des accidèns qui a toujours frappé dans le
fpeclacle des convulfions ou crifes nerveufes. On
a cru de là: devoir reconnoître l ’exiftence d’une
caufe extérieure, d’un agent diftinét & phyfique y,
d-’un ordre fupérieur. Voilà quelle a é té , dans-
toutes les impoftures ,- la caufe de rillufion & dè
Ferreur ? Mais tout confifte alors dans la grande
mobilité & fenübilité des nerfs, dans la- rencontré
ou le choix des fujets convenables, & c'eft de 1&
que vient tout le merveilleux des effets que l ’on1
aperçpit. C ’eft fans doute un fpe&acle tres-frap--
pant quand on le voitlâinft en grand; & lorfqu’om
en eft témoin pour la prerifière fois , il eft jàeut-
être permis d’en être émerveillé. Mais enfin les
exemples font faits pour inftruire en pareils cas,.
& c’eft la leéhire feule qui-, pour prémunir contre
de femblable* illufions , peut tenir lieu d’une expérience
qu’on n’a pas.- Combien de fcènes de cette-
nature ont été jouées, & dont le genre humain
a été la dupe ! G’eft que les générations paffent x
8c que les témoins de chacune de ces impoftures *
les feuls qu’il ne foit plus poffible peut - être de
tromper , difparoiffent & s’évanouiffent. De leur
temps, il. ne feroit pas poffible de les renouveler.
Maïs. quand' ils ne font plus ,. quand I»
fcène du monde ne préfente que des hommes neufs
& dépourvus d’expérience en ce genre, la crédulité
reprend tous fes droits. C’eft là la raifon (ans
doute qui rend- ces fcènes encore moins-communes
qu’elles ne le pourroient être. Car on ne manque pas.
d’impofteurs ou de fourbes adroits, difpofés à faire des
dupes. Mais i l leur en manque- fouvent l ’occafion.
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î-ües réflexions eurent bientôt ramené les efprits
-dans la capitale à des idées .plus faines. Elles préservèrent
aulli le public , dans le royaume, des
fuites d’une crédulité qui eût été feandaieufe fi
telle fiît devenue générale. On n’ignoroit point
que la méthode nouvelle s’étoit propagée dans
toutes les provinces, & qu’il y avoit eu peu de
villes où io n n’en eût établi des traitemens publics.
Les différens corps de Médecine du royaume
avoient été ainfi à portée d’en obferver les fuites,
d’en, étudier les effets ; & le zèle dont ces compagnies
font animées ne permettoit pas de penfer
qaau milieu de tant, d’innovations elles edffent
pu refter indifférentes. Ce fut avec fatisfa&ion que
l ’on apprit qu’elles s’étoient unanimement élevées
■ contre le preftige qui avoit féduit la multitude, &
qu’elles avoient fait tous leurs efforts pour le dif-
fjper.v
Dans le nombre des raifons qui les avoient
portées à combattre cette nouvelle pratique, les
inconvéniens que plufiews médecins en avoient vu
naître paroiffoient les îftroir plus particulièrement
déterminées à la rejeter. En effet , on n’avoit pas
feulement reconnu que les traitemens magnétiques
n’opéroîent aucun bien pour l ’ordinaire , on aVoit
plufieurs fois remarqué qu’il en étoit réfulté de
fâcheux accidens , foit par le trouble que cet appareil
jetoit dans le fyftême nerveux , foit en éloignant
les remèdes vraiment indiqués pour la gué-
rifon.
En général, on avoit obfervé que les malades
éprouvoient des cataftrophes funeftes , ou qu’ils Ce
trouvoient plus mal des opérations du magnétifme.
Ce réfultat étoit fur-tout bien établi par les nouvelles
que l ’on avoit reçues de Malte. Ce n’étoit pas d’ailleurs
un des inconvéniens les moins graves que les
médecins euflent remarqué de l ’iutroduélion de
cette méthode dans les provinces, que l ’efpèce
de répugnance qu’elle avoit infpirée aux malades
pour les remèdes ordinaires , & la défaveur qu’elle
avoit répandue fur leur emploi. Plufieurs roéde-
cins.des villes où l ’on avoit exercé le magnétifme
avec un grand concours de malades , affuroient
qu’ils n’en avoient vu aucuns foulagés, & qu’au
contraire ils avoient été obligés de rétablir la fanté
de plufieurs perfonnes qui y avoient vu augmenter
leurs maux , pour avoir négligé les fecours qui
convenoient à leur état. Ces inconvéniens avoient
été manifeftes, 6c l’on pouvoit ajouter que dans
les opérations du magnétifme on ne les avoir vus
balancés par .aucun avantage. Dans les différentes
villes de province , les médecins , témoins des
traitemens qui v avoient été établis-, affuroient
qu’ils n’avoient ôbfervé aucunes cures ou guérifons
réelles. Ce réfultat fur - tout paroiffoit avoir été
général.
