
Hippocrate dit : Parmi les animaux mêmes qui
Jonc apprivoïfês avec Vhomme ,„pn obferve que
ceux qu on fa i t paître dans les buis & dans les
champs , donnent un aliment plus Jec que ceux
qui vivent à la maifon ? ils prennent cette qualité
par l'effet du travail, par les vici/Jitudes
dit fo le il & du froid y & par la féchereffe (s la
vivacité de Vair dont ils Je pénètrent, -( rpécpirai,
dont ils fe nourriffenf).-Les animaux fauvâges
fourniffent de même un aliment p lus fec que
les animaux apprivoifés. La même différence ça-
raclérife ceux qui vivent de chair ( êpo^dya., cru-
divora i , 6* ceux qui vivent des feuilles des
arbres ; elle dijlingue les animaux qui mangent
p eu , de ceux qui mangent beaucoup ,* ceux quon
nourrit au f e c , de ceux qu'on nourrit au verd i
ceux qui vivent de grains, de ceux qui neh
vivent pas ,* çedx qui boivent peu , de ceux qui
boivent beaucoup ; ceux qui ont beaucoup de
fa n g y de ceux qui en ont peu ou point y ceux
qui Jont dans la vigueur de l'â g e , de ceuxs qui
font ou iris-jeunes ou trop âgés, les mâles des
femelles ,* ceux[ qui font entiers , de ceux qui
fo n t châtrés i les noirs des blancs ,* ceux qui
fo n t couverts de poils , de ceux qui font chauves,
&c. En générai , tous les animaux dont la fibrç
efl molle, lâche , peu colorée, mucilagineufe,
font mis par Hippocrate au rang des ahmens humides
, & nous {avons par expérience que ces alimens
lâchent le ventre, & donnent quelquefois
des- diarrhées affez abondantes , & même de fortes
indigeftions, comme je l ’ai vu chez plufieurs per-
fonnes, par l ’ufage des chairs de l ’agneau & du
yeau.
Ainfi cette expreffion de fec & d’humide relativement
aux alimens , quoiqu’impropre en elle-
même , difigne. cependant un effet véritable, foi-
gneufement obferve par les anciens, que nous obtenions
de même qu’eux , & qui appartient â un
état particulier de H fubftaQce mucilagineufe nutritive*
D e ce qu Hipppcrate entend par ,
jca^acTiïci», cctrifAoi, ou vertus laxative , purgative
& refferrante dans les fubftancep nutritives
L a vertu qu’Hippoerate exprime par les dérivés dp
ucfrctifîii, purger , n’appartient point à la fubftance
nutritive. Elle ne fignifie pas toujours l ’évacuation
parles Telles , comme on T a déjà fait voir à l’article
A il de ce dictionnaire; mais quelque lignification
qu’on lui dontie , elle dépend de principes
étrangers à la partie nutritive de nos alimens,
Ainfi l ’orge n’eft purgatif, comme le dit Hippocrate
, qu a raifon de fon enveloppe, & celle de
l ’^jre quand il en eft dépouille ; il en dit autant
des farines qui font mélangées de toutes les parties
de la graine, %vyKtpiroi aAtvpoc, ôç du pain dans le quel
le fon entre, Mais pour ces
dèrnie'rs , il fe'fert leuiement du mot ff11*
décermine feulement une vertu laxative.
Cependant Hippocrate .regarde fôuvènt cette
vertu laxative comme inhérente a la fubftànce nutritive
elle-même; i l l ’attribue au lait de jumënt
& d’âneffe , en difant qu’au contraire , les laits de
brebis & de chèvre reflerrent ; & 1 experien.ee confirme
cette obfervation. I l obferve que les préparations
qu’on »fait fubir aux farines leur donnent
ïouvent quelque chofe de laxatif, & il remarque que
le pain levé porte plus aux telles que le pain fans
levain j & dans cet endroit il fe fert du mot êiccxp^i.
Les chairs des animaux qni ont peu de fan g ou
un fang fort tenu , font mifes de même au rang des
alimens laxatifs , & la chair de cochon eft, fuivant
lui , fort laxative ( îxavws êiux^J^ parce que les
vàiffeaux fanguins de cet animal font fort petits,
& qu’il à peu de fang en proportion de fa chair.
