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mens auxquels on fe reftreint conviennent d’ailleurs
au tempérament de celui qui doit en ufer ,
i l fera toujours vrai de dire que toute efpèce
5 abjlinence aura l’avantage , en ramenant à un
genre de nourriture plus fimple , plus uniforme, &
moins varié, de fournir des fucs plus homogènes,
une matière nutritive plus égale , qui par confé-
quent fera mieux ailimiiée, & de rappeler l’homme
à l ’ordre naturel, à fon état originaire, & à une
fobriété précieufe, rarement compatible avec la
grande variété des mets, inventée par la fenfua-
lité, & la gourmândife. Voye\ Sobrié té , R é gime
, Diè t e . ( M . Halle. )
A bstinence de laboijjon dans Vhydropijîe.
Quoique l’hydropifie foit ordinairement une maladie
très-grave & très-compliquée , c’eft: cependant
celle où l ’on fe' permet le plus d’ uniformité dans le
traitement.
La furabondance, l ’épanchement des eaux & l ’atonie
de la fibre étant les fymptômes les plus ordinaires
de cette maladie , il n’eft pas étonnant, en
ne raifonnant que d’après l ’apparence , que Yabf-
tinence abfolue ou partielle de la boiflon ait paru
devoir fuffire & remplir complètement toutes les
indications.
Cette méthode, très-ancienne , eft d’autant plus
féduifante , qu’il s’eft quelquefois opéré, par fon
moyen , des guérifons préfque miraculeufes. C ’eft
d’après quelques-uns de ces brillans fiiccès qu’on
l ’a jugée convenable au traitement de toutes les
hydropifies , Un peu trop légèrement fans doute,
6 qu’on a trouvé plus facile de regarder comme
incurables celles où elle ne réuflîfloit pas, que de
chercher à approfondir les caufes de fon infuffi-
fance. Mais fi on avoit voulu réfléchir un inftantfur
les efpèces d’hydropifîes qui ont cédé au régime
fec & à Yabjîinence de la boiflon , on auroit vu
qu’elles étoient toutes du nombre de celles que
l ’on regarde avec raifon comme fimples , & qui
ne reconnoiflent pour caufe que l ’excédant du l i quide
aqueux, & la diftenfion proportionnelle &
quelquefois exceflîve des folides, fouvent occafîon-
née par la laxité originelle de la fibre, & le défaut
de proportion ou d’aflimilation dans les liquides.
Une boiflon aqueufe & exceflîve , une tranfpi-
ration arrêtée , une abforption extraordinaire de
l ’humidité atmofphérique, ou l ’expofitipn du corps
à des vapeurs mai - faifantes , fuffifent auflî quelquefois
pour produire les mêmes effets , pour déterminer
des épanchemens dans des cavités, pu la
ftagnation des eaux dans le tiflu cellulaire & graifi
feux, & conféquemment des hydropifies de tous
les genres , mais fans aucune léfion préalable
.des vi(çères , & fans aucun embarras dans la circulation
qui les ait précédées. Il eft raifonnable alors
de penfer, qu’un régime fec , Yabjîinence de la
boiflon , que des remèdes apéritifs & fupérieure-
njgnt topiques, doivent concourir à procurer l ’éy'a-
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cuation des eaux par tous les couloirs, ou, en les
delféchant, rendre le ton aux folides diftendus ,
ranimer la nature.opprimée par leur collection , &
rétablir infenfiblement l ’équilibre entre les folides
& les fluides, qui fait la bafe de la fanté.
Mais toutes les fois que l ’hydropifie fera le produit
des engorgemens & des obftruétions dans les
principaux vlfcères , quand les pbftruétions opéreront
une compreflion fenfible fur les vaifleaux fan-
guins , qu’i l en réfultera de la gêne & de l ’embarras
dans la circulation , la défunion des parties conf-
titutionnelles de nos liqueurs , & la feparation des
fluides, & la ftafe de celles qui font les plus épaifles ;
alors on comprend qu’avant de procurer l’évacuation
de celles qui font raflemblées dans quelques
cellules ou cavités , il faut travailler à réfoudre les
obftruétions, à rétablir toutes les fécrétions , à les
rendre uniformes & faciles ; fans quoi c’eft s’attacher
à combattre une hydre toujours renaiflante , & s’ex-
pofer à voir fucceflïvement fe reproduire les mêmes
fymptômes qu’on avoit crus détruits. C’eft cependant
tout ce qu’on peut attendre , dans ce cas , du
régime fec, de Yabjîinence de la boiflon , & de
l ’adminiftration des purgatifs hydragogues. Cés remèdes
ont en outre la malheureufe propriété d’augmenter
les douleurs & les angoifles -desthydropiques,
qui ne refpirent ordinairement qu’après la boiflon ,
& qui la défirent avec une ardeur qui tient, i l eft
vrai, quelquefois de l ’excès.