Ce n’étoit pas cependant que dans les différentes
villes du royaume , comme à Paris, les partifans
du magnétifme n’ euffent publié des liftes de Cures
opérées par leux méthode. Mais ces recueils, for-
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més pour l ’ordinaire par des perfonnes auxquelles
i l manquoit d’être luffifamment éclairée* en pareille
matière , n’annonçoient que le zèle de la
bienfaifance ; 9c en foumettant les prétendues guérifons
qui y étoient rapportées, à un examen réfléchi
, on étoit parvenu bientôt à en démonftreir
le peu de fondement. On avoit vu, relativement
au foin que l ’on paroiffoit avoir pris de choifir les
témoignages dans les claffes de la fociété les plus
diftinguées, que fi cette précautiou étoit propre à
donner aux obiervations un plus grand degré d’authenticité,
elle deveuoit abfolument nulle quand il s a -
giffoit de prononcef fur ces cures, & de déterminer
la caufe a laquelle on devoit les attribuer. Sans
doute , pour conftater , dans quelque fcience qse
ce fo it , l ’exiftence d’un fait qui tombe fous les
fens , il fuffit d’en citer des témoins, & lors
fur-tout qu’on porte la précaution au point de>
les choifir parmi les perfonnes dont la condition
plus élevée , & une bonne éducation ne per-1-
mettent pas de penfer qu’on ait pu Corrompre
leurs témoignages , l ’exiftence du fait annoncé ne
peut plus être, conleftée. Mais il n’en eft pas ainfi
quand i l s’agit eufuite de prononcer fur ce fait,
d’en expofér les conféquences, & de déterminer la
caufe à laquelle on doit l ’attribuer. C ’eft fur-tout
en médecine que cetté extrême différence fe nià-
nifefte. En effet , fi., dans cet art, l ’obfervation des
faits eft déjà fi difficile, la recherche des caufes
auxquelles on doit les rapporter eft fur- tout remplie
des plus grandes difficultés* Elle exige le favoit
le plus profond, l’expérience la plus confommée »
& c’ eft rempreffement fi commun de tant'de perfonnes
trop peu éclairées fur cet objet fi délicat
cependant & fi important, qui a furchargé cette
fcience d’un fi grand nombre de fauffes obfervations.
jC’eft à cette caufê qu’on doit rapporter l ’adoption
de tant de fyftêmés , de tant d’opinions erronées
que l’on a vus dominer fuccëffivement dans l ’art de
guérir. Tous, à [l’ époque qui lès avoit vu naître,
avoient été appuyés par ae prétendus faits très-
frappans & très-nombreux. Cependant combien
en eft-il refté qui aient été confirmés par l ’expérience
, feul juge des découvertes ? Ce n’eft
donc pas à la multitude des faits , que l ’on cité
en faveur d’une opinion , que l’on doit s’arrêter
pour l ’adopter ; leur valeur & leur nature doivent
être auparavant examinées ; c’eft au creufet de
la difeuffion que l’ôn doit les éprouver, & , â
cette épreuve , ce n’étoit ni le nombie, ni l ’illuf-
tration des témoignages dent on les accompagne,
qui pouvoit les faire admettre* Et n’éloit-ce pas
de cette manière que s’étoit établie , dans le dernier
fiècle , cette abfurde doélrine de la cure (ympd-
thique , dont les partifans ne tariffoient pas en
obfervations , 8c fe vantôient de pouvoir citer én
témoignage, des grands, des princés , & même des
rois ? Toutes les erreurs, toutes les impoftures,
tous les «mpyriques & les charlatans en Médecine
n’ont-ils pas eu ainfi leurs liftes plus pu moins
P p p z