-11 en dit autant de tous lès animaux jeunes, dont
il ne regarde pas feulement les chairs comme humides,
dans ie fens que nous avons expofé plus
haut, mais encore comme laxatives.’ ,
Hippocrate attribue encore , dans quelques cas ,
la vertu laxative à la combinai fon de 1 eau avec
le mucilage nutritif. C ’eft ainfi qu’àprès avoir parie
de- plufieurs femences, & fpécialement de quelques
émulfives dont il défigne la fubftance par le
mot de chair |§ | ||J , il dit : Eh général les f i e s ou
les liqueurs préparées avec ces femences ( oî xv/As< )
font plus propres que leurs chairs à lâcher le
ventre. S i vous voulez fécher ( refferrer ) , donne^
la chair & non le j ucp.fi vous voule^ lâcher un
peu y donne\ Le fu c , ménage^ la chair > ou donne^
la plus humectée. On concevra ce la , fi l on
confidère que dans le fuc ou le lait.de ces amandes,
le mucilage le plus foluble eft mêle a 1 huile
douce , & dégagé du parenchyme groffier & ab-
forbant, -qui n’eft pas foluble dans i eau. Plus bas
Hippocrate fait encore une diftinétion a peu près
fembiable, relativement aux animaux marins de
la claffe des polypes & des seches , & ceux de la
nature des huîtres , & de différens autres coquillages.
Il dit que ces fortes d’animaux, malgre.ee
qu on pourroit conjeétarer d’après la nature apparente
de leur chair mucilagineufe & m olle , ne
font point cependant laxatifs, mais que les bouillons
( ) qu’on en prépare le font. On conçoit
encore que çes bouillons, emportant avec un
peu de mucilage toute la partie faline dont .ces animaux
font pénétrés , & qu’ils^tiennent de l^eau de
la mer , peuvent être plus laxatifs que 1 animal
même, qui dans le fait, comme l’expérience journalière
lé prouve , au moins pour les huîtres , produit
peu d excrémens, & fe réduit promptement a
un très-petit, volume. ,,
Hippocrate, dans d’autres cas, attribue la vertu
laxaijve aux parties falines de nos qlimens. En parlant
de la graine , qu’il appelle tft&i&os, ^ & qu®
les interprètes traduisent par cicer, pois chiche, il
<3it que cette graine lâche le ventre , porte aux
urines, & nourrit ; & dans l ’explication qu’il donne
de ces tr’ois propriétés , il dit qu’elle nourrit par fa
chair, porte aux urines par fa partie douce & fucrée,
& qu’ elle lâche le ventre par ta partie faline
(ƒ<« to cscA/uvpoyj. De même en parlant des chairs Talées
, il dit que le fel leur ôte leur humidité nutritive
, mais les rend fort laxatives.
Enfin Hippocrate attribue encore la propriété
laxative à la partie douce & fucrée , ou plutôt
au mucilage favonneux des raifins. En parlant de
cette préparation très-ufitée chez les anciens, qu’il
nomme t , fapa , extrait de vin doux ou le
vin doux évaporé ait tiers ou à la moitié y il dit
ûu’i l eft chaud, qu’il hume&e, & qu’il lâche le
ventre (vtcLyu ). Il eft chaud parce qu’i l vient du
vin; il humeéie par fa partie nutritive ; il lâche
le ventre par fa partie douce ( ®t/ yAvxw ). Mais
ici le mot dont Hippocrate fe fert, préfente
un degré de moins que > & paroît
intermédiaire entre lui & le terme encore plus
foible de vypauu.
Ainfi plufieurs eaufës, füivaut Hippocrate, communiquent
aux alimens la propriété laxative j les
unes font étrangères à la matière nutritive; les
autres dépendent de l ’état dans lequel fe trouve
cette matière ; & c’eft à ce titre qu’on/peut mettre
cette qualité au nombre des propriétés des
alimens.
La propriété contraire, c’ eft-à-dire , la propriété
refferrante, qu’Hippocrate exprime par rar/x»v &
s‘a.<riy.M, eft de même , tantôt dépendante de qualités
étrangères à la fubftance nutritive, tantôt
dépendante de l’état de cette fubftance.
Certaines graines, fuivant Hippocrate, font dans
ce dernier cas , telles que les fèves & quelques
autres légumineufes ^quelques femences émulfives,
comme celle de lin & la graine de pavot, dont les
anciens faifoient un grand ufage : les laits de chèvre
& de brebis , les chairs de boeuf, de lièvre, &c. font
encore mis au rang des alimens refferrans.