Il eft rare cependant que la foif foit extrême
dans les hydropifies par fimple relâchement, quand
les fujets font bien conftitués ; mais quoique ce
foit le cas où l ’on puifle confeiller Y abjlinence de
la boiflon , on peut cependant aflurer que les hydropifies
de ce genre peuvent fe guérir auflî parfaitement
& même plus sûrement, en laiflant aux
malades la liberté de boire à leur foif, & en leur
preferivant la boiflon qui convient le mieux à leur
état.
Les eaux minérales , aérées , ferrugineufes , le
vin blanc bien trempé , les infufîons de plantes
légèrement aromatiques, réuflïflent aflez conftam-
ment dans ce cas j & cette méthode a des avantages
marqués fur celle qui tend â détruire les hydropifies
par exficcation. Les médecins femblent aujourd’hui
avoir tous adopté ces principes, qui font
confirmés d’ailleurs par 1 expérience la plus repétée ;
& i l n’y-a que l ’entêtement qui puifle retenir encore
quelques-uns dans l ’opinion contraire : ce qui fert
a prouver combien les vieilles erreurs font difficiles
à détruire. Pour le furplus de cette doCtrine , voye%
H ydropisie. ( M. de Horne. )
A b s t i n e n c e , Médecine légale. Abjlinence
( Médecine ). La privation des alimens , qu’on entend
par ce mot, eft foumife , en Médecine, à
des règles trop importantes pour ne pas les expofer
dans cet ouvrage.
L e mot abjlinence , dans lé feus des médecins,
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lignifie la privation des alimens fucculens ou trop
nourri flans , auxquels on en fubftitue d’autres qui
le font beaucoup moins. \Jabjlinence , qui conf-
titue une partie du régime de vivre, eft l ’un des
premiers moyens employés contre les différentes
maladies aiguës & chroniques. Celfe en a vanté
l ’extrême utilité ; & le témoignage de prefque tous
les médecins des différens temps s’accorde a le confirmer.
Cette pratique , univerfellèment adoptée ,
à malheureufement dégénéré en routine : on a
fouvent négligé d’éclaircir le but de l ’inftitution ;
& les médecins eux-mêmes , trop parefleux ou
trop peu obfervateurs, ont dédaigné de defeendre
dans des détails qui leur paroiflbient trop peu
importans. La néceflité de Y abjlinence eft devenue
une efpèce d’axiome qu’il feroit dangereux d’attaquer
; i l n’eft point de barbier ou de garde - malade
qui ne fe crût aflùré de le foutenir contre
les plus fortes démonftrations. Je n’ai garde de
eontefter l’utilité du moyen dont je parle; mais
c’eft contre l ’abus que je m’élève. Ramenons ce
principe aux vues qui le firent imaginer ; & puif-
que les autorités ont tant d’empire fur les opinions,
oppofons à l’opinion commune la plus refpe&able
des autorités en Médecine.
Hippocrate prelcrivoit Yabjîinence dans quelques
maladies où dans certains de leurs temps ; mais il
mettoit autant d’attention à choifir le moment où il
falloit l ’admettre ou l ’exclure qu’à choifir l ’inftant
où il falloit appliquer un médicament décifif; il
expliquoit l’efpèce d’aliment qu’il falloit admettre,
félon l ’état & l ’habitude du malade, l’efpèce &
le temps de la maladie : il n’étoit point-réduit à
là pitoyable coutume de n’avoir qu’une feule formule
de régime, applicable à tous les tempéra-
méns, à-tous les goûts , à toutes les maladies.
Il fa voit combien il importe de ne pas exténuer
des forces à peine fuffifantes contre le mal : &
fon grand art confiftoit principalement à déterminer
les cas où les' forces pourvoient fe fuffire fans nourriture',
& ceux où elles en exigeoierit.
Parcourons fes aphorifmes. 'Tenues & exacli
inclus & in lôngis femper affecïionibus, & in
acutis ubi non expedlt, periculofi funt. In tenui
viclu delinquentes ce g rotantes magis Iceduntur.