Pour les' fubftances d’un goût auftère ou aromatique
, on fent aifément que leur propriété ref-
ferranle doit être attribuée à des parties étrangères
à la fubftance vraiment nutritive, & nous n’en parlerons
pas ici. Nous nous, occuperons moins encore
de celles auxquelles Hippocrate donne la propriété
ftyptiqüe , propriété abfolument médica-
menteufe , & qu’on ne peut aucunement mettre
au nombre des propriétés des alimens.
3°. De ce qu Hippocrate entend par les ex-
prégions '^tp/Àov;, vLavaHl'a, 4UXP®V> chaud , ardent,
& froid dans les fubfiances nutritives.
Une des expreffions les plus communes dans les
auteurs anciens , eft celle de chaud & de froid. Hippocrate
en joint une beaucoup plus forte que
Celle de chaud; c’eft celle de qui fignifie
ardent ou qui brûle. En quoi de pareilles quali-
Mé d e c in e . Tome I,
fications peuvent-elles convenir à des fubftances
alimentaires î
xa.va-wJ'is, ardenu
Nous Commencerons par l ’expreftion qui parolfc
la plus incompatible avec le cara&ère nutritif;,
celle de Kcivo-iûJ'tf, ardent, ou , en me (ervant d’une
expreflioa latine , qui me paroît répondre plus
exactement à l ’expreiïion grecque, cêjluofum. Je
ne confidère pas d’abord cette qualification en tant
qu’Hippocrate la donne aux différentes herbes aromatiques
ou âcres , parce qu’ il eft affez démontré
qu’il ne les regardoit prefque pas comme des a limens
\ mais il la donne au fromage , aux amandes,
& aux fubftances graffes ; il la donne encore à
quelques fruits fucrés ; il la donne aux mélanges
confus de diverfes fortes d'alimens r c’eft-à-dire ,
aux ragoûts.
A l’égard du fromage, voici comme il s’explique.
Après avoir dit que le fromage eft un aliment
fort, qui nourrit beaucoup, & qui eft ardent, eefluo-
fu s y il dit, i l efi ardent parce qu'il efl g ras.. ( xav-
oiïêis êè «ti A<Tapo»),. Æftuofus quia pinguis. Pour
ce qui eft des amandes, Hippocrate dit, les amandes
font ardentes , mais elles nourriffent bien. Elles
font ardentes parce qu’ elles font graffes, xav<r«ê eec
T® A/Tapov, cefluofce propter pinguedinem. I l
en dit autant des noix qu’il appelle rondes, xdpvxr
s'poylvAa. Il donne aufti la même qualité aux gâteaux
faits avec la farine de froment, le miel &
l ’huile cuits ou grillés enfemble ; & la raifon qu’il
en donne , c’eft: qu’ils font gras & doux, qu’ils contiennent
des parties de nature différente, & dont
la coélion ne peut pas s’opérer d’une façon uniforme*
( À m tp a , 7-Aimg a , ou ^VftÇopaaAA«Aoif, ou tmî avrns x a r e - 4 «<nof êtlptia.) Enfin il dit des chairs mêlées de graiffe
qu’elles font ardentes, ( Ta « râ r«v xptSv x.ccviraJ'ta.j.
I l reconnoîtdonc qu’une des caufes les plus générales
de cette propriété dans les alimens eft la fubftance
graffe, foitconfédérée dans la graiffe animale ,
foit confédérée dans'le beurre, foit enfin dans l ’huile
douce des végétaux & des femences émulfives. Les
figues sèches font encore mifes au rang des alimens ar-
dens (rà Isipcio-uxttxauo-wéW. Ces figues en effet, gardées
après la defficcation , contiennent une fubftance
fucrée unie à un mucilage, dont l’huile développée
par la chaleur qui les a defféchées , prend un nouveau
degré d’âcreté par le féjour. Hippocrate , en divifant
les grenades en trois efpèces, les grenades douces, les
grenades vineufes, & les grenades acides, dit des grenades
douces & fucrées, quelles ont quelque chofe
(Tardent (Kavo-aêts /è n îx«)' N °us ne connoiffons
pas ici cette diftin&ion des grenades, & nous ne pouvons
pas juger de leur différence ; mais il en réfulte
que le mucilage fucré e ft, fuivant Hippocrate ,
fufceptible de prendre le degré d’âcreté qui le rend
ardent r xavera^tf. Enfin, en parlant des mélanges
dont on forme les ragoûts, Hippocrate d it, pour
les mets préparés par des mélanges de fubfiances
confondues & triturées enfemble ( Toî-m vvorplf^-
[i.x<rn rxîvo^o'/^»*. ) , ils fon t humides & ardens ;