Omne enim delictum quod committi poterit 9
magis magnum committïtur in tenui quàm ih
paulo pleniore viclu . . . Ubi igitür peracutus
ejl morbus , Jlatim etiam extremos labores ha~
bet & extremè tenuiffîmo viclu necejje eft . . .
Cùm in vigore fuerit morbus , tune tenuifjimo
viélu uti neceffe ejl. Senes faeilimè jejunium fe~
Tunt , deindè cetate conjijlentes , minimé ado-
lefcentes. Omnium verô minimé pueri . 0- . E t
quibus femel, aut bis , aut plus , aut minus ,
& ex parte exhibere oportet conjiderandum e ft ,
dandum veto etiam aliquid ejl tempori, & re-
gioni, & cetati , & confie tudini . . . . Paulo
détériorée potus & ci bu s, yerum jucündîor melio-
ri^us quidem féd ihjucwidioribus proeferendus 'ejl,
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Je tranferirois une partie des ouvrages de ce père
de la Médecine , fi je voulois rapporter tout ce
qu’ils contiennent de relatif à cet objet.
On eft furpris de trouver le contrafte le plus
frappant entre ces préceptes & la méthode de la plupart
des modernes. Le premier foin d’un médecin
auprès d’un malade eft de preferire un régime fé-
vère, qui doit être le même jufqu’à la fin de la
maladie. On s’informe rarement de fes habitudes ,
de fes goûts, ou de fes befoins, dans la vue de
modifier le plan du régime ; ' on infifte fur la nç~
ceffité d’exécuter ponctuellement tout ce qu’on a
ordonné ; & les inftances les plus vives d’un malade
qui s’épuife , obtiennent à peine la révocation
dç cet arrêt. Tant qu’un mouvement de fièvre fe
fait appercevoir, le médecin, dont l’attention n’eft
pas toujours exceflîve, l ’attribue à un refte de mal
que la diète & les remèdes n’ont pas ^fompté.
Mais il eft une fièvre de çonvalefcence ou de langueur
, qui fuit les maladies un peu longues, &
que l’ufage feul des alimens modérés peut diflîper.
C’eft principalement dans les hôpitaux & autres
lieux publics qu’on voit une foule de ces viéfimes
infènfiblement confirmées par la rigueur d’une
abjlinence déplacée : elles n’y ont point la ref-
'fource d’être entourées de gardes ou de parens com-
plaifans qui veuillent les contenter à l'infcu du médecin.
Les hommes qui fe portent le mieux ne fup-
portent qu’avec peine des-changemens trop fubits
dans la manière de vivre. O fera - t - on prétendre
que cet effet n’a point lieu dans les maladies? . ;
Il en eft qui ne font qu’un feul repas par jour,
d’autres en font deux , trois fuffifent à peine à la-
voracité de quelques autres, & la fuppreflîon d’un
feul repas les réduit aux angoifles. On fait encore
combien l’habitude rend le manger indifpenfable
à certaines heures marquées. Un fentiment de faim ,
identifié, pour ainfî dire, avec nous-mêmes, nous
avertit de ce befoin , & ce n ’eft qu’ en fouffrant
qu’on parvient à l ’éluder. Écoutons notre oracle.
Oportet aittem & ex fanorum adhuc hominum
viclu y quee conférant addifeere. S i enim fa n is
taies vel taies viclus magnopere inter fe differre
videntur , cicrn in aliis quibufdam, tum in mu-
tationibus-; quomodà & in morbis, maximèque
in acütijfimis, non tnulmm different ? A tqui
quod Jimplex viclus cibi & potû.s Jiii femper
Jimilis ad fanitatem tutior . omnino f i t , quàm
f i quis fubito ad alium meîiorem magnam muta-
tionem fae iat , fa c ile addifeitur qüandoquidem
tum bis die y tum femel cibum adfumentibus re-
pentinoe mutatïones damna & morbos invehunt,
& fané qui prandere non confueverunt, f i pran-
deant, ob idJlatim injirmos ejfici & t,o,to cor port
graves , & imbecilles , & ignavos-, &c , &c. Hip.
de vi£t. rat. in acut.
I l faudroit même , pour fe conformer aux vues
faines de ce' père des obfervateurs , choifir par préférence
l’heure ordinaire dès repas, pour donner